II. LE PROGRAMME 204 : PRÉVENTION, SÉCURITÉ SANITAIRE ET OFFRE DE SOINS

Le programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » visera principalement, en 2011, à la préparation de la seconde loi de santé publique et des axes stratégiques de la politique nationale de santé, à la poursuite du déploiement des nouveaux plans de santé publique , ainsi qu'à l'accompagnement des ARS dans l'élaboration de leurs projets régionaux de santé qui doivent être arrêtés à l'automne 2011.

Il se décline en neuf actions, dont deux, l'action 18 « Projets régionaux de santé » et l'action 19 « Modernisation de l'offre de soins » représentent plus de la moitié des crédits du programme.

Récapitulation des crédits du programme par action

(en millions d'euros)

Numéro et intitulé de l'action

AE

CP

LFI

2010

PLF

2011

LFI

2010

PLF

2011

11

Pilotage de la politique de santé publique

87,93

86,08

87,80

86,08

12

Accès à la santé et éducation à la santé

35,70

31,57

35,79

31,57

13

Prévention des risques infectieux et des risques liés aux soins

11,33

9,44

12,00

9,44

14

Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades

54,95

69,27

56,22

69,36

15

Prévention des risques liés à l'environnement, au travail et à l'alimentation

23,09

19,64

24,15

19,45

16

Réponse aux alertes et gestion des urgences, des situations exceptionnelles et des crises sanitaires

47,02

21,3

63,00

21,30

17

Qualité, sécurité et gestion des produits de santé et du corps humain

23,89

13,28

24,07

13,38

18

Projets régionaux de santé

186,72

189,36

187,67

189,36

19

Modernisation de l'offre de soins

121,28

143,45

121,48

143,45

P. 204

Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins

591,91

583,39

612,18

583,39

Source : projet annuel de performances pour 2011

Il convient également de prendre en compte les crédits de personnels inscrits sur le programme « Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative » de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », qui conduisent à une majoration de 104,8 millions d'euros des moyens de ce programme.

Les opérateurs sanitaires jouent un rôle important dans la mise en oeuvre de ce programme. Les crédits accordés aux onze opérateurs de la mission et aux ARS représentent ainsi, pour 2011, 520,65 millions d'euros en AE et en CP, soit environ 90 % des dotations du programme.

Votre rapporteur spécial souhaite, dans le cadre de l'analyse du présent programme, insister sur cinq points :

1) le laborieux « retour à la normale » des crédits dédiés aux urgences sanitaires après l'épisode de la pandémie de grippe A(H1N1)v ;

2) la première année de plein exercice des ARS ;

3) la revalorisation des crédits destinés à la formation médicale ;

4) les mesures d'économies mises en place au niveau des opérateurs ;

5) la nécessité de veiller au non-saupoudrage des autres crédits de la mission.

A. LA « REMISE À ZÉRO » DES COMPTES DE L'EPRUS APRÈS LA CRAINTE D'UNE PANDÉMIE DE GRIPPE A(H1N1)v

L'action 16 « Réponse aux alertes et gestion des urgences, des situations exceptionnelles et des crises sanitaires », dotée pour 2011 de 21,3 millions d'euros en AE et en CP , est quasiment exclusivement consacrée au financement de la subvention pour charge de service public versée à l'EPRUS, établissement responsable, en vertu de l'article L. 3135-1 du code de la santé publique, de l'acquisition, de l'acheminement et du stockage des produits de santé en cas de pandémie ou d'attaque terroriste.

L'établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS)

L'EPRUS est un établissement public de l'Etat à caractère administratif, placé sous la tutelle du ministère chargé de la santé. Il a pour mission :

- la gestion administrative et financière de la réserve sanitaire , sachant que la coordination et la doctrine de recours à la réserve sanitaire relèvent de la compétence de la direction générale de la santé (DGS) ;

- l'acquisition, la fabrication, l'importation, le stockage, la distribution et l'exportation de produits et services nécessaires à la protection de la population face à des menaces sanitaires graves ou pour répondre à des besoins de santé publique non couverts par ailleurs du fait notamment d'une rupture de commercialisation. L'EPRUS agit, dans ce cas, à la demande du ministre chargé de la santé et les produits resteront la propriété de l'Etat ;

- la mise en place, en son sein, d'un établissement pharmaceutique chargé de la fabrication et de l'exploitation de produits de santé nécessaires.

