Rapport n° 74 (2011-2012) de M. Yves DAUDIGNY , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 2 novembre 2011

Disponible au format PDF (347 Koctets)


N° 74

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2011-2012

Enregistré à la Présidence du Sénat le 2 novembre 2011

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. Yves DAUDIGNY,

Sénateur,

Rapporteur général.

Tome II :

Assurance maladie

(1) Cette commission est composée de : Mme Annie David , présidente ; M. Jacky Le Menn, Mme Catherine Génisson, MM. Jean-Pierre Godefroy, Claude Jeannerot, Alain Milon, Mme Isabelle Debré, MM. Jean-Louis Lorrain, Jean-Marie Vanlerenberghe, Gilbert Barbier , vice-présidents ; Mmes Claire-Lise Campion, Aline Archimbaud, M. Alain Gournac, Mme Catherine Deroche, M. Marc Laménie , secrétaires ; Mmes Jacqueline Alquier, Natacha Bouchart, Marie-Thérèse Bruguière, MM. Jean-Noël Cardoux, Luc Carvounas, Mme Caroline Cayeux, M. Bernard Cazeau, Mmes Karine Claireaux, Laurence Cohen, M. Yves Daudigny, Mme Christiane Demontès, MM. Gérard Dériot, Jean Desessard, Mme Muguette Dini, M. Jean-Léonce Dupont, Mmes Odette Duriez, Anne-Marie Escoffier, MM. Guy Fischer, Michel Fontaine, Mme Samia Ghali, M. Bruno Gilles, Mmes Colette Giudicelli, Christiane Hummel, M. Jean-François Husson, Mmes Chantal Jouanno, Christiane Kammermann, MM. Ronan Kerdraon, Georges Labazée, Jean-Claude Leroy, Hervé Marseille, Mmes Michelle Meunier, Isabelle Pasquet, M. Louis Pinton, Mmes Gisèle Printz, Catherine Procaccia, MM. Gérard Roche, René-Paul Savary, Mme Patricia Schillinger, MM. René Teulade, Michel Vergoz, André Villiers, Dominique Watrin.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) :

3790 , 3865 , 3869 et T.A. 752

Sénat :

73 (2011-2012)


Les observations et propositions de la commission des affaires sociales
pour la branche maladie en 2012

Le rapporteur pour l'assurance maladie, Yves Daudigny, rapporteur général, constate, pour le déplorer, que ce projet de loi de financement de la sécurité sociale s'inscrit dans le prolongement des précédents, sans engager de modifications profondes du système de santé : il fixe l'Ondam soins de ville et hospitalier à 2,7 %, mais la sincérité de cet objectif est pour le moins incertaine, et poursuit la politique de baisse de prix de produits de santé et de maîtrise médicalisée des dépenses pour respecter ce plafond.

Malgré les difficultés croissantes d'accès aux soins de la population, pour des raisons financières ou du fait d'un déficit de médecins dans certains zones, le projet de loi n'apporte que peu de réponses, hormis le relèvement du plafond de ressources pour bénéficier de l'aide à la complémentaire santé. Aucune disposition ne s'attaque non plus à l'inégale répartition des praticiens sur le territoire, alors que la récente convention médicale, signée le 26 juillet, reste elle-même en retrait sur cette question.

En ce qui concerne les dépassements d'honoraires , qui ont doublé en vingt ans, la création d'un « secteur optionnel », préconisée par le Gouvernement, est une fausse bonne idée : elle favorisera certains spécialistes du secteur 2 sans mettre sous contrainte ceux qui pratiquent des dépassements excessifs. Une approche globale, prenant notamment en compte la situation des généralistes de secteur 1, c'est-à-dire ceux qui respectent les tarifs opposables, est aujourd'hui la seule possible pour aborder ce problème qui s'est cristallisé au fil du temps.

Afin de marquer son désaccord avec la politique suivie par le Gouvernement, la commission propose de :

revenir au niveau de taxation de 3,5 % des contrats complémentaires santé « responsables » pour ne pas pénaliser encore davantage sur l'accès aux soins ;

supprimer les franchises sur les médicaments qui n'ont pas modifié les comportements en termes de consommation, sauf pour les personnes disposant de ressources faibles ou celles en mauvaise santé, ce qui constitue une injustice flagrante ;

maintenir les indemnités journalières maladie à leur niveau actuel , qu'il est envisagé de raboter pour économiser 220 millions d'euros ;

mettre fin au processus en cours de convergence tarifaire entre les hôpitaux et les cliniques, car il est nécessaire de mettre à plat les modalités de financement du secteur hospitalier pour assurer un meilleur équilibre entre tarification à l'activité et missions de service public ;

rejeter la création forcée du secteur optionnel afin que d'autres formules puissent être imaginées ;

supprimer la contribution à l'aide juridique de 35 euros, votée cette année, pour les procédures dans le domaine social qui, en vertu d'une loi de 1946, sont censées être gratuites et sans frais ;

améliorer la transparence du nouveau fonds d'intervention régional (Fir), en précisant que ses crédits seront votés en loi de financement et non arrêtés par le Gouvernement ;

ne pas mettre à la charge des assurés sociaux le changement envisagé du mode de rémunération des pharmaciens , dont la commission approuve par ailleurs le principe mais dont elle regrette l'absence d'évaluation préalable ;

ne pas autoriser la mise en place d'une tarification spécifique pour les « patients étrangers fortunés » hospitalisés.

« La Nation garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé. »

Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

L'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale fournit l'occasion, chaque année, de réfléchir à l'organisation du système de santé français. Celui-ci reste l'un des meilleurs au monde, grâce à la qualité de ses professionnels, et ses dépenses se situent à un niveau proche de celui des principaux voisins, contrairement au sentiment général sur son « coût ».

On connait, par ailleurs, les tensions auxquelles il est soumis. Le vieillissement de la population entraîne nécessairement le développement des pathologies chroniques, comme le diabète ou les cancers, qui sont dans le même temps mieux prises en charge par de nouvelles techniques thérapeutiques. En outre, le recours plus fréquent qu'ailleurs au médicament pèse sur la dynamique des dépenses, du fait d'une culture de la prescription médicale, des attentes des patients et de prix élevés. Ces deux considérations, qui hypothèquent le système de santé, ne peuvent être ignorées si l'on veut conduire une véritable réflexion d'ensemble.

Plus encore, l'élément de préoccupation majeur tient aux politiques menées depuis quelques années, qui sapent les fondements de solidarité et d'universalité hérités du Conseil national de la Résistance et des ordonnances de 1946 sur la sécurité sociale. Participations forfaitaires, franchises multiples, déremboursements erratiques, transferts de prise en charge vers les complémentaires santé, laisser-faire à l'égard de l'explosion des dépassements d'honoraires, absence de mesures correctrices fortes pour corriger l'inégale répartition des médecins sur le territoire : la liste est longue des mesures adoptées par le Gouvernement qui restreignent l'accès aux soins et le rendent sans cesse plus difficile pour nos concitoyens, comme en témoignent - s'il en était besoin - de nombreuses enquêtes récentes.

Alors que la maîtrise de la dépense est une impérieuse nécessité, l'approche strictement comptable ou macro-économique ne peut pas apporter de réponse pérenne et satisfaisante aux évolutions de la société en matière de santé.

Certains dispositifs vont dans le bon sens, mais ils sont trop dispersés, éparpillés, parcellaires, pour être efficaces.

La technique selon laquelle est construit chaque projet de loi de financement et le fait de focaliser l'attention sur un chiffre, celui de l'Ondam, détournent notre débat de ce sur quoi il devrait porter : les dépenses de santé. Ces dépenses sont la résultante des comportements de l'ensemble des acteurs : patients, médecins et professionnels de santé, hôpitaux et cliniques, mais aussi pouvoirs publics... Elles conditionnent la charge qui pèsera sur l'assurance maladie. Mieux les organiser, les anticiper et, plus encore, les prévenir participera de l'équilibre des comptes sociaux tout en contribuant à l'amélioration de l'état de santé de la population.

C'est parce qu'il faut recentrer l'analyse sur les besoins de la population qu'il est aussi urgent d'adopter une véritable loi de santé publique, sachant associer prévention et soins, pour contrer la menace qui pèse sur la sécurité sociale.

Malheureusement, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, tel que présenté par le Gouvernement et adopté par l'Assemblée nationale, continue de prendre le problème à rebours et ne contribuera pas à la consolidation de la protection sociale en France.

I. UN SYSTÈME DE SANTÉ DE QUALITÉ QUI CONSTITUE UNE RICHESSE ET UN ATOUT POUR LA FRANCE...

A. DES DÉPENSES GLOBALES PAS PLUS ÉLEVÉES QUE DANS LA PLUPART DES VOISINS DE LA FRANCE

En 2009, les pays de l'OCDE ont consacré en moyenne 9,7 % de leur PIB aux dépenses de santé et la France, avec un taux de 11,8 %, se situe au troisième rang des pays de l'OCDE, derrière les Etats-Unis, 17,4 %, et les Pays-Bas, 11,9 %, et à un niveau comparable à celui de l'Allemagne, 11,6 %.

Dépenses totales de santé (en dollars et en parité de pouvoir d'achat)

Source : OCDE

L'analyse des évolutions intervenues sur la période 2000 à 2009 montre que les pays de l'OCDE, dans leur ensemble, ont connu une hausse de la dépense totale de santé supérieure à celle de l'activité économique, ce qui a conduit à une progression moyenne de 1,9 point de la part des dépenses de santé dans le PIB.

Sur cette période, les dépenses de santé de la France ont augmenté sensiblement moins vite qu'aux Pays-Bas et aux Etats-Unis et selon une tendance assez proche de celle de l'Allemagne, ce qui confirme le classement d'ensemble précédemment indiqué.

Taux de croissance annuel moyen par habitant
des dépenses totales de santé (2000-2010)

Source : OCDE

En France, la consommation de soins et biens médicaux (CSBM), qui ne recouvre pas entièrement la dépense de santé totale 1 ( * ) , s'établit à 175 milliards d'euros en 2010, soit une progression de 2 % en volume et de 2,3 % en valeur par rapport à l'année 2009. Elle représente 9 % du PIB et 12,2 % de la consommation des ménages. Si la croissance de la CSBM en 2010 s'inscrit dans une tendance globale de décélération, elle apparaît particulièrement faible par rapport aux années précédentes, en raison notamment de l'absence d'épisode grippal important à la fin de l'année.

Les soins hospitaliers correspondent quasiment à la moitié de cet agrégat (46,4 %) et ce sont eux qui contribuent le plus à sa croissance. Les soins de ville en constituent un quart (25,1 %) et les dépenses de médicament un cinquième (19,7 %). Bien qu'elles absorbent moins de 10 % de la consommation globale, les dépenses de transports et autres biens médicaux voient progressivement leur part augmenter dans la consommation totale en raison de leur dynamique propre, tandis que celle des médicaments tend à diminuer du fait des baisses de prix réalisées.

Les agrégats significatifs des comptes nationaux de la santé
(en millions d'euros)

Les prix des soins et biens médicaux ont augmenté de 0,3 % en 2010, ce chiffre moyen recouvrant des divergences entre différents postes : alors que le prix des soins hospitaliers a progressé de 1,3 % et celui des soins de ville de 0,5 %, les médicaments ont connu une baisse globale de leurs prix de 2,2 %.

B. DES PRINCIPES QUI RESTENT UNIVERSELS, SOLIDAIRES ET PROTECTEURS

Si la France consacre une part importante de sa richesse nationale aux dépenses de santé, celles-ci n'augmentent pas nécessairement beaucoup plus vite que dans les autres pays de l'OCDE, qui connaissent tous une hausse de la part des dépenses de santé dans le PIB.

De surcroît, la France est parvenue jusqu'à récemment à maintenir un système de santé garantissant l'accès aux soins du plus grand nombre. Ainsi, la couverture maladie universelle (CMU) ouvre le droit à l'assurance maladie, sans conditions de ressources, pour toutes les personnes résidant en France de manière stable et régulière et qui ne sont pas couvertes pour ce risque à un autre titre. Une cotisation assise sur les revenus fiscaux est prélevée au-dessus d'un certain plafond. De son côté, la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-c) permet l'accès, sous conditions de ressources, à une protection complémentaire santé gratuite, qui limite les restes à charge et les avances de frais dans certaines conditions. Troisième strate, l'aide à la complémentaire santé lisse les effets de seuil pour les personnes dont les ressources se situent légèrement au-dessus du plafond donnant droit à la CMU-c.

Globalement, la prise en charge publique des dépenses de santé se maintient à un niveau élevé, conforme là aussi à la moyenne des pays développés.

D'ailleurs, le Conseil Constitutionnel, saisi en 2004 du contrôle de la loi relative à la réforme de l'assurance maladie, avait estimé que l'accessibilité financière des soins découlait du principe de protection de la santé, ce qui signifie par conséquent qu'un reste à charge trop élevé pourrait constituer une violation de la Constitution 2 ( * ) . Il a confirmé sa jurisprudence en 2007 lorsqu'il s'est prononcé sur la mise en place de franchises opérée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 3 ( * ) .

II. ... MAIS QUI EST SOUS TENSIONS

A. DES EXPLICATIONS ENDOGÈNES

1. La progression des pathologies chroniques : les affections de longue durée absorbent les deux tiers des dépenses d'assurance maladie

Dès la création de la sécurité sociale après la guerre a été inscrit le principe d'une participation financière de l'assuré aux prestations qu'il reçoit ; cette participation, appelée ticket modérateur, est souvent prise en charge par les assurances complémentaires avec un barème et des conditions qui varient selon les contrats. Il était parallèlement nécessaire de prévoir la situation des assurés atteints d'affection chronique ou entraînant un coût important, car le reste à charge pour eux aurait été très élevé s'il avait été calculé dans des conditions de droit commun.

C'est pourquoi les assurés « reconnus atteints d'une des affections, comportant un traitement prolongé et une thérapeutique particulièrement coûteuse, inscrites sur une liste établie par décret » peuvent être exonérés du paiement du ticket modérateur 4 ( * ) : ce dispositif des affections de longue durée (ALD) n'a été modifié qu'à la marge par la loi de 2004 5 ( * ) pour introduire un protocole définissant le parcours de soins, qui est établi par le médecin traitant, validé par le médecin conseil de la caisse d'assurance maladie et signé par le patient. En outre, la Haute Autorité de santé (HAS) rend dorénavant un avis sur le décret établissant la liste des ALD.

Pour autant, les patients en ALD sont soumis à la participation forfaitaire d'un euro pour les consultations et actes de biologie et aux franchises sur les médicaments, les actes des auxiliaires médicaux et les transports sanitaires. D'ailleurs, ce sont ces patients qui atteignent le plus fréquemment les plafonds annuels fixés pour ces dispositifs ( cf . infra).

Aujourd'hui, l'effectif de personnes en ALD représente 15,5 % de la population , soit 9 millions , en augmentation tendancielle d'environ 4 % par an . Le diabète est devenu la première ALD, devant les cancers, les maladies cardio-vasculaires, l'hypertension artérielle sévère et les affections psychiatriques de longue durée. Ces quatre affections concentrent 75 % des personnes en ALD.

Ainsi, l'ALD diabète représente à elle seule un coût de l'ordre de 10 milliards d'euros pour l'assurance maladie en 2010, soit environ 7,5 % de l'Ondam du régime général. Au total, 63 % des dépenses du régime général étaient affectées à la prise en charge des patients en ALD en 2010 ; cette part croît chaque année ; elle s'élevait à peine à 60 % en 2005.

