ARTICLE 13 - Bilan de la mise en oeuvre de la programmation

Commentaire : le présent article prévoit la transmission par le Gouvernement au Parlement de diverses informations relatives à l'application du présent projet de loi.

I. LE DROIT EXISTANT

A. UN RAPPORT AU PARLEMENT

L'article 13 de la loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 prévoit : « Chaque année, le Gouvernement établit et transmet au Parlement, au cours du dernier trimestre de la session ordinaire et au plus tard avant le débat d'orientation budgétaire, un bilan de la mise en oeuvre de la présente loi. En cas d'écart par rapport à la programmation des finances publiques fixée à l'article 2, il précise les mesures envisagées pour l'année en cours et les années suivantes afin d'en assurer le respect. »

B. UNE MISE EN oeUVRE PARTIELLE

Aucun rapport de ce type n'a été remis au Parlement. La seconde phrase n'a quant à elle pas été suivie d'effet, les objectifs affichés en matière de solde (ceux définis par l'article 2) ayant simplement été abandonnés.

Le Gouvernement estime cependant que l'article précité a été respecté. Ainsi, selon l'évaluation préalable du présent article, « les rapports préparatoires au débat d'orientation des finances publiques de 2009 et de 2010 présentaient l'actualisation des articles 2, 5 et 6 de la LPFP 2009-2012 [relatifs, respectivement, à la trajectoire de solde et de dette, aux dépenses de l'Etat et aux plafonds de crédits des missions]. Des parties spécifiques du rapport préparatoire au DOFP 2010 expliquaient l'inscription de la deuxième année du budget triennal de l'État 2009-2011 dans le respect de la LPFP et les règles définies par la LPFP en matière de recettes ».

Cette mise en oeuvre n'est pas satisfaisante. En effet, l'article 13 de la loi de programmation actuelle ne se réfère pas uniquement à ses articles 2, 5, 6 et 11, mais bien à l'ensemble de la loi de programmation. Par ailleurs, ce qui importe ce n'est pas seulement de rendre publics les principaux éléments d'exécution, mais aussi de le faire de manière visible, pour que les résultats d'exécution aient un impact. De ce point de vue, il serait préférable que le Gouvernement consacre un rapport spécifique à la mise en oeuvre de la loi de programmation.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article prévoit que le Gouvernement transmet au Parlement diverses informations relatives à la mise en oeuvre du présent projet de loi.

A. UN RAPPORT DU GOUVERNEMENT AVANT LE DÉBAT D'ORIENTATION DES FINANCES PUBLIQUES, NE DEVANT PAS NÉCESSAIREMENT INDIQUER LES MESURES CORRECTRICES ENVISAGÉES

Son I prévoit que « le Gouvernement établit et transmet chaque année au Parlement, avant le débat d'orientation des finances publiques, un bilan de la mise en oeuvre de la présente loi. Ce bilan justifie les éventuels écarts constatés entre les engagements pris dans le dernier programme de stabilité transmis à la Commission européenne et la mise en oeuvre de la présente loi ».

Le contenu de ce rapport est donc singulièrement restreint par rapport à celui prévu par l'article 13 de la loi du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012, qui prévoyait que ce rapport précisait « les mesures envisagées pour l'année en cours et les années suivantes afin d'(...) assurer le respect » de la trajectoire de solde de la programmation.

B. LES MODALITÉS DE RESPECT DE L'ONDAM

Selon le II du présent article, « le Gouvernement présente chaque année au Parlement, au plus tard le 15 octobre, les modalités de mise en oeuvre des II et III de l'article 8 ».

On rappelle que le II de l'article 8 fixe le montant annuel de l'ONDAM jusqu'en 2014 et que son III prévoit que pour garantir le respect de ces montants, une partie des dotations relevant de l'ONDAM est mise en réserve au début de chaque exercice.

Cette disposition est bienvenue, les ressources potentiellement concernées étant de nature très différente.

Le rapport du groupe de travail présidé par M. Raoul Briet sur les moyens d'assurer le respect de l'ONDAM (avril 2010) évalue le montant global des moyens susceptibles d'être mis en réserve à 22 milliards d'euros. Ce montant correspond au fonds d'intervention pour la qualité et la coordination des soins (FIQCS), au fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés (FMESPP), aux missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (MIGAC) et à l'ONDAM médico-social.

