Rapport n° 88 (2010-2011) de M. Gérard DÉRIOT , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 3 novembre 2010


N° 88

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011

Enregistré à la Présidence du Sénat le 3 novembre 2010

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. Gérard DÉRIOT,

Sénateur.

Tome VI :

Accidents du travail et maladies professionnelles

(1) Cette commission est composée de : Mme Muguette Dini , présidente ; Mme Isabelle Debré, M. Gilbert Barbier, Mme Annie David, M. Gérard Dériot, Mmes Annie Jarraud-Vergnolle, Raymonde Le Texier, Catherine Procaccia, M. Jean-Marie Vanlerenberghe , vice-présidents ; MM. Nicolas About, François Autain, Paul Blanc, Jean-Marc Juilhard, Mmes Gisèle Printz, Patricia Schillinger , secrétaires ; M. Alain Vasselle, rapporteur général ; Mmes Jacqueline Alquier, Brigitte Bout, Claire-Lise Campion, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Yves Daudigny, Mmes Christiane Demontès, Catherine Deroche, M. Jean Desessard, Mme Sylvie Desmarescaux, M. Guy Fischer, Mme Samia Ghali, MM. Bruno Gilles, Jacques Gillot, Adrien Giraud, Mme Colette Giudicelli, MM. Jean-Pierre Godefroy, Alain Gournac, Mmes Sylvie Goy-Chavent, Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Gélita Hoarau, M. Claude Jeannerot, Mme Christiane Kammermann, MM. Ronan Kerdraon, Marc Laménie, Serge Larcher, André Lardeux, Dominique Leclerc, Jacky Le Menn, Jean-Louis Lorrain, Alain Milon, Mmes Isabelle Pasquet, Anne-Marie Payet, M. Louis Pinton, Mmes Janine Rozier, Michèle San Vicente-Baudrin, MM. René Teulade, François Vendasi, André Villiers.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) :

2584, 2912, 2916 et T.A. 553

Sénat : 84 et 90 (2010-2011)

Les observations et propositions de la commission des affaires sociales pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles en 2011

Par la voix de son rapporteur, Gérard Dériot, la commission se réjouit du retour de la branche à l'équilibre. Elle souhaite, dans le même temps, que les excédents futurs soient consacrés à régler la dette de la branche, qui n'a pas à être prise en charge par la caisse d'amortissement de la dette sociale.

Sur les fonds de l'amiante, la commission engage à la plus grande prudence en matière de réforme d'un système certes imparfait mais appelé à s'éteindre dans les années à venir et capable d'apporter rapidement une indemnisation aux victimes de l'amiante. Elle vous propose un amendement tendant à harmoniser la prise en charge de l'allocation de cessation anticipée d'activité pour l'ensemble des régimes afin de mettre fin aux inégalités dénoncées depuis 2005 par le Médiateur de la République.

Sur le plan santé au travail 2010-2014, la commission considère que l'implication de l'Etat doit être renforcée pour accompagner la branche et les partenaires sociaux dans leur action de prévention.

Sur l'évolution des risques professionnels, la commission se félicite de la confirmation de la tendance à la réduction du nombre des accidents du travail. Elle s'inquiète en revanche de la persistance d'un haut niveau de maladies professionnelles, et notamment de l'acuité prise par les questions de santé liées au stress au travail. Elle insiste sur la nécessité de mettre en oeuvre de la manière la plus juste possible la réforme liée à la prise en compte de la pénibilité et de compléter la réforme de la santé au travail, spécialement pour ce qui concerne sa gouvernance.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

L'analyse du financement de la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) est marquée par une double actualité dont les effets sont particulièrement importants sur son équilibre : la réforme des retraites et la reprise de sa dette par la caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades). La manière dont ces questions sont abordées engage la conception de la nature de la branche et de ses missions.

En prévoyant la prise en compte de la pénibilité du travail, la loi portant réforme des retraites a répondu à une aspiration profonde des travailleurs et s'inscrit dans une démarche de justice sociale dont le financement incombe naturellement à la branche AT-MP. Les enjeux liés à ce dispositif seront examinés plus loin. Mais un autre débat engageant directement les charges de la branche a également eu lieu lors de la discussion de la réforme des retraites au Sénat. La question posée était celle des personnes éligibles à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante. A l'unanimité, notre assemblée a décidé d'adopter les amendements identiques déposés par votre rapporteur et par le sénateur Jean-Pierre Godefroy afin d'exonérer ces personnes des conséquences du report de l'âge de la retraite. Le dispositif, tel qu'il figure dans le texte définitif retenu par la commission mixte paritaire, permet de préserver sans changement le système actuel, tant pour les victimes de l'amiante que pour la branche AT-MP.

Ce débat reflète deux aspects majeurs de la vision qu'a votre commission de la branche AT-MP. Le premier concerne le drame de l'amiante. Quelles que soient les imperfections du système mis en place au travers du fonds de cessation d'activité anticipée des travailleurs de l'amiante (Fcaata), qui prend en charge les salariés d'entreprises limitativement énumérées, il n'est pas souhaitable de lui apporter des restrictions. En effet, ce dispositif, qui compte désormais plus de sorties que d'entrées, devrait atteindre l'équilibre financier en 2017 puis progressivement disparaître. Limiter les compensations accordées aux victimes de l'amiante serait donc une vision de court terme, contraire au choix des partenaires sociaux et de l'Etat de faire assumer le coût de la prise en charge de la cessation anticipée d'activité par l'ensemble des entreprises.

La seule réforme envisageable serait l'ouverture d'un droit d'accès individuel par profession. Sa faisabilité est en cours d'étude par l'agence nationale chargée de la sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Afsset). Il ne faudrait pas cependant que cette réforme se traduise en fait par l'application de critères stricts au point de limiter encore plus le nombre de personnes éligibles, comme cela a été le cas en Italie.

Le deuxième aspect concerne les charges de la branche. Toujours pendant la discussion de la réforme des retraites, le Gouvernement avait envisagé de faire financer, pendant les deux années supplémentaires correspondant au report d'âge de départ en retraite, les cotisations vieillesse des victimes de l'amiante par le Fcaata. Pareil transfert de charge aurait porté atteinte à la vocation assurantielle de la branche qui permet d'ajuster les cotisations des entreprises à hauteur des dépenses nécessitées pour la protection de la santé des travailleurs. La branche AT-MP n'a pas vocation à assumer les charges d'autres régimes, car son mode de financement est particulier.

Pour les mêmes raisons, mais en sens inverse, il n'est pas conforme à la nature de la branche que sa dette soit socialisée et reprise par la Cades, comme le prévoit l'article 9 du projet de loi de financement de la sécurité sociale. En accord avec le rapporteur général, votre rapporteur propose donc l'adoption d'un amendement tendant à réintégrer la dette de la branche dans ses comptes et à la faire financer par ses excédents.

En effet, après les déficits des années 2009 et 2010 qui devraient atteindre 1,3 milliard d'euros, la branche devrait dégager un léger excédent de l'ordre de 100 millions en 2011.

La branche AT-MP est en effet bien équipée pour affronter les difficultés économiques. Elle bénéficie de deux avantages qui découlent de la loi du 9 avril 1898 : d'une part, un système de cotisation dynamique (près de 75 % du financement de la branche sont assurés par les cotisations patronales), assis sur des principes acceptés par l'ensemble des partenaires sociaux ; d'autre part, une législation, tant communautaire que nationale, complète et particulièrement protectrice 1 ( * ) .

La volonté constante des pouvoirs publics, appuyée sur un financement efficace, a permis un recul important des accidents du travail. Leur nombre a ainsi baissé de 21 % entre 2002 et 2009. Cette moyenne cache pourtant d'importantes disparités entre secteurs d'activité, les métiers de l'industrie ayant davantage bénéficié de l'augmentation de la sécurité au travail que ceux des services, notamment le secteur du nettoyage. Par ailleurs, le nombre de maladies professionnelles reconnues a augmenté sur la période. La persistance dans l'effort national en faveur de la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles reste donc primordiale, de même que la poursuite de l'adaptation des normes aux nouvelles formes de risque, sous peine d'entraîner rapidement une dégradation des conditions de travail.

L'augmentation de l'objectif de dépenses de la branche reste modéré, et inférieur pour 2011 (13 milliards d'euros) à celui initialement prévu pour 2010 (13,2 milliards revus à 12,7 dans le projet de loi de financement pour 2011). On peut donc espérer que la branche pourra s'engager durablement sur la voie de l'équilibre financier.

Objectif de dépenses et dépenses réalisées depuis 2004

(en milliards d'euros)

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010 (p)

2011(p)

Objectif de dépenses

10,7

11,1

11,4

11,8

13,0

12,9

13,0

Dépenses réalisées (+ objectifs rectifié 2010 dans la LFSS pour 2011)

10,2

10,8

11,3

12,0

12,1

12,5

12,7

Ecart

0,0

0,2

0,6

0,3

-0,5

-,02

(p) : prévision

* Pour 2004, il n'y a pas d'objectif comparable au réalisé (voir supra)

(**) jusqu'en 2009, les dépenses sont agrégées selon le périmètre en vigueur jusqu'à la LFSS pour 2009 (voir supra)

Conformément à la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale du 2 août 2005, le champ de l'objectif intègre l'ensemble des régimes obligatoires. Il prend en compte également le transfert financier qu'effectue la branche AT-MP du régime général au profit de la branche maladie pour compenser les dépenses indues résultant de la sous-déclaration et de la sous-reconnaissance des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Les dépenses de la branche AT-MP relèvent à plus de 81 % du régime général, soit 11,4 milliards d'euros en 2010.

Résultats nets de la branche depuis 2004

(en droits constatés et en millions d'euros)

Cnam AT-MP

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

Résultat

- 184

- 438

- 59

- 455

+ 241

- 649

- 787

Source : direction de la sécurité sociale (SDEPF/6A)

I. UNE ÉVOLUTION CONTRASTÉE SELON LES TYPES DE SINISTRES

Les dépenses et les recettes de la branche AT-MP varient en fonction du nombre de sinistres recensés et de leur gravité. L'objectif premier des pouvoirs publics est bien sûr de réduire la fréquence et la gravité des accidents du travail et des maladies professionnelles.

En 2009, 1,25 million de sinistres ont été reconnus pour le seul régime général, et un peu moins des deux tiers d'entre eux ont donné lieu à un arrêt de travail. La fréquence des accidents est en baisse continue depuis 2001, passant de 42,8 à 36 accidents déclarés en 2010 pour mille salariés. L'évolution du nombre de maladies professionnelles est, en revanche, défavorablement orientée ; toutefois, ceci traduit, au moins pour une part, une amélioration du taux de reconnaissance des maladies professionnelles.