L'article L. 3135-4 du code de la santé publique prévoit que les recettes de l'EPRUS sont constituées par des taxes prévues à son bénéfice ; des redevances pour services rendus ; le produit des ventes des produits et services ; les reversements et remboursements mentionnés à l'article L. 162-1-16 du code de la sécurité sociale ; une contribution à la charge des régimes obligatoires d'assurance maladie dont le montant est fixé chaque année par la loi de financement de la sécurité sociale , répartie entre les régimes selon les règles définies à l'article L. 174-2 du code de la sécurité sociale ; des subventions, notamment de l'Etat ; des produits divers, dons et legs et des emprunts.

Il est précisé que le montant de la contribution à la charge de l'assurance maladie ne peut excéder 50 % des dépenses effectivement constatées de l'établissement pour ce qui concerne les dépenses liées à l'acquisition de produits. Cette disposition résulte d'un amendement adopté par le Sénat, à l'initiative de sa commission des affaires sociales, lors de l'examen de la loi n° 2007-294 du 5 mars 2007 relative à la préparation du système de santé à des menaces de grande ampleur.

L'action 16 voit ses crédits diminuer de près de 66 % par rapport à 2010, ce qui résulte d'un certain « retour à la normale » après la crainte d'une pandémie de grippe A(H1N1)v.

1. Le bilan de la « pandémie grippale »
a) Une forte réévaluation à la baisse du coût de la campagne

Lors de l'examen de la dernière loi de finances, votre rapporteur spécial avait dressé un premier bilan de l'ensemble des dépenses liées à la lutte contre la « pandémie » de grippe A(H1N1)v. Les premières évaluations (environ 1,5 milliard d'euros) et le coût en particulier de la campagne de vaccination (plus de 800 millions d'euros pour le seul achat des vaccins) avaient spécifiquement attiré son attention, compte tenu de son ampleur et du contexte financier contraint dans lequel ces dépenses s'inscrivaient. Par ailleurs, en l'absence de point de comparaison, il était particulièrement difficile de juger de la pertinence et de l'envergure de ces dépenses.

Depuis, l'évaluation de départ a été sensiblement réduite , compte tenu notamment de la résiliation d'une partie des commandes de vaccins, ramenant le coût de ce poste de dépenses de 807 millions à 334 millions d'euros . L'on ne dispose cependant pas encore aujourd'hui de tous les éléments pour apprécier le coût exact de la campagne de vaccination stricto sensu et de la pandémie en général.

Les commissions d'enquête du Sénat et de l'Assemblée nationale 3 ( * ) sur ce sujet ont permis d'apporter des premiers éléments de réponse, retracés dans le tableau ci-après. Néanmoins, les deux commissions précisent que ces indications sont encore très lacunaires. Le chiffrage du coût de la campagne de vaccination - 602 millions d'euros - ne peut donc être considéré que comme un ordre de grandeur.

Comme le souligne la commission d'enquête sénatoriale, « il suffit cependant à indiquer le coût important d'une telle opération, qui doit notamment inciter, si l'on était amené à la renouveler, à s'interroger sur les moyens de mieux ajuster aux besoins l'importance des achats de vaccins et d'optimiser, en termes d'organisation mais aussi de coût, le dispositif de vaccination ».

La commission des affaires sociales du Sénat a, par ailleurs, demandé à la Cour des Comptes de réaliser une enquête sur l'utilisation des fonds mobilisés pour la lutte contre la pandémie grippale A (H1N1)v qui complétera utilement ces données.

Estimation des dépenses liées à la grippe A (H1N1)v

( en millions d'euros )

Dépenses

Evaluation
PLFSS pour 2010
(1)

Estimation
juillet 2010
(2)

Achats de vaccins

807,00

334,00

Indemnisation des laboratoires à la suite de la résiliation d'une partie des contrats

-

48,50 **

Coût total des vaccins

807,00

382,50

Consommables de vaccination

-

8,90 **

Dépenses logistiques

41,60

30,00

Frais d'information (bons de convocation et traçabilité)

52,80

45,00 ***

Indemnisation des professionnels de santé et des personnels de la Cnam

290,00

17,33 ***

Organisation territoriale de la campagne de vaccination

100,00 *

27,60

Provision

-

91,00

Total du coût de la campagne de vaccination stricto sensu

1 291,40

602,33

Masques FFP2

150,60

171,00 **

Masques pédiatriques

-

11,60 **

Respirateurs

5,80

5,80 **

Antiviraux

20,00

4,80 **

Campagne de communication ( surcoût pour l'INPES )

