ARTICLE 8 - Norme annuelle d'évolution des dépenses de sécurité sociale

Commentaire : le présent article propose d'instaurer une norme annuelle d'évolution de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie et des dépenses du régime général de sécurité sociale (l'Assemblée nationale ayant élargi cette dernière norme aux régimes obligatoires de base).

I. LE DROIT EXISTANT

A. DES DÉPENSES QUI FONT DÉJÀ L'OBJET D'UNE PROGRAMMATION PLURIANNUELLE

L'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) et les dépenses du régime général de sécurité sociale font d'ores et déjà l'objet d'une programmation pluriannuelle.

1. Depuis 2006, une programmation pluriannuelle en annexe aux lois de financement de la sécurité sociale

a) Une avancée de la LOLFSS

Ainsi, l'article LO 111-4 du code de la sécurité sociale, inséré par la loi organique n° 2005-881 du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, prévoit :

« Le projet de loi de financement de la sécurité sociale de l'année est accompagné d'un rapport décrivant les prévisions de recettes et les objectifs de dépenses par branche des régimes obligatoires de base et du régime général, les prévisions de recettes et de dépenses des organismes concourant au financement de ces régimes ainsi que l'objectif national de dépenses d'assurance maladie pour les quatre années à venir. Ces prévisions sont établies de manière cohérente avec les perspectives d'évolution des recettes, des dépenses et du solde de l'ensemble des administrations publiques présentées dans le rapport joint au projet de loi de finances de l'année en application de l'article 50 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances. »

On rappelle que l'ONDAM est défini depuis 1997 par les lois de financement de la sécurité sociale, instaurées par la loi organique n° 96-646 du 22 juillet 1996 relative aux lois de financement de la sécurité sociale. Cependant, celles-ci n'étaient pas alors accompagnées d'une programmation pluriannuelle.

b) Une programmation de l'ONDAM exprimée d'une manière qui la prive de toute portée pratique

Les lois de financement de la sécurité sociale ne programment pas l'ONDAM et les dépenses du régime général de la même manière :

- l'ONDAM est défini par un taux d'évolution moyen sur une période triennale (sauf peut-être dans le cas de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, ambiguë à ce sujet) ;

- les dépenses du régime général le sont quant à elles par un montant en milliards d'euros, exprimé pour chaque année de la programmation.

Il en découle tout d'abord que les dérapages des dépenses du régime général sont plus visibles. Par exemple, un fort dépassement du taux de croissance de l'ONDAM en début de période, suivi d'un taux de croissance de l'ONDAM analogue aux prévisions, pourrait donner l'impression que la programmation est à peu près respectée, alors que tel ne serait pas le cas en pratique.

Surtout, le fait que la programmation de l'ONDAM soit exprimée en moyenne sur une période triennale la prive de toute portée pratique. En effet, une programmation n'a d'utilité que si elle permet un pilotage de la dépense. Tel n'est manifestement pas le cas d'une règle dont on ne peut, par définition, évaluer le respect qu'à l'expiration de la période de programmation.

2. Depuis la fin des années 1990, une programmation a minima de l'ONDAM dans le cadre des programmes de stabilité

L'ONDAM fait en outre l'objet d'une programmation pluriannuelle, également exprimée sous la forme d'un taux de croissance moyen sur une période (et donc sans utilité pratique), dans les programmes de stabilité transmis à la Commission européenne depuis la fin des années 1990.

Contrairement à ce qui est le cas pour les programmations associées aux lois de financement de la sécurité sociale, les programmes de stabilité expriment généralement la croissance de l'ONDAM en volume (comme celle des autres dépenses publiques).

B. UNE EXÉCUTION PLUS SATISFAISANTE DEPUIS LE MILIEU DES ANNÉES 2000

1. L'ONDAM : une programmation davantage respectée depuis le milieu des années 2000

L'ONDAM est, par nature, plus difficile à prévoir et à contrôler que les dépenses de retraite ou les prestations familiales. Aussi observe-t-on un écart plus important entre la programmation et l'exécution dans le cas de l'ONDAM que dans celui de l'ensemble des dépenses du régime général.

Dans le cas de l'ONDAM, les lois de financement de la sécurité sociale pour 2006 et 2007 ont programmé une croissance peu volontariste de l'ordre de 4 % par an en valeur. Depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, cet objectif est sans cesse revu à la baisse, passant de 3,6 % dans la programmation associée à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 à 3,3 %, puis 3 % dans celles associées aux lois de financement de la sécurité sociale pour 2009 et 2010. Depuis 2006, la réalisation moyenne est de 3,6 % (soit environ 2 % en volume), ce qui correspond au taux de croissance moyen de la dépense publique, et représente déjà un effort considérable. Les prochaines années montreront si cet objectif très volontariste pourra ou non être atteint.

L'ONDAM : programmation (sur la base des lois de financement de la sécurité sociale, en valeur ) et exécution

(croissance en valeur en %)

Le taux de croissance des programmations est le taux de croissance moyen sur la période.

