N° 41

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011

Enregistré à la Présidence du Sénat le 13 octobre 2010

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi organique de M. Jean-Pierre BEL et les membres du groupe socialiste et apparentés visant à interdire le cumul du mandat de parlementaire avec l' exercice d'une fonction exécutive locale ,

Par M. Patrice GÉLARD,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Jacques Hyest , président ; M. Nicolas Alfonsi, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Patrice Gélard, Jean-René Lecerf, Jean-Claude Peyronnet, Jean-Pierre Sueur, Mme Catherine Troendle, M. François Zocchetto , vice-présidents ; MM. Laurent Béteille, Christian Cointat, Charles Gautier, Jacques Mahéas , secrétaires ; M. Alain Anziani, Mmes Éliane Assassi, Nicole Bonnefoy, Alima Boumediene-Thiery, MM. Elie Brun, François-Noël Buffet, Gérard Collomb, Pierre-Yves Collombat, Jean-Patrick Courtois, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, M. Yves Détraigne, Mme Anne-Marie Escoffier, MM. Pierre Fauchon, Louis-Constant Fleming, Gaston Flosse, Christophe-André Frassa, Bernard Frimat, René Garrec, Jean-Claude Gaudin, Mmes Jacqueline Gourault, Virginie Klès, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Jacques Mézard, Jean-Pierre Michel, François Pillet, Hugues Portelli, Bernard Saugey, Simon Sutour, Richard Tuheiava, Alex Türk, Jean-Pierre Vial, Jean-Paul Virapoullé, Richard Yung.

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

697 (2009-2010)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Réunie le mercredi 13 octobre 2010 sous la présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président , la commission des lois a procédé, sur le rapport de M. Patrice Gélard, à l'examen de la proposition de loi organique n° 697 (2009-2010) présentée par M. Jean-Pierre Bel et plusieurs de ses collègues, et visant à interdire le cumul du mandat de parlementaire avec l'exercice d'une fonction exécutive locale.

Indiquant que le présent texte visait à mettre en oeuvre une réforme qui avait été proposée par le gouvernement de M. Lionel Jospin, mais que le Sénat avait repoussée lors des débats sur la loi organique du 5 avril 2000, M. Patrice Gélard, rapporteur , a noté que les parlementaires étaient déjà soumis à un régime d'incompatibilités qui leur interdisait de cumuler leur mandat national avec plus d'un mandat local, seules étant exclues du champ de ce dispositif les communes de moins de 3 500 habitants. Il a en outre rappelé que la législation actuellement en vigueur interdisait aux élus locaux d'exercer plus d'une présidence de collectivité territoriale.

Ayant souligné que la proposition de loi organique soulevait des problèmes importants dont le Parlement devrait, à terme, se saisir, M. Patrice Gélard, rapporteur , a fait valoir que le présent texte ne développait qu'une approche partielle, sectorielle de la question des incompatibilités, ce qu'il a déploré. En outre, il a observé que le législateur, avant de se prononcer sur ce sujet complexe, devait connaître les caractéristiques exactes des mandats concernés. À cet égard, il a estimé que les réflexions sur le non-cumul ne pouvaient pas être séparées de la réforme des collectivités territoriales, qui crée les conseillers territoriaux et rénove en profondeur le statut des délégués communautaires. En conséquence, il a affirmé qu'une éventuelle extension de la législation limitant le cumul des mandats devrait être discutée dans ce cadre, et plus particulièrement au moment de l'examen des projets de loi électoraux accompagnant la réforme des collectivités territoriales, et non dans un texte à part.

En conséquence, la commission a décidé, à ce stade, de ne pas établir de texte et de déposer une motion tendant au renvoi en commission de la présente proposition de loi .

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est saisi de la proposition de loi organique n° 697 (2009-2010) visant à interdire le cumul du mandat de parlementaire avec l'exercice d'une fonction exécutive locale , présentée par notre collègue Jean-Pierre Bel et les membres du groupe socialiste et apparentés et inscrite en séance publique dans le cadre de l'ordre du jour réservé aux groupes d'opposition et minoritaires en application de l'article 29 bis de notre Règlement.

Une proposition de loi organique rédigée dans les mêmes termes a été déposée à l'Assemblée nationale par M. Jean-Marc Ayrault et de plusieurs de ses collègues et sera examinée le 14 octobre par les députés.

Le texte soumis au Parlement vise à prohiber l'exercice simultané d'un mandat au Sénat ou à l'Assemblée nationale, et d'une fonction exécutive (président ou membre du bureau) au sein d'une commune, d'un établissement public de coopération intercommunale, d'un département ou d'une région : il s'agit donc de mettre en oeuvre une réforme similaire à celle qui avait été proposée par le gouvernement de M. Lionel Jospin, avant d'être rejetée par la Haute Assemblée lors des débats sur la loi organique du 5 avril 2000.