A. UNE TENDANCE À LA DIMINUTION DE LA FRÉQUENCE DES ACCIDENTS DU TRAVAIL

Les accidents du travail représentent la très grande majorité des sinistres observés en matière professionnelle (83 % du total). Le solde se partage entre les accidents de trajet (11 %) et les maladies professionnelles (6 %) 2 ( * ) .

1. Des accidents du travail moins nombreux

Le nombre d'accidents du travail a nettement régressé au cours des dix dernières années, baissant en moyenne de 3 % par an. Il avait semblé, ces deux dernières années, se stabiliser, mais il est reparti à la baisse depuis 2008, marquant en 2009 un recul particulièrement important de 7,8 %.

Nombre d'accidents du travail déclarés

2002

2003

2004

2005

2006

2007*

2008*

2009

1 313 811

1 185 291

1 152 865

1 139 063

1 144 404

1 145 018

1 122 349

1 041 498

* données estimées Source : Cnam, statistiques trimestrielles juin 2010

2. Des accidents du travail globalement moins graves

Pour ce qui concerne le régime général, après une orientation à la hausse sur les années 2005 à 2007, le nombre d'accidents de travail avec arrêt s'inscrit à la baisse depuis 2008. L'année 2009 amplifie cette tendance puisqu'elle enregistre à la fois une diminution de 7,8 % du nombre d'accidents du travail par rapport à l'année précédente, et une diminution de l'activité salariée, avec une baisse des effectifs de 2,2 %, ce qui conduit à une diminution de l'indice de fréquence (IF) qui atteint le niveau inédit de trente-six accidents (pour 1 000 salariés).

Après plusieurs années d'augmentation, le nombre de nouvelles incapacités permanentes recule aussi depuis 2006, avec une diminution de 2,3 % en 2009 par rapport à l'année précédente. De même, le nombre de décès est en baisse pour la deuxième année consécutive, après une augmentation en 2006 et 2007, avec une diminution de 5,4 % en 2009 par rapport à l'année précédente. Néanmoins, pour ces deux indicateurs particulièrement importants, le taux de recul est inférieur de trois points par rapport à 2008.

Evolution de la gravité des accidents de travail pour les années 2005 à 2009

(en italique, taux d'évolution annuelle)

2005

2006

2007

2008

2009

Nombre d'accidents avec arrêt

699 217

700 772

720 150

703 976

651 453

1,0%

0,2%

2,8%

-2,2%

- 7,5 %

Nombre d'accidents avec incapacité permanente

51 938

46 596

46 426

44 037

43 028

0,3%

- 10,3%

- 0,4%

- 5,1%

- 2,3 %

Nombre de décès

474

537

622

569

538

- 24,3%

13,3%

15,8%

- 8,5%

- 5,4 %

Indice de fréquence

39,1

39,4

39,4

38,0

36,0

- 1,0%

0,7%

0,1%

- 3,5%

- 5,4 %

Source : Cnam, direction des risques professionnels

Statistiques technologiques

Les différentes activités professionnelles sont à l'origine d'accidents variables en nombre et en gravité.

Au cours des trois dernières années, les accidents de plain-pied, les chutes de hauteur et les accidents liés à la manutention manuelle sont à l'origine de plus de 70 % des accidents du travail avec arrêt. La manutention manuelle est la principale source d'accident : elle provoque plus d'un tiers des accidents du travail avec arrêt (33,4 % en 2009) ; au sein des nouvelles incapacités permanentes, elle reste au premier plan, avec une proportion de 31,1 % de l'ensemble des nouvelles incapacités permanentes en 2009.

Les accidents de travail routiers demeurent toujours la principale cause de décès, même si, après une augmentation de leur part au sein des accidents mortels entre 2006 et 2008 (entre 20 % et 23 %), celle-ci diminue en 2009 pour atteindre 17,1 %.

Le secteur du bâtiment - travaux publics (BTP) est celui qui enregistre encore en 2009 le plus d'incapacités permanentes et de décès ; cependant, l'orientation est au recul, avec une diminution des incapacités permanentes de 3,4 % et des décès de 9 % (141 décès en 2009, contre 155 en 2008). Ici aussi, cependant, le recul est plus faible en 2009 qu'en 2008.

Ainsi, dans la plupart des secteurs, le nombre et la gravité des accidents du travail sont orientés à la baisse.

B. UNE AUGMENTATION FORTE ET CONTINUE DES ACCIDENTS DE TRAJET NON MORTELS

Votre commission note avec inquiétude que les accidents de trajet, c'est-à-dire ceux survenus sur le trajet séparant la résidence habituelle du salarié et son lieu de travail ou le lieu de travail et celui où le salarié prend habituellement ses repas, continuent d'augmenter. Après avoir diminué, le nombre d'accidents de trajet avec arrêt est en effet en augmentation continue depuis 2005. Il connaît en 2009 son augmentation la plus forte sur la période, avec une hausse de 6,9 % par rapport à 2008.

En particulier, le nombre d'incapacités permanentes consécutives aux accidents de trajet, qui était orienté à la baisse depuis 2005, enregistre en 2009 une augmentation de 4,9 % par rapport à l'année précédente ; les accidents mortels continuant cependant à régresser depuis 2008 à un rythme accéléré, - 8 % en 2009.

Cette augmentation d'ensemble est principalement imputable à l'augmentation de 34 % des accidents de plain-pied. Celle-ci correspond, selon l'analyse de la direction de la sécurité sociale, « au seul premier trimestre [2009] au cours duquel les conditions climatiques ont été particulièrement difficiles pour les piétons ». Quelle que soit la part des circonstances, il importe de renforcer les actions de prévention en ce domaine : cela passe notamment par la prise en compte de l'impact du stress au travail sur les comportements lors des trajets.

Evolution du nombre et de la gravité des accidents de trajet
pour les années 2005 à 2009

(en italique, taux d'évolution annuelle)

2005

2006

2007

2008

2009

Nombre d'accidents avec arrêt

82 965

83 022

85 442

87 855

93 840

6,0 %

0,1 %

2,9 %

2,8 %

6,8 %

Nombre d'accidents avec incapacité permanente

9 593

8 856

8 646

8 022

8 417

- 4,9 %

- 7,7 %

- 2,4 %

- 7,2 %

4,9 %

Nombre de décès

440

384

407

387

356

- 9,5 %

- 12,7 %

6,0 %

- 4,9 %

- 8,0 %

Source : Cnam, direction des risques professionnels

Statistiques technologiques

Le secteur des services II est encore en 2009 celui qui enregistre le plus grand nombre d'accidents de trajet avec arrêt (21 889 accidents), de nouvelles incapacités permanentes et de décès.

Ainsi, la progression du nombre et de la gravité des accidents du trajet est préoccupante, particulièrement dans le secteur des services.

C. UNE AUGMENTATION DES MALADIES PROFESSIONNELLES

Le nombre de maladies professionnelles déclarées continue à augmenter en 2009, avec une progression de 8,7 %. Il convient cependant d'interpréter ce chiffre à la lumière d'une modification introduite en 2007 - et qui trouve son plein effet depuis 2008 - dans le traitement des dossiers de maladies professionnelles concernant plusieurs affections (dénommées syndromes) et figurant sur un même tableau.

En effet, jusqu'alors, lorsqu'une même déclaration de maladie professionnelle concernait plusieurs syndromes relevant d'un même tableau, les instructions prévoyaient de gérer une seule maladie. A partir de 2007, le code « multi-syndromes » étant abandonné, les maladies professionnelles sont alors traitées syndrome par syndrome.

Aussi, pour effectuer des comparaisons d'une année sur l'autre, il convient de prendre en compte non seulement le nombre de nouvelles maladies, mais encore le nombre de malades, afin de ne comptabiliser qu'une seule fois les personnes se voyant reconnues deux maladies professionnelles ou plus sur un même tableau au cours de l'année.

L'évolution du nombre de victimes entre 2008 et 2009 est alors de + 5,1 %. Ce chiffre est certes légèrement inférieur à celui de l'augmentation du nombre de maladies : il n'en reste pas moins préoccupant.

1. Une hausse régulière des maladies professionnelles

Non seulement les maladies professionnelles dans leur ensemble progressent, mais les nouvelles incapacités permanentes liées aux maladies professionnelles sont également en augmentation en 2009, avec une hausse de 6,9 %, trois fois plus rapide que l'année précédente. Le nombre de décès, qui avait diminué pendant les années 2005 à 2007 et n'était remonté que faiblement en 2008 (1,2 %), connaît en 2009 une augmentation particulièrement forte de 32,7 %. Le nombre total de décès de cette année (564) se rapproche ainsi de celui de 2004, annulant les effets du mouvement de baisse.

Si les statistique de décès sont susceptibles de mouvements importants mais peu significatifs, car ils portent sur des effectifs heureusement réduits, on peut voir dans cette brusque augmentation de près d'un tiers de la mortalité les effets des pathologies liées à l'amiante : celle-ci est en effet responsable de 90 % des cancers professionnels.

Evolution du nombre de maladies professionnelles pour les années 2005 à 2009

(en italique, taux d'évolution annuelle)

2005

2006

2007

2008

2009

Nombre de MP réglées

41 347

42 306

43 832

45 411

49 341

12,1 %

2,3 %

3,6 %

3,6 %

8,7 %

Nombre de MP
avec incapacité permanente

21 507

22 763

22 625

23 134

24 734

12,3 %

5,8 %

- 0,6 %

2,2 %

6,9 %

Nombre de décès

493

467

420

425

564

- 15,1 %

- 5,3 %

- 10,1 %

1,2 %

32,7 %

Source : Cnam, direction des risques professionnels

Statistiques technologiques

Les secteurs d'activité les plus pathogènes restent ceux des industries du bois, ameublement, papier-carton, pour lesquelles on a dénombré l'an passé 5,8 maladies professionnelles reconnues pour mille salariés. Ils précèdent le secteur des services, commerce, industries de l'alimentation et les industries de la chimie, qui connaissent 4,4 maladies professionnelles pour mille salariés en moyenne. Ces chiffres sont en légère augmentation par rapport aux années précédentes.

Ainsi, l'augmentation du nombre de maladies professionnelles résulte, pour partie, de l'élargissement du champ des maladies professionnelles reconnues et d'une meilleure information des médecins et des salariés. Mais elle s'explique aussi par le développement de plusieurs pathologies, certaines mortelles. Quel que soit le mode de calcul, l'ensemble des indicateurs relatifs aux maladies professionnelles est en augmentation. Il est urgent de traiter la santé au travail comme un enjeu spécifique et majeur de santé publique.

