C. UNE MAÎTRISE DES DÉPENSES PORTÉE PAR DE PREMIÈRES RÉFORMES STRUCTURELLES

Des réformes structurelles sont véritablement engagées. Pour la branche vieillesse, la réforme des retraites infléchit, modestement encore en 2011, mais réellement et durablement, les tendances très préoccupantes de l'évolution financière des régimes concernés : au lieu d'accuser 45 milliards de déficits en 2018, le système sera proche de l'équilibre.

Pour l'assurance maladie, les nouvelles règles de suivi de l'Ondam ont déjà permis, pour la première fois depuis 1997, le respect de l'objectif ambitieux d'une progression de 3 % seulement en 2010. Son suivi régulier et étroit en cours d'année sera une incitation supplémentaire à la mobilisation des marges d'efficience qui existent, notamment à l'hôpital.

1. La réforme des retraites

La réforme des retraites a un objectif : revenir à l'équilibre financier à l'horizon 2018 . Pour y parvenir, elle met en oeuvre quatre priorités :

- l'augmentation de la durée d'activité de manière progressive et en tenant compte des différences de situation entre assurés ;

- le rapprochement des régimes publics et privés ;

- le renforcement de certains mécanismes de solidarité ;

- la définition de nouveaux outils de pilotage et d'amélioration de l'information en direction des assurés.

Le plan de financement de la réforme repose avant tout sur les mesures d'âge et de convergence entre les régimes .

Selon les projections du Gouvernement et tous régimes confondus, celles-ci devraient permettre d'assurer, à l'horizon 2018, un peu plus de la moitié des besoins : 40,9 % pour les mesures d'âge (après prise en compte de l'impact des mesures de solidarité et liées à la pénibilité) et 9,5 % pour les mesures de convergence entre les secteurs public et privé.

L'impact des mesures d'âge résulterait, pour environ les deux tiers, d'une réduction des dépenses et, pour le tiers restant, d'une croissance du produit des cotisations sociales liée au maintien de salariés en activité au-delà des seuils de soixante et soixante-cinq ans.

L'impact des mesures de convergence correspondrait pour moitié à des hausses de recettes, du fait de l'augmentation des cotisations salariales des fonctionnaires, et pour moitié à des économies sur les dépenses, notamment dues à la fermeture du dispositif de départ anticipé pour les parents de trois enfants.

Les autres éléments du bouclage financier comprennent :

- l'engagement de l'Etat employeur de maintenir son effort annuel net à 15,6 milliards d'euros ; celui-ci correspond en réalité au déficit du régime des fonctionnaires de l'Etat en 2010, étant admis que le taux de cotisations employeur acquitté par l'Etat reste celui de 2000, conformément à la convention adoptée par le conseil d'orientation des retraites ;

- la perspective d'un basculement progressif des cotisations d'assurance chômage vers l'assurance vieillesse à compter de 2015 ;

- la mobilisation de recettes nouvelles dès 2011 ;

- le traitement des déficits cumulés de 2011 à 2018.

Le tableau ci-après retrace le détail de l'impact financier de chacun de ces éléments sur le solde de l'ensemble des régimes de retraite entre 2011 et 2020.

Impact financier de la réforme sur l'ensemble des régimes de retraite

(en milliards d'euros)

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Rappel solde avant réforme

- 32,3

- 35,1

- 36,6

- 38,1

- 38,7

- 39,4

- 40,3

- 41,1

- 42,3

- 43,5

- 45

Impact annuel mesures d'âge

0

1,7

5

6,7

7,4

9,5

14

17,1

18,6

19,1

20,2

Effort net de l'Etat

15,6

15,6

15,6

15,6

15,6

15,6

15,6

15,6

15,6

15,6

15,6

Basculement Unedic

0

0

0

0

0

0,4

0,6

0,8

1

1,2

1,4

Recettes supplémentaires

0

3,7

3,9

4

4,1

4,1

4,2

4,3

4,4

4,5

4,6

Mesures de solidarité

0

- 0,1

- 0,3

- 0,5

- 0,6

- 0,8

- 1

- 1,1

- 1,3

- 1,4

- 1,6

Mesures de convergence public-privé

0

0,4

1

1,6

2,2

2,7

3,2

3,6

4

4,5

4,9

Solde après réforme

- 16,7

- 13,7

- 11,4

- 10,7

- 10,1

- 7,8

- 3,7

- 0,9

0

- 0,1

0,1

Taux de couverture du solde

48,3 %

60,9 %

68,9 %

71,9 %

73,9 %

80,2 %

90,9 %

97,8 %

100,1 %

99,7 %

100,3 %

Déficit cumulé depuis 2011 avant réforme

0

68

105,9

146,2

187,8

230,9

275,8

322,4

371,1

422,0

475,4

Déficit cumulé depuis 2011 après réforme

0

13,7

25,3

36,6

47,4

56,1

60,9

63

64,3

65,7

66,9

Source : ministère du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Cette réforme, de nature structurelle, est de nature à infléchir profondément et durablement les comptes de la branche vieillesse. Sans une telle intervention, nos régimes auraient été menacés et la protection sociale de nos concitoyens amoindrie.