En effet, suivant le rapport du président Jacques Larché, le Sénat avait alors considéré que le législateur organique, en interdisant aux élus de cumuler un mandat parlementaire avec la présidence d'une collectivité territoriale, ne ferait que priver les membres des deux Assemblées d'un lien fort avec le « terrain » sans pour autant endiguer les maux qui affectent le Parlement (à savoir l'absentéisme parlementaire et la « technocratisation » 1 ( * ) du travail législatif). La Haute Assemblée avait donc estimé que le cumul des mandats n'était pas la seule source des critiques adressées par les citoyens à ceux qui les représentent dans les instances locales et nationales, et que l'impératif de modernisation et de renforcement de la transparence de la vie politique, s'il pouvait être atteint par un durcissement du régime d'incompatibilités applicable aux élus, reposait également sur d'autres leviers, comme la rénovation du statut de l'élu.

La question posée par la présente proposition de loi organique est donc celle de la nature du cumul des mandats , qui peut être perçu soit comme un facteur de destruction de la vie démocratique, qui empêche les élus d'exercer pleinement les fonctions qui leur ont été confiées par les citoyens, soit comme un outil qui, s'il est maintenu dans des limites raisonnables, permet aux élus d'être aux prises à la fois avec l'intérêt général et avec les réalités locales, et donc de mieux servir leurs concitoyens.

Elle soulève également la question de la pérennité ou de la remise en cause des positions adoptées par le Sénat qui avait considéré, en 2000, que les fonctions exécutives étaient un aboutissement du mandat , et non un alourdissement de ce dernier, et qui avait donc refusé de prohiber le cumul entre le mandat de parlementaire et l'exercice de fonctions exécutives locales.

I. L'EXTENSION CONTINUE DES RÈGLES LIMITANT LE CUMUL DES MANDATS

A. LA LIMITATION PROGRESSIVE DU CUMUL DES MANDATS AU COURS DES ANNÉES 1980 ET 1990

Le législateur a initié, dès les lois du 30 décembre 1985 2 ( * ) tendant à la limitation du cumul des mandats électoraux et des fonctions électives, une démarche d'encadrement du cumul des mandats.

Votre rapporteur tient à souligner l'importance de ces lois qui fixent, dès l'origine de la législation « anti-cumul », deux principes fondateurs qui dirigent aujourd'hui encore les règles en vigueur en matière d'incompatibilités entre mandats, et qui peuvent être résumés par les formules suivantes : « un mandat national et un mandat local » et « un homme, deux mandats ».

1. Le régime applicable aux parlementaires : un mandat national et un mandat local

Tout d'abord, en ce qui concerne les parlementaires , la loi organique du 30 décembre 1985 interdit aux députés et aux sénateurs d'exercer, en plus de leur mandat au Parlement, plus de l'un des mandats énumérés ci-après :

- représentant à l'Assemblée des communautés européennes 3 ( * ) ;

- conseiller régional ;

- conseiller général ;

- conseiller de Paris ;

- maire d'une commune de 20 000 habitants ou plus, autre que Paris ;

- adjoint au maire d'une commune de 100 000 habitants ou plus, à l'exception de Paris.

Un délai d'option de quinze jours est prévu pour permettre à l'élu de résoudre l'incompatibilité en renonçant au mandat de son choix .

En l'absence d'option dans ce délai, deux procédures distinctes de résolution des incompatibilités sont fixées :

- si l'incompatibilité apparaît après que le parlementaire a été élu au Sénat ou à l'Assemblée nationale, le mandat acquis à la date la plus récente « prend fin de plein droit » ;

- à l'inverse, si le mandat à l'origine de la situation d'incompatibilité a été acquis antérieurement à l'élection au Parlement, le député ou le sénateur est déclaré démissionnaire d'office par le Conseil constitutionnel , saisi par le garde des Sceaux ou par le bureau de l'assemblée concernée.

Ce dispositif contraignant est rapidement complété par un mécanisme de limitation du cumul des indemnités, à vocation dissuasive : la loi organique du 25 février 1992 4 ( * ) plafonne ainsi le montant des indemnités pouvant être allouées aux parlementaires titulaires de mandats locaux, qui ne peut désormais excéder un montant égal à une fois et demi le montant de l'indemnité parlementaire 5 ( * ) .


* 1 Cette expression avait été employée par M. Bernard Roman, rapporteur des lois du 5 avril 2000 et président de la commission des lois de l'Assemblée nationale.

* 2 Loi organique n° 85-1405 pour les parlementaires, et loi n° 85-1406 pour les élus locaux.

* 3 L'incompatibilité entre le mandat de parlementaire et celui de membre du Parlement européen n'est devenue absolue qu'avec les lois du 5 avril 2000.

* 4 Loi organique n° 92-175 du 25 février 1992 modifiant l'ordonnance n° 58-1210 du 13 décembre 1958 portant loi organique relative à l'indemnité des membres du Parlement.

* 5 Ce plafond correspond, en 2010, à environ 8 272 euros.

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