2. Les principales pathologies d'origine professionnelle

Trois grands types d'affections concentrent l'essentiel des cas de maladies professionnelles reconnues :

les affections périarticulaires : causées par certains gestes ou postures de travail, elles représentent 76,5 % des maladies professionnelles entraînant un arrêt de travail reconnues en 2009, et leur part croît d'année en année ;

les affections dues à l'inhalation de poussières d'amiante constituent 10,7 % des maladies professionnelles avec arrêt reconnues en 2009 ;

les affections chroniques du rachis lombaire , enfin, occupent toujours une part importante, mais décroissante, des maladies professionnelles (5,8 % en 2009).

Les autres pathologies les plus fréquentes sont les surdités, les allergies, les affections respiratoires...

La répartition est un peu différente si l'on considère les maladies professionnelles qui occasionnent une incapacité permanente . En effet certaines pathologies, en raison de leur gravité, s'accompagnent plus fréquemment que d'autres d'une incapacité permanente. C'est notamment le cas des maladies de l'amiante : l'an passé, 90 % des maladies de l'amiante ayant donné lieu à un arrêt de travail se sont accompagnées de la reconnaissance d'une incapacité permanente, contre 50 % en moyenne pour l'ensemble des maladies professionnelles, de sorte que les seules maladies dues à l'amiante représentent 19 % des maladies avec incapacité permanente. A contrario , les maladies périarticulaires , moins graves, ne représentent que 62 % du total des maladies professionnelles avec incapacité permanente.

3. Des données à interpréter avec précaution

Certains accidents et maladies professionnelles ne sont pas comptabilisés dans les statistiques de la Cnam parce qu'ils n'ont pas été déclarés ou reconnus comme tels. Les dépenses qu'ils occasionnent sont alors prises en charge par la branche maladie. Depuis 1997, la branche AT-MP effectue chaque année un reversement à la branche maladie pour compenser ces sommes indûment mises à sa charge . Une commission, présidée actuellement par Noël Diricq, conseiller maître à la Cour des comptes, se réunit régulièrement pour évaluer les montants financiers en jeu. Elle a remis son dernier rapport en juillet 2008.

a) Le phénomène de sous-déclaration

Plusieurs facteurs concourent à une sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Les accidents du travail doivent être déclarés par l'employeur à la caisse de sécurité sociale compétente tandis que les maladies professionnelles doivent être déclarées par la victime.

Selon le rapport Diricq, la réticence de certains employeurs à déclarer les accidents du travail peut s'expliquer par leur souci d'éviter une hausse de leurs cotisations AT-MP. Le taux de cotisations est en effet plus élevé lorsque le nombre de sinistres constatés dans l'entreprise s'accroît. Plus généralement, la volonté de certaines entreprises d'apparaître exemplaires aux yeux de leurs salariés ou de leurs clients pourrait, paradoxalement, conduire à la dissimulation d'accidents mineurs.

Quant à la sous-déclaration des maladies professionnelles, elle résulte pour une large part du manque d'information des victimes, qui ne connaissent pas toujours la nocivité des produits qu'elles manipulent ni leurs droits au regard de la sécurité sociale. Un salarié peut également s'abstenir de déclarer une maladie professionnelle par crainte de perdre son emploi. Le caractère forfaitaire de la réparation offerte par la branche AT-MP peut enfin conduire certaines victimes à estimer qu'il est préférable, sur le plan financier, d'emprunter une autre voie d'indemnisation.

Par ailleurs, les médecins de ville comme les praticiens hospitaliers ont rarement le réflexe de s'interroger sur l'éventuelle origine professionnelle d'une pathologie, surtout si celle-ci est multifactorielle, c'est-à-dire susceptible de résulter à la fois de facteurs professionnels et personnels.

b) La sous-reconnaissance des maladies professionnelles

Une maladie est reconnue d'origine professionnelle :

- si elle figure dans un tableau, fixé par décret en Conseil d'Etat, qui recense les maladies présumées être d'origine professionnelle ;

- ou si le salarié est reconnu atteint d'une maladie professionnelle par le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP), dont l'avis s'impose à la caisse de sécurité sociale.

Nombre de maladies professionnelles reconnues par dérogation aux critères
des tableaux (alinéa 3) et en dehors des tableaux (alinéa 4)

2005

2006

2007

2008

2009

Affections rhumatologiques

2 767

3 036

3 150

3 634

4 429

Affections amiante

475

509

524

458

462

Surdité

295

285

245

272

248

Affections respiratoires

86

151

84

166

113

Affections de la peau

32

28

16

26

79

Autres pathologies

151

38

162

119

132

Nombre de pathologies reconnues au titre de l'alinéa 3

3 806

4 169

4 181

4 675

5 463

Nombre de pathologies reconnues au titre de l'alinéa 4

129

150

176

186

227

Source : Cnam

Cette procédure peut ne pas être exempte de défaillances. Des pathologies émergentes ou mal connues peuvent ne pas figurer sur les tableaux de maladies professionnelles.

Un autre problème, de nature scientifique cette fois, tient à la difficulté à déterminer la cause exacte d'une affection. La ligne de partage entre les maladies professionnelles et les autres peut être délicate à tracer, ce qui explique que les taux de reconnaissance puissent différer de façon significative d'une CPAM à une autre.

c) Evaluation du phénomène et de ses conséquences

La sous-déclaration des accidents du travail semble relativement limitée, tout au moins pour les accidents ayant occasionné un arrêt de travail. En comparant les statistiques de la Cnam aux informations recueillies par la Dares 3 ( * ) grâce à ses enquêtes auprès des salariés et des entreprises, le rapport Diricq estime le taux de sous-déclaration aux alentours de 5 %, ce qui correspondrait à 38 000 accidents avec arrêt.

La sous-déclaration et la sous-reconnaissance des maladies professionnelles seraient de plus grande ampleur. Il convient cependant d'être prudent en la matière, puisqu'elles sont appréciées à l'aide d'études épidémiologiques relatives au nombre de sinistres d'origine professionnelle, qui ne sont pas exhaustives et reposent sur des méthodologies et des hypothèses complexes.

Pour évaluer le coût de la sous-déclaration et de la sous-reconnaissance, la commission Diricq a d'abord estimé le nombre de sinistres non pris en compte dans les statistiques de la Cnam et l'a rapporté au coût moyen attaché à ces accidents et maladies. Compte tenu des incertitudes qui viennent d'être indiquées, la commission a abouti à une fourchette assez large, comprise entre 564,7 millions et 1,015 milliard d'euros .

Le précédent exercice d'évaluation, réalisé en 2005, avait conclu à une fourchette comprise entre 356 et 749 millions. L'écart par rapport à l'évaluation réalisée cette année tient à trois causes principales :

- un effet de champ, la commission Diricq s'étant attachée en 2008 à évaluer les coûts liés à des pathologies non prises en compte antérieurement, comme les dermatoses et les broncho-pneumopathies ;

- l'augmentation du coût du traitement des pathologies ;

- l'augmentation des effectifs salariés.

La commission formule de nombreuses propositions destinées à réduire la sous-déclaration et la sous-reconnaissance. Elle insiste notamment sur l'amélioration de l'information et de la formation des salariés et des élus du personnel, notamment des membres du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), ainsi que des professionnels de santé. Il faut veiller aussi à une actualisation régulière des tableaux de maladies professionnelles et à une diminution des disparités observées dans les décisions des différentes CPAM et CRRMP. Chaque caisse devrait également mettre en place une procédure d'aide à la déclaration des maladies et d'accompagnement des victimes.

Dans l'attente du rapport de la prochaine commission qui sera remis en 2011 et en l'absence d'élément nouveau, le Gouvernement a décidé de reconduire le montant du versement en 2011 à 710 millions d'euros.


Récapitulatif des principales propositions et recommandations émises en juillet 2010 par la mission d'information de la commission des affaires sociales sur le mal-être au travail

Code du travail

1. Faire figurer explicitement dans le code une disposition prévoyant que l'organisation du travail et les méthodes de gestion ne doivent pas mettre en danger la sécurité et la santé des travailleurs, ni porter atteinte à leurs droits et à leur dignité.

2. Préciser que l'employeur, qui a l'obligation d'évaluer les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, doit aussi prendre en compte la charge psychosociale du poste de travail.

Management

3. Former systématiquement les managers à la gestion d'équipe et leur donner un socle minimum de compétences en matière de santé et de sécurité au travail.

4. Revenir aux fondamentaux du management, en redonnant toute leur place aux comportements individuels, au détriment des procédures préétablies.

5. Renforcer les collectifs de travail, en intégrant une dimension collective dans l'évaluation des personnels, en ouvrant des espaces de concertation avec les travailleurs ou encore en mettant en place un dispositif d'intéressement.

6. Pour inciter les directions à oeuvrer pour le bien-être de leurs collaborateurs, faire dépendre une part de la rémunération variable des managers d'indicateurs sociaux et de santé.

7. Faire bénéficier les PME et TPE d'une attention particulière, notamment en mobilisant les partenaires sociaux au niveau des branches ou au niveau territorial.

Acteurs de la prévention des risques professionnels

8. Mieux faire connaître, notamment auprès des petites entreprises, l'action de l'INRS, des Carsat ou du réseau Anact/Aract.

9. Veiller à ce que la réforme annoncée des services de santé au travail contribue à revaloriser le métier de médecin du travail, à conforter leur indépendance, en s'orientant vers une gestion paritaire, et promeuve la pluridisciplinarité.

10. Dans le respect de la négociation en cours entre les partenaires sociaux en vue d'une réforme des institutions représentatives du personnel (IRP), rechercher les moyens de renforcer les comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) : élection directe de leurs membres, délégations horaires plus importantes, meilleure formation des élus, création de CHSCT « centraux » dans les grandes entreprises.

Accompagnement des salariés en souffrance

11. Développer les dispositifs d'écoute qui permettent aux salariés de s'exprimer et de bénéficier, le cas échéant, d'un soutien psychologique.

12. Sensibiliser à la santé au travail les médecins de ville, vers qui les salariés se tournent souvent spontanément, afin qu'ils fassent plus facilement lien entre une pathologie et les conditions de travail.

Prise en charge par la branche accidents du travail et maladies professionnelles de la sécurité sociale

13. Etudier la possibilité d'inscrire le stress post-traumatique dans les tableaux de maladies professionnelles et d'assouplir les critères de reconnaissance des maladies professionnelles dans le cadre de la procédure complémentaire.