Patients en affection de longue durée

Effectifs au 31 décembre 2010
(en millions)

Evolution annuelle moyenne en % (2005-2010)

Diabète

1,9

7,5 %

Cancers

1,9

5,7 %

Maladies cardio-vasculaires

1,6

6,5 %

Hypertension artérielle sévère

1,2

7,6 %

Affections psychiatriques de longue durée

1,0

2,8 %

Total des patients en ALD

9,0

3,9 %

Source : Cnam

Si le prix des traitements peut augmenter, notamment en raison de l'arrivée de nouveaux médicaments plus onéreux, la croissance des dépenses liées aux ALD s'explique surtout par la progression des effectifs de patients. La dépense moyenne remboursée à un patient en ALD a crû de 2 % en 2010, mais elle est stable pour les autres catégories d'assurés.

Il existe naturellement un lien de causalité important avec le vieillissement de la population : en 2008, environ 20 % de la classe d'âge entre cinquante et cinquante-quatre ans est en ALD et 50 % de la classe d'âge entre soixante-dix et soixante-quatorze ans.

La Cnam conclut, dans son dernier rapport sur les charges et produits, que le facteur essentiel de croissance de la dépense d'assurance maladie est toujours, en 2010, l'augmentation relativement rapide des effectifs de patients traités pour des pathologies lourdes .

2. Des dépenses de médicaments d'un niveau structurellement élevé
a) Malgré une décélération de la consommation de médicaments, la France continue de dépenser plus que ses voisins

La France a consacré 1,84 % de son PIB aux dépenses de médicaments en 2008, soit 15 % de plus que l'Allemagne et 78 % de plus que le Royaume-Uni 6 ( * ) . Sur huit pays étudiés par la Cnam, la France est en première position en termes de dépenses par habitant et deuxième, ex aequo avec l'Espagne, pour les volumes consommés 7 ( * ) . En 2010, la consommation moyenne par habitant a été de quarante-huit boîtes de médicaments, soit quasiment une boîte par semaine 8 ( * ) .

Ces chiffres traduisent une situation connue, liée en particulier à une tradition de prescription par les professionnels et à une demande des patients .

Dépenses en produits pharmaceutiques
par habitant en dollar et en parité de pouvoir d'achat en 2009

Source : OCDE

Toutefois, si la consommation de médicaments a été multipliée par 2,5 entre 1989 et 2009, elle a connu une moindre progression sur les dix dernières années.

Les données fournies par le comité économique des produits de santé (Ceps) dans son rapport d'activité pour l'année 2010 concernant les médicaments remboursables sont, à ce titre, révélatrices. Les ventes de médicaments pris en charge par l'assurance maladie ont représenté 25,5 milliards d'euros en 2010, en hausse de 1,3 % par rapport à l'année 2009. L'augmentation moyenne sur les cinq années précédentes avait été d'environ 3 %.

Taux de croissance des ventes de médicaments remboursables 2000-2010 :

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

7,7 %

7,7 %

5,7 %

6,5 %

6,9 %

5,0 %

1,8 %

3,9 %

2,8 %

2,8 %

1,3 %

Source : comité économique des produits de santé, rapport d'activité 2010, juillet 2010

Ce ralentissement n'est pas propre à la France et elle continue de dépenser plus que ses voisins européens. Le rapport de la Cour des comptes publié en septembre 2011 sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale apporte une explication sur ce point. Les mesures ponctuelles, notamment de déremboursement, appliquées depuis plusieurs années, seraient insuffisantes pour assurer une maîtrise réelle des dépenses de médicaments. La seule politique véritablement structurelle, qui est celle menée en faveur des génériques, ne produirait pas les résultats attendus, parce qu'elle se fonde avant tout sur le pouvoir de substitution des pharmaciens et non sur un engagement concret des prescripteurs.

b) La nécessité de repenser de façon globale le fonctionnement de la chaîne du médicament

Trois axes liés au renforcement du fonctionnement de la chaîne du médicament peuvent guider la réflexion.

En premier lieu, le lien entre service médical rendu, prix du médicament et prise en charge par l'assurance maladie devrait être amélioré de façon à permettre un chaînage vertueux bénéfique pour la santé des patients et soutenable pour l'assurance maladie. Ceci implique de renforcer la portée des avis fournis par la commission de la transparence de la HAS sur le service médical rendu (SMR) et l'amélioration du service médical rendu (ASMR), qui n'ont jusqu'à présent aucune force contraignante. En effet, des médicaments ayant un SMR insuffisant continuent aujourd'hui d'être admis au remboursement et le prix fixé par le Ceps, lorsqu'il négocie avec les laboratoires, n'est pas toujours cohérent avec l'avis donné sur le SMR ou l'ASMR. Selon une étude de l'Irdes, en mars 2011, sur les 486 présentations dont le SMR est jugé insuffisant et qui sont toujours commercialisées, moins de 76 % ont été effectivement déremboursées et 24 % restent donc remboursées, le plus souvent au taux de 15 % 9 ( * ) .

Les procédures d'autorisation, de remboursement et de fixation
des prix des médicaments

Source : Cour des comptes, La sécurité sociale, septembre 2011

La politique du générique mériterait également d'être renforcée . Les génériques représentent une part des prescriptions moins élevée en France que chez ses voisins européens et sont souvent nettement plus chers : le prix moyen par unité des médicaments génériques s'établit en effet à quinze centimes d'euros en France, contre douze en Allemagne, sept au Royaume-Uni et même cinq aux Pays-Bas 10 ( * ) .

Le développement de médicaments dits « contre-génériques », présentant des caractéristiques très proches de celles des molécules d'origine mais dont les prix tendent à être plus élevés que ceux des génériques, conduit à limiter la diffusion de ces derniers tandis que le nombre de médicaments sous tarifs forfaitaires de responsabilité 11 ( * ) (TFR) demeure limité. Remédier à cette situation implique une meilleure régulation de la part du Ceps pour faire converger les prix des médicaments d'une même classe thérapeutique et une action déterminée pour que les médicaments d'un même groupe générique se voient appliquer un tarif de remboursement commun.

En outre, dans plusieurs pays européens, la consommation de médicaments, génériques ou non, est concentrée sur un nombre plus faible de références, ce qui permet des économies d'échelle importantes sans diminuer l'impact thérapeutique pour les patients . Ainsi, une seule molécule de statine 12 ( * ) occupe 81 % du marché en Allemagne et 63 % au Royaume-Uni, alors qu'en France, le marché est fragmenté, la principale ne tenant que 40 % du marché. De ce fait, la simvastatine est vendue 14 centimes d'euros en Allemagne par unité, et même 4 centimes au Royaume-Uni, contre 44 centimes en France.

Enfin, la situation particulière des dépenses de médicaments à l'hôpital doit être prise en compte, d'autant que les prescriptions qui y sont réalisées exercent un effet d'entraînement avéré sur celles effectuées en ville. Les médicaments facturés en sus des groupes homogènes de séjour (GHS) suscitent une dépense de 2,4 milliards d'euros pour l'ensemble des régimes et de 1,4 milliard pour les médicaments rétrocédés dans les pharmacies hospitalières. Hors médicaments inclus dans les GHS, la progression des dépenses de médicaments à l'hôpital est bien supérieure à l'évolution globale puisqu'elle s'établissait à près de 5 % pour l'année 2010. Ces dépenses sont concentrées sur un nombre limité de classes, en particulier sur les anticancéreux. Comparant la situation de la France avec celle d'autres pays européens, la Cnam note que les pays où s'applique le principe de libre fixation des prix à l'hôpital ont fait le choix de maîtriser les volumes de façon à contenir la dépense globale 13 ( * ) . Cela n'a pas été le cas en France, afin d'éviter de limiter l'accès à l'innovation. L'enjeu semble aujourd'hui de parvenir à concilier les deux exigences que sont la maîtrise de l'évolution des dépenses et le soutien à l'innovation thérapeutique , notamment par un suivi plus actif des médicaments inscrits sur la liste en sus.

Surtout, la nécessaire réflexion sur le fonctionnement de la chaîne du médicament ne peut s'extraire du contexte récent, particulièrement du scandale du Mediator qui implique de revoir la place des médicaments dans les stratégies thérapeutiques au regard de leur efficacité intrinsèque et des risques que peut faire peser sur les patients la multiplication des prescriptions .

Alors que la plupart des besoins thérapeutiques sont désormais couverts par des médicaments existants, l'amélioration de la situation des patients dépend désormais moins de l'augmentation du nombre de médicaments sur le marché que du progrès réel qu'apporte chaque spécialité par rapport aux médicaments existants.

L'évolution des décisions rendues par la commission de la transparence de la HAS illustre ce changement de paradigme : l'évaluation du SMR se fonde désormais davantage sur son effet thérapeutique propre que sur la gravité de la maladie que le médicament est censé soigner. Cette position a conduit la commission de la transparence à attribuer récemment un SMR insuffisant à un médicament destiné à soigner le cancer du pancréas métastatique au regard de l'impact qu'avait le médicament sur le pronostic vital des patients et de ses effets indésirables. Son avis ayant conduit à porter au contentieux la décision d'inscription au remboursement du médicament, le Conseil d'Etat a confirmé l'analyse de la commission de la transparence 14 ( * ) .

B. DES DÉCISIONS PRISES CES DERNIÈRES ANNÉES ET LOURDES DE CONSÉQUENCES POUR L'AVENIR

1. Un niveau de recettes structurellement insuffisant

Si la crise économique a naturellement affecté les équilibres des comptes sociaux et notamment de la branche maladie, le déficit existait antérieurement et n'a fait qu'empirer. La Cnam estime ainsi que le déficit structurel s'élève à 5 milliards d'euros en 2011.

Or, parallèlement, les dépenses d'assurance maladie connaissent une dynamique propre qui les fait évoluer plus vite que la richesse nationale. Même maîtrisé comme on l'a connu ces dernières années, l'Ondam reste supérieur à la croissance du PIB.

Dans ces conditions, restaurer l'équilibre financier de la branche maladie ne peut être réalisé qu'en récupérant « l'effet-base » du déficit structurel grâce à l'apport de recettes nouvelles, tout en confortant les efforts sur la dépense pour que le gain de ressources ne soit pas immédiatement englouti dans un nouveau déficit.

Solde du régime général

(en milliards d'euros)

2008

2009

2010
(selon PLFSS 2012)

2011
(selon PLFSS 2012)

2012
(selon PLFSS 2012)

Branche maladie

- 4,4

- 10,6

- 11,6

- 9,6

- 5,9

Toutes branches

- 10,2

- 20,3

- 23,9

- 20,2

- 13,9

2. Franchises, participations forfaitaires, déremboursements : une efficacité limitée, un effet pernicieux

Dès la loi de 2004 relative à l'assurance maladie, le Gouvernement a estimé que l'un des moyens pour favoriser le changement des comportements et, en l'occurrence, mieux responsabiliser les assurés, résidait dans la mise en place d' une participation forfaitaire sur les consultations médicales et les actes de biologie . Il s'agissait de faire prendre conscience aux Français du coût de la santé.

Tous les assurés y sont assujettis, à l'exception des personnes mineures, des bénéficiaires de la CMU-c et de l'assurance maternité, ainsi que des pensionnés militaires d'invalidité. Au total, près de 19 millions d'assurés, soit 29 % de la population , en sont exonérés .

Depuis 2004, la participation à l'acte s'élève à 1 euro, sous plafond annuel de 50 euros par personne : 4,1 % des assurés du régime général atteignent ce plafond, mais ce taux monte à 14,4 % des personnes en ALD. Cette différence sensible montre un impact de la participation qui est aggravé pour les personnes en plus mauvaise santé.

Depuis le 1 er janvier 2008 15 ( * ) , une franchise est venue s'ajouter à la participation forfaitaire ; elle s'applique sur :

- les médicaments (50 centimes d'euros par boîte), à l'exception de ceux délivrés pendant une hospitalisation ;

- les actes des auxiliaires médicaux , qui regroupent principalement ceux dispensés par les infirmières et les masseurs-kinésithérapeutes (50 centimes d'euros par acte) ;

- les transports sanitaires (2 euros par transport).

Deux objectifs étaient poursuivis : dégager des ressources pour financer la prise en charge de la maladie d'Alzheimer, la lutte contre le cancer et les soins palliatifs ; responsabiliser les patients sur des postes de dépenses particulièrement dynamiques.

Le rendement du dispositif des franchises, qui touche les mêmes assurés que la participation forfaitaire sur les consultations, est estimé à 877 millions d'euros pour 2010, dont 85 % au titre des médicaments (744 millions), 13 % des actes d'auxiliaires médicaux (111 millions) et 2 % des transports sanitaires (22 millions).

Deux limites ont été posées : le montant annuel par assuré est plafonné à 50 euros ; la participation journalière maximale est fixée à 2 euros pour les actes d'auxiliaires médicaux et à 4 euros pour les transports : 25 % des assurés atteignent le plafond annuel de 50 euros, ce qui représente en fait 35 % de la population concernée par les franchises en excluant celle qui en est exonérée.

On constate que la moitié des personnes en ALD atteint le plafond annuel . D'ailleurs, le montant total de franchise à la charge des personnes en ALD est de 352 millions d'euros en 2010, soit 40 % du total.

La mise en oeuvre de la franchise a eu pour effet positif de promouvoir le développement des grands conditionnements, contenant en général trois mois de traitement, pour les médicaments utilisés dans le cadre de maladies chroniques (diabète, cholestérol, hypertension ou insuffisance cardiaque). Selon le Gouvernement 16 ( * ) , un effet de rattrapage a eu lieu, mais la moindre progression de ces grands conditionnements annonce la fin prochaine de la période de montée en charge rapide du dispositif.

On l'a dit, l'instauration des participations et franchises répondait aussi à l'objectif de responsabilisation des patients et des professionnels grâce à l'imposition d'un certain niveau de reste à charge pour les inciter à réguler la consommation médicale. Ceci explique que les contrats d'assurance complémentaire ne peuvent pas bénéficier du label « responsables » et du différentiel de taxation qui y est associé (différentiel quasi inexistant aujourd'hui) s'ils les remboursent à leurs affiliés.

Or, comme le relève une étude de l'Irdes 17 ( * ) , ce raisonnement suppose que les individus soient des « consommateurs éclairés » qui choisissent leur consommation de médicaments au regard du coût des soins et de leur utilité. On notera que si 88 % des personnes interrogées dans cette étude ont déclaré ne pas avoir modifié leurs consommations de médicaments, les changements sont plus fréquents chez les individus disposant de faibles ressources et ceux en mauvaise santé .

L'étude conclut clairement que, plus le revenu augmente, moins la mise en place de la franchise a affecté le comportement . Les bénéficiaires de la CMU-c étant exonérés des franchises, on peut estimer que les plus touchés sont les assurés éligibles à l'aide à la complémentaire santé (ACS) et ceux dont les revenus sont encore un peu au-dessus du barème de l'ACS ; en effet, les contrats responsables excluent nécessairement le remboursement des franchises. A cet égard, il est reconnu que l'ACS est loin d'atteindre son public, puisque seulement 26 % de la population éligible en sont bénéficiaires.

L'étude publiée par l'Irdes conclut que, « pour ces deux populations [individus disposant de faibles ressources et ceux en mauvaise santé], les franchises représentent une charge financière significative ayant pour effet une perte d'accès aux médicaments ».