2. L'amélioration du suivi des dépenses d'assurance maladie

Pour la branche maladie, des progrès pourront être accomplis, à la fois par une maîtrise accrue des dépenses et par un pilotage plus étroit de leur exécution. Le présent projet de loi de financement comporte des mesures allant dans le sens de chacune de ces deux priorités.

Une indispensable maîtrise des dépenses de santé

Pour la branche maladie, le taux d'évolution annuel de l'Ondam est fixé, de manière ambitieuse par rapport aux réalisations passées, à 3 % en 2010, 2,9 % en 2011 puis 2,8 % en 2012 et les années suivantes. Cet objectif est exigeant mais pas hors d'atteinte, comme le montrent les résultats de 2010.

De tels taux de progression signifient, que, chaque année, il faudra trouver au moins 2,3 milliards d'euros d'économies pour contenir la hausse des dépenses de santé, dont l'évolution tendancielle est actuellement supérieure à 4 % par an.

Pour parvenir au respect de cette norme, l'engagement de réformes structurelles pluriannuelles est une nécessité ; c'est également un objectif clairement affirmé par le Gouvernement, notamment dans le cadre des orientations de la loi de programmation des finances publiques.

Ces réformes doivent être menées simultanément dans trois directions :

- l'amélioration des synergies entre les différents types de prise en charge : ambulatoire, hospitalier, médico-social, ;

- la modernisation des modes d'exercice des professionnels (nouveaux modes de rémunération, promotion du Capi) ;

- le renforcement de l'efficience à l'hôpital, pour laquelle il existe de réelles marges de progrès.

Votre commission est depuis longtemps convaincue que l'on peut réaliser des économies dans chacun de ces différents domaines. Mais elle regrette que lorsque les décisions sont prises, les délais d'application soient ensuite trop lents .

Sur des dossiers aussi importants que l'identification des prescripteurs à l'hôpital, la mise en place d'une facturation individuelle ou encore réalisation d'études pour avancer dans le sens de la convergence intersectorielle, on met des années avant de pouvoir rendre les dispositifs opérationnels.

Des dépassements réguliers

Depuis la création de l'Ondam, celui-ci a chaque année été dépassé, à l'exception du premier, celui de 1997, et vraisemblablement aussi celui de 2010, grâce aux mesures de régulation prises en cours d'année.

Dans son avis du 28 mai 2010, le comité d'alerte avait fait état d'un dépassement de l'Ondam de 600 millions pour 2010. En réponse, pour la première fois, le Gouvernement s'est engagé, le même jour, à prendre un certain nombre de mesures correctrices d'un montant équivalent. Ces mesures ont concerné les médicaments, les indemnités journalières et un gel des délégations de crédits hospitaliers et médico-sociaux.

Avis du comité d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie du 28 mai 2010

Se fondant sur les informations disponibles et sur les auditions qu'il a organisées, le comité d'alerte estime que l'objectif national de dépenses d'assurance maladie fixé pour 2010 à 162,4 milliards d'euros pourrait être dépassé d'environ 600 millions d'euros en l'absence de mesures nouvelles. Le strict respect de l'objectif nécessiterait donc un montant d'économies de cet ordre de grandeur.

Les risques identifiés portent principalement sur la réalisation des économies intégrées dans la construction de l'Ondam pour 2010 et sur l'activité des établissements de santé.

Le dépassement prévisible restant en deçà du seuil de 0,75 % du montant de l'objectif (soit 1,2 milliard en 2010), il n'y a pas lieu de mettre en oeuvre la procédure d'alerte définie par l'article L. 114-4-1 du code de la sécurité sociale.

Les membres du comité ont reçu ce vendredi 28 mai une lettre ministérielle (annexée à cet avis) les informant de mesures nouvelles. Si les mesures annoncées sont effectivement mises en oeuvre avec le rendement indiqué, l'objectif pourrait être strictement respecté.

Lettre ministérielle annexée

Dans le cadre du suivi de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie, nous avons présidé, le 19 avril dernier, un comité de suivi de l'Ondam au cours duquel ont été présentés, en l'état des données disponibles, l'exécution de l'Ondam 2009 et les premières prévisions d'exécution de l'Ondam 2010.