II. RENOUER AVEC LES EXCÉDENTS POUR APURER LA DETTE ?

Après un exercice 2008 légèrement excédentaire, les circonstances économiques ainsi que de nouvelles charges ont grevé lourdement les comptes de la branche pour l'exercice 2009 et à nouveau pour l'exercice 2010. Cet exercice semble toutefois devoir s'achever sous de meilleurs auspices qu'il n'avait commencé. L'augmentation des recettes de la branche (4,1 %) et le ralentissement de la progression des dépenses (1,9 % en 2010 contre 5,8 % en 2011) devraient permettre un autofinancement de 95,7 %. Pour 2011, les comptes prévisionnels de la branche retiennent l'hypothèse d'un ajustement à la hausse des cotisations de 0,1 point, permettant à la branche de dégager un excédent d'environ 100 millions d'euros.

Votre commission approuve ce retour à l'équilibre qui est conforme à la vocation assurantielle de la branche AT-MP. Tout en admettant qu'un alourdissement des cotisations dues par les entreprises est de nature à nuire à leur compétitivité en période de crise, elle considère que la couverture du déficit doit intervenir dans les meilleurs délais. Ainsi, la reprise de la dette constituée par la branche AT-MP en 2009 et 2010 par la Cades en application de l'article 9 du présent projet de loi de financement ne peut s'analyser que comme une subvention de 1,3 milliard aux entreprises. Pareil transfert n'est pas souhaitable. La socialisation de la dette de la branche est en effet profondément contraire à sa nature. Celle-ci repose sur le principe qu'il incombe aux entreprises de prévenir le risque qu'elles font peser sur la santé des travailleurs. La logique du système mis en place en 1898 implique donc que ce soient les excédents que la branche dégagera à partir de 2011 qui servent à rembourser ses dettes.

A. DES RECETTES MARQUÉES PAR LA DIMINUTION DE LA MASSE SALARIALE

1. Les recettes de la branche

Les recettes de la branche AT-MP se composaient en 2009 de 76,7 % de cotisations patronales nettes, de 0,2 % de cotisations prises en charge par l'Etat, de 18,6 % de recettes fiscales affectées et de 4,4 % de produits divers (recours contre tiers, produits financiers, produits de gestion courante...). Les cotisations patronales globales (c'est-à-dire les cotisations patronales nettes augmentées des exonérations compensées par l'Etat et par le panier de recettes fiscales) représentent en définitive plus de 95 % des recettes de la branche .

Le taux de cotisation AT-MP, fixé à 2,285 % depuis 2006, devrait être augmenté de 0,1 % l'an prochain. Il s'agit là d'un taux moyen, le taux effectivement appliqué à chaque entreprise variant en fonction du nombre de sinistres qui lui sont imputables au cours des trois dernières années, selon des modalités qui varient avec la taille de l'entreprise.

La détermination du taux de cotisation d'une entreprise


• Les principes de tarification

Le système de tarification est fondé sur un triple principe :

- une prise en charge par le seul employeur ;

- un souci de prévention, le montant de la cotisation étant fixé selon le risque survenu dans chaque entreprise ;

- un principe de mutualisation, intrinsèquement lié à la nature assurantielle du système de sécurité sociale.


• Le calcul du taux de cotisation

En application de ces principes, le taux de cotisation est actualisé chaque année et déterminé pour chaque entreprise selon la nature de son activité et selon ses effectifs.

Le taux net , qui est en fait le taux exigible, est la somme d'un taux brut et de trois majorations spécifiques.

Le taux brut est le rapport, pour les trois dernières années de référence, entre les prestations servies en réparation d'accidents ou de maladies imputables à l'entreprise et les salaires. Selon la taille de l'entreprise, ce taux brut est :

- celui calculé pour l'ensemble de l'activité dont relève l'établissement : c'est le taux collectif pour les entreprises de moins de dix salariés ;

- celui calculé à partir du report des dépenses au compte de l'employeur : c'est le taux réel pour les entreprises de deux cents salariés et plus ;

- pour les entreprises dont les effectifs sont situés entre 10 et 199 salariés, la tarification est dite mixte, le calcul se faisant en partie selon le taux collectif et en partie selon le taux réel, la part de ce dernier augmentant avec les effectifs.

Au taux brut sont ajoutées trois majorations forfaitaires identiques pour toutes les entreprises et activités, pour tenir compte :

- des accidents de trajet (M1) ;

- des charges générales, des dépenses de prévention et de rééducation professionnelle (M2) ;

- de la compensation entre régimes et des dépenses qu'il n'est pas possible d'affecter à un employeur, inscrites au compte spécial « maladies professionnelles » (M3).


• Le rôle de la branche

La commission des AT-MP est chargée de fixer, avant le 31 janvier, les éléments de calcul des cotisations, conformément aux conditions générales de l'équilibre financier de la Sécurité sociale déterminées par les lois de financement. A défaut, ils sont déterminés par arrêté interministériel.

Puis les caisses régionales d'assurance maladie déterminent le taux de cotisation de chaque entreprise, à partir des informations collectées régionalement et des éléments fixés par la commission. Elles disposent en outre d'une possibilité d'appliquer soit des cotisations supplémentaires, soit des ristournes, pour inciter les entreprises à mieux encadrer les risques professionnels.

Produits de la branche AT-MP (Cnam)

2006

2007

2008

2009

2010

2011*

PRODUITS DE GESTION TECHNIQUE

9 654,3

10 210,7

10 753,6

10 485,6

10 850,2

11 678,9

Cotisations patronales nettes

7 412,0

7 678,4

8 220,6

8 009,3

10 831,5

11 660,0

Cotisations prises en charge par l'Etat

258,7

287,9

40,3

38,2

30,8

26,8

Impôts et taxes affectés

1 620,0

1 828,6

2 022,6

1 995,0

2050,0

247,8

Transferts entre organismes de sécurité sociale

2,9

4,9

15,8

5,8

5,0

5,5

Divers produits techniques

360,6

410,9

454,3

437,2

414,4

417,3

Recours contre tiers

330,6

380,5

416,4

400

374,4

374,4

Produits financiers

2,3

0,6

0,7

0,0

0,0

0,0

Autres divers produits techniques

27,7

29,8

37,2

37,2

40,0

42,9

* prévisions Source : direction de la sécurité sociale

2. L'impact contrasté des évolutions des différents produits

En 2009, compte tenu d'un contexte économique très défavorable, les recettes de la branche, s'élevant à 10,4 millions d'euros, se sont significativement dégradées enregistrant une baisse de 3,3 % (contre + 5,3 % au cours de l'exercice précédent).

Le produit de cotisations est en baisse de 3,2 %, soit un rythme plus dynamique que celui de la masse salariale du secteur privé (- 1,3 % par rapport à 2008). Cet écart tient à la combinaison de trois facteurs :

- la dégradation du contexte économique a eu pour conséquence une forte augmentation des restes à recouvrer (augmentation de près de 60 millions d'euros de la charge des dotations nettes sur créances et admissions en non valeur) ;

- la révision de certains taux de cotisation dont celui des employeurs de personnel de maison a représenté une perte de cotisations d'environ 70 millions d'euros ;

- enfin, la diminution de la masse salariale a été plus importante pour les catégories de cotisants dont les taux sont les plus élevés (effet de structure).

Par ailleurs, après deux années de fortes hausses, les recours contre tiers sont en baisse de 8,8 % compte tenu de la réduction de la comptabilisation des dossiers en instance.

En 2010, les cotisations globales patronales croîtraient de 4,2 % sous l'impulsion notamment de la hausse de 2,0 % de l'assiette du secteur privé. Les cotisations évolueraient plus vite que la masse salariale, les exonérations continuant à se contracter en 2010. Par ailleurs, suite à une révision à la hausse de la part des droits tabac affectés à la compensation des exonérations générales, les impôts et taxes compensant les allégements généraux augmenteraient et auraient un impact positif de 110 millions d'euros sur le solde.

En 2011, la prévision table sur une progression de 7,9 % des cotisations globales patronales en lien avec la hausse prévue de 2,8 % de la masse salariale du secteur privé et avec le relèvement de 0,1 point du taux de la cotisation de la branche AT-MP dont le rendement devrait s'élever à plus de 485 millions d'euros (article L. 242-5 du code de la sécurité sociale).

L'ensemble des recettes de la Cnam AT-MP s'élèverait cette année à 11,7 milliards d'euros.

Les paramètres de l'évolution des recettes de la Cnam AT-MP

2006

2007

2008

2009

2010

2011 (p)

Masse salariale du secteur privé

+4,3 %

+4,8 %

+4,5 %

-2,0 %

-0,5%

0,6 %

- effectifs du secteur privé

+1,2 %

+1,6 %

+0,9 %

-2,7 %

-2,5%

2,3 %

- salaire moyen du secteur privé

+3,1 %

+3,2 %

+3,6 %

+0,7 %

+2,0%

2,9 %

Taux net de cotisations employeurs

2,285 %

2,285 %

2,285 %

2,285 %

2,29 %

2,39 %

(p) prévisions Source : direction de la sécurité sociale

B. UNE AUGMENTATION PLUS FAIBLE DES CHARGES EN 2010

1. La structure des charges de la branche

En 2009, les dépenses de prestations représentent près de 64 % des charges de la Cnam AT-MP. Le solde de 36 % est constitué par des transferts techniques vers d'autres régimes et fonds (mines, salariés agricoles, Cnam maladie, caisse nationale de solidarité pour l'autonomie...), dont 10 % au titre de transferts vers les fonds chargés de l'indemnisation des victimes de l'amiante (Fcaata et Fiva), et des charges de gestion courante et de diverses charges techniques. Cette répartition a évolué du fait de l'importance prise par les transferts vers les fonds de l'amiante et, depuis 2008, vers l'assurance maladie au titre de la compensation de la sous-déclaration.

Les prestations versées par la Cnam au titre des accidents du travail, des accidents du trajet et des maladies professionnelles progressent de manière continue et atteignent 7,6 milliards d'euros en 2009, dont 6,4 milliards hors soins :

- les prestations pour incapacité permanente représentent 53 % du total ; parmi celles-ci, 97 % sont versées sous forme de rente : il s'agit des indemnités accordées quand l'incapacité est supérieure à 10 % ;

- les indemnités pour incapacité temporaire représentent les 47 % restants ; plus des deux tiers de ces prestations (2,43 milliards en 2009) recouvrent les indemnités journalières versées par la Cnam lorsque les arrêts de travail sont imputables à des AT-MP, le reste représentant les dépenses de soins qui leur sont consécutives.

