Article 2
(art. L. 6323-3 du code de la santé publique)
Maisons de santé. Respect du secret médical
dans les centres et maisons de santé

Objet : Cet article a pour objet de proposer une nouvelle définition des maisons de santé et de prévoir des conditions du partage des informations concernant la santé des patients propres aux maisons et centres de santé.

I - Les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale

En première lecture, le Sénat avait proposé de préciser et de condenser la nouvelle définition des maisons de santé, la troisième depuis leur consécration législative en 2008, et avait refusé de soumettre à des régimes différents, selon le cadre d'exercice de la médecine de ville, le droit des patients au respect du secret médical.

Le texte adopté par l'Assemblée nationale pour cet article remet en cause certains des choix opérés par le Sénat. Il comporte quatre paragraphes :

Au paragraphe I relatif à la définition des maisons de santé, l'Assemblée nationale a opté pour une rédaction moins resserrée que celle du Sénat, qui reprend certaines des modifications que le Gouvernement avait proposé d'apporter au Sénat au texte initial de la proposition de loi.

Le Sénat avait été sensible au fait que les maisons de santé doivent d'abord être un moyen de faciliter l'installation et les conditions d'exercice des professionnels de santé libéraux dans les territoires en voie de désertification médicale, d'y ancrer la présence de la médecine de premier recours et de permettre d'y organiser la permanence des soins.

Il avait donc soutenu le choix de l'auteur de la proposition de loi de permettre aux ARS - et aux collectivités territoriales - de disposer de critères précis pour « identifier » ces structures et cibler les soutiens à leur apporter.

Le ministère de la santé semblait également tenir à ce que, comme c'était le cas depuis 2008, la maison de santé ne rassemble que des médecins et des auxiliaires médicaux. L'Assemblée nationale a, comme le Gouvernement au Sénat, proposé d'y faire participer également des pharmaciens. C'est un choix en lui-même tout à fait défendable, mais qui ne contribue pas à la différenciation entre la maison de santé et d'autres formes de coopération entre les professions de santé.

De même, il n'est plus exigé que le projet de santé soit « conforme » au schéma d'organisation des soins. Sans naturellement être de nature à remettre en cause, en quoi que ce soit, la liberté de création des maisons de santé, inséparable de la liberté d'installation des professionnels libéraux, cette précision avait seulement pour objet de traduire le souci de coordonner, sur un territoire, les efforts des acteurs de la politique de santé pour optimiser, en fonction des spécificités locales, la réponse aux besoins prioritaires de la population. Se contenter de demander que les projets de santé soient « compatibles » avec le Sros risque de favoriser une certaine dispersion des efforts et des moyens disponibles.

Il paraissait aussi souhaitable, et le ministère de la santé semblait partager ce souhait, de préciser les modalités d'organisation des maisons de santé, ce qui n'est nullement contradictoire avec l'adaptation de leur action au terrain mais peut permettre de préciser également les moyens les plus efficaces pour favoriser leur installation et leur développement.

Le Sénat avait donc opté pour une définition de ces modalités d'organisation par décret en Conseil d'Etat, en s'inspirant des textes applicables aux centres de santé. Le choix d'un « cahier des charges » défini par arrêté ministériel n'apportera peut-être pas une consécration aussi « lisible » de la spécificité des maisons de santé et de leur place dans le système de soins.

Enfin, la référence à la définition des soins de premier recours de l'article L. 1411-1 n'est pas non plus très opérationnel pour identifier les maisons de santé, en particulier parce que l'article L. 1411-1 n'exclut pas les soins dispensés dans un établissement de santé. Celle à l'article L. 1411-2 l'est encore moins, puisque cet article porte sur les soins de second recours.

Au paragraphe II de l'article, qui comportait dans le texte initial de la proposition de loi des dispositions redondantes avec celles intégrées dans la définition des maisons de santé et que le Sénat avait donc supprimées, l'Assemblée nationale a réintroduit des règles de respect du secret médical spécifiques aux maisons et centres de santé.