2,50

2,50

Dépenses de soins de ville
( consultations de généralistes, prescription de médicaments, indemnités journalières )

Entre 376 et 752

95,00 ***

Dépenses hospitalières

-

100,00 ***

Total

Entre 1 846,3
et 2 222,3

993,03

(1) Sauf mention spécifique, réponses du ministère de la santé et des sports au questionnaire budgétaire de la commission des finances en vue de l'examen du projet de loi de finances pour 2010 - octobre 2009.

(2) Sauf mention spécifique, réponses du ministère de la santé et des sports au questionnaire budgétaire de la commission des finances en vue de l'examen du projet de loi de règlement pour 2009 - juin 2010.

(*) Rapport annuel de performances de la mission « Sécurité civile » pour 2009.

(**) EPRUS.

(***) CNAM - audition du 23 juin 2010 devant la commission d'enquête .

Source : Rapport de la commission d'enquête du Sénat sur le rôle des firmes pharmaceutiques dans la gestion par le Gouvernement de la grippe A(H1N1)v - rapport n° 685 (2009-2010)

b) Un mode de financement complexe et pour partie contestable

Le financement des dépenses engagées dans le cadre de la gestion de la pandémie a nécessité plusieurs mesures, pour partie contestables : deux décrets d'avance, trois dispositions proposées par le projet de loi de financement pour 2010, ainsi que deux autres mesures intervenues en loi de finances rectificative pour 2009.

(1) Deux décrets d'avance

Un premier décret d'avance, en date du 13 juillet 2009 , a été transmis pour avis à la commission des finances. Il proposait l'ouverture de 46,17 millions d'euros supplémentaires sur la mission « Santé » destinés à financer l'acquisition de 92,4 millions de masques pour les agents des différents ministères - hors secteur de la santé - identifiés comme prioritaires pour assurer la continuité de l'Etat. Les nouveaux besoins du ministère de la santé, évalués à 307,5 millions de masques pour un montant de 153,75 millions d'euros, devaient être financés, quant à eux, par le budget de l'EPRUS.

La commission des finances avait émis de nettes réserves quant à l'imprévisibilité de ces acquisitions qui semblaient moins résulter de l'urgence que de la mauvaise gestion des stocks de produits de santé constitués en cas de pandémie . Il s'agissait, en effet, de renouveler, pour partie, des stocks périmés dont la date de péremption était connue au moment du vote de la loi de finances initiale pour 2009.

Un second décret d'avance a été transmis à la commission des finances le 21 octobre 2009. Il proposait l'ouverture de 25 millions d'euros supplémentaires sur la mission « Sécurité civile ». Ces crédits étaient destinés à financer une première tranche des frais induits par l'organisation territoriale de la campagne de vaccination (frais d'installation matérielle des locaux, coût de la mobilisation du personnel volontaire et administratif qui assure l'accueil et l'enregistrement des dossiers).

(2) Une rectification de la dotation de l'EPRUS en loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 et en loi de finances rectificative pour 2009

Un abondement de la dotation versée à l'EPRUS pour 2009 a également été nécessaire. Suite à la décision d'acquérir 94 millions de doses de vaccins après la découverte des premiers cas de grippe A (H1N1)v à la fin du mois d'avril 2009, la programmation initiale des dépenses de l'EPRUS a été profondément bouleversée .

Deux mesures rectificatives « miroirs » étaient, pour ce faire, nécessaires en loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 et en loi de finances rectificative pour 2009. En effet, les ressources de l'EPRUS comprennent, d'une part, une subvention pour charge de service public versée par l'Etat et inscrite dans la mission « Santé » et, d'autre part, une contribution à la charge des régimes obligatoires de base d'assurance maladie fixée en loi de financement de la sécurité sociale et plafonnée à 50 % des dépenses effectivement constatées de l'établissement sur trois ans.

La loi de financement pour 2010 a ainsi porté la contribution de l'assurance maladie à l'EPRUS pour 2009 à 338,3 millions d'euros . La loi de finances rectificative pour 2009 a, quant à elle, fixé la subvention pour charge de service public de l'Etat à 433 millions d'euros .