2. Une augmentation moins rapide des charges

Cette contraction s'expliquait pour l'essentiel par :

- le net recul des dépenses hospitalières de la branche ;

- la fixation de la provision des besoins de financement du Fcaata à 23 millions en 2008 contre 150 millions en 2007 ;

- la baisse de 121 millions de la compensation versée au régime des mines ;

- une progression des autres charges moindre en 2008 qu'en 2007.

En 2009, les charges de la branche ont retrouvé une forte croissance (+ 5,8 % par rapport à l'exercice précédent).

La hausse des charges est largement imputable à l'augmentation de 300 millions d'euros du transfert à la Cnam au titre de la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles dont la hausse pèserait pour près de trois points dans la croissance totale des charges. Dans une moindre mesure, elle résulte de l'augmentation de 30 millions d'euros de la dotation de la branche au Fcaata.

Les prestations légales augmentent de + 3,6 %. Les évolutions sont toutefois contrastées. Les rentes d'incapacité permanente ont crû de 1,1 % ; les indemnités journalières accidents du travail, en hausse de 5,5 %, ont conservé une progression très rapide et les dépenses en établissements également (+ 12,9 %).

Enfin, le Fcaata a dégagé un solde de gestion positif en 2009, la Cnam AT-MP n'inscrit donc plus de provision sur créances comme cela avait été le cas lors des exercices déficitaires de 2007 et 2008. A contrario , une reprise partielle de 11 millions d'euros sur la provision a été portée au compte de la branche au titre de sa créance sur le fonds.

En 2010, la croissance de l'ensemble des charges ralentirait (+ 1,9 % après + 5,8 % en 2009), en lien avec la décélération des prestations légales (+ 2,8 % en date de soins contre + 3,3 % en 2009), les autres charges restant globalement stables hormis le transfert de compensation avec le régime des Mines (CANSSM) qui enregistrerait une baisse de 4,6 % réduisant le solde de 20 millions d'euros.

En 2011, les dépenses de prestations conserveraient dans l'ensemble une progression proche de celle de 2010. La loi de réforme des retraites prévoit la mise en place d'un dispositif de prise en charge de la pénibilité par la branche AT-MP. La prévision retient pour 2011 une charge supplémentaire de 58 millions d'euros au titre de cette mesure nouvelle.

Par ailleurs, la dotation au Fiva sera augmentée de 25 millions d'euros pour permettre au fonds de faire face aux dépenses liées à la réforme du régime de prescription des actions en indemnisation.

Les charges de la Cnam AT-MP (présentation PLFSS 2010)

(en millions d'euros)

2008

%

2009

%

2010

%

2011

%

CHARGES DE GESTION TECHNIQUE

9 723,9

- 1,5

10 327,8

6,2

10 503,2

2,0

10 771,8

2,6

Prestations

7 494,4

0,4

7 787,8

3,9

7 987,3

2,9

8 207,5

2,8

Prestations légales

7 260,8

0,2

7 518,3

3,5

7 709,2

2,8

7 922,2

2,8

Prestations extralégales

3,8

- 21,3

3,8

- 1,8

4,1

3,1

4,1

0,8

Autres prestations

208,5

14,0

238,9

14,6

200,4

7,4

198,5

- 1,0

Dotations nettes aux provisions (pour prestations)

10,8

- 42,6

16,4

51,8

58,1

2,3

66,5

14,5

Pertes sur créances irrécouvrables (pour prestations)

10,4

- 24,1

10,4

0,0

15,5

4,0

16,1

3,9

Transferts entre organismes de sécurité sociale

962,0

- 10,0

1 268,4

31,9

1 237,7

- 1,6

1285,1

3,8

Compensations

551,7

- 16,2

558,2

1,2

527,7

- 3,7

517,1

- 2,0

Compensation avec le régime des Mines

436,1

- 20,0

443,7

1,7

413,3

- 4,6

402,5

- 2,6

Compensation avec le régime des salariés agricoles

115,6

2,0

114,5

- 1,0

114,6

- 0,2

114,6

0,0

Transferts divers et autres

410,3

0,1

710,3

73,1

710,0

0,0

768,0

8,2

Reversement à la Cnam maladie

410,0

0,0

710,0

73,2

710,0

0,0

710,0

0,0

Autres transferts techniques

1211,7

4,0

1 237,8

2,2

1 238,1

- 0,3

1259,8

1,8

Contribution au Fcaata

850,0

6,3

880,0

3,5

880,0

0,0

880,0

0,0

Contribution au Fiva

315,0

0,0

315,0

0,0

315,0

0,0

340,0

7,9

Contribution au Fcat

38,3

- 12,8

34,5

- 10,0

31,3

- 11,1

28,0

- 10,6

Contribution au FMES-FMCP

2,2

- 13,7

2,2

0,0

2,8

0,0

2,8

0,0

Charges diverses

55,8

- 68,6

33,7

- 39,6

40,0

24,6

19,4

- 51,4

Provision du déficit de trésorerie Fcaata

23,2

- 84,6

7,0

- 69,8

4,1

++

0,0

-

CHARGES DE GESTION COURANTE

805,5

- 0,2

823,2

2,2

840,1

0,1

848,1

1,0

Transferts FNGA

38,7

44,8

46,7

TOTAL DES CHARGES

10 529,4

- 1,4

11 150,9

5,9

11 401,7

2,2

* prévisions Source : direction de la sécurité sociale

3. Des dépenses de transfert toujours élevées

On l'a vu, plus du tiers des charges de la branche AT-MP est constitué de dépenses de transfert vers d'autres régimes de sécurité sociale, vers la branche maladie du régime général ou vers différents fonds, notamment ceux dédiés aux victimes de l'amiante. Après avoir augmenté de plus de 13 % en 2007 puis un peu diminué en 2008 (- 2,7 %), ces charges ont à nouveau augmenté fortement en 2009, de 15,3 %, avant de se stabiliser, voire de connaître, en 2010, un léger recul de 1,1 %.

La charge des transferts reste donc globalement croissante sur la période : entre 2004 et 2010, leur poids relatif, rapporté aux cotisations patronales nettes, passerait de 23 % à 36 %.

Les principaux transferts à la charge de la branche AT-MP

(en millions d'euros)

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

Mines

448,6

483,5

460,3

545,2

436,1

443,7

419,4

MSA

111,3

110,2

106,6

113,3

115,6

114,5

114,5

Branche maladie

330,0

330,0

330,0

410,0

410,0

710,0

710,0

Fcat

58,2

54,5

45,2

44,0

38,3

34,5

31,1

Fcaata

500,0

600,0

700,0

800,0

850,0

880,0

880,0

Fiva

100,0

200,0

315,0

315,0

315,0

315,0

315,0

Total des principaux transferts

1 548,1

1 778,2

1 957,1

2 227,5

2165,0

2497,7

2470,0

Source : Cnam

a) Le transfert à la branche maladie

La branche AT-MP du régime général assure des transferts de compensation vers les régimes de sécurité sociale dont les effectifs diminuent, notamment les régimes des mines et des salariés agricoles, afin de les aider à faire face à leurs obligations financières. Le montant du transfert au régime agricole est assez stable ces dernières années et la compensation au régime des mines devrait le devenir après une évolution plus heurtée.

Elle effectue, de plus, un reversement à la branche maladie du régime général pour compenser la sous-déclaration et la sous-reconnaissance des AT-MP. En 2007 et 2008, son montant est resté inchangé, à 410 millions d'euros, ce qui le situait dans le bas de la fourchette préconisée par le rapport d'évaluation réalisé en 2005.

Pour 2011, comme pour 2010 et 2009, le Gouvernement propose de le fixer à 710 millions d'euros . Cette somme correspond à la moyenne de l'estimation à laquelle a procédé la commission Diricq du coût de la sous-déclaration et la sous-reconnaissance. Etant donné le niveau déjà important du transfert opéré, il apparaît vraisemblable que le prochain rapport de la commission, qui sera remis en 2011, n'entraînera pas de réévaluation du montant à verser.

b) La contribution aux fonds de l'amiante

L'indemnisation des victimes de l'amiante repose sur deux dispositifs principaux : le fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Fcaata), institué par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, et le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva), créé par la loi de financement pour 2001.

Le Fcaata verse aux salariés ayant été exposés à l'amiante une allocation de cessation anticipée d'activité et s'assimile donc à un régime de préretraite. Le Fiva complète l'indemnisation offerte par les régimes de sécurité sociale afin que les victimes de l'amiante obtiennent une réparation complète de leur préjudice.

Bien que les sommes versées par ces fonds n'entrent pas dans le champ des prestations du régime général, la branche AT-MP du régime général en est le principal financeur. En 2009 et en 2010, le montant versé aux deux fonds est de 1,195 milliard d'euros (880 millions pour le Fcaata, 315 millions pour le Fiva). Il devrait rester stable en 2011 pour le Fcaata mais augmenter pour le Fiva, afin d'atteindre 340 millions d'euros, ce qui devrait permettre au fonds de couvrir l'intégralité de ses nouvelles dépenses liées à sa réorganisation en 2010 et à l'allongement du délai de prescription prévu par l'article 49 du présent projet de loi.

La part des charges liées à l'amiante rapportée aux dépenses totales de la branche AT-MP, pour le régime général, est passée de 12 % en 2001 (1 milliard sur 8,4 milliards de charges) à un peu plus de 18 % depuis 2008 (2,1 milliards rapportés à 11,7 milliards de charges), soit une progression de 50 %.

Cette évolution s'explique principalement par la croissance des dotations au Fcaata, qui ont été multipliées par plus de quatre entre 2001 (200 millions) et 2009 (880 millions) en raison de la montée en charge du dispositif.

La stabilisation des dépenses du Fcaata

Le financement du fonds est assuré, pour l'essentiel, par la branche AT-MP du régime général, dont la contribution a progressé de 30 millions d'euros en 2009. Il est resté stable en 2010 et devrait l'être encore en 2011. S'y ajoutent le versement d'une partie des droits de consommation sur le tabac et, de 2005 à 2009, le produit de la contribution à la charge des entreprises ayant exposé leurs salariés à l'amiante, ces deux recettes rapportant 30 millions chacune.

Financement du Fcaata

2005

2006

2007

2008

2009

2010 (p)

2011 (p)

Contributions de la branche AT-MP du régime général

600

700

800

850

880

880

880

Contribution des entreprises

68

21

33

35

3

0

0

Droits sur les tabacs

29

32

29

30

31

31

31

Total

697

753

862

916

914

911

911

(p) prévisions Source : Rapport annuel du Fcaata 2008

Depuis 2003, les charges de ce régime sont supérieures aux produits. Cependant, à partir de 2010, le montant des charges devrait se stabiliser à un montant proche de celui de 2009 (925 contre 926 millions d'euros) puis décroître. Les recettes devraient pour leur part se stabiliser à 911 millions d'euros, ce qui laisse espérer un résultat net excédentaire du Fcaata en 2011.

