CHAPITRE IV - DISPOSITIONS DIVERSES, TRANSITOIRES ET FINALES

Article 22 - Application du texte aux mariages contractés avant son entrée en vigueur

Cet article fixe les conditions de reconnaissance et de transcription des mariages contractés à l'étranger entre personnes de même sexe avant l'entrée en vigueur de la loi.

En l'état actuel du droit, l'ordre public français réserve le mariage à deux personnes de sexe différent. Dès lors, le mariage contracté régulièrement par deux personnes de même sexe, dont l'une au moins est française, dans un pays les y autorisant (Belgique et Pays-Bas par exemple) ne produit pas d'effets en France.

En revanche, lorsque leur loi personnelle autorise une telle union, le mariage de deux étrangers de même sexe peut produire des effets en France. Comme l'ont rappelé les représentants du conseil supérieur du notariat à votre commission lors de leur audition, les notaires traitent déjà « des effets patrimoniaux en France de mariages conclus à l'étranger par des couples homosexuels, notamment en cas de décès de l'un des conjoints possédant des biens situés en France ».

De même Mme Anne Bérard, vice-présidente, responsable du service des affaires familiales du tribunal de grande instance de Paris, a également fait valoir, lors de son audition par votre commission, que depuis le 21 juin 2012, en application du règlement du Conseil de l'Union européenne du 20 décembre 2010, dit « Rome 3 » 149 ( * ) , le juge français a d'ores et déjà la faculté de divorcer les personnes étrangères de même sexe régulièrement mariées à l'étranger.

L'entrée en vigueur du présent texte ne permettra pas la validation automatique de ces mariages de Français, déjà conclus à l'étranger. En effet, la loi n'est, en principe, pas rétroactive, et les conditions de validité d'un mariage s'apprécient au regard de la loi personnelle des parties, au jour de la célébration.

Dès lors, l'article 22 prévoit expressément que les mariages, conclus à l'étranger sous l'empire du droit antérieur, sont reconnus, tant dans leurs effets à l'égard des époux et des enfants, qu'à l'égard des tiers, après transcription sur les registres de l'état civil français.

Cependant, la reconnaissance de la validité de ces mariages est subordonnée au respect d'un certain nombre de dispositions relatives aux qualités et conditions requises pour pouvoir contracter mariage ainsi qu'au respect des règles générales de nullité des mariages :

- la condition de l'âge : dix-huit ans révolus (article 144) ;

- le consentement à mariage des futurs époux (article 146) ;

- la présence des futurs époux lors de la célébration, même lorsque celle-ci a lieu à l'étranger (article 146-1) ;

- l'interdiction de la bigamie (article 147) ;

- les empêchements familiaux à mariage (articles 161, 162 et 163) ;

- les conditions de nullité du mariage pour cause d'absence de consentement, d'erreur sur la personne ou sur ses qualités substantielles (article 180) ;

- la nullité encourue par les mariages n'ayant pas fait l'objet d'une célébration publique devant l'officier public compétent (article 191).

Quant à l'opposabilité du mariage aux tiers, l'article 22 dispose expressément qu'elle est conditionnée par la transcription du mariage sur les registres de l'état civil français, dont la demande est laissée à la faculté des époux. À défaut de transcription, dans les conditions prévues aux articles 171-5 et 171-7, le mariage ne produira d'effets qu'à l'égard des époux et des enfants.

Ne sont évidemment concernés par la transcription que les mariages célébrés régulièrement à l'étranger entre deux Français ou entre un Français et un étranger, puisqu'il s'agit d'une inscription sur les registres de l'état civil français. Pour les couples étrangers, le mariage produit déjà des effets en France, dès lors qu'il répond aux conditions de validité fixées par la loi personnelle des époux.

Enfin, la transcription n'est pas automatique. La procédure de l'article 171-7 prévoit que sont effectués un certain nombre de contrôles.