Ces résultats sont proches d'une enquête réalisée en 2005 sur l'impact de la participation forfaitaire de 1 euro sur les consultations et les actes de biologie. Au total, plusieurs études mettent en lumière les doutes qui pèsent sur l'effet d'une augmentation de la contribution des assurés sociaux sur la diminution des dépenses de santé : elles relèvent davantage une moindre observance ou l'interruption des traitements, néfastes à moyen et long terme pour le patient et le système de santé, ainsi que le recours plus fréquent à l'hospitalisation ou aux services d'urgence qu'une autorégulation de la consommation.

Dans le même ordre d'idées, le Gouvernement a procédé à un certain nombre de déremboursements de médicaments ou de baisses du taux de remboursement. Or, ces décisions ont pour effet paradoxal de reporter la prescription vers des médicaments encore remboursés ou mieux pris en charge et souvent plus chers, ce qui limite la portée de la mesure lorsqu'elle n'est accompagnée ni d'outils de pilotage ni d'informations adaptées auprès des professionnels et des patients.

3. Un accès aux soins menacé
a) L'inégale répartition des professionnels sur le territoire

« Il n'y a jamais eu, en France, autant de médecins qu'aujourd'hui, ni une densité médicale aussi forte ». Ainsi débute l'étude de la Cour des comptes sur la répartition territoriale des médecins libéraux 18 ( * ) .

Le nombre des praticiens, exerçant en secteur libéral ou non, n'a cessé de progresser au cours des quarante dernières années (environ 216 000 sont en activité en 2011) et la France se situe dans la moyenne des pays de l'OCDE .

Nombre de médecins pour 1 000 habitants, en 2009

Source : OCDE

La population médicale se caractérise par une pyramide des âges défavorable puisque plus de la moitié ont plus de cinquante ans. Du fait des nombreux départs à la retraite attendus dans les prochaines années, un creux démographique devrait survenir dans la décennie à venir jusqu'en 2019 en conséquence du fort abaissement du numerus clausus dans les années 1980-1990, mais sa hausse sur la période récente aboutira, contrairement au sentiment général, à une augmentation importante du nombre de médecins en France à l'horizon 2030.

Cependant, le nombre des médecins n'est pas le seul élément à prendre en considération. L'évolution du temps de travail effectif des médecins l'est tout autant : on peut comprendre que les plus jeunes n'aient pas envie de connaître les conditions de travail de leurs aînés. En outre, ils souhaitent souvent exercer dans des environnements différents, plutôt en groupe, sous une forme ou sous une autre, qu'isolés. La féminisation de la profession contribue également à ces évolutions majeures dans les modes d'exercice.

Le nombre d'installations en libéral à la sortie des études, un peu moins de 10 %, est aujourd'hui faible, mais parallèlement beaucoup de jeunes médecins pratiquent en tant que remplaçants durant les premières années, ce qui conduit à nuancer cette statistique, souvent avancée par le Conseil national de l'ordre. Globalement, les médecins libéraux restent majoritaires : ils constituent 59 % de l'effectif total contre 30 % d'hospitaliers et 11 % de médecins salariés.

Par ailleurs, on constate un désintérêt des étudiants pour certaines spécialités, dont la médecine générale ; ils préfèrent souvent redoubler une année pour améliorer leur rang de sortie et passer à nouveau les épreuves classantes nationales, ce qui entraîne des déficits sectoriels. Ainsi, 10 % des postes ont été non pourvus en 2010, dont 95 % au titre de la médecine générale.

Plus encore, les densités médicales entre départements sont très hétérogènes : l'écart va de un à quasiment trois pour les omnipraticiens, avec 106 professionnels pour 100 000 habitants dans l'Eure, 123 dans l'Aisne mais 184 dans les Alpes-Maritimes ou 286 à Paris. Pour les spécialistes, il va de un à plus de huit, avec 67 médecins pour 100 000 habitants dans l'Eure, 72 dans la Meuse, 99 dans l'Oise contre 243 dans l'Héraut, 252 en Haute-Garonne et même 560 à Paris.

En outre, les déficits se révèlent le plus souvent à des niveaux territoriaux inférieurs, de la taille du canton ou du bassin de vie. Il peut arriver qu'une zone proche d'une agglomération manque cruellement de tel ou tel type de professionnels de santé. C'est pourquoi il est maintenant urgent que les agences régionales de santé (ARS) adoptent les schémas régionaux d'organisation des soins (Sros) qui permettront notamment de définir les zones dans lesquelles le niveau de l'offre de soins de premier recours ne suffit pas à répondre aux besoins de santé de la population.

Parallèlement, on constate la multiplication de dispositifs d'aides incitatives à l'installation des praticiens , mais que la Cour des comptes estime « sans portée réelle ». Certains sont financés par l'Etat, d'autres par les collectivités territoriales, toujours sous des formes très diverses, qui peuvent aller jusqu'au salariat d'un médecin. La loi HPST a créé, à la charge de la sécurité sociale, les contrats d'engagement de service public en faveur des étudiants en médecine qui s'engagent, en contrepartie d'une bourse mensuelle de 1 200 euros, à exercer dans une zone déficitaire. En 2010, première année d'application de ce contrat, seul un tiers a trouvé preneur ; il est à espérer que le dispositif soit amélioré et que des informations plus convaincantes soient fournies aux étudiants si l'on souhaite que ce contrat ait un impact réel.

L'assurance maladie a également mis en place, dans les conventions médicales, plusieurs mesures, dont celle qui consistait, à partir de 2005, à majorer de 20 % la rémunération des médecins généralistes libéraux exerçant en groupe dans les zones déficitaires.


La nouvelle convention médicale

Les mesures contenues dans la convention médicale signée le 26 juillet 2011 restent incitatives et très limitées.

? L'option démographie, dans les zones « sous-denses »

Dans les zones « sous-denses », les médecins en secteur 1 ou ayant adhéré à l'option de coordination pourront bénéficier d'avantages s'ils exercent en groupe et s'ils s'engagent sur certains critères, principalement le fait de réaliser au moins les deux tiers de leur activité auprès de patients résidant dans la zone et être installés dans cette zone ou à proximité immédiate.

Les médecins adhérant à cette option démographie peuvent bénéficier :

- d'une aide à l'investissement de 5 000 euros par an pendant trois ans s'ils exercent au sein d'un groupe (2 500 euros pour les membres d'un pôle de santé) ;

- d'une aide à l'activité représentant 10 % de l'activité dans la limite de 20 000 euros par an (5 % dans la limite de 10 000 euros en pôle).

? L'option santé solidarité territoriale

Afin notamment de faciliter les remplacements temporaires, les médecins en secteur 1 ou ayant adhéré à l'option de coordination peuvent bénéficier d'avantages s'ils ne sont pas installés dans une zone « sous-dense » mais y assurent des consultations durant au moins vingt-huit jours par an.

Ils peuvent percevoir une rémunération complémentaire égale à 10 % de leur activité dans la zone, dans la limite d'un plafond annuel de 20 000 euros, ainsi que des frais de déplacement.

En France, porter atteinte à la liberté d'installation des médecins reste un tabou, que d'autres pays ont su dépasser : c'est le cas en Allemagne, où des quotas de médecins ont été fixés pour certains territoires, mais aussi de l'Autriche, du Québec, du Royaume-Uni ou de la Suisse.

Le seul argument avancé en faveur du maintien de ce principe réside dans le fait que la médecine est « libérale ». Pourtant, les infirmières , tout autant libérales, ont accepté la mise en place d' un dispositif contraignant . Leur convention de juillet 2007 définit cinq zones de densité 19 ( * ) pour rééquilibrer l'offre de soins entre les régions et a mis en place à la fois des mesures incitatives dans les zones « très sous-dotées » et des limitations d'accès au conventionnement dans les zones « sur-dotées » :

- dans les premières, une infirmière peut, sous certaines conditions, bénéficier d'une aide à l'investissement d'un montant maximal de 3 000 euros par an pendant trois ans, ainsi que d'une participation par les caisses d'assurance maladie au financement des cotisations sociales dues au titre des allocations familiales ;

- dans les secondes, l'accès au conventionnement pour une nouvelle arrivée n'est possible que si une autre infirmière cesse définitivement son activité dans la zone considérée .

A leur tour, les masseurs-kinésithérapeutes, qui exercent également en libéral, ont récemment accepté un mécanisme similaire.

Si la répartition territoriale des médecins continue de se dégrader et aboutit à une inégalité d'accès aux soins et à des renoncements de la part des patients, il ne serait pas compréhensible que les syndicats représentatifs évitent ces questions et qu'une politique volontariste ne soit pas entreprise.

b) Un transfert rampant de l'assurance maladie vers les complémentaires et l'assuré

La part des dépenses de santé prises en charge, en France, par la solidarité nationale se situe, là encore, dans la moyenne des pays de l'OCDE. Elle est sensiblement plus élevée dans les pays du Nord de l'Europe et au Royaume-Uni ; elle est globalement au même niveau que le nôtre en Allemagne, Autriche ou Belgique et elle est nettement inférieure en Suisse, au Canada et, bien sûr, aux Etats-Unis.

Dépenses publiques en pourcentage des dépenses totales de santé (2009)

Source : OCDE

De 1995 à 2004, la part de la sécurité sociale dans le financement de la santé en France est restée globalement stable, autour de 77 %. Entre 2005 et 2010, on constate une évolution tendancielle lente mais inquiétante : la part financée par la sécurité sociale baisse et celle des organismes complémentaires et des ménages augmente .

Structure du financement de la consommation
de soins et de biens médicaux

2005

2010

Sécurité sociale

76,8 %

75,8 %

Etat

1,2 %

1,2 %

Organismes complémentaires

13,0 %

13,5 %

Ménages

9,0 %

9,4 %

Source : annexe 7 du PLFSS

Pour autant, ces chiffres globaux masquent des disparités très importantes selon les prestations : la part de financement public est déterminante en matière de soins hospitaliers (92 %) ; pour les soins de ville, les médicaments et les autres biens médicaux, elle est nettement plus modérée, respectivement à hauteur de 65 %, 67 % et 44 %. Les parts respectives de prise en charge doivent également être appréciées au regard de la situation de l'assuré social, notamment dans le cas d'une inscription en ALD.

Ces dichotomies entre prestations réalisées à l'hôpital et soins de ville et entre les patients en ALD et les autres constituent les prémices d'un système à deux vitesses et fragilisent la mutualisation large des risques que le système avait permis d'instaurer entre bien portants et mal portants.

Par ailleurs, la couverture en assurance complémentaire a progressé : grâce à la CMU-c puis à la création de l'aide à la complémentaire santé (ACS) pour les personnes aux revenus modestes mais qui se situent au-dessus des barèmes de la CMU-c, environ 94 % de la population sont désormais couvertes. Le Gouvernement a proposé, lors des débats à l'Assemblée nationale, de relever le plafond de ressources de l'ACS pour en élargir le nombre de bénéficiaires potentiels. Votre commission a approuvé cette mesure, mais elle a également souligné la nécessité de l'accompagner de campagnes d'information efficaces auprès de ses destinataires potentiels car, aujourd'hui, environ 75 % des personnes éligibles à cette aide ne la demandent pas. Il est notamment impératif de simplifier et alléger les démarches, tout particulièrement à l'intention des étudiants qui, actuellement, doivent déposer leur dossier auprès de la Cpam alors qu'ils sont affiliés auprès des associations étudiantes qui gèrent leur régime de base.

En outre, le niveau des prestations servies aux personnes aux revenus modestes doit être suffisant, ce qui est loin d'être toujours le cas, pour compenser le coût des cotisations ou des primes qu'on leur demande. La création, par le présent projet de loi de financement, d'un « label ACS » devrait contribuer à l'amélioration qualitative des contrats d'assurance complémentaire.

c) Les dépassements d'honoraires ont doublé en vingt ans

La création, en 1980, du secteur à honoraires libres avait pour objectif de freiner la progression des dépenses de l'assurance maladie tout en permettant la revalorisation des revenus des médecins. On peut estimer que ce fut un « succès » puisque les dépassements d'honoraires ont progressé de manière spectaculaire : leur montant a plus que doublé au cours des vingt dernières années, passant de 900 millions en 1990 à 2,5 milliards d'euros en 2010 .

Même si une large part de la population (environ 94 %) adhère à une couverture complémentaire, celle-ci n'assure pas toujours le remboursement de ces dépassements : selon la Drees, seuls 40 % des assurés en bénéficient, en tout ou partie .

Du point de vue des médecins, il faut également noter que ces dépassements introduisent de fortes disparités de rémunération, qui ne sont pas forcément justifiées par des différences de diplôme, d'exercice ou de qualité des soins. Elles résultent davantage de la date à laquelle le médecin s'est installé, puisque l'accès au secteur 2 a été restreint par les conventions successives à partir de 1990. Qui plus est, pratiquer des dépassements d'honoraires permet aux médecins de compenser, dans des régions sur-dotées en professionnels de santé, un volume d'activité plus faible, ce qui est clairement contreproductif pour le système de santé. De fait, les études révèlent qu'il n'existe pas de « concurrence » dans les tarifs des médecins : les dépassements pratiqués sont plutôt proportionnels à la densité médicale.

Les dépassements assurent aujourd'hui 12 % des honoraires totaux de l'ensemble des médecins, mais 17 % de ceux des spécialistes ou 32 % de ceux des chirurgiens.

Pour les médecins en secteur 2, la part moyenne des dépassements représente presque 35 % de leurs honoraires totaux , mais elle varie selon les spécialités : 18 % pour les cardiologues, 43 % pour les gynécologues, 44 % pour les psychiatres, 36 % pour les pédiatres et 31 % pour les généralistes.

En 2011, 7 % des généralistes et 40 % des spécialistes exercent en secteur 2 , avec des disparités également importantes (78 % chez les chirurgiens, 42 % chez les dermatologues, 35 % chez les anesthésistes ou 14 % chez les radiologues). Si seulement 1 % à 2 % des généralistes s'installent chaque année en secteur 2 depuis 1990, les spécialistes sont de plus en plus nombreux à le faire, jusqu'à atteindre 60 % aujourd'hui.

Enfin, les dépassements sont plus élevés et plus fréquents dans les départements urbains et dans ceux où le niveau de vie des habitants est élevé.

III. CE PROJET DE LOI DE FINANCEMENT PROLONGE LES POLITIQUES QUI MINENT AUJOURD'HUI LE SYSTÈME DE SANTÉ

A. UN ONDAM DONT LA SINCÉRITÉ EST INCERTAINE

1. 2010 et 2011 : un Ondam respecté au prix de gels de dotations

2010 avait été la première année de strict respect de l'Ondam depuis 1997 . Selon les données fournies par l'annexe 7 au présent projet de loi de financement, les dépenses incluses dans son champ se sont alors élevées à 161,8 milliards d'euros , en progression de 2,6 % par rapport à l'année 2009. Ces données traduisent une sous-exécution de 640 millions d'euros de l'objectif voté dans la loi de financement.

L'écart constaté entre le niveau initialement voté et celui effectivement réalisé se répartit de la façon suivante entre les sous-objectifs :

- une sous-exécution des dépenses de soins de ville à hauteur de 430 millions d'euros ;

- une sous-exécution de 150 millions d'euros des dépenses afférentes aux établissements de santé, due pour les deux tiers aux cliniques privées ;

- une réduction de l'Ondam médico-social de 100 millions d'euros.

Les dépenses de soins de ville se sont établies à 74,8 milliards d'euros , soit une progression de 2,2 % par rapport à l'année 2009. Plusieurs facteurs expliquent leur sous-exécution. En premier lieu, les mesures de maîtrise médicalisée ont permis une évolution des dépenses de médicaments moindre que celle anticipée. En outre, l'épidémie de grippe ayant été tardive et d'ampleur modeste en 2010, les provisions réalisées se sont avérées surestimées. Enfin, les dépenses de soins paramédicaux et de transports de malades ont connu une augmentation plus faible que celle prévue initialement.