La prévision de dépassement de l'Ondam 2010 pourrait être de l'ordre de 600 millions d'euros.

Afin d'assurer le respect de l'Ondam voté par le Parlement, nous avons donc décidé un certain nombre de mesures correctrices dont le rendement 2010, estimé à 600 millions, viendra compenser la prévision de dépassement.

Ainsi, nous avons décidé les mesures suivantes :

- un gel des provisions non engagées sur la liste en sus à l'hôpital, pour un montant de 135 millions ;

- un gel en partie rectificative du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 des crédits issus de la déchéance quadriennale du fonds pour la modernisation des établissements de santé publics et privés (Fmespp), pour un montant de 105 millions ;

- des baisses de prix des médicaments supplémentaires, pour un rendement 2010 d'un montant de 100 millions ;

- une baisse du prix de l'anesthésie de la chirurgie de la cataracte, pour un rendement 2010 d'un montant de 10 millions.

Par ailleurs, s'agissant des indemnités journalières, nous avons pris l'engagement de mettre en oeuvre la mesure de calcul des indemnités journalières prévue en annexe 9 du PLFSS 2010, pour un rendement 2010 de 70 millions.

Enfin, conformément au rapport de Raoul Briet, dont les conclusions ont été adoptées lors de la conférence sur le déficit du 20 mai dernier, un montant de 180 millions de crédits sera délégué ultérieurement en fonction de l'évolution de l'Ondam 2010, afin d'en garantir le respect.

Le Gouvernement a ainsi clairement affiché son souhait de respecter strictement l'Ondam voté en loi de financement pour 2010, conformément à ce que préconise le rapport Briet.

Les préconisations du rapport Briet

Dans le cadre de la première conférence sur les déficits publics du 28 janvier 2010, un groupe de travail, présidé par Raoul Briet, s'est vu confier une double mission : d'une part, réfléchir à de nouveaux outils de suivi de la dépense permettant de disposer le plus tôt possible en cours d'année d'informations fiables sur les risques de dépassement de l'Ondam, d'autre part, proposer des mécanismes capables de corriger l'évolution de la dépense en cours d'année de façon efficace, lorsque celle-ci est plus dynamique que prévu.

Dans son rapport final, le groupe de travail a d'abord rappelé que si les dépassements de l'Ondam sont apparemment faibles, 0,7 % en moyenne par an, les masses financières en jeu sont considérables . La somme des dépassements constatés depuis 1997 a en effet atteint 19,4 milliards en euros constants, soit, par exemple, un montant sensiblement supérieur au déficit prévu pour la branche maladie en 2010.

Or, en dépit d'améliorations des outils et procédures liés au vote et au suivi de l'Ondam, en particulier grâce à l'instauration d'un dispositif d'alerte et de mesures correctives par la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie, des faiblesses structurelles demeurent.

Le groupe de travail a fait trois constats :

- la construction de l'Ondam n'est pas suffisamment transparente, notamment par manque d'informations sur le tendanciel ;

- le suivi infra-annuel et la gestion du risque de dépassement sont insuffisants ; en particulier, le cadre institutionnel n'est pas assez formalisé et les données hospitalières sont disponibles trop tardivement ;

- la procédure d'alerte n'apparaît pas suffisamment dissuasive : si elle a permis de limiter les dépassements de l'Ondam, elle n'a pas permis d'en assurer le respect.

Les propositions formulées par le groupe de travail visent donc à corriger les faiblesses ainsi mises en évidence.

Sur la construction et le vote de l'Ondam , trois propositions visent à accroître la crédibilité de l'Ondam vis-à-vis de l'ensemble des acteurs concernés :

- la première consiste à organiser, via le comité d'alerte, une expertise externe , avant le vote de la loi de financement, sur les hypothèses techniques sous-tendant sa construction. Le comité ne serait tenu de formuler un avis que s'il relève une erreur manifeste entachant ces hypothèses ;

- la deuxième a pour objet d' enrichir l'information du Parlement . Elle consiste à renforcer, dans les documents annexés au projet de loi de financement, les informations détaillées sur l'exécution de l'Ondam de l'année en cours, ainsi que les hypothèses techniques retenues pour la construction de l'Ondam de l'année à venir (décomposition du tendanciel et présentation détaillée des mesures correctrices et de leur impact) ;

- la troisième vise à renforcer le caractère pluriannuel de la régulation . Le groupe de travail a proposé d'insérer davantage le vote de l'Ondam dans une perspective pluriannuelle : dans un premier temps, cette mesure pourrait consister en la mention, à titre informatif, mais précisément justifiée, des niveaux de l'Ondam n+2 et n+3 ; mais, à moyen terme, le débat doit être ouvert sur des formes plus contraignantes de pluriannualité.