Sur ces 22 milliards d'euros, tous ne sont pas susceptibles d'être mis en réserve avec la même facilité. Par exemple, s'agissant des MIGAC, si un gel peut se concevoir sur l'enveloppe « AC » (aide à la contractualisation), relativement discrétionnaire, il paraît plus difficile pour le financement de certaines missions d'intérêt général.

C. L'ÉVALUATION DES MESURES NOUVELLES RELATIVES AUX PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

Selon le III du présent article, « le Gouvernement présente chaque année au Parlement, au plus tard le premier mardi d'octobre, l'évaluation des mesures nouvelles afférentes aux prélèvements obligatoires mentionnées au I de l'article 9 ».

Cette disposition est en l'état inutile, ces éléments figurant d'ores et déjà dans le rapport sur les prélèvements obligatoires et leur évolution annexé au projet de loi de finances.

III. LA MODIFICATION APPORTÉE PAR LA COMMISSION DES FINANCES DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE, PUIS SUPPRIMÉE EN SÉANCE PUBLIQUE

A l'initiative de son président, la commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté un amendement précisant que la transmission des informations concernées doit être effectuée non « avant le débat d'orientation des finances publiques », mais « avant le 1 er juin ».

Cette modification a toutefois été supprimée en séance publique par un amendement du Gouvernement, par coordination avec la suppression de l'article 12 bis, qui prévoyait qu'un projet de loi de programmation des finances publiques était déposé avant le 1 er juin 2011.

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. METTRE EN PLACE DES PREMIERS ÉLÉMENTS D'UN DISPOSITIF DE PILOTAGE

Le présent projet de loi constitue une nouvelle programmation, comme il en a existé de nombreuses autres : les douze programmes de stabilité adressés à la Commission européenne depuis la fin des années 1990, les neuf programmations pluriannuelles annexées aux projets de lois de finances depuis le projet de loi de finances pour 2003 en application de l'article 50 de la LOLF, et la loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012.

Pour que le présent projet de loi soit plus efficace que les vingt-deux programmations qui l'ont précédé depuis la fin des années 1990, avec une inutilité à peu près totale, il faut tout d'abord qu'il énonce des règles suffisamment claires pour qu'il soit possible de déterminer, année par année, dans quelle mesure celles-ci sont mises en oeuvre. Tel est l'objet de plusieurs amendements adoptés par votre commission des finances.

Cependant, des règles claires ne suffisent pas. Il faut en effet que soit mis en place un dispositif de pilotage, qui fasse qu'« il se passe quelque chose » en temps utile si les dépenses dérapent ou s'il apparaît que le produit des mesures nouvelles sur les recettes est inférieur aux prévisions.

1. Prévoir une « fongibilité » entre dépenses et mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires

Tout d'abord, il convient de préciser la règle afin de spécifier que la répartition de l'effort entre maîtrise de la dépense (article 4) et mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires (article 9) n'est pas une donnée immuable, et qu'une « fongibilité » est possible.

En effet, pour être crédible, la règle ne doit pas préjuger des choix de politique économique qui seront faits en 2012. Actuellement, même en prenant en compte le montant élevé des mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires en 2011, les trois quarts de l'effort concerneraient les dépenses, comme le montre le tableau ci-après.

L'effort structurel résultant de la programmation du Gouvernement

(en points de PIB)

2011

2012

2013

2014

Total

Effort structurel sur les dépenses

0,8

0,7

0,8

0,7

2,8

Mesures nouvelles sur les recettes

0,9

0,2

0,2

0,2

1,3

Effort structurel total

1,6

0,8

0,9

0,8

4,1

NB : les réductions et suppressions de niches sont ici comptabilisées en tant que mesures nouvelles sur les recettes, conformément à la comptabilité nationale.

Sources : présent projet de loi, calculs de la commission des finances

Par ailleurs, dans l'hypothèse où la norme de dépenses, très ambitieuse, ne pourrait être tenue, il conviendrait de prendre des mesures d'ajustement complémentaires en ce qui concerne les recettes. En effet, si le respect de la norme de dépenses en 2011 devrait être favorisé par le « contrecoup » de l'impact en 2010 du changement des modalités de prise en compte des dépenses d'équipement militaire par la comptabilité nationale, qui majore artificiellement les dépenses de 0,4 % en 2010, le respect de la norme risque d'être plus difficile les années suivantes.