Les efforts d'économies ont porté, pour ce sous-objectif, sur 1,4 milliard d'euros, dont 1,2 milliard au titre des produits de santé et de la mise en oeuvre de mesures de maîtrise médicalisée.

Les dépenses afférentes aux établissements de santé ont augmenté de 2 % en 2010 pour s'établir à 70,8 milliards d'euros.

Avant mesures correctrices, le dépassement de ce sous-objectif était estimé à 375 millions d'euros. Les mises en réserve se sont élevées en définitive à 525 millions d'euros ; elles ont principalement porté sur les aides à la contractualisation, pour 364 millions, enveloppe la plus souple qui est destinée essentiellement à l'investissement et au soutien des établissements déficitaires. Geler ce type de crédits montre bien la justification strictement conjoncturelle des mises en réserve qui, paradoxalement, affecte particulièrement sur les établissements déjà en difficulté. Après mesures correctrices, les dépenses s'avèrent inférieures de 150 millions d'euros à l'objectif initialement voté.

Les sous-objectifs relatifs aux établissements et services médico-sociaux ont connu une progression de 7,1 % en 2010, ce qui a porté leur montant à 15,1 milliards d'euros. La hausse des dépenses a principalement concerné la dotation destinée aux établissements et services pour personnes âgées, qui a connu une progression de 11,7 % par rapport à 2009. Elle a atteint 7,2 milliards, ce chiffre tenant compte de la diminution de 100 millions de l'enveloppe décidée en cours d'année. Les dépenses destinées aux établissements pour personnes handicapées ont augmenté de 2,8 % pour s'établir à 7,9 milliards.

Enfin, le sous-objectif relatif aux autres modes de prise en charge a affiché un dépassement de 40 millions lié, pour l'essentiel, aux dépenses de soins des Français à l'étranger. Son montant a donc été de 1,1 milliard d'euros en 2010.

Pour l'année 2011 , l'article 9 du présent projet de loi de financement confirme le montant prévisionnel de l'Ondam fixé l'an dernier à 167,1 milliards d'euros par l'article 90 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, ce qui correspond à une progression de 2,9 % par rapport à l'objectif arrêté pour 2010. L'Ondam serait ainsi respecté pour la deuxième année consécutive depuis 1997, au prix de la mobilisation d'une partie des 530 millions d'euros de dotations mis en réserve au début de l'année.

Le sous-objectif soins de ville s'établirait à 77,3 milliards d'euros, soit une progression de 2,7 % par rapport à 2010. Cette prévision d'exécution est conforme à l'objectif initialement voté. Alors que les dépenses de médecine générale et de soins dentaires devraient connaître une dynamique plus élevée qu'en 2010, celles relatives aux honoraires des médecins spécialistes, aux soins paramédicaux et aux transports s'infléchiraient. Les dépenses de biologie médicale augmenteraient à un niveau équivalent à celui de 2010. La progression des dépenses de médicaments et de dispositifs médicaux serait moins soutenue qu'en 2010.

Malgré une activité plus dynamique que prévu, les dépenses relatives aux établissements de santé devraient être inférieures de 75 millions à leur objectif du fait de la mise en réserve de certaines dotations. Ce gel a concerné à hauteur de 350 millions d'euros les crédits d'aide à la contractualisation des établissements de santé, de 50 millions les crédits du fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés (Fmespp), de 100 millions la contribution de l'assurance maladie au financement des établissements médico-sociaux et de 30 millions les crédits du fonds d'intervention pour la qualité et la coordination des soins (Fiqcs). Le plafond de 2,7 % assigné au sous-objectif serait donc respecté et lui permettrait de s'établir à 72,9 milliards d'euros .

Les dépenses portant sur les établissements médico-sociaux constituant une enveloppe fermée, elles ne peuvent par définition être dépassées. Elles connaîtraient donc une évolution de 4,1 % et s'établiraient à 15,8 milliards d'euros .

Le sous-objectif relatif aux autres modes de prise en charge , pour lequel était fixée une évolution de 5,9 % , serait également respecté.

2. Pour 2012, un Ondam contraint à 2,8 %

L'Ondam proposé pour 2012 figure à l'article 48 du présent projet de loi de financement. Son niveau devrait s'établir à 171,7 milliards d'euros , en hausse de 2,8 % par rapport à l'année 2011.

Sachant que l'évolution tendancielle spontanée de l'Ondam serait de 4,1 %, dont 4,9 % pour les soins de ville et 3,3 % pour les établissements de santé, le respect d'un taux de 2,8 % suppose, selon le Gouvernement, un montant global d'économies de 2,2 milliards d'euros en 2012 par rapport aux évolutions tendancielles des dépenses. Le texte envisage trois mesures en ce sens.

L'harmonisation et la simplification des méthodes de calcul des indemnités journalières (IJ) maladie et accident du travail - maladies professionnelles (AT-MP).

C'est sous ce vocable que se présente la mesure par laquelle il est prévu de recalculer 20 ( * ) ces IJ pour en retirer une économie attendue de 220 millions d'euros. Devant les protestations qu'elle a soulevées, le ministre de la santé a annoncé à l'Assemblée nationale qu'il renoncerait certainement à cette modification mais qu'il envisageait alors de passer le délai de carence avant le paiement des IJ par l'assurance maladie de trois à quatre jours.

Votre commission a donc adopté un amendement pour contrecarrer cette baisse annoncée des indemnités journalières, en prévoyant dans la loi qu'elles sont égales à 50 % du salaire brut et qu'elles sont déclenchées au bout du quatrième jour.

La baisse de prix de produits de santé, médicaments et dispositifs médicaux , pour un montant total de 770 millions.

Dans le prolongement des projets de loi de financement précédents, le Gouvernement souhaite notamment mettre sous tarif forfaitaire de responsabilité certains médicaments génériques et modifier les marges des grossistes-répartiteurs, ainsi que continuer de dérembourser des médicaments à service médical rendu insuffisant.

L'outil de la baisse des prix permet d'agir vite et facilement sur les dépenses d'assurance maladie, mais ce sont trop souvent des mesures de court-terme, comme on l'a vu sur les déremboursement qui aboutissent à des transferts de prescription vers d'autres médicaments remboursables.

? La « maîtrise médicalisée », pour 1,2 milliard d'euros.

Le renforcement de « l'efficience » du système de soins est censé permettre d'économiser 550 millions d'euros en 2012, auxquels s'ajoutent 170 millions au titre de la baisse de tarifs de certains actes de biologie et de radiologie. En outre, l'amélioration de la « performance » à l'hôpital devrait rapporter 450 millions d'euros, dont 100 millions provenant de la poursuite de la convergence tarifaire ciblée entre les établissements de santé publics et privés et « l'intensification des politiques de lutte contre la fraude ».

3. Des doutes sérieux pèsent sur la sincérité de l'Ondam et sur la soutenabilité à long terme des mesures d'économies, si elles ne sont pas accompagnées de réformes profondes

La maîtrise de l'évolution haussière des dépenses d'assurance maladie est la condition obligée du maintien de la qualité du système de santé et d'un haut niveau de protection sociale pour l'ensemble des Français.

Cependant, il faut rappeler que l'Ondam ne constitue qu'un outil, aux critères de construction perfectibles, au service de la maîtrise de ces dépenses et que son respect ne garantit en aucun cas, à lui seul, l'amélioration de la situation financière de la branche maladie dans son ensemble.

D'un point de vue conjoncturel, la crise actuelle pèse sur les recettes des régimes de protection sociale et on rapporte que le Gouvernement réfléchirait à un objectif plus restrictif encore pour l'Ondam afin de ne pas trop dégrader le déficit déjà important de la branche maladie. Il pourrait ainsi être ramené à 2,5 % au lieu de 2,8 %, si bien que le chiffre inscrit dans le projet de loi de financement aujourd'hui ne semble pas être celui auquel les professionnels de santé doivent s'attendre pour 2012.

Il convient en outre de s'interroger sur la soutenabilité à long terme de la stratégie de réduction des dépenses mise en oeuvre dans le cadre de l'Ondam. Auditionné par votre commission, Frédéric Van Roekeghem, directeur général de la Cnam, a dressé le constat suivant 21 ( * ) : « La progression de l'Ondam a été fortement réduite. Il faut bien sûr s'interroger sur la limite jusqu'à laquelle cette réduction peut être supportable par rapport à la nécessité de couvrir les pathologies lourdes mais aussi les personnes qui n'ont besoin de recourir qu'à des soins courants ».

Il concluait par ces mots : « Il faut donc accorder une attention particulière au niveau de l'Ondam, de manière à ce que le taux de remboursement des soins courants ne diminue plus. Il me semble que cela soulèverait un problème constitutionnel car le Préambule de la Constitution de 1946 garantit à tous la protection de la santé ».

Au regard des enjeux, en particulier démographiques, auxquels sera confrontée la branche maladie dans les prochaines années, cette analyse doit être entendue comme un avertissement. La stratégie d'évolution de l'Ondam ne peut se faire au détriment des besoins de santé de la population et doit s'inscrire dans une réflexion globale sur les moyens de maintenir, sur le long terme, la viabilité et la qualité de notre système de santé.

B. DES MESURES LARGEMENT COSMÉTIQUES...

Ce n'est pas précisément à quoi s'emploie ce projet de loi, dont le contenu proche de l'indigence, ne recèle que quelques mesures positives mais quasi anodines et d'autres, franchement plus contestables.

1. Quelques dispositions plutôt positives

L' article 33 conforte les compétences existantes de la Haute Autorité de santé en matière médico-économique : les évaluations de ce type, assez récentes en France alors qu'elles sont relativement développées à l'étranger, permettent de comparer les différents médicaments, dispositifs ou thérapies pour estimer celles qui sont le plus efficientes. Il s'agit d'une condition essentielle de l'amélioration du système de santé et de ses équilibres financiers. Pour autant, cet article ne constitue qu'un premier pas car les résultats de ces évaluations ne seront que l'un des éléments pris en compte, le cas échéant, par le Ceps pour fixer le prix des médicaments et des dispositifs médicaux.

L' article 34 prolonge d'une année l'expérimentation des nouveaux modes de rémunération de l'exercice regroupé des professionnels dans des maisons, des pôles ou des centres de santé.

L' article 36 crée un nouveau fonds, le fonds d'intervention régional (Fir) , alimenté par des recettes en provenance de l'assurance maladie, de l'Etat et, le cas échéant, de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. Il regroupera en fait des financements gérés aujourd'hui par les ARS dans des enveloppes distinctes en provenance des Migac (missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation), du Fiqcs (fonds d'intervention pour la qualité et la coordination des soins), du Fmespp (fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés), de la mission « Santé » du budget de l'Etat et des fonds gérés par les caisses d'assurance maladie en faveur de la prévention et l'éducation à la santé.

Le Fir permettra le décloisonnement des crédits et financera trois domaines : la permanence des soins, tant ambulatoires qu'en établissements ; la prévention ; la qualité et la performance des soins. Les crédits correspondants, 1,5 milliard d'euros en 2011, seront donc gérés plus souplement par les ARS. La commission a modifié sur six points le dispositif, sans remettre en cause le principe d'un fonds géré plus facilement par les ARS.

L' article 41 prolonge de deux années une seconde expérimentation, relative cette fois au contrôle des arrêts maladie des fonctionnaires par les caisses primaires d'assurance maladie et précise les conditions dans lesquelles les agents pourront contester une décision prise par le service du contrôle médical de la caisse.

Dans le cadre du processus d'adossement du régime des mines au régime général, l' article 42 confirme le principe, actuellement en vigueur, de la gratuité des soins pour les assurés et leurs ayants droit de ce régime, hors forfait hospitalier.

L' article 43 supprime l'affiliation automatique à l'assurance maladie des bénéficiaires du versement forfaitaire unique, c'est-à-dire des personnes qui ont une pension de retraite très faible et qui la perçoivent en une fois au moment de la liquidation de leurs droits.

L' article 44 corrige un oubli technique de la loi portant réforme des retraites et étend, aux personnes qui liquident leurs droits à la retraite au titre de la pénibilité au sein du régime des exploitants agricoles, la suspension de l'éventuelle pension d'invalidité du régime général.

L' article 46 fixe, pour 2012, les participations des régimes d'assurance maladie au Fiqcs, au Fmespp, à l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam), aux ARS et à l'établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (Eprus), ainsi que celle de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie aux ARS.

2. D'autres sont plus contestables

L' article 35 insère, dans les contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens conclus entre les ARS et les établissements de santé, des objectifs établis à partir d' indicateurs de performance , dont l'absence annuelle de publication par les établissements ou le non-respect pourrait entraîner des sanctions financières fixées par l'ARS.

L' article 39 permet à l'assurance maladie et aux pharmaciens de négocier de nouvelles modalités de rémunération pour la profession : l'objectif est de passer progressivement d'un système fondé sur le volume et le prix du médicament vendu à un revenu lié à l'acte de dispensation et à des objectifs de santé publique (dépistage, vaccination, accompagnement de malades chroniques...) et de bonnes pratiques. La commission n'est pas hostile à l'évolution du mode de rémunération des pharmacies mais pas sans évaluation préalable : en l'état, le dispositif proposé est porteur d'incertitudes et susceptible de mettre de nouvelles dépenses à la charge des assurés car sa neutralité financière pour le patient supposerait parallèlement une baisse des prix des médicaments, qui n'est pas explicitement prévue dans le texte proposé aujourd'hui.

L' article 40 permet aux établissements de santé qui le souhaitent de mettre en place une nouvelle tarification permettant de « développer une offre de soins spécifique à destination des patients étrangers fortunés ». Quel esprit censé peut imaginer d'écorner les fondements du système français de soins et le principe d'égalité pour « une économie attendue de l'ordre de 5 millions d'euros » ?

L' article 45 ouvre la possibilité pour l'agence technique de l'information sur l'hospitalisation (Atih) d'être financée par le Fmespp, ce qui est contraire aux dispositions financières de l'agence contenues dans la loi de modernisation sociale de 2002 et inutile du fait que son budget est déjà abondé par une dotation de l'assurance maladie qui contribue également au Fmespp...

C. ... COMPLÉTÉES À L'ASSEMBLÉE NATIONALE PAR DES DISPOSITIONS D'INÉGALE IMPORTANCE

Les novations réellement marquantes apportées à l'Assemblée nationale résultent d'initiatives du Gouvernement. Deux mesures positives y ont été adoptées.

D'abord, la possibilité d'autoriser certains médecins étrangers à exercer en France a été prolongée, à défaut de quoi de nombreux établissements de santé, principalement publics, auraient été en grande difficulté dès le 1 er janvier prochain, puisque la période transitoire décidée à la fin de 2006 venait à expiration.

Ensuite, le plafond de ressources pour bénéficier de l'aide à la complémentaire santé a été relevé de 30 % au-dessus du plafond de la CMU-c à 35 %. Un « label ACS » a été créé pour tenter d'améliorer le niveau de prestations des contrats complémentaires qui sont aujourd'hui proposés à ces personnes.

La commission approuve ces deux mesures favorables.

Il n'en est pas de même de la création forcée du secteur optionnel , serpent de mer des négociations conventionnelles : la question a été soulevée dès 2004 à la suite d'un mouvement de chirurgiens, puis inscrite dans la loi HPST et dans un protocole d'accord en 2009 ; la convention médicale signée le 26 juillet 2011 contient ce projet, mais en renvoyant sa mise en oeuvre à la signature d'un avenant.