Sources : lois de financement de la sécurité sociale, commission des comptes de la sécurité sociale

Les programmes de stabilité comprennent depuis plus longtemps une programmation de l'ONDAM, qui on l'a vu présente la particularité d'être définie en volume , également en moyenne sur une période.

Cette rétrospective sur une période plus longue permet de mettre en évidence un net ralentissement depuis le milieu des années 2000. En effet, si la croissance de l'ONDAM en volume était alors de près de 3,5 % par an en moyenne, il n'est plus depuis que d'environ 2 % par an, comme on l'a indiqué ci-avant.

L'ONDAM : programmation (sur la base des programmes de stabilité, en volume ) et exécution

(croissance en volume %)

Le taux de croissance des programmations est le taux de croissance moyen sur la période.

Sources : lois de financement de la sécurité sociale, commission des comptes de la sécurité sociale

2. Les dépenses du régime général : une programmation plus récente mais par nature mieux respectée

La programmation des dépenses du régime général est on l'a vu exprimée en milliards d'euros et par année, ce qui présente l'intérêt - non négligeable pour une programmation - de faire clairement apparaître l'écart en niveau par rapport au montant initialement programmé, et donc de permettre un pilotage annuel.

Après un dérapage en 2006, en partie compensé en 2007, les dépenses évoluent à peu près conformément à la programmation, comme le montre le graphique ci-après.

Les dépenses du régime général : prévision et exécution

(en milliards d'euros)

Sources : lois de financement de la sécurité sociale

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A. LA DÉFINITION DE PLAFONDS DE DÉPENSES POUR LE RÉGIME GÉNÉRAL, MAIS AUSSI (CE QUI EST NOUVEAU) POUR L'ONDAM

Sous sa forme initiale, le présent article proposait (dans ses I et II) de programmer l'ONDAM et les dépenses du régime général, en milliards d'euros courants, et pour chaque année de la programmation, conformément au tableau ci-après.

La programmation des dépenses sociales proposée par le présent article

(en milliards d'euros)

2010

2011

2012

2013

2014

Dépenses du régime général

316,5

327,6

337,9

349,3

360,5

ONDAM

162,4

167,1

171,8

176,6

181,6

B. LA MISE EN RÉSERVE D'UNE PARTIE DES DOTATIONS DE L'ONDAM (COMME EN 2010)

Le III du présent article prévoit quant à lui que « pour garantir le respect des montants fixés au II, une partie des dotations relevant de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie est mise en réserve au début de chaque exercice ».

Ainsi, l'annexe B au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 prévoit « l'instauration de mécanismes systématiques de mise en réserve en début d'année des dotations s'apparentant à des crédits budgétaires, les décisions de dégel total ou partiel, ou d'annulation, étant prises en cours d'année par le comité de pilotage ».

Il ne s'agit pas d'une nouveauté. En effet, une telle mise en réserve a déjà été effectuée en 2010. L'annexe B précitée précise que « cette mesure a été appliquée par anticipation dès cette année afin d'assurer le respect de l'ONDAM 2010 : plus de 500 millions d'euros de crédits ont été mis en réserve à cet effet et il est prévu une mise en réserve de 530 millions d'euros de crédits en 2011 ».

En pratique cette mise en réserve ne peut avoir qu'un effet modeste. En effet, les sommes en jeu correspondent à seulement 0,3 % de l'ONDAM (167 milliards d'euros en 2011).

C. L'ARTICLE 13 PRÉVOIT QUE LE GOUVERNEMENT PRÉSENTE LES MODALITÉS D'APPLICATION DES II ET III DU PRÉSENT ARTICLE AU PLUS TARD LE 15 OCTOBRE

Selon le II de l'article 13, « le Gouvernement présente chaque année au Parlement, au plus tard le 15 octobre, les modalités de mise en oeuvre des II et III de l'article 8 ».

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A l'initiative de nos collègues députés Charles de Courson, Nicolas Perruchot et Philippe Vigier, la commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté un texte remplaçant la références au « régime général de sécurité sociale » par une référence aux « régimes obligatoires de base de sécurité sociale ». Elle n'a pas toutefois modifié le tableau correspondant, introduisant une incohérence.

Cette dernière modification a été apportée lors de la discussion en séance publique, par un amendement du Gouvernement.

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. UN APPORT SIGNIFICATIF DANS LE CAS DE L'ONDAM

Le présent article n'apporte rien de nouveau dans le cas des dépenses du régime général, qui font d'ores et déjà l'objet d'une programmation analogue, également exprimée en milliards d'euros courants, annexée aux lois de financement de la sécurité sociale.

Il constitue en revanche une avancée significative dans le cas de l'ONDAM, dont jusqu'à présent la programmation n'était exprimée que sous la forme d'un taux de croissance moyen sur une période, avec les inconvénients soulignés ci-avant.

B. LA DÉCISION DE MAINTENIR L'EXPRESSION DE L'ONDAM ET DES DÉPENSES DES RÉGIMES OBLIGATOIRES DE BASE EN EUROS COURANTS

1. Les inconvénients d'une programmation en euros courants

Le présent article exprime les montants en euros courants, sur la base d'une hypothèse d'inflation de 1,75 %.