Aussi, il semble nécessaire de préciser qu'il est possible de s'écarter du présent projet de loi dans le cas des dépenses ou des recettes publiques, dans un sens aggravant le déficit, dès lors que ce « dérapage » est compensé à due concurrence par des mesures sur les recettes ou les dépenses publiques. C'est ce que suggère en particulier le rapport Camdessus, qui recommande une « fongibilité entre plafonds des dépenses et mesures nouvelles en recettes ».

Le dispositif, pour contenir les « points de fuite » de la dépense publique, à l'origine d'une large part du non respect des précédentes programmations, doit s'appliquer à la part des dépenses publiques la plus importante possible. Le Gouvernement n'ayant que de faibles moyens d'action sur les dépenses des administrations publiques locales, dont l'autonomie financière et la libre administration sont au demeurant garanties par la Constitution, le texte adopté par votre commission des finances les exclut du champ de cette règle. Cela paraît d'autant plus justifié qu'en pratique, il n'est pas évident que l'évolution des dépenses des administrations publiques locales ait, en tant que telle, un impact sur le solde public, comme cela est expliqué dans le commentaire de l'article 7.

Il paraît nécessaire d'inclure dans le champ de la règle, outre l'Etat, les organismes divers d'administration centrale et les régimes de sécurité sociale, les administrations de sécurité sociale échappant au champ des lois de financement de la sécurité sociale, c'est-à-dire les régimes complémentaires et, surtout, l'Unedic. En effet, si la croissance n'est pas de 2,5 %, mais de 2 %, les dépenses de l'Unedic ne diminueront pas de 5,4 % par an comme le prévoit le Gouvernement, ce qui exigera de prendre des mesures supplémentaires sur les recettes ou les dépenses pour respecter la programmation.

Il en va de la sincérité du présent projet de loi. Une loi de programmation des finances publiques doit comporter des dispositions de nature à infléchir les dépenses publiques. Si l'article 4, relatif aux dépenses de l'ensemble des administrations publiques, devait n'avoir qu'une valeur prévisionnelle, il aurait plus sa place dans le rapport annexé au présent projet de loi.

2. Mettre en place un dispositif d'alerte

a) Une recommandation du président et du rapporteur général de votre commission des finances

Il importe en outre de mettre en place un dispositif d'alerte.

Dans leur note précitée du 17 mai 2010 à M. Michel Camdessus, le président et le rapporteur général de votre commission des finances formulaient un certain nombre de propositions en matière de pilotage des finances publiques, de manière à ce que la règle soit effectivement appliquée.

Extrait de la note adressée à M. Michel Camdessus par le président et le rapporteur général de la commission des finances du Sénat

« Il est déterminant que le « pilotage » puisse intervenir quasiment en temps réel, de façon à ce que la règle reste contraignante. Plusieurs mécanismes sont envisageables, et en particulier la présentation par le Gouvernement au Parlement d'une situation des finances publiques à la fin de chaque trimestre.

« Dans le même esprit, il a été proposé de confier à la Cour des comptes un rôle d'alerte en cas de risque de dérapage des recettes ou des dépenses, le Gouvernement devant alors réaliser les ajustements nécessaires par une loi de finances rectificative. On pourrait également envisager de confier ce rôle à un comité indépendant, sur le modèle du comité d'alerte des dépenses d'assurance maladie.

« Dans tous les cas de figure, il est possible d'envisager ex ante, dans la LFI et la LFSS, des mesures correctrices susceptibles d'être prises en cours d'année si la règle semblait devoir ne pas être respectée. »

Source : Jean Arthuis, Philippe Marini, « Note à l'attention de M. Michel Camdessus, président du groupe de travail sur la mise en place d'une règle d'équilibre des finances publiques », 17 mai 2010

b) Le « rapport Camdessus » propose de confier ce rôle d'alerte à la Cour des comptes

La mise en place d'un dispositif d'alerte est également préconisée par le rapport du groupe de travail présidé par M. Michel Camdessus, qui propose de confier ce rôle à la Cour des comptes, essentiellement dans son rapport préliminaire au débat d'orientation des finances publiques, prévu par le 3° de l'article 58 de la LOLF, comme l'indique l'encadré ci-après.