Ce secteur concernerait les professionnels de chirurgie , anesthésie-réanimation et gynécologie obstétrique , ayant une activité technique prépondérante ou remplissant un certain nombre d'actes par an, et qui sont déjà en secteur 2 ou titulaires de titres permettant d'accéder à ce secteur. Leur adhésion au secteur optionnel les conduirait :

- à réaliser au moins 30 % de leurs actes au tarif opposable ;

- à pratiquer, sur leurs autres actes, des « compléments » d'honoraires limités à 50 % d'une base de remboursement légèrement plus large que les tarifs opposables car comprenant des « modificateurs » et certains suppléments.

En contrepartie, les caisses participeraient au financement des cotisations sociales sur la part de l'activité sans dépassement, dans les conditions identiques à celles qu'elles offrent déjà aux médecins ayant adhéré au secteur 1.

Au-delà de la complexité de la rédaction retenue par le Gouvernement et des incertitudes qui y sont liées, la création d'un tel secteur optionnel pose plus de questions qu'elle n'en résout. Au total, la formule paraît bancale :

- du point de vue des médecins de secteur 1, qui restent contraints dans leurs tarifs et pour lesquels rien ne change ;

- du point de vue des spécialistes qui peuvent adhérer à cette option, parmi lesquels certains verront un effet d'aubaine s'ils en respectent déjà les termes, d'autres manifesteront un éventuel intérêt, s'ils sont un peu au-dessus des niveaux fixés, en raison de l'attrait de la prise en charge des cotisations, et les derniers s'en désintéresseront parce qu'ils pratiquent des dépassements nettement supérieurs. On peut même craindre que ceux qui pratiquent des dépassements de faible niveau n'augmentent progressivement leurs tarifs pour se rapprocher des plafonds ;

- du point de vue des assurances complémentaires, pour qui le surcoût est évident et pèsera nécessairement sur les cotisations.

Fondamentalement, le secteur optionnel ne règle rien alors qu'on le présente souvent comme la seule solution « sur la table ». Or, rien ne pourrait être pire que sa mise en oeuvre sans accompagnement par d'autres mesures fortes de limitation des dépassements d'honoraires. Cela reviendrait à prendre acte du problème, avec le risque de susciter le glissement des médecins du secteur 1, et notamment des généralistes, vers cette nouvelle formule plus favorable.

Si nombre d'études concordantes constatent l'ampleur des renoncements aux soins par une part croissante de la population, et pas seulement en optique ou en dentaire, les raisons en sont multiples. Mais les dépassements d'honoraires en font indéniablement partie. Au fil des années, le problème s'est cristallisé : depuis dix ans, ces dépassements ont explosé sans réponse politique, rendant sa résolution de plus en plus difficile. Il nécessite une approche globale ; c'est exactement le contraire de ce que propose aujourd'hui le Gouvernement.

C'est pourquoi la commission a adopté un amendement pour supprimer cet article.

D. SE FORGER UNE AMBITION : PARTIR DES BESOINS EN SANTÉ PLUTÔT QUE D'OPÉRER DES RÉGULATIONS MACRO-ÉCONOMIQUES ARBITRAIRES

Le système français de santé doit désormais retrouver des bases solides mises à mal par la politique récente. L'urgence est de rompre avec une régulation macro-économique de court terme incompatible avec l'objectif d'amélioration de la prise en charge des patients et avec le principe de solidarité hérité de l'histoire et qui fait sa force.

1. Avant tout, prévenir

Si la loi de santé publique du 9 août 2004 a contribué à structurer la politique de prévention en France, elle n'a pas été mise à jour depuis lors malgré les besoins résultant des évolutions de la demande et de l'offre de soins, et en dépit de l'article L. 1411-2 du code de la santé publique qui prévoit sa révision périodique : « la loi définit tous les cinq ans les objectifs de la politique de santé publique ».

Qui plus est, la Cour des comptes a récemment présenté à la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale une enquête - critique - sur le bilan et l'évaluation de la prévention en santé 22 ( * ) . Elle souligne notamment qu'aucun acteur ne dispose d'une vision globale des moyens consacrés à cette politique, dont les orientations et priorités sont par ailleurs trop denses et trop éparpillés. En pratique, de nombreuses actions sont redondantes alors que certains champs ne sont sans doute pas, ou mal, couverts. L'organisation souffre d'une insuffisance de pilotage, d'un cloisonnement ministériel, d'une lourdeur des procédures et d'un foisonnement d'acteurs.

Pourtant, une étude 23 ( * ) , qui porte malheureusement sur des séries statistiques un peu anciennes, chiffre à 10,5 milliards d'euros les dépenses totales consacrées à la prévention en France en 2002, soit 6,4 % des dépenses courantes de santé au sens de la comptabilité nationale.

Or, on l'a vu, les pathologies chroniques, liées au moins partiellement aux conditions de vie, à l'environnement ou à l'alimentation, se développent sur un rythme soutenu ; l'obésité est par exemple clairement identifiée aujourd'hui comme un facteur de risque pour le diabète.

Il est donc urgent de renouveler notre loi de santé publique , en y abordant l'ensemble des problèmes actuels, sans oublier d'apporter une attention particulière à la médecine scolaire et à la médecine du travail, en déshérence ou en difficulté aujourd'hui du fait d'un manque persistant d'investissements et de moyens.

Cette réflexion doit être liée à celle à conduire sur la prise en charge des affections de longue durée qui, on l'a dit, représentent en 2010 les deux tiers des dépenses d'assurance maladie et sans doute davantage demain. La double finalité, sociale et médicale, du dispositif des ALD doit être confortée et actualisée au regard des évolutions de la société.

2. Décloisonner la médecine pour améliorer la prise en charge des patients

Sans être hermétiques l'un à l'autre, loin de là, la médecine de ville et le secteur hospitalier se sont construits sur des voies séparées et communiquent mal. Les passerelles sont rares et les échanges, ne serait-ce que d'informations, sont régulièrement décrits comme difficiles. Bien entendu, sur le terrain, la situation est souvent moins sombre qu'il n'y paraît parfois.

Pour autant, confrontée à la progression des maladies chroniques et aux évolutions des pratiques et des techniques, la prise en charge des patients doit elle-même évoluer et se moderniser.

Les nouvelles modalités d'exercice sous une forme regroupée et la pluridisciplinarité

On le sait, les médecins préfèrent dorénavant exercer en groupe, sous une forme ou sous une autre, plutôt que de manière isolée dans leur cabinet. Cette évolution constitue une contrainte mais aussi un atout pour certains territoires, dans l'objectif de conserver des professionnels. Pour autant, le paysage juridique doit être simplifié et stabilisé ; les différents modes d'organisation sont multiples : cabinets de groupe, maisons, pôles, centres ou réseaux de santé, sociétés multiples d'exercice libéral, sociétés interprofessionnelles de soins ambulatoires.

Ces coopérations doivent également favoriser la pluridisciplinarité des professionnels pour que la prise en charge des patients soit adaptée à leur situation et la plus globale possible.

Un meilleur partage des tâches

Depuis quelques années, un débat s'est ouvert et des propositions ont été faites pour mieux répartir les compétences entre les praticiens. Il peut s'agir, par exemple, de permettre aux sages-femmes, aux infirmières ou aux pharmaciens de dispenser certains actes ou prestations  (vaccination, contraception, dépistage, suivi de patients chroniques...).

Malheureusement, ces tentatives sont souvent freinées par le corps médical qui les ressent comme une dépossession alors qu'elles devraient constituer pour eux l'opportunité de concentrer leur temps clinique, plus restreint qu'auparavant, sur le « coeur de métier ».

Le développement des référentiels et des bonnes pratiques

La prévalence des actes est très variée selon les territoires, tant qualitativement (par exemple, dans la nature des actes pour une même pathologie) que quantitativement (nombre de séances de rééducation après une intervention chirurgicale ou durée des arrêts de travail) ; on constate que les disparités de pratiques médicales et de recours aux soins sont très importantes.

Pour favoriser une plus grande unicité des pratiques, la Cnam a mis en place, avec le concours de la HAS dont c'est l'une des missions principales, divers référentiels qui proposent des conduites à tenir aux professionnels dans de meilleures conditions de qualité et de gestion des ressources.

Par exemple, le volume des soins de masseurs-kinésithérapeutes a pu progresser moins vivement depuis 2009, environ 2,5 % par an contre 4,5 % en moyenne les années précédentes, grâce à l'annonce d'un encadrement des durées de rééducation, une campagne d'information auprès des praticiens et le renforcement des contrôles.

Des modes de prise en charge plus souples et plus adaptés

Les techniques de soins ont beaucoup évolué, notamment par le développement des méthodes beaucoup moins invasives qu'auparavant avec des anesthésies plus légères. Ainsi, la durée de séjour en soins aigus est passée de presque 9 jours à 6,5 en douze ans dans les pays de l'OCDE.

La chirurgie ambulatoire permet de pratiquer des actes médicaux ou chirurgicaux avec anesthésie tout en autorisant le patient à rejoindre son domicile dans la même journée. Cette hospitalisation « zéro jour » présente de nombreux avantages, tant en qualité de vie pour les malades qu'en coût de prise en charge par le système de santé. Ces nouvelles méthodes se développent régulièrement, mais pourraient se répandre plus rapidement sur le territoire grâce à des référentiels plus nombreux.

En outre, de nombreux pays permettent de pratiquer certains actes ou prestations, non pas en établissements de santé, mais dans des centres autonomes disposant d'un statut juridique intermédiaire entre cabinet médical et établissement. Ces centres pourraient être autorisés à pratiquer certains actes : la HAS a par exemple estimé que la chirurgie ophtalmique pourrait être concernée avec un avantage certain. Ainsi, certains actes pourraient dorénavant être pratiqués en médecine de ville, lorsqu'un environnement opératoire ne s'impose pas nécessairement. La HAS a également commencé à travailler sur cette question.

L' hospitalisation à domicile (HAD) s'est beaucoup développée ces dernières années et constitue aujourd'hui une alternative crédible et pertinente. Il faut cependant tirer tous les enseignements du rapport de l'Igas de novembre 2010 24 ( * ) , qui relève que cette formule peut se révéler coûteuse si elle se substitue non pas à une hospitalisation classique mais à des soins ambulatoires.

L'utilisation des nouvelles technologies

Le déploiement de la télémédecine constitue une vraie voie d'amélioration de la prise en charge des patients. Elle permet de répondre aux nouveaux défis sanitaires, ainsi qu'à une meilleure gradation des soins entre le premier et le second recours et à l'inégale répartition des professionnels dans les territoires. Elle contribue également au renforcement de la qualité des soins.

Le cadre législatif et réglementaire a été créé, notamment à la suite de la loi HPST, mais il convient maintenant de mettre en oeuvre effectivement cette politique structurante .

Une délégation de la commission a d'ailleurs constaté elle-même, lors de sa mission d'études en Guyane en avril dernier 25 ( * ) , que des expériences locales peuvent servir d'exemple et être déployées plus largement sur le territoire national. En effet, dans ce département d'outre-mer aux caractéristiques physiques hors normes, la télémédecine a permis une amélioration sensible de l'accès aux soins pour les populations isolées pour un coût globalement équilibré par les économies réalisées. Aux trois spécialités (parasitologie, dermatologie et cardiologie) aujourd'hui concernées, les professionnels ont proposé d'ajouter le lancement de deux nouveaux projets au profit des patients concernés :

- la télé-échographie pour réaliser en direct des échographies depuis le service de radiologie de l'hôpital sur des patients distants de plusieurs centaines de kilomètres ;

- la télédialyse pour pratiquer des dialyses rénales à distance. Ce procédé innovant évitera aux vingt-cinq patients atteints d'insuffisance rénale chronique trois allers-retours par semaine entre Saint-Laurent-du-Maroni et Cayenne, soit environ sept ou huit heures de route à chaque fois.

De nombreuses autres applications des nouvelles technologies peuvent être très porteuses dans le secteur médical : logiciels d'aide à la prescription, dossier médical personnel, dossier pharmaceutique...

3. Réorienter les modes de rémunération

En 2009, l'assurance maladie a proposé aux généralistes volontaires de signer des contrats d'amélioration individuelle des pratiques (Capi) leur offrant une part de rémunération liée au respect d'objectifs de santé publique. Les Capi ont rencontré un véritable succès, puisque 16 000 médecins en avaient conclu un en avril 2011, soit un praticien éligible sur trois. La nouvelle convention médicale de juillet dernier entérine et prolonge ce mouvement, en généralisant la rémunération sur objectifs de santé publique ou liée à l'organisation du cabinet médical. A cet égard, la commission a adopté un amendement pour réserver ce nouveau mode de rémunération aux médecins exerçant en secteur 1, pratiquant donc uniquement des tarifs opposables.

Or, on constate que le mouvement d'une rémunération à l'acte, donc au volume, vers une certaine « capitation », plus forfaitaire, est plus large : on l'a vu, l'article 39 de ce PLFSS propose une réforme de ce type pour les pharmaciens , par transfert de l'actuel chiffre d'affaires principalement assis sur le nombre et le prix des boîtes de médicaments vendus vers une rémunération liée à la gestion des ordonnances et au respect d'objectifs de santé publique (dépistage, vaccination, suivi de patients souffrant de maladie chronique...). Cette réforme demande à être préalablement évaluée, notamment pour qu'elle ne se traduise pas par de nouvelles charges pour les assurés sociaux, mais son principe est à première vue pertinent et défendable.

Dernier exemple, l'hôpital . Le mode de financement des établissements de santé a été profondément bouleversé par la mise en place de la tarification à l'activité (T2A), qui a permis de révéler certaines insuffisances de gestion ou d'organisation. Elle est intégralement appliquée pour les établissements assurant les activités de médecine, chirurgie et obstétrique (MCO) ; à juste raison, le PLFSS reporte au 1 er mars 2013 son entrée en vigueur pour les hôpitaux locaux qui font face à des difficultés spécifiques. Son application ultérieure aux soins de suite et de réadaptation et à la psychiatrie devra être conditionnée à une évaluation précise des conséquences à en attendre.

Les ressources des établissements sont également constituées de dotations relatives aux missions de service public qu'ils assurent ; ces Migac permettent par exemple de financer les missions d'enseignement et de recherche, mais aussi la prise en charge de personnes en situation de précarité, les services d'aide médicale urgente etc. En outre, certaines activités, comme les urgences, sont encore financées selon un modèle de forfait.

Au-delà de la question de la convergence tarifaire entre le secteur public et privé, que la commission a proposé, par voie d'amendement, d'abroger car elle ne repose sur aucune considération médicale, une meilleure répartition du financement entre la tarification à l'activité et les dotations de service public doit être trouvée ; après la phase de mise en place, il est temps de définir une articulation viable et pérenne entre ces formes complémentaires de rémunération.

Au total, c'est très légitimement que la rémunération des professionnels de santé, qu'ils exercent en ville ou en établissement, doit s'adapter aux évolutions de la société et aux nouvelles pathologies et modalités de prise en charge.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Audition de Frédéric VAN ROEKEGHEM, directeur général de la caisse nationale d'assurance maladie
des travailleurs salariés

Réunie le mercredi 19 octobre 2011 , sous la présidence d' Annie David, présidente, la commission procède à l' audition de Frédéric Van Roekeghem, directeur général de la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (Cnam), sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 .