Une réévaluation des dotations à l'EPRUS
au cours de l'examen du projet de loi de financement

Trois éléments sont venus en outre complexifier l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 :

- la réduction du taux de TVA applicable aux achats de vaccins suite à l'obtention des autorisations de mise sur le marché intervenues en septembre 2009 (application du taux réduit de 5,5 % au lieu du taux normal de 19,6 %), ce qui a réduit de 97 millions d'euros l'évaluation des dépenses de l'EPRUS entrant dans le champ d'un financement paritaire ;

- la décision du Gouvernement, en novembre 2009, de procéder à des dons de vaccins en faveur de l'Organisation mondiale de la santé (73,7 millions d'euros) financés en totalité par l'Etat, ce qui a conduit à retirer les dépenses correspondantes du champ des dépenses financées à parité ;

- la question de l'affectation de la contribution exceptionnelle des complémentaires santé . Contrairement au souhait du Gouvernement, celle-ci a été affectée à la caisse nationale d'assurance maladie et non à l'EPRUS, ce qui a conduit à une rectification de son besoin de financement.

Il est à noter que, suite à une lettre cosignée par les ministres du budget et de la santé du 7 juillet 2009, l'ACOSS a consenti une avance de trésorerie à l'EPRUS à hauteur de 879 millions d'euros , afin de permettre à l'établissement d'engager les acquisitions de vaccins et autres produits de santé. L'avance de trésorerie accordée par l'ACOSS a ainsi porté à la fois sur la partie des dépenses devant être supportées par l'assurance maladie et, à titre exceptionnel, sur celles ayant vocation à être financées par l'Etat. Selon les propos recueillis auprès de l'ACOSS, l'urgence de la situation a justifié cette disposition dérogatoire. Cette mesure n'a pas entraîné de conséquences lourdes pour l'ACOSS. En effet, le paiement des laboratoires pharmaceutiques étant réalisé au fur et à mesure de la livraison de vaccins, très peu de crédits ont été effectivement versés et les frais financiers supportés par l'ACOSS, à ce titre, ont été minimes.

(3) La création d'une contribution exceptionnelle des complémentaires santé

La loi de financement pour 2010 a, par ailleurs, proposé la création d'une contribution exceptionnelle des organismes complémentaires , calquée sur la contribution versée par ces organismes au fond « CMU-c».

Cette participation était destinée à compenser la non-prise en charge par les organismes complémentaires du ticket modérateur pratiqué en cas de vaccination ordinaire, même si cette justification mérite d'être nuancée 4 ( * ) . Le produit attendu de cette taxe s'élevait initialement à 300 millions d'euros .

(4) Une rectification de la dotation de l'INPES

Enfin, s'agissant du surcoût - évalué à 6,8 millions d'euros - supporté par l'INPES au titre de la campagne de communication, 4,3 millions d'euros ont été financés par redéploiement au sein du budget de l'agence ; les 2,5 millions d'euros restants ont nécessité un abondement, à due concurrence, de la subvention pour charge de service public de l'INPES en loi de finances rectificative pour 2009.

(5) Un mode de financement pour partie contestable

Dans son rapport sur les comptes et la gestion de l'EPRUS demandé par les commissions des affaires sociales et des finances de l'Assemblée nationale 5 ( * ) , la Cour des comptes confirme certaines réserves formulées par votre commission des finances quant au schéma de financement utilisé. Aussi critique-t-elle notamment :

- « l'usage inapproprié » de la procédure de décret d'avances pour le renouvellement de masques périmés ;

- le choix du recours à une avance de la CNAMTS pour préfinancer les dépenses liées à la pandémie grippale , « l'Etat ayant ainsi choisi de faire peser sur l'assurance maladie le préfinancement intégral de la campagne » alors que ces dépenses avaient vocation à être financées à parité. « En l'espèce , précise la Cour, il apparaît que la question du financement des dépenses de prévention dont il était prévisible dès le mois de mai qu'elles seraient massives, n'a été abordée qu'au moment où a été prise la décision de commander les vaccins (début juillet 2009) ».