Extrait du chapitre V du « rapport Camdessus »
(« Instituer un dispositif d'alerte rapide devant le Parlement »)

« Afin de contribuer à identifier un éventuel écart significatif entre prévisions et exécution en cours d'année, la Cour des comptes pourrait être invitée, comme elle s'est déclarée prête à le faire, à étendre ses interventions en cours d'exercice. Compte tenu de ses compétences et du calendrier de ses travaux, ces nouvelles interventions pourraient se décliner de la façon suivante, par sous-secteur des administrations publiques :

« - s'agissant de l'État, la Cour des comptes doit, en application de l'article 58-4 de la LOLF, produire chaque année un rapport sur l'exécution de l'année précédente, en vue de la loi de règlement.

« Cette intervention pourrait être l'occasion d'un examen de l'exécution des premiers mois de l'exercice en cours et d'une première analyse des tendances qui pourraient se manifester. La Cour des comptes pourrait jouer ainsi un rôle fort utile de prévention des dérapages et d'alerte ;

« - s'agissant de la sécurité sociale, la session budgétaire de printemps au cours de laquelle le Parlement examinerait la LCPFP [loi-cadre de programmation des finances publiques] pourrait intégrer les constats de la commission des comptes de la sécurité sociale qui, au-delà des résultats de l'année précédente, apprécie les premiers résultats de l'année en cours. Elle pourrait aussi prendre en compte les constats plus détaillés du comité d'alerte sur l'ONDAM ;

« - s'agissant des collectivités territoriales, les remontées d'information sont insuffisantes pour permettre un constat précis dès le printemps des tendances des premiers mois de l'année, mais la Cour des comptes pourrait se donner les moyens de faire état de premières constatations.

« Ces constats et surtout les conclusions qu'ils suggèrent sur le respect de la trajectoire définie par la LCPFP et de l'objectif de moyen terme pourraient être complétés par des recommandations quant aux solutions et à la cohérence des mesures prévues. Il s'agirait ici de poursuivre en l'approfondissant le travail effectué chaque année pour le rapport préliminaire au débat d'orientation des finances publiques, prévu par l'article 58-3 de la LOLF, qui porterait ainsi sur l'exécution de la loi-cadre sur sa durée. Comme ce rapport couvre l'ensemble des finances publiques, le comité d'alerte sur l'ONDAM pourrait y contribuer, en application des propositions du rapport du groupe de travail sur le pilotage des dépenses d'assurance-maladie présidé par M. Raoul Briet.

« Il resterait à faire en sorte que les calendriers de ces différentes contributions de la Cour des comptes soient suffisamment harmonisés pour faciliter et donner toute leur efficacité à ses interventions. »

Source : Groupe de travail présidé par M. Michel Camdessus, « Réaliser l'objectif constitutionnel d'équilibre des finances publiques », 21 juin 2010

La nature des publications de la Cour des comptes dans le cadre de sa mission d'assistance au Parlement relève de l'article 58 de la LOLF. Dans son rapport préliminaire au débat d'orientation des finances publiques, la Cour des comptes consacre d'ores et déjà des développements importants aux perspectives de finances publiques de l'année en cours, même si ceux-ci ne peuvent être comparés au rôle d'un comité d'alerte. On pourrait toutefois envisager que la Cour des comptes « muscle » cette partie de son rapport.

En pratique toutefois, il paraît prématuré de confier aujourd'hui à la Cour des comptes un tel rôle d'alerte.

Par ailleurs, la Cour des comptes ne jouerait vraisemblablement ce rôle que vers la mi-année, soit peu avant le débat d'orientation des finances publiques. Dans ces conditions, il pourrait être difficile pour le Gouvernement d'indiquer dès celui-ci quelles mesures correctrices il entend prendre.

3. Spécifier le contenu du rapport du Gouvernement prévu par le présent article

a) Réintroduire la précision que le Gouvernement indique quelles dispositions il prévoit de prendre pour assurer le respect de la programmation

Aussi le texte adopté par la commission des finances se borne-t-il, à ce stade, de prévoir qu'en cas de « risque sérieux » de non respect des normes de dépenses et de mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires, le Gouvernement indique dans son rapport relatif au débat d'orientation des finances publiques, quelles mesures correctrices il entend prendre.

L'article 13 de la loi du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 prévoyait d'ailleurs que ce rapport précisait « les mesures envisagées pour l'année en cours et les années suivantes afin d'(...) assurer le respect » de la trajectoire de solde. Cette disposition ne résultait pas d'un amendement parlementaire, mais figurait dans le texte initial. Il paraît souhaitable de la rétablir, dans le cas des objectifs de dépenses et de mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires.

b) Se doter, enfin, des instruments permettant de vérifier le respect des programmations en exécution

Le rapport du Gouvernement doit en outre faire le point sur l'exécution des années antérieures.