Il est proposé à cette fin d'insérer quatre alinéas nouveaux dans l'article L. 1110-4 du code de la santé publique, relatif au secret médical.

D'un point de vue formel, ces dispositions ont le double inconvénient d'opérer une certaine confusion entre la règle du consentement exprès du patient à l'hébergement des données numérisées de santé et de son accord sur les modalités d'accès aux données hébergées et à la transmission de celles-ci, définies à l'article L. 1111-8 du code de la santé publique, et celles, plus générales, concernant le secret médical prévues à l'article L. 1110-4. Elles ne contribuent pas non plus à la lisibilité de cet article, d'autant plus que leur rédaction est quelque peu confuse.

Sur le fond, elles ont le défaut majeur de poser le principe d'un « consentement présumé sous conditions » , et l'on peut s'étonner que l'une de ces conditions soit « l'adhésion des professionnels de santé au projet de santé » . Cette adhésion concerne les professionnels de santé, mais non les patients et ne suffit pas à établir une justification médicale du partage des informations les concernant. D'autant plus que les patients n'ont aucune obligation et n'auront pas forcément de motif de bénéficier des services offerts dans le cadre du projet de santé (un patient non diabétique, par exemple, n'a aucune vocation à participer à un programme d'éducation thérapeutique des patients diabétiques).

Enfin, il convient de rappeler que :

- centres et maisons de santé doivent veiller à respecter le principe du libre choix du patient, et que le patient d'un professionnel de santé ne saurait être incité à s'adresser aux autres professionnels exerçant au sein de la même structure ;

- le partage d'informations non justifié - comme il doit l'être - par la continuité des soins ou la détermination de la meilleure prise en charge possible du malade ne présente aucun intérêt thérapeutique pour le patient et aucune garantie d'efficience de l'intervention des professionnels de santé ni de qualité des soins dispensés.

L'Assemblée nationale a confirmé la suppression du paragraphe III qui, dans le texte examiné par le Sénat, prévoyait les dispositions relatives au partage des informations dans les centres, maisons, pôles et réseaux de santé.

Le paragraphe IV de l'article prévoit, dans les articles d'application du code de la santé publique à Mayotte, à Wallis-et-Futuna, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie et dans les Terres antarctiques et australes françaises, des modifications de conséquence de la nouvelle rédaction proposée pour l'article L. 1110-4.

II - Le texte adopté par la commission

On peut avoir quelque doute sur l'adéquation de la nouvelle définition des maisons de santé à l'objectif - entièrement partagé par la commission - de mieux la différencier des autres structures (réseaux, pôles, futures Sisa...) qui contribuent aussi au développement d'une offre de soins pluridisciplinaire et coordonnée, mais dont les statuts et le rôle ne sont pas non plus toujours très clairs - notamment pour les patients.

Elle ne propose pas, néanmoins, de prolonger le débat sur ce sujet - l'expérience tranchera. Il lui paraît toutefois nécessaire, à défaut d'en cerner précisément les contours, de prévoir que l'éventuelle action sociale des maisons de santé soit également encadrée par le « cahier des charges » qu'elles devront respecter.

A l'initiative de son rapporteur, elle a donc adopté un amendement en ce sens, puis un amendement tendant à supprimer l'obligation de la signature du projet de santé.

En ce qui concerne le partage des informations concernant les patients, la commission demeure convaincue que le principe fondamental en la matière est celui selon lequel le secret médical appartient au patient et qu'il n'y a aucune raison, ni juridique ni médicale, à ce que les droits des patients soient définis différemment selon le cadre d'exercice du professionnel de santé auquel il s'adresse.

Les centres et maisons de santé sont des structures de soins ambulatoires : les patients n'y sont pas pris en charge par une équipe de soins, mais par celui ou ceux des professionnels qui y exercent et auxquels ils auront librement fait le choix de recourir.

Au bénéfice de ces observations, la commission a, sur la proposition de son rapporteur, adopté un amendement de suppression du paragraphe II de l'article et, en conséquence, un amendement de suppression du paragraphe III.

Elle a adopté cet article 2 ainsi modifié.

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