Votre rapporteur est tout à fait favorable à l'adoption de l'article 22, en l'absence duquel, le mariage de Français ou d'un Français avec un étranger, célébré valablement à l'étranger, avant l'entrée en vigueur de la loi ne produirait aucun effet en France une fois celle-ci adoptée, et obligerait ces couples à se remarier s'il s'agit d'une couple de Français, voire à divorcer pour se remarier, s'il s'agit par exemple d'un couple franco-belge.

Votre commission a adopté l'article 22 sans modification .

Article 23 - Application du texte dans les collectivités d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie

Cet article définit les conditions d'application de la loi dans les collectivités d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie.

Les lois réglant le régime de spécialité législative dont bénéficient certaines de ces collectivités attribuent à l'État la compétence normative pour la plupart des matières du droit civil concernées par le projet de loi 150 ( * ) .

Le droit civil est même directement applicable dans les Terres australes et antarctiques françaises 151 ( * ) , à Saint-Martin et Saint-Barthélemy et à Saint-Pierre-et-Miquelon.

S'il relève de la compétence de l'État dans les îles Wallis et Futuna 152 ( * ) , les lois intervenant en cette matière n'y sont applicables que par mention expresse.

L'article 14 de la loi n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française conserve à l'État la compétence en matière de « nationalité ; droits civiques ; droit électoral ; droits civils, état et capacité des personnes, notamment actes de l'état civil, absence, mariage, divorce, filiation ; autorité parentale ; régimes matrimoniaux, successions et libéralités ». Les dispositions relatives à la nationalité, à l'état et la capacité des personnes y sont directement applicables ; les autres doivent faire l'objet d'une mention expresse 153 ( * ) .

Enfin, en Nouvelle-Calédonie, l'État conserve les compétences relatives au droit civil et aux règles concernant l'état civil, jusqu'à leur transfert à la collectivité 154 ( * ) . L'applicabilité des dispositions législatives et réglementaire intervenant dans ces matières est subordonnée à une mention expresse à cette fin 155 ( * ) .

Le présent article rend par conséquent applicables dans ces trois collectivités les articles 1 à 4 et 22 du présent texte. La mention faite, pour ces articles, aux TAAF est superfétatoire et votre commission l'a supprimé par un amendement de son rapporteur.

L'article 4, dans la rédaction adopté par votre commission, pose le principe de l'égalité de traitement entre les époux ou les parents de même sexe et ceux de sexe différents. Visant le mariage et la filiation, il relève donc de la compétence de l'État et est applicable, du fait de la mention portée au présent article, dans l'ensemble des collectivités d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie.

Votre commission a adopté l'article 23 ainsi modifié .

*

* *

Au bénéfice de l'ensemble de ces observations, votre commission a adopté le projet de loi ainsi modifié .


* 149 Règlement (UE) n° 1259/2010 du Conseil du 20 décembre 2010 mettant en oeuvre une coopération renforcée dans le domaine de la loi applicable au divorce et à la séparation de corps.

* 150 Le principe, pour les collectivités d'outre-mer, est fixé à l'article 3 de la loi n° 70-589 du 9 juillet 1970 relative au statut civil de droit commun dans les territoires d'outre-mer : les dispositions relatives à l'état et à la capacité des personnes, aux régimes matrimoniaux, ainsi qu'aux successions et libéralités y sont applicables de plein droit, sauf exception prévue par la loi.

* 151 Art. 1-1 de la loi n° 55-1052 du 6 août 1955 portant statut des Terres australes et antarctiques françaises et de l'île de Clipperton.

* 152 En vertu de la loi n° 61-814 du 29 juillet 1961 conférant aux îles Wallis et Futuna le statut de territoire d'outre-mer.

* 153 Art. 7 de la loi 2004-192 précitée.

* 154 Art. 21 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie.

* 155 Art. 6-2 de la loi n° 99-209 précitée.

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