En effet, aussi paradoxal que cela paraisse, il n'est actuellement pas possible de déterminer dans quelle mesure les programmations (programmes de stabilité et loi de programmation des finances publiques) ont été respectées pour chacune des catégories d'administrations publiques.

Ces programmations définissent en effet les normes de croissance des dépenses des différentes catégories d'administrations publiques à périmètre constant. Ainsi, les programmes de stabilité définissent les normes de croissance des dépenses de l'Etat (ou des administrations publiques centrales), des administrations de sécurité sociale et des administrations publiques locales « hors transferts entre administrations publiques ». De même, la loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 définit les normes de croissance des dépenses de l'Etat, des dotations de l'Etat aux collectivités territoriales et de l'ONDAM « à périmètre constant ». Le présent projet de loi obéit à la même logique. Il prévoit en effet, à juste titre, que les normes de dépenses de l'Etat (article 5), les plafonds de crédits des missions (article 6), les dotations de l'Etat aux collectivités territoriales (article 7) et l'ONDAM (II de l'article 8) s'entendent « à périmètre constant ».

Malheureusement, sauf dans le cas de l'ONDAM, il n'existe aucun document indiquant ce qu'a été l'exécution à périmètre constant. Dans le cas des programmes de stabilité (qui recourent aux concepts de la comptabilité nationale), il n'est donc pas possible de savoir, dans le cas de l'Etat au sens de la comptabilité nationale, des organismes divers d'administration centrale, des administrations de sécurité sociale considérées dans leur ensemble, et des administrations publiques locales, dans quelle mesure les normes de dépense ont été ou non respectées. De même, dans le cas du présent projet de loi (qui recourt généralement aux concepts de la comptabilité publique), il n'existe pas à ce jour de publication, par le Gouvernement ou par la Cour des comptes, de l'évolution à périmètre constant des dépenses de l'Etat (article 5), des plafonds de dépenses des missions de l'Etat (article 6), des dotations de l'Etat aux collectivités territoriales (article 7) ou des dépenses des régimes obligatoires de base (article 8).

En particulier, dans le cas de l'Etat, il est paradoxalement difficile de déterminer dans quelle mesure la programmation triennale est respectée en 2009 et en 2010. A titre liminaire, une remarque méthodologique s'impose : rapprocher les montants de crédits effectivement consommés en 2009 aux plafonds de la loi de programmation implique :

1) de neutraliser les rattachements de fonds de concours et les transferts de crédits entre missions ayant lieu en gestion, et en particulier les transferts à partir de la mission Plan de relance ;

2) d'identifier, parmi les crédits transférés au titre du Plan de relance, ceux qui ont fait l'objet d'une consommation effective en 2009, ce qui n'est pas toujours aisé au moyen de la documentation budgétaire, car ces crédits s'agrègent à des crédits existants et que les rapports annuels de performances ne précisent pas systématiquement les taux de consommation spécifiques aux crédits « relance » ;

3) de comparer des enveloppes délimitées selon les mêmes critères, ce que ne favorise pas la multiplicité des conventions de présentation des dépenses d'un document à un autre, exprimées avec ou sans titre 2, avec ou sans contributions au CAS « Pensions »...

2009 étant la première année d'application de la « pluri-annualité », et compte tenu des difficultés méthodologiques qui viennent d'être exposées, votre rapporteur général et ses collègues rapporteurs spéciaux auraient pu s'attendre à ce que les rapports annuels de performances et le projet de loi de règlement de l'année comportent systématiquement des développements spécifiquement consacrés au respect de la loi de programmation, étayés sur des chiffrages homogènes. De fait, chaque rapport annuel de performances comportait, dans son sommaire, une rubrique consacrée au « Bilan de la première année de la programmation pluriannuelle ». Les développements placés sous cette rubrique sont toutefois demeurés étrangement lapidaires, en particulier lorsqu'il s'agissait de rapprocher les dépenses réelles des plafonds prévus.

Cette remarque n'est pas seulement de forme : toute règle de gouvernance des finances publiques se trouve privée de réelle portée si le contrôle de son application ne peut se faire qu'au prix d'infinies manipulations techniques et s'il n'est pas possible d'en mesurer immédiatement le respect. Il conviendra, dans ces conditions, que les normes futures que les administrations publiques entendent se donner puissent faire l'objet d'une définition robuste et d'une application aisément contrôlable.