Frédéric Van Roekeghem, directeur général de la Cnam . - Je voudrais d'abord rappeler, avant d'évoquer le PLFSS, que la maîtrise des dépenses, bien que ce soit un sujet délicat, reste incontournable pour maintenir un haut niveau de protection sociale. La croissance de l'économie n'est pas suffisante face à l'évolution tendancielle des dépenses liées à l'augmentation des pathologies chroniques et lourdes. Il s'agit, au fond, de veiller à ce que les ressources disponibles soient convenablement utilisées.

Pour illustrer mon propos, j'aimerais vous présenter un exemple concret. La Cnam développe un nouveau service à destination des patients diabétiques, Sophia, qui permet l'accompagnement de 120 000 patients par des infirmières spécialisées. Celles-ci leur fournissent des conseils pratiques et les invitent à adopter des comportements sains afin d'éviter une aggravation de leur pathologie. Ce programme coûte environ 70 euros par patient inscrit, mais il permet d'éviter des complications néfastes pour les patients et pour le système de santé. Dans le cadre du PLFSS pour 2011, nous avons également lancé l'idée d'une meilleure utilisation des bandelettes d'autotest pour les diabétiques non insulino-dépendants. Tous nos voisins ont commencé à le faire. Elles coûtent quatre centimes pièce, soit 80 euros la boite de deux cents. Cela peut sembler anodin mais la dépense cumulée, de l'ordre de 300 millions d'euros, augmentait encore il y a quelques années de 10 % par an. Or, elles ne sont véritablement utiles qu'aux patients pour lesquels une variation de la glycémie justifie une surveillance accrue. Désormais, à la suite de lettres que la Cnam a envoyées aux assurés, la consommation de ces bandelettes baisse de 10 %. Le programme Sophia est donc financé uniquement grâce à une meilleure utilisation des ressources et au développement de la prévention.

Si on doit privilégier la maîtrise de la dépense, il ne sera pas possible de retrouver le chemin de l'équilibre sans recettes additionnelles, comme le montre le PLFSS pour 2012 qui prévoit, en ce qui concerne le régime général, un déficit de 0,3 % du PIB, à comparer avec 0,7 % en 2003, et qui nous apporte des recettes nouvelles dont j'ai bien compris que la nature faisait encore débat.

Dans ce contexte, la France se situe parmi les pays de l'OCDE qui, sur la période récente, ont le mieux maitrisé l'évolution de leurs dépenses de santé par habitant. Nous nous classons au deuxième rang, derrière l'Allemagne, grâce notamment à la vitalité de notre démographie, avec une progression nominale des dépenses courantes de 2004 à 2008 de 3,8 %. Nous avons même connu une baisse des dépenses entre 2008 et 2010.

La progression de l'Ondam a été fortement réduite. Il faut bien sûr s'interroger sur la limite jusqu'à laquelle cette réduction peut être supportable par rapport à la nécessité de couvrir les pathologies lourdes mais aussi sur les personnes qui n'ont besoin de recourir qu'à des soins courants. Je pense que nous sommes au maximum des mesures que nous pouvons prendre en matière de déremboursement des assurés qui ne souffrent pas d'une ALD. Lors de sa dernière réunion, la Commission des comptes de la santé a d'ailleurs estimé à 55 % le taux de prise en charge de ces personnes par les régimes obligatoires. Il faut préserver cette situation car aucun assureur privé ne se séparerait des assurés qui garantissent la pérennité du régime. L'assurance maladie repose sur une mutualisation entre les personnes en bonne santé et celles qui souffrent de pathologies lourdes comme le cancer ou la maladie d'Alzheimer.

Il faut donc accorder une attention particulière à la fixation du niveau de l'Ondam, de manière à ce que le taux de remboursement des soins courants ne diminue plus. Il me semble que cela soulèverait un problème constitutionnel car le Préambule de la Constitution de 1946 garantit à tous la protection de la santé.

L'an dernier, pour la deuxième année, l'Ondam des soins de ville a été respecté, alors qu'il était relativement bas. Nous avons même fait mieux que le respecter, puisque le niveau de dépense est inférieur de plusieurs centaines de millions d'euros à l'objectif. Cela nous permet de respecter l'objectif fixé pour cette année et nous laisse sereinement espérer le respect des prévisions pour 2012. Cette situation est notamment la conséquence de la baisse des tarifs d'imagerie et de biologie, de respectivement 9 % et 13 % entre 2007 et 2011. Je souligne le caractère novateur de cette approche qui, au-delà d'une baisse ponctuelle des tarifs qui avait déjà été pratiquée dans le passé, connait désormais un caractère régulier. Elle entraîne une restructuration des laboratoires de biologie à travers une grille tarifaire qui a pour objectif de préserver le réseau de collecte, indispensable aux assurés, en maintenant des coûts fixes tout en diminuant les coûts variables pour profiter de l'industrialisation de la biologie. Celle-ci offre ainsi une meilleure qualité et une plus grande sécurité dans les résultats d'analyse. Il s'agit d'un effort important, qui a abouti à des économies de 740 millions d'euros sur les quatre dernières années.

En ce qui concerne les médicaments génériques, la Cnam a publié une étude approfondie sur leur coût. En 2010, ils ont permis de réaliser une économie d'environ 1,3 milliard d'euros. Toutefois, les règles actuelles maintiennent le prix des génériques à un niveau trop élevé. S'il reste deux fois inférieur à celui pratiqué en Suisse, où le prix moyen par unité standard est de trente centimes, l'Allemagne (treize centimes), l'Espagne (dix centimes), le Royaume-Uni (sept centimes) et les Pays-Bas (cinq centimes) font mieux que nous. Il faut savoir qu'une variation d'un point équivaut à 130 millions d'euros. J'ai conscience qu'il est également nécessaire de préserver l'industrie pharmaceutique française, mais le secteur des génériques n'est peut être pas celui où elle est la plus compétitive et, dans le reste du monde, les Etats y font jouer la concurrence pour obtenir des tarifs plus bas.

Notre action ne porte pas seulement sur le prix des médicaments mais également sur les prescriptions et les volumes. L'écart entre la France et les pays européens comparables en la matière s'est fortement réduit ces dernières années sur les huit classes thérapeutiques principales étudiées par la Cnam. Bien que nous soyons historiquement un pays consommateur de produits de santé, des progrès importants ont été réalisés. Il faut toutefois mettre en oeuvre des actions de sensibilisation vigoureuses en direction des professionnels de santé sur le thème de la juste prescription. L'objectif à atteindre est une meilleure homogénéisation des prescriptions et un respect des référentiels. Sur ce point, et dans le cadre de la nouvelle convention médicale, le directeur général de la santé a pour la première fois autorisé la Cnam à instaurer, comme indicateur de prévention et de santé publique, un objectif de réduction de la prescription d'antibiotiques aux personnes d'âge adulte non atteintes de pathologies chroniques.

Les dépenses en matière d'arrêts de travail ont été maitrisées grâce à une augmentation importante des contrôles. Cette stratégie n'est toutefois pas durable et devra nécessairement évoluer vers des méthodes plus médicalisées, avec le développement, d'ores et déjà engagé, de référentiels. Dès cette année, une vingtaine de pathologies devraient faire l'objet de référentiels d'arrêts de travail. Ceux-ci permettent d'améliorer les actions de contrôle et d'engager un dialogue avec les professionnels sur des bases plus objectives que le simple décompte des journées. Je déplore d'ailleurs notre retard en matière d'élaboration de référentiels, que ce soit en matière d'arrêts de travail ou de prescriptions, qui s'explique notamment par le peu d'enthousiasme de la Haute autorité de santé (HAS) sur ces questions.

Pour assurer une meilleure maitrise de la dépense hospitalière, nous pensons que les personnels sont capables de modifier leur organisation lorsqu'ils le souhaitent, dès lors qu'on leur en donne les moyens. L'exemple de la chirurgie ambulatoire en est une bonne illustration ; elle a permis à la fois une amélioration de l'offre de soins et une progression de la part de marché du secteur public. L'hôpital est capable de se réorganiser ; il faut simplement trouver les leviers qui permettront d'enclencher une dynamique vertueuse.

Grâce à ces actions de maîtrise de la dépense, le PLFSS présente un Ondam inférieur à 3 % ce qui, il y a encore quelques années, n'était pas considéré comme crédible. Il faut mettre au crédit du Gouvernement et du Président de la République d'avoir eu un objectif ambitieux. Néanmoins, l'équilibre général n'est pas atteint. Selon nos évaluations, la moitié de notre déficit à la fin de l'année 2011 est imputable aux pertes de recette consécutives à la crise de 2009. L'autre moitié est un héritage des années passées qui n'a pas été apuré. Le PLFSS nous remet dans une situation plus favorable en ce qui concerne l'équilibre général, avec un peu moins de six milliards d'euros de déficit si la croissance et les recettes sont conformes aux prévisions. Le Gouvernement a d'ailleurs pris le risque de solliciter un avis indépendant et préalable à l'examen parlementaire du PLFSS, qui présente donc toutes les garanties de sincérité et de rigueur.

Yves Daudigny, rapporteur général . - Cette audition nous plonge au coeur des problématiques de ce PLFSS. Vos propos sur le médicament m'ont fait sourire, non pas parce que je ne les prends pas au sérieux, mais parce qu'ils diffèrent assez largement de ceux que j'ai entendus hier lorsque j'ai auditionné le Leem. Les représentants de l'industrie pharmaceutique ont très clairement exprimé leur sentiment d'être, selon leur propre expression, « stigmatisés », sanctionnés par diverses mesures de ce PLFSS qui menacent de porter atteinte à leur attractivité industrielle. Ils ont rappelé que ce secteur contribue positivement au solde de notre balance commerciale.

Je souhaite aborder cinq points spécifiques. Tout d'abord, en quoi la nouvelle convention médicale va-t-elle véritablement améliorer la répartition des médecins libéraux sur le territoire ? Voila bien une problématique essentielle. De son côté, la Cour des comptes estime qu'il faut aller plus loin et adopter des mesures plus contraignantes. Pourquoi aucune convention n'a mis en oeuvre la possibilité offerte par le code de la sécurité sociale depuis 2000 de moduler la participation de l'assurance maladie aux cotisations sociales des médecins en fonction de leur lieu d'exercice ? Ne pourrait-on transposer la limitation de conventionnement dans les zones sur-dotées que les infirmières ont accepté d'inscrire dans leur convention dès 2005 et qu'elles ont confirmée cet été ?

Sur un autre sujet, où en est le dossier du secteur optionnel ? Pensez-vous que sa création pourra réellement limiter les dépassements d'honoraires ?

Estimez-vous que l'instauration de la franchise sur les médicaments a atteint son but de responsabilisation des patients ?

Dans son rapport sur les charges et produits, la Cnam évoque à nouveau cette année l'intérêt du développement de la chirurgie ambulatoire. Où en sommes-nous ? Comment envisagez-vous la mise en place de « centres autonomes », disposant d'un statut juridique et sanitaire précis, intermédiaire entre cabinet médical et établissement de santé ?

Enfin, la Cour des comptes estime que des marges de progrès demeurent « considérables » en termes de gestion des organismes de sécurité sociale, notamment en ce qui concerne le personnel ou l'organisation du réseau. Or, selon la Cnam, les coûts de gestion de la branche maladie ont été réduits de 9,3 % entre 2003 et 2010 en euros constants. Que répondez-vous à la Cour ? Comment améliorer encore le fonctionnement des services informatiques ?

Frédéric Van Roekeghem . - En ce qui concerne la modulation des cotisations sociales, je tiens à rappeler que la Cnam prend en charge, pour les médecins du secteur 1, la totalité des cotisations patronales de maladie, d'allocations familiales et les deux tiers des cotisations de retraite complémentaire. La modulation à la hausse serait donc limitée et ne pourrait porter que sur leur part salariale, ce à quoi je ne suis personnellement pas favorable, bien que certains dispositifs de la politique de l'emploi le fassent déjà. Une partie des cotisations doit rester à la charge des professionnels. Cette modulation ne pourrait donc se faire qu'en diminuant la prise en charge des cotisations des médecins, ce qui, compte tenu de la situation de la médecine générale, semble complexe à réaliser : aujourd'hui, 93 % des généralistes et 60 % des spécialistes exercent en secteur 1. La seule possibilité serait d'envisager, comme nous l'avons fait, un rééquilibrage qui, d'un côté, augmenterait la valeur de l'acte et de l'autre, baisserait la prise en charge des cotisations pour la grande majorité des généralistes afin de dégager des marges de manoeuvre pour moduler la participation de l'assurance maladie selon le lieu d'exercice. Face à un sujet si complexe, je regrette que la Cour des comptes n'ait pas approfondi son analyse et tenu compte de cette situation dans ses préconisations.

De plus, la loi prévoit que la modulation se fait dans le cadre conventionnel. Des discussions ont bien eu lieu avec les syndicats lors des négociations de 2005 mais ils n'ont pas souhaité signer un tel accord. Il s'agit donc d'un sujet politiquement délicat, difficile à expliquer et qui pourrait être mal accueilli par les médecins en secteur 1. Les médecins de secteur 2 ne subiraient quant à eux aucune contrainte. C'est donc un dispositif séduisant en théorie mais dont la mise en oeuvre, dans le cadre actuel, se heurterait à de nombreuses difficultés.

Sur la limitation du conventionnement dans les zones sur-dotées, la mesure est évidemment transposable mais les modalités restent à définir. Tous les syndicats infirmiers ont signé l'accord qui la met en oeuvre. La Cnam a fortement encouragé sa signature car il y a une modification des conditions d'exercice des infirmiers dans les zones très dotées, comme le Sud de la France. Leur métier y évolue vers des soins de « nursing », d'accompagnement des personnes âgées. D'un point de vue macroéconomique, il y a un effet d'induction de l'offre à la demande et la concentration des infirmiers dans le Sud de la France a un impact financier important sur l'équilibre de la sécurité sociale. Réguler ces installations est une stratégie de long terme pour diminuer l'attractivité de certaines régions et aboutir à une meilleure répartition géographique de cette profession.

Je ne suis d'ailleurs pas certain que la régulation dans les zones sur-dotées permette de régler le problème des zones sous-dotées. Ce ne sont pas les mêmes personnes qui s'y installent. C'est pourquoi l'accord infirmier comporte deux volets : une désincitation à l'installation dans les zones déjà suffisamment dotées et une incitation à l'installation dans celles qui le sont moins. La direction de la sécurité sociale a réalisé un sondage auprès de jeunes médecins qui montre que les raisons pour lesquels ceux-ci s'installent dans des départements où il n'y a pas assez de médecins, comme la Corrèze, sont avant tout personnelles, liées à leur amour pour cet endroit, à l'accord de leur conjoint et à l'équilibre de vie qu'ils pourront y trouver. Les motivations ne sont pas financières, cet aspect est secondaire par rapport au cadre de vie. Les négociations conventionnelles avec les médecins étant plus difficiles qu'avec les autres professions de santé, la transposition de l'accord infirmier s'est révélée impossible. Néanmoins, un accord de même type est en cours de négociation avec les masseurs-kinésithérapeutes.

Le débat actuel sur le secteur optionnel soulève la question plus large du bien fondé de la dichotomie entre secteur 1 et secteur 2. Il y a un consensus assez large pour estimer que le secteur 2 a atteint ses limites et qu'il pose plusieurs problèmes : le reste à charge des assurés est trop élevé, ce qui crée une difficulté d'accessibilité dans les cliniques privées, dont je ne remets pas pour autant en cause la qualité. La question des différences tarifaires devra également être traitée. Le coût complet des soins dans les établissements privés, y compris les dépassements d'honoraires, est parfois inférieur au coût complet des soins, hors Migac, dans les établissements publics. Cette situation est étonnante, surtout lorsque les assurés n'ont pas, du fait de contraintes géographiques ou d'une orientation par le médecin traitant, le choix de leur établissement de soins.