La réduction du niveau de déficit annuel s'avère néanmoins plus lente et erratique que prévue. Pour 2009, le déficit s'établissait à 11 millions d'euros, il devrait s'établir à 14 millions en 2010. La réduction, voire la disparition, des déficits est néanmoins prévisible. Elle s'explique par l'accroissement régulier des sorties (plus de 6 000 par an) car les bénéficiaires arrivent à l'âge de la retraite, et par la réduction du nombre d'entrants (moins de 5 000). Depuis 2008, le nombre d'allocations en cours de versement est en baisse. Il devrait s'établir à 31 100 en 2010 contre 33 900 en 2007.

Cependant, les capitaux propres sont négatifs depuis 2005 et en diminution continue. Le déficit cumulé continue de se creuser. Le fonds présente désormais près de 300 millions d'euros de dette cumulée.

Résultats financiers du Fcaata

(en millions d'euros)

2005

2006

2007

2008

2009

2010 (p)

2011 (p)

Résultat net

- 92

- 118

- 56

- 12

- 11

- 4

14

Réserve cumulée

- 86

- 204

- 260

- 272

- 284

- 288

- 274

(p) prévisions Source : rapport annuel du Fcaata, exercice 2008

Nombre d'allocataires du Fcaata

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

Entrées

18 032

26 039

33 361

40 397

46 731

52 722

58 659

63 974

Sorties

1 351

3 201

6 163

9 029

13 672

18 813

25 436

31 124

Nombre d'allocataires

16 681

22 838

27 198

31 368

33 059

33 909

33 233

32 850

(p) prévisions Sources : rapports d'activité du Fcaata jusqu'en 2008 ; projections commission
des comptes de la sécurité sociale de septembre 2009 pour 2009

Dépenses du Fcaata

(en millions d'euros)

2005

%

2006

%

2007

%

2008

%

2009

%

2010 (p)

%

2011 (p)

%

Charges

789

21,3

872

10,5

918

5,3

929

1,2

926

- 0,2

915

- 1,2

897

- 2,0

(p) prévisions Source : rapport annuel du Fcaata, exercice 2008

Une augmentation continue des charges du Fiva

La situation financière du Fiva reste plus saine que celle du Fcaata, dans la mesure où les dotations qu'il a obtenues ont excédé ses dépenses jusqu'en 2004, ce qui lui a permis d'accumuler d'importantes réserves qui s'élevaient à environ 169 millions d'euros en 2009.

Situation financière du Fiva

(en millions d'euros)

2005

2006

2007

2008

2009

2010 (p)

CHARGES

432

392

356

424

424

490

Indemnisations (dont provisions)

426

388

351

418

417

483

Autres charges

6

4

5

6

7

7

PRODUITS

347

403

402

419

418

414

Contributions de la Cnam AT-MP

200

315

315

315

315

315

Contributions de l'Etat

52

48

48

47

48

48

Autres produits (dont reprise sur provisions)

95

40

39

57

55

51

Résultat net

- 85

11

46

- 5

- 6

- 76

Fond de roulement

251

262

308

303

297

221

(p) prévisions Source : Fiva, huitième rapport d'activité au Parlement et au Gouvernement

En 2009, les dépenses d'indemnisation du fonds sont restées quasiment stables par rapport à 2008, augmentant de 0,5 %. Ceci correspond à la relative stabilité du nombre de demandes déposées par de nouvelles victimes (+ 1,2 %), relevée par le rapport d'activité du Fiva pour l'année 2009. Les dépenses d'indemnisation ont atteint 359 millions d'euros en 2009, un niveau inférieur à celui de 2008 (394,6 millions d'euros).

En 2008 et 2009, l'activité prévue du fonds s'est établie autour de 7 000 offres. Mais, étant donné l'existence de 14 000 dossiers en instance, ceci suppose que l'effort soit plus soutenu dans les prochaines années. Le contrat de performance signé par le Fiva pour les années 2010-2012 prévoit ainsi le traitement de 12 000 dossiers. Cette augmentation de l'activité se traduira nécessairement par une augmentation des indemnisations servies par le fonds.

L'ampleur de cette augmentation est néanmoins incertaine en raison de deux phénomènes concomitants : la forte augmentation des demandes pour aggravation ainsi que des demandes d'ayants droit. Or, le premier type de demande entraîne normalement un montant d'indemnisation élevé (125 000 euros pour un mésothéliome et 136 000 pour un cancer pulmonaire en 2009), en lien avec la gravité de la pathologie, alors que les demandes des ayants droit, portant, pour la plupart d'entre elles, sur le seul préjudice moral, sont indemnisées selon un barème faible (23 900 euros pour le conjoint, 5 400 euros pour un enfant hors du foyer en application du barème revalorisé d'avril 2008).

L'évolution de l'équilibre du Fiva reste donc difficile à prévoir à moyen terme.

C. LA PERSPECTIVE D'UN RETOUR AUX EXCÉDENTS

Les nouvelles dépenses mises à la charge de la branche AT-MP en 2009, alliées aux difficultés de la conjoncture économique, ont eu pour effet d'absorber entièrement l'excédent qu'elle avait réussi à dégager en 2008, de la rendre déficitaire en 2009 et d'accroître encore ce déficit en 2010. Cependant, les perspectives tracées par le PLFSS pour 2011 permettent d'espérer un retour à l'équilibre et même un léger excédent de l'ordre de 100 millions d'euros.

1. Le régime général

Le tableau ci-dessous retrace, pour les années 2005 à 2010, le montant des résultats nets de la branche AT-MP de la Cnam, en droits constatés.

Solde net de la branche AT-MP

(en milliards d'euros)

2005

2006

2007

2008

2009

2010 (p)

2011 (p)

Résultat net

- 0,4

- 0,1

- 0,5

+ 0,2

- 0,7

- 0,5

+ 0,1

(p) prévision s Source : PLFSS pour 2011

Ce retour à l'équilibre repose sur l'ajustement des cotisations payées par les entreprises aux charges de la branche, montrant que celle-ci n'a pas rompu avec sa vocation assurantielle. Il convient cependant qu'elle assume pleinement cette vocation en prenant en charge ses dettes.

2. Les régimes de base

Compte tenu du poids de la branche AT-MP du régime général dans l'ensemble des régimes de base, son résultat influe fortement sur la situation financière de l'ensemble des branches.

Le résultat net global des régimes de base autres que le régime général est positif conformément aux prévisions d'un excédent de 114 millions d'euros en 2009. En 2010, le solde devrait se dégrader, sans toutefois cesser d'être excédentaire, pour s'établir à 69 millions d'euros. Ces résultats s'expliquent notamment par les excédents dégagés par le fonds d'allocation temporaire d'invalidité des agents des collectivités locales (Fatiacl).

Le tableau suivant présente les résultats nets des différents fonds et régimes de base en charge des AT-MP :

Situation financière des branches AT-MP des régimes de base

(en millions d'euros)

RÉSULTAT NET

Cnam AT-MP

Salariés agricoles

Exploitants agricoles

Fcata

Ensemble des régimes agricoles (RA)

Fonctionnaires

Fatiacl

CANSSM

EDF-GDF (Base)

SNCF

RATP

Enim

Banque de France

Petits régimes spéciaux

Ensemble des régimes spéciaux (RS)

Fcat

Autres régimes de base (ARB)

RA + RS + ARB

Tous régimes de base

2005

- 438

2

- 8

0

- 6

0

57

8

0

0

0

0

0

0

65

0

0

59

- 379

2006

- 59

- 27

- 32

0

- 59

0

61

- 16

0

0

0

0

0

1

45

0

0

- 13

- 72

2007

- 455

- 12

- 54

1

- 66

0

69

91

0

0

0

8

0

0

169

1

1

104

- 351

2008

241

- 2

- 25

1

- 26

0

77

- 52

0

0

0

6

0

2

34

1

1

9

249

2009

- 713

- 2

17

1

16

0

76

7

0

0

0

5

0

0

89

0

0

105

- 608

2010

- 490

0

- 11

0

- 11

0

80

0

0

0

0

0

0

0

81

0

0

70

- 420

2011*

59

- 2

- 16

0

- 18

0

82

0

0

0

0

0

0

0

82

0

0

64

123

* prévisions Source : direction de la sécurité sociale

Enim : établissement national des invalides de la marine

Fcat : fonds commun des accidents du travail

Fcata : fonds commun des accidents du travail agricole

Fatiacl : fonds d'allocation temporaire d'invalidité des agents des collectivités locales

CANSSM : caisse nationale de sécurité sociale pour les mines

III. FAIRE FACE AUX NOUVELLES MISSIONS DE LA BRANCHE

Au-delà des problèmes conjoncturels de financement, c'est à l'évolution des conditions de travail, et donc des risques, que la branche AT-MP doit s'adapter. La convention d'objectifs et de moyens signée l'an dernier doit permettre de renforcer la politique menée en matière de prévention, mais il est aussi essentiel, pour que la branche puisse remplir ses missions, de clarifier la nature des indemnisations versées et de mettre en oeuvre des réformes pour garantir la santé des salariés.

A. UN CADRE D'ACTION BIEN DÉFINI

La convention d'objectifs et de gestion (Cog) de la branche AT-MP pour la période 2009-2012 a été signée le 29 décembre 2008 par le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, le président de la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles (CAT-MP) et le directeur de la Cnam, à laquelle ladite commission est rattachée. Cette convention, plus restreinte que celle élaborée pour la période 2004-2006 et prolongée pour les exercices 2007 et 2008, prend partiellement en compte les critiques portées contre celle-ci. Elle devrait surtout permettre une meilleure prévention des risques psychosociaux.

1. La mise en oeuvre de la convention d'objectifs et de gestion 2009-2012

La Cog de la branche AT-MP pour la période 2009-2012 se montre plus pragmatique que la précédente, ce qui laisse espérer une plus grande efficacité, tant en matière de prévention que de réparation. C'est ce que confirment les premiers bilans d'étape sur la mise en oeuvre des programmes d'action, présentés en juillet 2009 et mars 2010.