Sur la rénovation de la gouvernance de l'Ondam , quatre propositions poursuivent cet objectif :

- en premier lieu, un comité de pilotage de l'Ondam serait chargé du pilotage intégré de l'ensemble des secteurs de l'Ondam. Le groupe de travail a préconisé de lui donner un fondement réglementaire ;

- en deuxième lieu, le suivi statistique et comptable de l'Ondam serait renforcé : une nouvelle structure aurait pour mission de préparer une note mensuelle de suivi statistique (données infra-annuelles) et comptable (données annuelles sur les réalisations en année n-1 de l'Ondam), qui indiquerait notamment l'écart potentiel à l'objectif de fin d'année. Le groupe de suivi statistique aurait également pour rôle de proposer des mesures de renforcement de la qualité et de la fréquence des remontées d'informations, dans le but notamment de disposer de prévisions d'exécution plus tôt dans l'année ;

- en troisième lieu, le groupe de travail a préconisé d' augmenter la fréquence des avis obligatoires du comité d'alerte en prévoyant un premier avis dès mi-avril. A cette date, lors de la parution des résultats de l'année n-1, le comité se prononcerait sur les risques de dépassement éventuels lié à une éventuelle sous-estimation de l'Ondam réalisé n-1 dans la loi de financement. Le comité rendrait ensuite un avis sur le respect de l'Ondam avant le 1 er juin, comme actuellement, puis un autre pendant la phase de préparation du projet de loi de financement de l'année suivante, celui-ci devant être déposé avant le 15 octobre ;

- en quatrième et dernier lieu, le groupe de travail a suggéré d' abaisser progressivement le seuil d'alerte à 0,5 % de l'Ondam, soit dans les conditions actuelles environ 800 millions d'euros. Cette mesure a pour but d'inciter l'ensemble des acteurs à une gestion préventive et continue des risques de dépassement.

Sur les outils destinés à faire respecter l'Ondam , trois propositions visent à doter cette gouvernance renouvelée d'outils complémentaires destinés à prévenir les dépassements et, dans les cas exceptionnels d'alerte, à assurer la mise en oeuvre la plus rapide possible des mesures décidées :

- tout d'abord, il est proposé de conditionner la mise en oeuvre de tout ou partie des mesures nouvelles à leur compatibilité avec l'Ondam voté , qu'il s'agisse des mesures nouvelles incluses dans la loi de financement ou décidées en cours d'année. La liste des mesures nouvelles faisant l'objet d'une mise en oeuvre conditionnelle ferait l'objet d'une identification précise par le comité de pilotage de l'Ondam, en début d'année, et d'une information aux commissions parlementaires concernées. Le dégel de ces mesures interviendrait sur la base d'une décision du comité de pilotage de l'Ondam. Toute mesure nouvelle prise en cours d'année et ayant un impact financier sur l'Ondam devrait par ailleurs faire l'objet d'un examen de compatibilité avec le respect de l'Ondam voté ;

- le groupe de travail a ensuite préconisé d' instaurer des mécanismes systématiques de mise en réserve en début d'année sur les dotations s'apparentant à des crédits budgétaires, les décisions de dégel, total ou partiel, ou d'annulation étant prises en cours d'année par le comité de pilotage. Sur la base du périmètre actuel de l'Ondam, l'assiette susceptible d'être soumise à régulation est d'environ 22 milliards d'euros, fortement concentrée sur les secteurs hospitalier et médico-social ;

- enfin, le groupe de travail a jugé nécessaire de prévoir des mécanismes de décision adaptés et des procédures de consultation simplifiées afin d'assurer la mise en oeuvre effective et rapide des mesures correctrices. Des travaux complémentaires de nature juridique doivent être engagés pour identifier précisément les adaptations et simplifications pouvant être apportées aux dispositifs actuels.

Lors de la deuxième session de la conférence sur le déficit, le Président de la République a annoncé que toutes les mesures d'économies nécessaires, suggérées par ce rapport, seront mises en place pour respecter l'Ondam de manière systématique, y compris en 2010.

Votre commission en a inclus deux dans le projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale, afin notamment d'améliorer le contenu de l'annexe 7 sur l'Ondam.

Le présent projet de loi comporte une mesure pour renforcer le comité d'alerte. Votre commission propose de la compléter afin d'aller un peu plus loin dans la mise en oeuvre des préconisations du rapport Briet.

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