Les dépassements d'honoraires constituent le problème principal. Une étude récente de la Cnam portant sur l'évolution du système sur une période longue nous a permis de montrer qu'il y avait, en 1985, 30 % des spécialistes et 22 % des généralistes qui étaient en secteur 2 ou secteur 1 avec dépassement permanent. Aujourd'hui, le taux de spécialistes en secteur 2 est passé à 41 % mais surtout le taux de dépassement a bondi puisqu'il est passé de 23 % à 54 %. A Paris, en chirurgie, le dernier décile en matière de dépassements se situe à 250 % du tarif de la sécurité sociale avec, dans certains établissements, des tarifs pouvant représenter plus de dix fois celui-ci, la HAS montrant par ailleurs que les indicateurs de qualité n'y sont pourtant pas forcément en adéquation avec les honoraires pratiqués.

Sur cette question des dépassements d'honoraires, il convient également de se demander si la société est prête à laisser monter les tarifs sans aucune limite. Est-ce raisonnable ? Force est de constater qu'il y a peu de propositions de réforme sur la table et que peu de gouvernements se sont sérieusement penchés sur ce problème. La raison en est son évidente complexité. Plus le temps passe, plus les écarts constatés dans les tarifs pratiqués s'accroissent, entre les régions, les départements et au niveau local du fait de l'absence de régulation. Pourtant, les chantres de la régulation critiquent le secteur optionnel en soutenant qu'il entraînerait un effet aubaine dans les départements où les tarifs sont les plus bas. Ils oublient que les tarifs de la sécurité sociale constituent eux-mêmes un effet d'aubaine pour les départements les plus pauvres et mutualisent, de fait, les revenus des professionnels de santé pour permettre aux assurés de ces départements d'accéder aux soins et d'y maintenir une offre médicale. Je trouve que les différents acteurs devraient prendre plus de recul dans ce débat sur le secteur optionnel.

C'est un élément de solution au problème des dépassements d'honoraires qui doit s'inscrire dans un cadre plus large. Cela fait plusieurs années que nous mettons le secteur 2 sous pression tarifaire. Avant mon arrivée à la Cnam, le président Spaeth avait introduit une majoration pour pratiques cliniques réservée aux praticiens du secteur 1. Le Conseil d'Etat l'avait d'ailleurs jugée conforme à la loi. En chirurgie, la politique de relèvement des tarifs s'est accompagnée de mesures destinées à limiter les écarts de revenus entre le secteur 1 et le secteur 2 en jouant sur les remboursements. Le secteur optionnel s'inscrit dans la continuité de ces initiatives et vise à convaincre les praticiens de cesser d'augmenter les dépassements à chaque fois que l'assurance maladie augmente le tarif des prestations. Ce secteur doit être construit sur la base du volontariat, mais à la condition expresse que les mutuelles y participent et garantissent l'accès des assurés aux établissements privés. Un accord s'était fait sur ce point, mais il a disparu. Peut être sera-t-il restauré plus tard. Toutefois, le secteur optionnel ne peut être attractif que pour les professionnels qui pratiquent aujourd'hui des dépassements raisonnables et devrait donc être accompagné de mesures de régulation des dépassements excessifs, par exemple en limitant la capacité des assureurs à les solvabiliser. En tout état de cause, il faut agir : l'inaction est la pire des situations. Le secteur optionnel a été proposé dès 1993 ; s'il avait été mis en place à cet époque, peut être n'en serions-nous pas là aujourd'hui. Chaque année perdue rend la réforme plus difficile. Je suis ouvert à d'éventuelles propositions alternatives, mais je n'en ai pour l'instant vu aucune de crédible.

Pour répondre à votre troisième question, concernant les franchises sur les médicaments, je ne suis pas sûr que le terme de responsabilisation soit particulièrement adapté. A l'origine, elles avaient été mises en place pour financer des investissements dans la prise en charge de pathologies lourdes, notamment la maladie d'Alzheimer. Elles ont pleinement atteint leur objectif de diminution des coûts, comme l'exemple de l'homéopathie l'illustre bien.

La France a réalisé d'importants progrès dans le domaine de la chirurgie ambulatoire. Grâce à des actions incitatives en direction des établissements et à un pilotage tarifaire adapté, nous sommes passés dans le public, entre 2006 et 2009 et sur les dix-sept gestes marqueurs considérés comme courants, d'un taux de 54 % à un taux de 69 %. Dans le privé, les chiffres sont de 62 % et 77 %. Néanmoins, le secteur public peut encore progresser au-delà de 70 %. Pour autant, les comparaisons internationales sont délicates car le champ de la chirurgie ambulatoire est souvent plus large à l'étranger qu'en France, où elle correspond à de la chirurgie « zéro jour ». De très nombreux pays ont mis en place des centres de soins plus légers pour traiter certains actes, par exemple dans le domaine de la cataracte. Si cela peut porter atteinte à la rentabilité de certains établissements, il convient tout de même d'étudier l'impact économique d'un tel dispositif. Mais force est de constater que les tarifs privés, s'ils sont trop bas sur certains actes, sont trop hauts sur d'autres, notamment la cataracte. Une réflexion sur le pilotage tarifaire des établissements de santé est nécessaire. La Cnam propose depuis plusieurs années de créer un cadre juridique approprié, au sein du code de la santé publique, pour des centres autonomes. La proposition est rejetée chaque année par le Gouvernement, ce que nous regrettons car cela pourrait renforcer l'offre de soins de proximité avec le bénéfice d'un encadrement légal et sanitaire clairement défini. Cette question mérite d'être examinée à l'aune des conséquences qui pourraient en découler pour certains établissements de santé et de l'accompagnement qu'il faudrait leur offrir pour adapter leur offre à cette nouvelle activité. D'ailleurs, une explication de l'immobilisme sur cette question est peut-être à chercher dans l'opposition de certaines branches de la fédération de l'hospitalisation privée (FHP).

Enfin, pour répondre à votre dernière question, la Cour des comptes est dans son rôle quand elle souligne que la gestion des organismes de sécurité sociale pourrait être améliorée. Je note néanmoins que les branches du régime général réalisent des gains de productivité, certes parfois modestes, et que la branche maladie est celle qui a supprimé le plus d'emplois, près de 10 000 sur 85 000 entre 2003 et 2009. Dans la récente convention d'objectifs et de moyens, nous nous sommes engagés à en supprimer encore 4 000.

Selon le Cour et l'Igas, en regardant les caisses les plus performantes et en appliquant leur ratio à toutes de manière uniforme, il est encore possible de réaliser d'importants gains en matière d'emploi. En y ajoutant les gains de productivité liés à l'informatisation, on pourrait même pousser la réflexion plus loin et, au final, ne plus garder que des ordinateurs ! Ce raisonnement est vicié car les gains de productivité actuels sont liés au déploiement de nouveaux outils informatiques qui eux-mêmes rendent possibles et supportables les suppressions de postes. Au sein de certaines caisses, la gestion des ressources humaines est désormais très fine, et les directeurs la suivent de très près. Les effectifs et les indicateurs de gestion font l'objet d'une surveillance rigoureuse. Même dans les caisses les moins productives, comme à Nanterre, des restructurations récentes ont permis d'améliorer grandement la gestion et d'engager une évolution très positive, dans un contexte de gel des embauches.

Cette course à la productivité doit connaître des limites : il est important de déterminer jusqu'où la poursuivre. Il pourrait être intéressant de développer des activités qui ont un effet de levier sur la dépense de santé pour accompagner la mutation de la Cnam. La dématérialisation massive de l'activité, liée au déploiement de la carte Vitale, a créé une rupture par rapport au fonctionnement traditionnel des caisses. Il convient donc de repositionner l'assurance maladie sur son rôle fondamental, celui d'assureur solidaire en santé. J'entends par là que le développement, dans lequel nous nous sommes engagés, de services dont l'objectif est d'améliorer le rapport qualité-prix du système, comme Sophia pour les patients diabétiques, doit se poursuivre. La Cnam développe également un service de retour à domicile après l'accouchement afin de répondre à l'insatisfaction, mise en lumière par plusieurs études de la Drees, des jeunes mères sur la façon dont elles sont prises en charge à domicile. Il doit aussi permettre de mettre un terme à des dérives observées dans certains établissements de santé qui raccourcissent au maximum les durées d'hospitalisation lors d'un accouchement mais programment aussitôt une hospitalisation à domicile. Il faut savoir supprimer des emplois lorsqu'ils ne sont pas utiles, s'ils ne produisent aucune valeur ajoutée pour les assurés, mais il ne faut pas tomber dans l'excès inverse d'un dogmatisme qui empêcherait toute initiative et gèlerait le développement de programmes qui auraient un effet bénéfique sur l'équilibre d'ensemble.

Gilbert Barbier . - Concernant les médicaments, pouvez-vous estimer le poids des short-liners et la fuite des médicaments vers l'étranger dans les prescriptions, du fait notamment des pénuries que nous avons connues récemment sur un certain nombre de médicaments ?

Dans un autre domaine, quelles sont les actions que vous menez en matière de contrôle des transports sanitaires ?

Vous n'avez pas non plus évoqué l'importante charge financière que représentent les ALD. Quelles sont les mesures prises pour contrôler cette dépense, et notamment le problème des ordonnances bizones ?

Sur le secteur optionnel, ne pensez-vous pas qu'il serait préférable de scinder le problème ? Il était initialement prévu de le réserver aux spécialistes du plateau technique, chirurgiens, obstétriciens, anesthésistes et radiologues, et vous savez comme moi que certains syndicats de spécialistes refusent de négocier sur ce sujet. Auditionné par notre commission, Xavier Bertrand s'est montré déterminé à agir, par la loi ou le règlement, si la situation restait bloquée. Avez-vous déjà des projets de textes allant dans ce sens ?

Enfin, question récurrente, procédez-vous à une évaluation comparative des dépenses des maisons de santé dont on sait que, dans certains secteurs, les pratiques sont inflationnistes ?

Catherine Génisson . - Vous avez évoqué, en introduction de votre propos, l'utilisation souvent abusive des bandelettes autotest dans le traitement du diabète. Il est parfois plus facile pour certains de nos concitoyens d'utiliser les bandelettes que de respecter des règles hygiéno-diététiques. Néanmoins, savez-vous si votre politique restrictive en la matière n'a pas eu pour conséquence une activité accrue des services de diabétologie ? A ce sujet, on peut également penser que la T2A n'est pas adaptée à la prise en charge des patients atteints d'une maladie chronique, comme le diabète.

Vous avez mentionné le respect de l'Ondam de ville et insisté sur les génériques et la biologie. Laissez-moi vous dire que les biologistes sont très mécontents et subissent de plein fouet les conséquences des réformes en cours. S'ajoutant aux mesures tarifaires prises par l'assurance maladie, les dispositions de la loi HSPT les concernant ont pour conséquence la concentration du secteur dans un cadre de plus en plus monopolistique, au détriment d'une biologie de qualité et de proximité. Je tenais à souligner cette situation que je considère grave.

Vous avez indiqué la nécessité qu'il y ait des changements comportementaux à l'hôpital. L'hôpital public est pourtant l'institution qui a subi le plus de réformes depuis trente ans.

Je suis d'accord avec vous sur le fait qu'il y a beaucoup de progrès à faire dans le domaine de la chirurgie ambulatoire. Connaissez-vous le taux de réhospitalisation après ce type d'intervention ?

Je tiens également à rappeler, comme je l'ai fait au ministre de la santé hier, que l'hôpital seul ne peut pas tout mais qu'il est extrêmement dépendant de l'organisation du système de santé, en amont comme en aval.

Je vous remercie d'avoir longuement abordé le sujet des dépassements d'honoraires. Ils sont avant tout la cause d'une grande injustice sociale et d'inégalités dans l'accès aux soins.

Deux questions pour achever mon propos. Selon quelles modalités entendez-vous étendre le secteur optionnel ? Par ailleurs, estimez-vous que les remboursements de la sécurité sociale sont à un niveau adéquat, sachant qu'en chirurgie, par exemple, certaines spécialités sont de ce point de vue moins bien valorisées que d'autres ?

Gisèle Printz . - Ma question porte sur la Carmi, la caisse de sécurité sociale des mineurs, qui doit être dissoute et intégrée dans la Cnam. Quelles vont être les conséquences de cette disparition ? Le remboursement des soins à 100 % pour les anciens mineurs et leurs familles va-t-il être maintenu ?

Laurence Cohen . - Je constate que vous avez beaucoup parlé de gains de productivité concernant l'amélioration du fonctionnement des caisses de sécurité sociale. Cela pose un problème : il s'agit avant tout d'un prétexte pour supprimer des emplois. Dans de nombreuses villes, les conséquences pour les populations, notamment les plus fragiles, sont très importantes. Les maires, de gauche comme de droite, sont fortement opposés à ces fermetures de caisses qui dégradent la qualité du service rendu et portent atteinte au service public. Vous nous avez parlé, à la fin de vos propos, de solidarité. Je crois que l'utilisation des progrès technologiques, si elle peut être facteur de solidarité, ne peut se faire au détriment de la présence humaine et dans ces conditions peut nuire aux patients et aux personnels.

Ma seconde question porte sur la convention nationale dentaire. De nombreux patients renoncent aux soins, et aux soins dentaires en particulier. Cette convention, qui date des années soixante-dix, est dépassée. Le faible taux de remboursement empêche certaines personnes de se soigner. Que comptez-vous faire pour remédier à cette situation ? La négociation prévue sur ce sujet, récemment repoussée, aura-t-elle lieu ?

Dans le domaine du médicament, il me paraît important de réfléchir à des solutions alternatives. Il faudrait envisager un remboursement à 100 % des médicaments reconnus comme fiables, mais cela passe par la création d'un pôle public du médicament et la sauvegarde du réseau des pharmacies de quartier. Quelle est votre position sur ces propositions ? Quelles sont les réflexions de la Cnam à ce sujet ?

Enfin, les franchises et les dépassements d'honoraires ne sont pas, comme vous venez de nous le montrer, la solution pour améliorer la situation financière de la sécurité sociale. Il est indispensable, pour revenir aux valeurs de solidarité chères à la Libération, de les supprimer.

Catherine Deroche . - Ma question sur les dépassements d'honoraires risque de paraître un peu iconoclaste. Avez-vous réfléchi à un retour, pour les médecins dont les dépassements sont très importants, à une sorte de secteur 3 comme il en existait autrefois ?

Chantal Jouanno . - La prévention a peu été évoquée durant cette audition. Pourtant, un rapport récent de la HAS a mis en lumière la diminution importante des dépenses d'hospitalisation qu'il serait possible d'atteindre grâce à de meilleures pratiques en matière de prévention, notamment par la prescription d'activités physiques adaptées à chaque patient. Cette idée n'est pas nouvelle : il y a déjà plusieurs années, il avait été envisagé que les médecins puissent les prescrire. Dans quelle mesure cela pourrait-il être pris en charge par la sécurité sociale ? Quel est votre avis sur la question ?

René-Paul Savary . - J'ai deux questions, une liée à ma profession de médecin généraliste et l'autre à ma qualité de président de conseil général et sénateur.

