B. UN ÉCHANGE DE NOTES DESTINÉ À LEVER LES DIFFICULTÉS D'ORDRE CONSTITUTIONNEL

Comme votre rapporteur l'a précédemment signalé, le paragraphe 3.b de l'article 19 de la convention soulève des difficultés d'ordre constitutionnel, dès lors qu'il prévoit la possibilité pour des agents des douanes néerlandaises agissant dans le cadre d'une poursuite au-delà des frontières de procéder à une interpellation temporaire sur le territoire français , en l'attente de l'arrivée des autorités françaises compétentes.

La question du droit d'interpellation d'un agent étranger sur le territoire français dans le cadre d'une poursuite transfrontalière a été très directement posée lors de l'approbation par la France de la convention d'application de l'accord de Schengen .

L'article 41 de la convention d'application de l'accord de Schengen laisse à chaque Etat la faculté d'accorder ou de ne pas accorder le droit d'interpellation aux agents d'un Etat tiers opérant la poursuite. La France a alors déposé une déclaration indiquant qu'elle n'accordait pas ce droit , les agents de police étrangers ne pouvant donc arrêter eux-mêmes la personne poursuivie. Elle a alors précisé qu'elle fondait ce choix sur le respect de la souveraineté nationale et des garanties judiciaires.

Dans sa décision n° 91-294 DC du 25 juillet 1991, le Conseil constitutionnel s'est référé à cette déclaration pour estimer qu'en raison des modalités d'exercice retenues par la France, notamment l'absence du droit d'interpellation, la procédure de poursuite transfrontalière ne procédait pas à un transfert de souveraineté.

Le paragraphe 3.b de la convention franco-néerlandaise du 11 janvier 2002 est directement inspiré du paragraphe 2 de l' article 20 de la convention « Naples II » du 18 décembre 1997 adoptée dans le cadre de l'Union européenne. Cet article 20 relatif aux poursuites au-delà des frontières comporte néanmoins un paragraphe 6 précisant que chaque Etat membre effectue une déclaration définissant les modalités d'exercice de la poursuite sur son territoire, ainsi qu'un paragraphe 8 permettant à chaque Etat membre, lors du dépôt de son instrument d'adoption, de déclarer qu'il n'est pas lié par tout ou partie de l'article 20. La France a alors expressément déclaré que les agents étrangers exerçant le droit de poursuite sur le territoire de la République française ne disposeraient pas d'un droit d'interpellation .

On peut légitimement s'étonner que la convention franco-néerlandaise ait pu prévoir la possibilité d'un droit d'interpellation des agents néerlandais en territoire français, alors qu'une position de principe excluant cette possibilité avait été prise par la France, pour des raisons d'ordre constitutionnel, dans le cadre de la convention d'application de l'accord de Schengen et de la convention « Naples II ».

Sollicité par le ministère des Affaires étrangères sur le point de savoir si « la possibilité pour des autorités publiques étrangères (policières ou douanières à titre principal) qui poursuivent sur le territoire français des personnes prises dans leur pays d'origine en flagrant délit de commission d'une infraction déterminée, de procéder à leur interpellation en vue de les présenter devant les autorités françaises compétentes aux fins d'établissement de leur identité ou de leur arrestation selon les règles du droit français » portait « atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale », le Conseil d'Etat , dans l'avis n°370.452 rendu le 25 novembre 2004, a pris la position suivante :

« En application du principe de valeur constitutionnelle selon lequel la défense de l'ordre public et la protection des libertés relèvent des seules autorités nationales, un acte de police, dès lors qu'il implique l'usage de la contrainte et qu'il est susceptible de conduire à une privation de liberté, ressortit à l'exercice des conditions essentielles de la souveraineté nationale. Il ne peut donc, en principe, être exécuté que par une autorité publique française ou sous son contrôle.

« L'acte d'interpellation intervenant dans le cadre d'une poursuite transfrontalière pour un flagrant délit commis dans un Etat étranger est un acte de police qui implique l'usage de la contrainte et porte atteinte à la liberté individuelle. Il ne peut être accompli que par des services français ou sous leur contrôle.

« La reconnaissance par la France aux agents étrangers , conformément à l'option offerte par la convention d'application de l'accord de Schengen, d'un droit d'interpellation sur le territoire français , compte tenu de la décision du Conseil constitutionnel et des motifs qui précèdent, ne saurait intervenir qu'après une révision de la Constitution permettant aux autorités françaises de consentir à un tel transfert de compétence .

« Les observations qui précèdent s'appliquent à la convention relative à l'assistance mutuelle et à la coopération entre les administrations douanières du 18 décembre 1997 (dite Naples II), dès lors que l'article 20 de cette convention, relatif au droit de poursuite transfrontalière, reprend en des termes similaires les dispositions de l'article 41 de la convention d'application de l'accord de Schengen et que la France, dans une déclaration, a choisi de ne pas accorder à l'agent poursuivant le droit d'interpellation. »

L'avis du Conseil d'Etat établit donc clairement que la convention franco-néerlandaise du 11 janvier 2002 ne peut être ratifiée en l'état, puisque le paragraphe 3.b de son article 19 n'est pas compatible avec la Constitution française.

Bien qu'ayant pour leur part déjà procédé à la ratification, les Pays-Bas ont accepté le principe d'un échange de notes visant à ne pas mettre en oeuvre les dispositions concernées de l'article 19.

Cet échange de notes a eu lieu les 4 et 18 novembre 2008.

Dans sa note du 4 novembre 2008, le ministère des affaires étrangères et européennes propose que la convention soit complétée par les dispositions suivantes :

« Les parties conviennent que la stipulation du paragraphe 3.b de l'article 19, et, par voie de conséquence, celle du paragraphe 5.f, ne prendront effet qu'à la date à laquelle la partie française aura adressé une notification en ce sens à la partie néerlandaise, qui en accusera réception ».

Dans sa réponse du 18 novembre 2008, l'Ambassade des Pays-Bas indique que cette proposition a recueilli l'approbation des autorités néerlandaises, l'échange de notes constituant un accord bilatéral d'application de la convention.

L'échange de notes des 4 et 18 novembre 2008 est joint à la convention du 11 janvier 2002 dans le présent projet de loi d'approbation.

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