Liste des programmes d'action de la Cog 2009-2012

Programme 1 : Mise en oeuvre et pilotage des programmes de prévention du réseau centrés sur des cibles et des risques prioritaires

Programme 2 : Développement des partenariats Cram/CGSS et services de santé au travail

Programme 3 : Mise en oeuvre d'un projet national formation en prévention des risques professionnels

Programme 4 : Renforcement des incitations financières a la prévention

Programme 5 : Expérimentations relatives à la mise en oeuvre d'un dispositif de traçabilité des expositions professionnelles

Programme 6 : Prévention de la désinsertion professionnelle

Programme 7 : Homogénéisation des pratiques des caisses dans le domaine de la réparation

Programme 8 : Offre de services individualisés aux victimes

Programme 9 : Rénovation du dispositif de réparation de l'incapacité permanente

Programme 10 : Optimisation de la gestion de la tarification

Programme 11 : Simplification des règles de tarification

Programme 12 : Prévention et répression des fraudes aux AT-MP

Programme 13 : Développement de nouveaux téléservices

Programme 14 : Refonte de l'information en ligne de la branche

Programme 15 : Développement des actions de communication

Programme 16 : Développement et diffusion des études statistiques

Programme 17 : Convergence avec le dispositif européen de statistiques

Programme 18 : Modernisation des systèmes de gestion

Sur le plan de la prévention , les critiques relevant une coordination insuffisante entre l'Etat et la Cnam ont été prises en compte. Un plan national d'actions coordonnées a ainsi été élaboré pour être déployé dans toutes les régions. Il se concentre sur les quatre risques considérés comme prioritaires que sont les troubles musculo-squelettiques, les cancers d'origine professionnelle, le risque routier et les risques psychosociaux, et sur les trois activités à forte sinistralité que sont le BTP, la grande distribution et l'intérim. Des plans d'action régionaux déclinant ces objectifs ont été élaborés au premier semestre 2009 en collaboration avec les instances paritaires régionales.

Bien que des actions aient été menées en 2009 pour tous les objectifs définis, trois thèmes paraissent méritent une présentation plus détaillée : la lutte contre les troubles musculo-squelettiques, contre les substances cancérigènes et contre les risques psychosociaux.

Les ingénieurs conseils de la branche ont mené en 2009 des actions visant à la mise en place de plans de prévention durable des risques musculo-squelettiques dans plus de mille entreprises, parallèlement à une campagne de sensibilisation du grand public à ces questions.

La réduction du risque lié aux substances cancérigène s'est traduite, au cours de cette année, par des visites des agents des caisses au sein de 2 400 entreprises, principalement des PME, afin de mieux protéger les salariés. De plus, cinq régions pilotes (Bourgogne-Franche-Comté, Alsace-Moselle, Normandie, Nord-Picardie et Ile-de-France) se sont portées volontaires pour organiser, à partir de 2010, la collecte et l'archivage des données collectives d'exposition transmises par les entreprises.

En matière de prévention des risques psychosociaux, l'objectif de la branche AT-MP est de promouvoir l'évaluation des risques le plus en amont possible, cela afin de réduire l'exposition aux facteurs de risques dans le milieu professionnel. Fin 2009, 50 % des contrôleurs de sécurité et des ingénieurs conseils étaient formés à l'évaluation des risques psychosociaux, ce qui leur permet d'aider les entreprises et leur CHSCT dans l'évaluation des facteurs de risques et de les orienter vers des mesures de prévention primaire. Un guide d'aide au dépistage des risques psychosociaux a également été élaboré par l'INRS en collaboration avec des caisses régionales. Enfin, les services prévention des Cram ont participé à l'organisation des séminaires régionaux conduits par les Direccte au quatrième trimestre 2009 dans le cadre du plan d'urgence sur la prévention du stress.

Sur le plan de la réparation , la Cog poursuit l'objectif de lutte contre la désinsertion professionnelle consécutive à un arrêt prolongé du travail en renforçant la détection et le signalement des personnes concernées et en coordonnant mieux les actions en direction de ces personnes au sein du réseau de l'assurance maladie et avec les partenaires extérieurs, notamment avec les services de santé au travail (SST).

Plusieurs actions ont déjà été engagées par la Cnam afin de permettre aux victimes de retravailler dans les meilleures conditions après un accident du travail ou une maladie professionnelle :

- le dispositif de cellules de coordination locale et régionale de prévention de la désinsertion professionnelle est en cours de déploiement. La mise en oeuvre des contrats de rééducation en entreprise et des actions de remobilisation précoce fait désormais l'objet d'un suivi trimestriel. Par ailleurs, et compte tenu du rôle décisif que peut jouer le médecin du travail pour la prévention de la désinsertion professionnelle, les caisses régionales ont été invitées à signer des conventions de partenariat avec les SST de leur région ; au premier semestre 2010, soixante-six conventions portant sur ce thème avaient déjà été signées ;

- parallèlement, le développement des partenariats entre les caisses régionales et les services de santé au travail est prévu dans chaque contrat pluriannuel de gestion. Au premier semestre 2010, cent six conventions ont été conclues et quatre-vingt-une sont en cours ;

- enfin, la mise en place d'une indemnité temporaire d'inaptitude, prévue par la LFSS pour 2009 dont le décret d'application a été publié en mars 2010 4 ( * ) permet également au salarié reconnu inapte de pouvoir bénéficier d'une indemnisation dans l'attente de son reclassement ou de son licenciement.

Le traitement homogène des dossiers sur l'ensemble du territoire est également un objectif de la Cog. Il répond à des critiques répétées, émanant notamment de la Cour des comptes, sur les écarts concernant la reconnaissance de l'origine professionnelle des pathologies. A cette fin, des instructions ont été adressées aux directeurs des organismes locaux et des indicateurs de suivi mis en place. Une action de formation est menée par la caisse AT-MP dans l'ensemble de son réseau. Parallèlement, comme il s'y était engagé dans la Cog, l'Etat a pris un décret visant à encadrer et à sécuriser la procédure d'instruction des déclarations des AT-MP en vue d'assurer le respect du contradictoire et limiter le développement des contentieux 5 ( * ) .

2. Le plan « santé au travail »

Lancé officiellement par le ministre chargé du travail le 12 juillet dernier et construit avec les partenaires sociaux dans le cadre du conseil d'orientation sur les conditions de travail (Coct), le deuxième plan santé au travail s'inscrit dans le cadre de la « stratégie communautaire de santé et de sécurité au travail » pour les années 2007 à 2012, adoptée le 21 février 2007 par la commission européenne et fixant un objectif de réduction de 25 % du taux d'incidence des accidents du travail. Il définit les priorités de la politique de santé et sécurité au travail pour les années 2010 à 2014.

Ce deuxième plan s'articule autour de quatre axes principaux qui s'inscrivent dans la continuité du premier plan et proposent de nouvelles priorités.

Le premier axe concerne l'amélioration de la recherche et de la connaissance en santé au travail, ce qui implique de poursuivre l'effort engagé en matière de structuration et de développement de la recherche et de l'expertise dans ce domaine, de développer les outils de connaissance et de suivi, en particulier sur la veille sanitaire, et d'agir sur la formation des managers, des travailleurs, des acteurs de la prévention et des membres des comités d'hygiène, de sécurité et de conditions de travail.

Le deuxième axe consiste à développer une politique active de prévention des risques professionnels en ciblant des secteurs d'activité (bâtiment et génie civil, secteur agricole et forestier, secteur des services à la personne) particulièrement « accidentogènes », des risques précis (chimiques, musculo-squelettiques, mais aussi psychosociaux et émergents) et des publics particuliers en raison de leur vulnérabilité (seniors, nouveaux embauchés, saisonniers) ou des progrès à accomplir (fonctions publiques, travailleurs indépendants).

Le troisième axe vise à encourager les démarches de prévention des risques dans les entreprises , notamment dans les PME et les TPE, ce qui suppose de sensibiliser aux risques professionnels les branches professionnelles, les entreprises et les salariés, mais aussi d'accompagner les entreprises dans le diagnostic et la construction de leur démarche de prévention. Une attention particulière est portée aux services de santé au travail qui constituent des acteurs majeurs de la prévention des risques et de l'amélioration des conditions de travail.

Le quatrième axe porte sur le pilotage et l'animation du plan et donc plus largement de la politique de santé au travail. Il s'agit d'approfondir les partenariats avec les acteurs de la prévention et les partenaires sociaux, à tous les niveaux. Ainsi, le plan sera décliné par chacune des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi. L'accent est également mis sur la communication pour donner de la visibilité à la politique de santé au travail et pour valoriser les actions de tous, en particulier de l'inspection du travail.

Votre commission approuve la mise en oeuvre de ce plan mais constate que plusieurs problèmes perdurent. Ce second plan, comme le précédent, est essentiellement un instrument de coordination avec les autres instruments de politique publique que sont le plan cancer et le plan santé environnement. Il se propose donc d'agir à moyens constants et dépend essentiellement de l'implication de la branche et des partenaires sociaux au sein des entreprises. Il importe qu'en complément du plan présenté, l'Etat continue de renforcer les moyens dont il dispose pour intervenir dans les entreprises par le biais de l'inspection du travail et de l'encadrement des services de santé au travail.

B. DE NOUVELLES MISSIONS À METTRE EN oeUVRE

La reconnaissance de la pénibilité du travail est incontestablement un des points les plus importants de la réforme des retraites. Elle nécessite cependant que la branche mène un travail pour en préciser les critères afin d'éviter que la reconnaissance de ce nouveau droit ne s'accompagne d'injustices. Par ailleurs, l'avenir de la branche reste indissociable de celui des services de santé au travail dont la réforme, amorcée par la loi sur les retraites, doit être complétée pour leur permettre d'assumer pleinement leur mission de protection de la santé des travailleurs.

1. Une mission nouvelle : la compensation de la pénibilité
a) Le dispositif prévu

La loi portant réforme des retraites, adoptée définitivement par le Parlement le 27 octobre dernier, confie à la branche AT-MP la mission de reconnaître et de compenser la pénibilité du travail.

Le dispositif créé est à « double étage » 6 ( * ) :

- le premier permet aux assurés, justifiant d'une incapacité permanente d'au moins 20 % au titre d'une maladie professionnelle ou d'un accident du travail ayant entraîné des lésions identiques, de partir à la retraite à soixante ans et de liquider leur pension au taux plein ;

- le second ouvre la possibilité aux assurés qui justifient d'une incapacité permanente d'au moins 10 % au titre d'une maladie professionnelle ou d'un accident du travail ayant entraîné des lésions identiques, de bénéficier de ces mêmes droits à condition que leur dossier soit validé par une commission pluridisciplinaire territoriale.

Le financement de cette mesure est assuré par la branche des accidents du travail et des maladies professionnelles (AT-MP), qui compensera la branche vieillesse des nouvelles chargées créées par ce dispositif via la création d'une nouvelle majoration de la cotisation AT-MP payée par les employeurs.