Comment peut-on encore accepter qu'en milieu hospitalier les ordonnances bizones ne soient pas respectées, alors que les conséquences financières sont importantes pour la sécurité sociale ?

J'aimerais également obtenir des chiffres concernant la répartition de la prise en charge des transports sanitaires, ceux assurés par les services départementaux d'incendie et de secours (Sdis) étant imputés sur les contingents des départements mais n'étant pas remboursés au même niveau que les prestations offertes par les ambulanciers privés, qui parfois sont organisés mais ne sont pas sollicités par les centres 15 ou 18. Je souhaite des éclaircissements sur le financement de ces transports sanitaires car ils représentent une charge importante pour les départements. Il convient donc de clarifier cette situation.

René Teulade . - Vous ne semblez pas convaincu par l'efficacité des franchises. Je partage depuis longtemps cette opinion, car je pars de l'idée simple qu'on ne choisit pas d'être malade. Je tiens à vous rappeler que Raymond Barre avait tenté d'instaurer, en 1979, un ticket modérateur d'ordre public. La loi fut votée, mais une forte opposition l'a contraint à faire marche arrière et les décrets d'application ne furent jamais publiés. Le Président de la République avait en effet reçu sept millions de cartes postales demandant le retrait de cette mesure !

Notre système repose sur une dichotomie entre prescription libérale et prestations socialisées qu'il n'a jamais été possible d'équilibrer. Le problème de fond est celui de la responsabilisation des acteurs, la franchise n'étant pas la bonne méthode. Il faut privilégier avant tout l'information du grand public.

Un autre point m'inquiète. Que pensez-vous des méthodes de certaines complémentaires qui s'apparentent à un système de bonus-malus, diminuant les cotisations de ceux qui sont en bonne santé sur une longue période mais augmentant, en contrepartie, celles de ceux qui n'ont pas la chance d'être dans une telle situation ? Il s'agit, selon moi, d'une remise en cause fondamentale de notre conception de la solidarité intergénérationnelle et je n'en vois pas l'efficacité.

Jean-Louis Lorrain . - Quels sont vos relations avec des partenaires extérieurs qui, bien que ne dépendant pas de la Cnam, peuvent être à l'origine d'importantes économies ? Je pense ici à la coordination entre le secteur médico-social et l'hôpital. Je suis persuadé qu'il est possible d'améliorer l'accueil des personnes âgées et de mieux préparer leur sortie des établissements de santé. Cela permettrait d'éviter, avec le développement du maintien à domicile, de nombreuses réhospitalisations.

L'aide aux aidants ne semble pas, au premier abord, faire partie du champ de compétence de la Cnam. Pourtant, sans une politique globale de soutien à ces personnes dévouées, souvent des membres de la famille proche, elles vont accumuler les arrêts maladie. Le problème du conjoint non malade doit aussi être abordé, car sa présence assure un équilibre auprès de la personne dont il prend soin. L'hospitalisation de l'aidant laisse la personne invalide ou dépendante dans une situation de grande précarité et sa prise en charge par des établissements spécialisés devient alors souvent nécessaire. Il est fondamental de mieux mobiliser et coordonner les différents acteurs, c'est pourquoi je souhaite vous interroger sur les rapports que la Cnam entretient avec la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) et sur les moyens de les amplifier, dans le respect bien évidemment des compétences de chacun.

Ronan Kerdraon . - Mme Jouanno a souligné le rôle de la prévention. Je pense que ce thème n'est pas complètement couvert si on omet d'évoquer la médecine scolaire et la médecine du travail. J'aimerais avoir votre point de vue sur ces deux secteurs bien malmenés.

Je souhaiterais également connaître votre position sur l'état sanitaire de la population étudiante. Les étudiants constituent l'exemple-type d'une population qui éprouve de très grandes difficultés à se soigner, et qui bien souvent renonce aux soins.

Enfin, que pensez-vous de l'abandon en rase campagne du projet gouvernemental de réforme de la dépendance ?

Frédéric Van Roekeghem . - Je vais avant tout répondre aux questions qui portent directement sur le champ de compétence de la Cnam. La réforme de la dépendance le dépasse et je n'ai rien à rajouter à ce que le Premier ministre a d'ores et déjà dit sur le sujet.

A propos de l'état sanitaire de la population étudiante, c'est un fait que les jeunes adultes ne deviennent pas immédiatement, après avoir quitté le foyer parental, acteurs de leur propre santé. Ce phénomène est illustré par la baisse de la vaccination grippale des jeunes atteints de pathologies pour lesquelles elle est recommandée, comme l'asthme. Il n'est donc pas étonnant de constater une dégradation de leur état de santé, concomitante à l'apparition d'addictions. Une action proactive est nécessaire pour mieux protéger cette population, mais la Cnam ne couvre pas les étudiants, leur sécurité sociale étant du ressort de leurs mutuelles. Ce système me semble d'ailleurs devoir être revu, car il est sous tension financière très forte. Il faut aussi s'interroger sur les contraintes administratives qui pèsent sur les jeunes, avec une inscription annuelle qui n'a pas d'équivalent dans le régime général et dont l'utilité ne me semble pas évidente pour la grande majorité des étudiants. Les dérives de la concurrence dans le cadre d'un régime obligatoire sont aussi à souligner et sont une source de coûts supplémentaires pour ces mutuelles. Les masses financières en jeu sont très importantes, les étudiants cotisant chaque année à hauteur de 160 millions d'euros. Pourtant, l'équilibre n'est pas atteint, la LMDE étant notamment fortement soutenue par la MGEN. Il pourrait donc être opportun, dans un futur proche, d'ouvrir un débat sur le sujet.

En ce qui concerne les relations avec le secteur médico-social, la Cnam est très favorable à une stratégie qui permette aux personnes de rester chez elles le plus longtemps possible, ce qui correspond d'ailleurs souvent à leur demande. Il faut aussi améliorer leur accompagnement en sortie d'hospitalisation. La Cnam et la CNSA coopèrent d'ailleurs quotidiennement au sein des ARS, ce qui devrait faciliter la coordination entre l'hôpital et le médico-social. Le législateur n'a pas souhaité que ce soit au niveau national que l'assurance maladie et la CNSA se rejoignent, j'en prends acte. Pour des raisons historiques, la Cnam a choisi de travailler essentiellement sur l'amélioration du lien médecine de ville - hôpital. Nous développons un programme visant à faciliter le retour à domicile des personnes âgées ayant subi une intervention chirurgicale orthopédique. De nombreux autres pays l'ont fait avant nous et sont dotés de personnels ayant la fonction de « hospital discharger », c'est-à-dire que leur rôle consiste à faciliter la sortie de l'hôpital des patients et à s'assurer de leur bonne prise en charge à domicile.

L'idée de bonus-malus ne correspond pas du tout à l'esprit de la sécurité sociale mais répond plutôt à une logique de modulation des tarifs selon la consommation avec une franchise. Toutefois, on ne peut pas tout à fait dire que le ticket modérateur d'ordre public n'existe pas. Les contrats responsables, qui ne prennent en charge ni la contribution forfaitaire d'un euro sur chaque consultation ni la franchise, sont l'équivalent d'un tel mécanisme, dans le respect de la liberté d'assurance. Supprimer ces deux dispositifs aurait un coût d'environ 1,5 milliard d'euros, ce qui est donc difficilement envisageable dans la situation budgétaire actuelle.

Pour revenir sur la prévention, je tiens à rappeler qu'une grande partie se joue en dehors du système de soins et de l'assurance maladie, comme le plan national nutrition santé (PNNS) ou le développement de l'activité physique dès le plus jeune âge. La Cnam ne réalise des actions de prévention que si celle-ci apporte une valeur ajoutée réelle. La question de l'activité physique se pose dans la prévention d'un certain nombre de maladies, comme le diabète, et pourrait faire l'objet d'actions ciblées, financées par des sortes de « vouchers », des bons utilisables librement par l'assuré. Sur ce dossier, la caisse du Mans a développé un programme intitulé « Santé active ». Nous menons actuellement une réflexion sur son éventuelle généralisation et il fait désormais l'objet d'une expérimentation dans le ressort de plusieurs autres caisses sous la direction d'un coordinateur national. Il comporte notamment un volet nutrition qui offrirait aux assurés une formation sur internet et des conseils en la matière.

Nous avons déployé, en liaison avec les ARS et le ministère de la santé, un programme afin de mieux maîtriser la prescription de transports sanitaires à l'hôpital. Malgré une coopération efficace avec plusieurs dizaines d'établissements, la FHF refuse d'y participer.

En ce qui concerne les Sdis, je reconnais que leur activité constitue une zone d'ombre que j'ai moi-même tenté d'éclaircir. Il est très difficile d'évaluer clairement ce qui est facturé à la sécurité sociale, entre la carence des ambulanciers privés et l'intervention des Sdis. J'ai entendu dire que les préfets bouclent parfois les budgets de ces services dans des conditions discutables. Il y a une volonté gouvernementale, dans le cadre de ce PLFSS, de réaliser des expérimentations qui permettraient de clarifier cette situation, notamment en créant des enveloppes uniques pour la permanence des soins sur lesquelles s'imputeraient les dépenses de transport issues des centres 15 et celles des Sdis.

Pour répondre à la question portant sur le secteur 3, il faut savoir que dans certains pays, en Angleterre par exemple, il y a un déconventionnement automatique des professionnels de santé qui pratiquent des tarifs supérieurs à un certain niveau. La Cnam avait proposé une expérimentation concernant l'orthodontie des jeunes enfants. A Paris, les tarifs pour un semestre dépassent fréquemment les 1 000 euros...

Isabelle Debré . - C'est de la folie maintenant !

Frédéric Van Roekeghem . - Est-ce vraiment raisonnable ? Je pense qu'une régulation est nécessaire. Nous avions proposé que soient fixés, en concertation avec les complémentaires et les orthodontistes, les tarifs de la sécurité sociale et une limite au-delà de laquelle les praticiens ne seraient plus remboursés. La loi l'aurait établie à un niveau équivalant à trois fois le tarif de la sécurité sociale, niveau qui correspond, selon le Conseil d'État, à la limite du tact et de la mesure autorisés pour la fixation des honoraires par le code de la santé publique. La situation actuelle n'est pas satisfaisante et a des conséquences néfastes aussi bien sur l'accès aux soins que sur l'organisation de la profession. Le Gouvernement n'a pas repris cette proposition.

Dans le secteur de la biologie, la réforme de la tarification, avec le passage d'un tarif à l'acte à un tarif fixe au prélèvement associé à une part variable, est destinée à éviter que la baisse tarifaire ne porte atteinte à la pratique de proximité de cette profession. Toutefois, l'activité des biologistes change. Ils sont nombreux à se regrouper pour le « back-office », les fonctions support, tout en préservant des lieux d'accueil du public indépendants. La modernisation de la Cnam se fait selon des modalités identiques. Le réseau de proximité est adapté et recentré sur l'accueil des assurés et le « back-office » est réduit grâce à la dématérialisation des procédures.

L'intégration du régime de sécurité sociale des mineurs dans la Cnam comporte deux volets. En ce qui concerne la partie assurantielle, c'est-à-dire la prise en charge à 100 % des soins, le Gouvernement a assuré qu'elle serait maintenue. Pour les Carmi et leurs établissements de soins, un transfert devrait être réalisé vers d'autres acteurs. Dans l'Est, une partie sera reprise par Hospitalor et l'autre rejoindra les Unions pour la gestion des établissements de l'assurance maladie (Ugecam). Les négociations avec le nouveau directeur du régime minier sur les conditions des transferts et de la reprise de gestion prévue dans le décret de fusion ont débuté mais sont encore dans leur phase préliminaire. L'objectif est d'améliorer la gestion des établissements tout en prenant en compte leur importance dans l'offre de soins sur leurs territoires.

Annie David, présidente . - Nous avons dépassé le temps imparti pour cette audition et l'ordre du jour de la commission est encore chargé mais il reste encore plusieurs questions de mes collègues, notamment Gilbert Barbier et Laurence Cohen, qui restent sans réponse. Pourriez-vous, monsieur le directeur général, nous transmettre vos réponses par écrit ?

Frédéric Van Roekeghem . - Bien sûr. Pour répondre rapidement à M. Barbier sur le secteur optionnel, il n'est pas envisagé de l'étendre aux autres spécialités. Sa mise en place doit se faire dans le cadre d'une expérimentation d'une durée de trois ans et qui doit ensuite donner lieu à une évaluation, préalable indispensable à une éventuelle généralisation.


* 1 Selon les définitions utilisées par l'OCDE, la CSBM recouvre la consommation de soins hospitaliers, de soins de ville, de transports de malade et de médicaments et autres biens médicaux. La dépense totale de santé inclut également les dépenses d'investissements en infrastructures de soins de santé.

* 2 Décision n° 2004-504 DC du 12 août 2004.

* 3 Décision n° 2007-558 DC du 13 août 2007.

* 4 Article L. 322-3 du code de la sécurité sociale.

* 5 Loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie.

* 6 Cour des comptes, rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, septembre 2011.

* 7 Cnam, Propositions de l'assurance maladie sur les charges et les produits pour l'année 2012, conseil Cnam du 7 juillet 2011.

* 8 Afssaps, Rapport d'expertise : ventes de médicaments aux officines et aux hôpitaux en France : chiffres clés 2010, septembre 2011.

* 9 Institut de recherche et documentation en économie de la santé, Questions d'économie de la santé, n° 167, juillet-août 2011 : « Le déremboursement des médicaments en France entre 2002 et 2011 : éléments d'évaluation ».

* 10 Selon une étude de la Cnam portant sur les soixante-quatorze principales molécules génériquées représentant près de 85 % des montants remboursés de médicaments génériques.

* 11 Tarif de référence pour le remboursement de certains médicaments de marque qui est fixé en fonction du prix du médicament générique correspondant.

* 12 Hypolipidémiant, utilisation dans le traitement du cholestérol.

* 13 Rapport précité, Propositions de l'assurance maladie sur les charges et les produits pour l'année 2012, p. 32.

* 14 CE, 12 mai 2010, Société Roche.

* 15 Article 52 de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007 de financement de la sécurité sociale pour 2008.

* 16 Rapport du Gouvernement au Parlement : « Evaluation de la mise en oeuvre de la franchise sur les médicaments, les actes des auxiliaires médicaux et les transports sanitaires », transmis le 20 octobre 2011.

* 17 « Les franchises ont-elles modifié les comportements d'achats de médicaments ? », par Bidénam Kambia-Chopin et Marc Perronnin, in Questions d'économie de la santé, n° 158, octobre 2010, Institut de recherche et documentation en économie de la santé.

* 18 Rapport sur la sécurité sociale, septembre 2011.

* 19 Très sous-doté, sous-doté, intermédiaire, très doté et sur-doté.

* 20 Aujourd'hui égales à 50 % du salaire brut, les IJ auraient été calculées en pourcentage du salaire net (60 %) pour se rapprocher du mode de calcul des IJ maternité.

* 21 Audition devant la commission des affaires sociales le mercredi 19 octobre 2011.

* 22 « La prévention sanitaire », communication de la Cour des comptes à la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, octobre 2011.

* 23 « Les dépenses de prévention en France », Institut de recherche et de documentation en économique de la santé (Irdes), avril 2008.

* 24 « Hospitalisation à domicile », rapport établi par Nicolas Durand, Christophe Lannelongue, Patrice Legrand et Vincent Marsala, novembre 2010.

* 25 Rapport d'information Sénat « Santé et logement : comment accompagner la Martinique et la Guyane ? », n° 764 (2010-2011), 12 juillet 2011.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page