Il est donc nécessaire de prévoir que le rapport du Gouvernement comprend les données d'exécution relatives aux dépenses de chacune des administrations concernées. Concrètement, dans le cas du présent projet de loi cela impliquerait que le Gouvernement publie les données retraitées dont il dispose déjà relatives à l'application du plafond de dépenses de l'Etat et retraite le périmètre des dotations de l'Etat aux collectivités territoriales et, si les modifications apportées par votre commission des finances au I de l'article 8 subsistent dans le texte adopté, celui des dépenses des régimes obligatoires de base. Il serait également utile que ce rapport présente les données d'exécution relatives aux programmes de stabilité (qui utilisent des normes de dépenses différentes). Dans ce cas, il conviendrait de retraiter les dépenses de chaque catégorie d'administrations publiques, au sens de la comptabilité nationale. En toute rigueur, il faudrait également disposer de ces données pour chacune des branches de la sécurité sociale et pour l'Unedic, dont les dépenses font également l'objet d'un objectif de taux de croissance (que l'on peut supposer défini à périmètre constant, bien que cela ne soit pas précisé).

Il n'existe déjà pas de « loi de règlement » des lois de programmation ou des programmes de stabilité. La moindre des choses serait que le législateur dispose des données lui permettant de déterminer clairement les catégories ou sous-catégories d'administrations publiques à l'origine du dérapage des dépenses.

Les programmations de dépenses des programmes de stabilité actuellement impossibles à vérifier en exécution : l'exemple du programme de stabilité 2010-2013

Page 17 :

(croissance des dépenses définie à périmètre constant ; or l'Insee n'indique l'exécution qu'à périmètre courant)

Page 22 :

(le périmètre n'est pas précisé mais semble implicitement constant pour la période 2011-2013)

Source : d'après le programme de stabilité 2009-2013

c) Prévoir que ce rapport constitue un document exhaustif, et lui donner une visibilité suffisante

Il convient en outre de prévoir que ce rapport constitue un document exhaustif.

Il doit faire le bilan de l'application de chaque article du présent projet de loi, et non seulement de certains articles choisis par le Gouvernement, comme c'est le cas actuellement. En effet, on rappelle que les rapports du Gouvernement préalables aux débats d'orientation des finances publiques n'évaluent la mise en oeuvre que des articles 2 (trajectoires de dette et de solde), 5 (dépenses de l'Etat), 6 (plafonds des missions) et 11 (gage des niches fiscales et sociales).

Par ailleurs, dans le cas de figure où le Gouvernement déciderait de continuer de « fusionner » ce rapport avec celui préalable au débat d'orientation des finances publiques, il conviendrait de donner aux informations correspondantes une visibilité suffisante. Il ne saurait en particulier être question de les « diluer » dans le rapport.

Si le Gouvernement faisait le choix d'un rapport spécifique transmis au Parlement, celui-ci devrait être rendu public et accessible sur Internet.

B. PRÉCISER LES MODALITÉS D'ÉVALUATION DES MESURES NOUVELLES AFFÉRENTES AUX PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

Selon le III du présent article, « le Gouvernement présente chaque année au Parlement, au plus tard le premier mardi d'octobre, l'évaluation des mesures nouvelles afférentes aux prélèvements obligatoires mentionnées au I de l'article 9 ».

Pour que cette disposition apporte quelque chose par rapport au rapport sur les prélèvements obligatoires et leur évolution annexé au projet de loi de finances, il convient de spécifier :

- que le Gouvernement présente cette évaluation en exécution à compter de l'année 2009 (ce qui est peut-être sous-entendu mais mériterait d'être explicité) ;

- que ces estimations ventilent le coût entre les principales mesures.

En effet, les rapports sur les prélèvements obligatoires et leur évolution n'indiquent habituellement ce dernier que pour l'année en cours et l'année suivante, nécessairement en prévision. Les données en exécution ne concernent que l'impact global des mesures nouvelles, exprimées en points de PIB.

Il est à noter que le rapport sur les prélèvements obligatoires et leur évolution annexé au projet de loi de finances pour 2011 innove à cet égard, puisqu'il comporte une telle ventilation pour les années 2009, 2010 et 2011. Il convient donc de poursuivre cette pratique, tout en précisant les mesures nouvelles concernant éventuellement la suite de la période de programmation.

Décision de la commission : votre commission a adopté cet article ainsi rédigé.

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