Ces différentes mesures ont, en outre, particulièrement perturbé la gestion de l'EPRUS . Au total, selon la Cour des comptes, au cours du deuxième semestre 2009, le budget prévisionnel de l'EPRUS pour 2009 a atteint jusqu'à 1 245 millions d'euros en dépenses pour être ramené à 711 millions d'euros. L'exécution budgétaire s'est finalement inscrite en net retrait avec des dépenses de 466 millions d'euros.

c) Des dysfonctionnements dans la gestion de la pandémie

Les commissions d'enquête des deux Assemblées ont, parallèlement à ces considérations financières, mis en évidence un certain nombre de dysfonctionnements dans la gestion de la pandémie :

- une inadéquation du plan national « Pandémie grippale » à une situation qui n'était pas a priori celle à laquelle on s'était préparé ;

- des facteurs tendant à une interprétation maximaliste du risque pandémique et les limites du contrôle des conflits d'intérêts en matière d'expertise ;

- la mauvaise gestion, enfin, du rapport avec les fournisseurs de vaccins qui s'est révélée à travers l'impossibilité de réviser les commandes de vaccins en fonction de l'évolution du schéma vaccinal, le transfert à l'Etat de certaines responsabilités incombant aux producteurs de vaccins et l'absence de maîtrise des approvisionnements, dont la prévisibilité et la régularité insuffisantes auraient pu avoir des conséquences importantes.

Votre rapporteur spécial, qui avait déjà mis en évidence certaines faiblesses du dispositif de gestion des crises sanitaires dans le cadre de sa mission de contrôle sur l'EPRUS 6 ( * ) , insiste sur la nécessité de tirer rapidement les leçons de cette première mise en application du plan national « Pandémie grippale » .

2. Un laborieux retour à des dotations ordinaires

Si la forte révision à la baisse des dépenses liées à la campagne de vaccination est appréciable du point de vue de la santé publique - puisqu'elle traduit une « pandémie » de moindre ampleur - et du point de vue des finances publiques, elle n'en entraîne pas moins de nouvelles difficultés de suivi des crédits destinés à la gestion des risques sanitaires : la résiliation d'une partie des commandes conduit en effet à « une remise à zéro des compteurs », qu'il s'agisse des dotations pour 2010 et 2011 de l'EPRUS ou de la contribution exceptionnelle des complémentaires santé aux dépenses liées à la grippe A. Sur ce dernier point, le projet de loi de financement pour 2011 propose de revoir à la baisse le taux de cette contribution de 0,77 % à 0,34 %.

a) Une parité de financement appréciée sur trois exercices

S'agissant des ressources de l'EPRUS, votre rapporteur spécial rappelle qu'en application de l'article L. 3135-4 du code de la santé publique, les ressources de l'EPRUS sont constituées d'une subvention de l'Etat et d'une contribution des régimes obligatoires de base d'assurance maladie, ainsi que, plus marginalement, des produits des ventes et des placements de trésorerie, ou le cas échéant, de taxes ou de redevances affectées à l'établissement.

Il est précisé que la contribution des régimes d'assurance maladie ne peut excéder 50 % des dépenses de l'établissement au titre de ses missions dont l'objet est « d'acquérir, de fabriquer, d'importer, de distribuer et d'exporter des produits et des services nécessaires à la protection de la population face aux menaces sanitaires graves », ainsi que « de financer des actions de prévention des risques sanitaires majeurs ». Il s'agit, pour l'essentiel, des dépenses pharmaceutiques. Les autres dépenses de l'EPRUS - gestion administrative et financière de la réserve sanitaire - sont à la seule charge de l'Etat.

L'article L. 3135-4 du code de la santé publique précise que « le respect de ce plafond est apprécié sur trois exercices consécutifs ».

Cet automne constitue donc le moment charnière entre, d'une part, la clôture du premier triennal et, d'autre part, l'ouverture du deuxième .

b) La clôture du premier « triennal » (2007-2009)

Selon les données du ministère de la santé transmises à votre rapporteur spécial, les dépenses auxquelles l'assurance maladie et l'Etat doivent contribuer à parité sur les exercices 2007 à 2009 se sont élevées à 473 339 018 millions d'euros , ce qui plafonne leur contribution respective à 236 669 509 euros.

Or les dotations des régimes d'assurance maladie prévues sur la même période ont atteint 568 300 000 d'euros au total. Le plafond mentionné à l'article L. 3135-4 du code de la santé publique a donc été dépassé de 331 630 491 euros .

