C. UN CHOIX QUI RELÈVE DU SEUL LÉGISLATEUR

Aucune norme constitutionnelle ni conventionnelle ne proscrit le mariage de deux personnes de même sexe, ni l'adoption par un célibataire ou un couple homosexuel. Au contraire, le principe d'égalité et le droit à une vie familiale et personnelle peuvent fonder l'accès des intéressés à ces deux institutions.

En la matière toutefois, la décision ne peut venir que du législateur.

Saisie de l'annulation du mariage célébré à Bègles, en Gironde, entre deux hommes, la Cour de cassation a rappelé que selon la loi française en vigueur, le mariage était l'union d'un homme et d'une femme, et « que ce principe n'est contredit par aucune des dispositions de la convention européenne des droits de l'homme et de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne qui n'a pas en France de force obligatoire » 6 ( * ) .

Le Conseil constitutionnel, saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité, défendue par deux femmes qui souhaitaient se marier, a confirmé que la loi française n'est pas contraire à la Constitution, du seul fait qu'elle réservait le mariage à deux personnes de sexe différent.

Il a ainsi déclaré que le droit le droit de mener une vie familiale normale, qui résulte du dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, n'implique pas le droit de se marier pour les couples de même sexe, qui peuvent vivre en concubinage ou bénéficier du cadre juridique du pacte civil de solidarité.

Pour autant, après avoir constaté qu'en maintenant jusqu'à présent le principe selon lequel le mariage est l'union d'un homme et d'une femme, le législateur a considéré que la différence de situation entre les couples de même sexe et les couples de sexe différent peut justifier une différence de traitement quant aux règles du droit de la famille, le Conseil constitutionnel a rappelé qu'il ne lui appartenait pas « de substituer son appréciation à celle du législateur sur la prise en compte, en cette matière, de cette différence de situation » 7 ( * ) .

Cette dernière mention correspond, dans la jurisprudence constitutionnelle, à la limite que la Haute instance donne à son propre contrôle, et à la marge d'appréciation discrétionnaire qui relève de la compétence souveraine du législateur .

Ce faisant, le Conseil reconnaît que le choix d'ouvrir ou non le mariage aux couples de personnes de même sexe n'appartient qu'au législateur et qu'aucune norme constitutionnelle ne s'y oppose 8 ( * ) .

Les engagements internationaux de la France ne présentent pas plus un obstacle à la décision du législateur en la matière.

La Cour européenne des droits de l'homme a en effet estimé que, bien que l'article 12 de la convention européenne des droits de l'homme, relatif reconnaisse à l'homme et la femme nubiles le droit de se marier et de fonder une famille selon les lois régissant l'exercice de droit, il ne s'opposait pas, contrairement à ce qu'une lecture a contrario aurait pu suggérer, au mariage des personnes de même sexe, la référence exclusive à l'homme et à la femme devant se comprendre dans le contexte historique de la rédaction du texte.

La charte des droits fondamentaux de l'Union européenne consacre, en son article 9, le droit de se marier et de fonder une famille, sans référence aucune au sexe des époux, renvoyant la décision en cette matière aux « lois nationales qui en régissent l'exercice ».

Enfin, les exemples d'États étrangers qui ont autorisé les mariages homosexuels prouvent que ni la déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948, ni le pacte international relatif aux droits civils et politiques des Nations unies, adopté le 16 décembre 1966, dont les articles 16 pour le premier et 23 pour le second, établissent le droit de se marier pour l'homme et la femme, n'interdisent aux États signataires de reconnaître le même droit pour deux hommes ou deux femmes.

Aucune norme supérieure ne s'oppose donc à ce que la loi ouvre le mariage aux couples de personnes de même sexe.

Certains des principes qui les inspirent peuvent au contraire utilement guider le législateur dans son choix : la liberté, l'égalité et le droit de mener une vie familiale normale. Chacun plaide pour que le droit dont bénéficient aujourd'hui les couples hétérosexuels soit ouvert aux couples homosexuels.

Sous cette lumière, la décision peut être débattue, mais l'avancée sociale apparaît plus que jamais nécessaire.


* 6 Cour de cassation, 1 ère chambre civile, 13 mars 2007, req. 05-16.627.

* 7 CC, n° 2010-92 QPC du 28 janvier 2011, Journal officiel du 29 janvier 2011, p. 1894.

* 8 L'argument parfois avancé, selon lequel la définition légale du mariage comme union d'un homme et d'une femme, maintenu sans exception jusqu'à aujourd'hui, pourrait constituer un principe fondamental reconnu par les lois de la République ne peut prospérer : si tel était le cas, dans la décision précitée, le juge constitutionnel aurait dû en tenir compte pour limiter la marge d'appréciation du législateur en la matière, ce qu'il n'a pas fait.

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