Le texte prévoit en outre :

- la création à titre expérimental, d'un dispositif visant à constituer un cadre pour la conclusion, par les branches professionnelles, d'accords collectifs d'allègement (temps partiel, tutorat) ou de compensation (attribution de prime ou de journées de congé supplémentaire) de la charge de travail des salariés occupés à des travaux pénibles. Pendant la durée cette expérimentation, un fonds national de soutien relatif à la pénibilité sera créé afin d'aider les entreprises dans leur action. Ce fonds, constitué auprès de la Cnam, sera financé notamment par une dotation de l'Etat et par une dotation de la branche AT-MP 7 ( * ) ;

- l'instauration d'une pénalité de 1 % de la masse salariale applicable aux entreprises qui ne sont pas couvertes par un accord ou un plan d'action relatif à la prévention de la pénibilité 8 ( * ) .

b) Les évolutions apportées par le Sénat

Tout en approuvant pleinement cette première reconnaissance législative de la pénibilité, qui permettra à ceux qui ont le plus souffert du fait de leur travail de prendre à l'âge de soixante ans une retraite à taux plein, le Sénat a estimé devoir compléter le dispositif proposé sur deux points : la définition de la pénibilité et le financement de l'expérimentation.

Il n'existe en droit aucune définition de la pénibilité, qui ne peut donc être appréhendée que par ses effets, c'est-à-dire les lésions causées aux corps des travailleurs. Cet état de fait est insatisfaisant en ce qu'il limite la prise en compte de la pénibilité aux cas de dommages physiques sans prendre en compte, par exemple, les effets des risques psychosociaux. Par ailleurs, seule la pénibilité à effet immédiat a été prise en compte à ce stade, alors que les conséquences de la vie professionnelle, peuvent se déclarer plus tard dans la vie, et même après l'âge de la retraite.

Le Gouvernement a justifié sa volonté de ne pas définir la pénibilité et de ne pas en prendre en compte les éventuels effets différés par l'insuffisance des connaissances scientifiques en la matière. Le Sénat a dès lors chargé un organisme spécifique, l'observatoire de la pénibilité, placé auprès du Coct (comité d'orientation des conditions de travail), de réunir les éléments permettant d'en dégager une définition juridique. Par ailleurs, le Sénat a souhaité disposer, avant le 1 er janvier 2014, des éléments permettant la prise en compte de la pénibilité différée. Ces éléments devraient permettre de compléter les avancées déjà contenues dans le projet de loi.

S'agissant du financement par un fonds dédié de l'expérimentation relative aux accords de prévention de la pénibilité dans les entreprises, le Sénat a également souhaité éviter que l'intégralité du financement ne repose sur la branche AT-MP. A cette fin, la pénalité de 1 % de la masse salariale prévue pour sanctionner les entreprises qui n'auraient pas engagé de négociations sur la prévention de la pénibilité a été affectée à la branche AT-MP plutôt qu'à la Cnam. Cette mesure est cependant appelée à rester symbolique et la pénalité prévue est destinée à être incitative : son niveau de contrainte est en effet faible (le simple engagement de négociation suffira à s'en exonérer) et son recouvrement serait difficile, du fait des recours contentieux qui ne manqueraient pas de lui être opposés. De manière plus pragmatique et afin d'éviter que ne se répète le précédent du Fcaata, le Sénat a souhaité que la dotation du fonds spécifique se fasse a égales proportions entre l'Etat et la branche.

c) D'importantes questions restent en suspens

La première question posée par la mise en place du dispositif relatif à la pénibilité est celle du nombre de personnes concernées. Le Gouvernement a estimé qu'il pourrait s'agir de 30 000 personnes par an. Les évaluations fournies par la branche AT-MP montrent qu'il s'agit là d'un maximum. En effet, le nombre de 30 000 correspond à l'ensemble des titulaires d'une rente avec un taux supérieur ou égal à 10 %, qu'il s'agisse d'une maladie professionnelle, d'un accident du travail ou d'un accident de trajet. Or, les victimes d'un accident de trajet ont été explicitement exclues du bénéfice du dispositif concernant la pénibilité. De plus, la branche estime qu'un cumul de dommages ne peut permettre de bénéficier du dispositif : un travailleur auquel plusieurs rentes auraient été allouées mais dont aucune ne serait au moins supérieure ou égale à un taux de 10 % d'invalidité ne bénéficierait pas non plus du dispositif, quelles que soient les conséquences globales des dommages subis en termes d'incapacité. Ce point doit être précisé par voie réglementaire.

Surtout, le nombre de personnes concernées par le dispositif dépendra de l'interprétation donnée à la disposition selon laquelle les accidents du travail n'ouvriront droit au dispositif que s'ils ont « entraîné des lésions identiques à celles indemnisées au titre d'une maladie professionnelle ». Cette restriction se fonde sur la nature de la pénibilité. En effet, celle-ci doit être consubstantielle au travail, ce qui suppose qu'elle produise ses effets sur la durée. Cette conception de la pénibilité correspond aux caractéristiques des maladies professionnelles. A l'inverse, un accident survenu à l'occasion du travail mais sans lien avec ses caractéristiques (effondrement d'un toit dans une usine par exemple) ne peut être considéré comme relevant de la pénibilité et ne devrait donc pas ouvrir de droit au dispositif prévu pour la compenser. C'est cette même analyse qui a entrainé l'exclusion des accidents de trajet.

Il arrive cependant qu'un accident de travail soit directement lié à la pénibilité du travail. Pour les distinguer, le Gouvernement a choisi de se fonder sur les lésions provoquées. Si celles-ci sont de même nature que celles causées par une maladie professionnelle, on peut considérer que l'accident n'a fait que hâter les conséquences de la pénibilité.

Votre rapporteur est pleinement conscient de la complexité de cette question et de ses enjeux financiers. Le choix du Gouvernement repose sur un souci d'équité nécessaire. Cependant la complexité du système mis en place est susceptible de créer de nombreuses incompréhensions et injustices. En effet, les dispositions actuelles supposent que toutes les maladies professionnelles ayant causé une invalidité de plus de 20 % sont attribuables à la pénibilité, ce qui ne va pas de soi. A l'inverse, des accidents dont on pourrait considérer objectivement qu'ils sont liés à la pénibilité du travail, mais qui ne produiront pas de lésions identiques à celles d'une maladie professionnelle (accident causé par une machine par exemple), ne pourront être considérés comme ouvrant droit à un départ anticipé à la retraite.

Les premières hypothèses élaborées par la branche sur le nombre d'accidents du travail susceptibles d'ouvrir le droit à un départ anticipé dans le cadre du dispositif pénibilité indiquent que seul un quart des accidentés pourra être pris en compte. Le risque d'incompréhension et de sentiment d'injustice impose ici encore de progresser sur la définition de la pénibilité et d'assurer le suivi attentif de la mise en oeuvre des dispositions. A cette fin, un rapport sera remis au Parlement par le Gouvernement avant le 1 er janvier 2012.

Les incertitudes entourant la prise en compte de la pénibilité rendent difficile toute évaluation de son coût pour la branche AT-MP. Un scénario a minima a été présenté aux partenaires sociaux faisant état d'un surcoût de 200 millions d'euros par an à la fin de la montée en charge du dispositif.

Coût annuel en euros selon la montée en charge de la réforme

2. Achever la réforme de la médecine du travail

Comme l'avait souligné votre rapporteur l'année dernière, l'efficacité des mesures de prévention dépend également des moyens dont dispose la médecine du travail. Il appartenait incontestablement aux pouvoirs publics de se saisir de cette question, la négociation entre partenaires sociaux sur la médecine du travail s'étant achevée le 11 septembre 2009 après sept séances de négociation qui n'avaient pas permis d'aboutir à un accord, aucune organisation syndicale n'ayant accepté de s'engager. Il est cependant regrettable que la réforme de la médecine du travail n'ait pas pu faire l'objet du texte spécifique pourtant annoncé par les ministres successivement en charge de cette question. L'insertion de dispositions importantes par amendement en séance publique à l'Assemblée nationale dans le cadre du projet de loi portant réforme des retraites a été source d'ambiguïtés que le Sénat s'est attaché à lever. La réforme de l'organisation et de la gouvernance des services de santé au travail est donc engagée.

Plusieurs questions doivent cependant encore être abordées. Ainsi l'attractivité de la profession de médecin du travail doit être renforcée pour faire face à la relative désaffection des internes, laquelle ne peut que renforcer la baisse annoncée du nombre de praticiens pour des raisons démographiques. La question spécifique de la place  des médecins du travail dans les services internes aux entreprises doit également être abordée. L'amélioration de la qualité des services doit enfin être poursuivie par une réforme qui renforce l'agrément donné par le ministère et le rende obligatoire.

Surtout, votre commission s'inquiète de l'opacité et des abus dénoncés par les syndicats concernant l'usage des fonds destinés à la médecine du travail. La parité entre partenaires sociaux dans la gestion des services de santé au travail interentreprises, actée dans le cadre de la réforme des retraites, est un premier pas important, de même que le renforcement du contrôle des conseils d'administration sur les conventions signées par ses services. Il est cependant à craindre que ces mesures soient insuffisantes. Si cette inquiétude venait à être confirmée, elle nécessiterait un retour à la solution préconisée par le Sénat 9 ( * ) de mise en place d'une présidence tournante, voire d'une implication de la branche dans le fonctionnement des services de santé au travail.

L'année 2011 sera l'occasion de mesurer l'impact des réformes votées et de proposer les compléments et correctifs nécessaires.

*

* *

Sous le bénéfice de ces observations, et sous réserve des amendements qu'elle propose, votre commission vous demande d'adopter les dispositions relatives aux accidents du travail et aux maladies professionnelles du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 .


* 1 Directive 89/391/CEE du Conseil, du 12 juin 1989, concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail transposée par loi n° 91-1414 du 31 décembre 1991 modifiant le code du travail et le code de la santé publique en vue de favoriser la prévention des risques professionnels et portant transposition de directives européennes relatives à la santé et à la sécurité du travail.

* 2 Statistiques juin 2010.

* 3 Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques auprès du ministère du travail.

* 4 Décret n° 2010-244 du 9 mars 2010.

* 5 Décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009.

* 6 Cf. l'article numéroté 27 ter AC dans les travaux législatifs.

* 7 Article numéroté 27 ter A dans les travaux législatifs.

* 8 Article numéroté 27 ter AA dans les travaux législatifs.

* 9 Mais finalement non retenue par la commission mixte paritaire.

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