Recettes de l'EPRUS 2007-2009

(en millions d'euros)

Dotation Etat

Dotation Assurance maladie

Total

2007

66,0

175,0

241,0

2008

60,4

55,0

115,4

2009

452,9

338,3

791,2

Total

579,3

568,3

1 147,6

Source : Cour des comptes, rapport sur les comptes et la gestion de l'EPRUS

C'est pourquoi, l'article 6 du projet de loi de financement pour 2011, qui vient d'être examiné au Sénat, a proposé la restitution par l'EPRUS, au titre des exercices 2007 à 2009, de 331 630 491 euros à l'assurance maladie . Il est à noter que, pour ce triennal, la contribution de l'assurance maladie a ainsi été fixée à son montant maximal (50 % des dépenses).

Du côté de la subvention de l'Etat, la loi de règlement pour 2009 avait, quant à elle, prévu l'annulation de 100 millions d'euros compte tenu des dépenses moindres qu'escompté de l'EPRUS.

c) L'ouverture du deuxième « triennal » (2010-2012)

S'agissant du deuxième triennal qui s'ouvre en 2010 (2010-2011-2012), les données du ministère de la santé transmises à votre rapporteur spécial indiquent que la programmation prévisionnelle en produits de santé s'élèvera à 426,4 millions d'euros dont deux opérations doivent être prises en charge à 100 % par l'Etat :

- le reliquat d'acquisitions de masques dits « ministériels » en 2010 pour 7,7 millions d'euros ;

- les nouveaux dons de vaccins à l'OMS pour 17,5 millions d'euros.

Au total, les dépenses devant être financées à parité sur la période 2010-2012 représenteront un montant de 401,2 millions d'euros, soit 200,6 millions d'euros respectivement pour les régimes obligatoires d'assurance maladie et l'Etat.

Programmation prévisionnelle des dépenses de l'EPRUS 2010-2012

(en millions d'euros)

Type de dépenses

Financement

2010

2011

2012

Total

Epidémiologie

Parité

7,5

5,6

2,6

15,7

NRBC

Parité

17,1

8,8

11,0

36,9

Pandémie

Parité

238,2

58,9

9,8

306,9

Logistique

Parité

7,5

30,9

3,4

41,7

Total

Parité

270,4

104,1

26,7

401,2

Source : ministère de la santé et des sports

Compte tenu des reports de crédits sur 2011 dont bénéficiera l'EPRUS, la dotation de l'assurance maladie à l'établissement est fixée initialement en 2011 à 20 millions d'euros 7 ( * ) et la subvention de l'Etat à 18,8 millions d'euros .

Si votre rapporteur spécial accueille favorablement ce retour à des niveaux plus « habituels » de dotations, il s'interroge sur l'importance des dépenses prévisionnelles sur le nouveau triennal 2010-2012 (401 millions d'euros) alors que le premier triennal représentait déjà 473 millions d'euros. Si certaines dépenses liées à la grippe A(H1N1)v ont pu être reportées sur 2010, la réduction de 54 % du coût des vaccins, principal poste de dépenses financées à parité, aurait dû entraîner de moindres dépenses.

Surtout, si ces dépenses recouvrent des renouvellements de stocks de produits de santé ayant dépassé leur date de validité, votre rapporteur spécial attire l'attention sur la nécessité d'avancer rapidement sur la délicate question de la gestion de la péremption de ces produits . A défaut, les mêmes difficultés que celles rencontrées précédemment, lors de la constitution des stocks de produits après la découverte des premiers cas de « grippe aviaire, » se reproduiront. Il souhaite que l'examen de la présente mission en séance publique soit l'occasion pour le Gouvernement d'apporter des précisions sur ce point.


* 3 Rapport de la commission d'enquête du Sénat sur le rôle des firmes pharmaceutiques dans la gestion par le Gouvernement de la grippe A(H1N1)v - rapport n° 685 (2009-2010) ; rapport de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur la manière dont a été programmée, expliquée et gérée la campagne de vaccination contre la grippe A(H1N1) - rapport n° 2698 (XIII e législature).

* 4 Pour plus de précisions sur ce sujet, votre rapporteur spécial renvoie à son analyse au sein de son avis sur le projet de loi de financement pour 2011 (Avis n° 90 (2010-2011).

* 5 Cour des comptes, communication à la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire et à la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale sur les comptes et la gestion de l'établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS) depuis sa création - septembre 2010.

* 6 Rapport d'information n° 388 (2008-2009).

* 7 Lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, le Sénat a adopté un amendement tendant à supprimer la dotation de l'assurance maladie à l'EPRUS pour 2011.

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