On peut tout d'abord s'interroger sur cette hypothèse d'inflation de 1,75 %. En effet, l'inflation hors tabac observée depuis le début des années 1990 est de l'ordre de 1,5 %. Si l'inflation était effectivement de 1,5 %, cette hypothèse reviendrait à majorer de 0,25 point par an le taux de croissance des dépenses concernées, ce qui dans le cas de celles du régime général correspondrait à un écart de l'ordre de 3 milliards d'euros (soit 0,15 point de PIB) en 2014.

Plus fondamentalement, l'inflation est structurellement erratique, comme le montre le graphique ci-après.

Evolution de l'indice des prix à la consommation hors tabac

(en moyenne annuelle, en %)

Source : Insee

Dans ces conditions, le respect ou le non respect des montants en valeur proposés par le présent article n'aurait guère de signification en termes de respect de la trajectoire de solde public.

On peut en effet s'interroger sur l'objet des normes de maîtrise de la dépense. S'il s'agit de réduire le déficit public, exprimé en points de PIB, cela implique une règle de dépenses définie en euros constants. En effet, il s'agit de réduire le ratio dépenses publiques/PIB. Comme l'évolution des prix du PIB est en général à peu près égale à celle des prix à la consommation, une règle de dépenses définies en euros constants permet, pour un taux de croissance réelle du PIB donné, de réduire le déficit d'un certain montant en points de PIB.

C'est donc à juste titre que les normes de dépenses publiques (article 4) et des dépenses de l'Etat (article 5) sont définies en euros constants.

On peut par ailleurs se demander s'il serait bien incohérent de disposer, d'une part, d'une norme de dépenses globale (article 4) et d'une norme de dépenses de l'Etat (article 5) exprimées en euros constants, et d'autre part, d'une norme de dépenses des régimes obligatoires de base exprimée en euros courants (présent article), sauf à considérer que ce sont les autres administrations publiques qui doivent faire l'ajustement.

C'est pourquoi votre rapporteur général a proposé un amendement tendant à exprimer les montants proposés par le présent article en euros constants.

Dans le cas des retraites et des prestations familiales, indexées sur l'inflation, cette expression de la règle en euros courants n'aurait rien changé en pratique. Dans celui de l'ONDAM, elle aurait impliqué des économies supplémentaires en cas de faible inflation (ou moindres en cas d'inflation élevée).

2. La décision de la commission de maintenir la présentation en euros courants

Après que l'amendement de votre rapporteur général avait obtenu un avis défavorable du Gouvernement, votre commission des finances a décidé, lors de sa réunion du 27 octobre 2010, de maintenir l'expression en euros courants.

Certes, cela remet en cause la cohérence de la programmation, et fait courir le risque d'un dérapage de la dépense en volume (et donc du solde public exprimé en points de PIB) en cas d'inflation inférieure à l'hypothèse de 1,75 % associée au présent projet de loi pour les années 2012 à 2014.

Cependant, le Président de la République ayant déclaré que « le taux d'augmentation de l'ONDAM continuera (...) d'être progressivement abaissé pour passer de 3 % en 2010 à 2,9 % en 2011 et 2,8 % en 2012 », il n'a pas été jugé souhaitable de courir le risque de brouiller ce message. Par ailleurs, l'expression en euros courants impliquerait un effort réel moins important en cas d'inflation supérieure à l'hypothèse de 1,75 %. Or, le Gouvernement a jugé qu'au cours de la programmation l'aléa en matière d'inflation était à la hausse, et non à la baisse.

C. PRÉCISER QUE DANS LE CAS DES RÉGIMES OBLIGATOIRES DE BASE ÉGALEMENT, LA RÈGLE S'ENTEND À PÉRIMÈTRE CONSTANT

Le présent projet de loi prévoit, à juste titre, que les normes de dépenses de l'Etat (article 5), les plafonds de crédits des missions (article 6), les dotations de l'Etat aux collectivités territoriales (article 7) et l'ONDAM (II du présent article) s'entendent à périmètre constant.

En effet, une norme de dépenses à périmètre courant n'a de sens que si l'on raisonne au niveau de l'ensemble des administrations publiques (article 4). La déclinaison des normes de dépenses par catégories d'administrations publiques n'a de signification concrète que si l'on neutralise les variations de périmètre.

Etrangement, le I du présent article, relatif aux régimes obligatoires de base, ne précise pas que la norme de dépenses s'entend à périmètre constant. Il convient donc de corriger cet oubli.

D. PRÉCISER UN MONTANT MINIMAL DE DOTATIONS DE L'ONDAM MIS EN RÉSERVE

Comme on l'a indiqué ci-avant, le montant des moyens mis en réserve au titre de l'ONDAM a été de 500 millions d'euros en 2010 et devrait être de 530 millions d'euros en 2011, ce qui représente environ 0,3 % du montant total de l'ONDAM.

Votre commission des finances a adopté un amendement précisant dans le présent article que le montant des moyens mis en réserve ne peut être inférieur à ce seuil.

Décision de la commission : votre commission a adopté cet article ainsi rédigé.

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