Jeudi 14 février 2013
Représentants de la Fédération française des organismes autorisés pour l'adoption (FFOAA), du Mouvement pour l'adoption sans frontières (MASF), d'Enfance et Familles d'adoption et de La Voix des adoptés

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- Présidence de M. Jean-Pierre Michel, vice-président -

M. Jean-Pierre Michel , rapporteur . - Nous allons commencer nos auditions de ce jour en entendant les représentants de la Fédération française des organismes autorisés pour l'adoption (FFOAA), du Mouvement pour l'adoption sans frontières (MASF), d'Enfance et familles d'adoption ainsi que de La voix des adoptés. Je vous prie d'excuser l'absence de M. Sueur qui assiste ce matin à la conférence de consensus réunie par Mme la garde des sceaux sur la récidive.

Mme Marie-Claude Riot, présidente de la Fédération française des organismes autorisés pour l'adoption (FFOAA) . - Merci de nous recevoir. La FFOAA regroupe vingt-six organismes autorisés pour l'adoption (OAA), soit plus de la moitié des organismes d'adoption, qui sont des opérateurs privés, assumant une mission de service public comme intermédiaires. La FFOAA est membre du Conseil supérieur de l'adoption (CSA) et de l'Agence française pour l'adoption (AFO), l'opérateur public. Notre expertise est réelle et reconnue. Les plus jeunes de nos OAA ont vingt ans d'existence. Tous ont accompagné des familles très diverses dans leur démarche et 53% des adoptés l'ont été via des OAA de la fédération.

Les membres des organismes autorisés s'accordent sur la liberté des personnes de même sexe d'aimer et de se marier ; ils ne prennent pas position pour ou contre le mariage. L'adoption est, en revanche, source de questionnements.

Nous avons beaucoup réfléchi à l'homoparentalité, d'autant qu'aujourd'hui déjà, certains célibataires adoptants vivent avec un conjoint de même sexe mais celui-ci n'apparaît pas dans la procédure. Nous ne remettons pas en cause la capacité des couples homoparentaux à aimer et éduquer des enfants. Cependant, si l'enfant adopté est un enfant comme les autres, il est aussi porteur d'un passé et de différences.

Le mariage pour tous entraînera demain de nouvelles demandes d'adoption. Les organismes autorisés auront l'obligation légale d'examiner sans discrimination les dossiers présentés par des conjoints de même sexe. Nous connaissons la douleur de tous les couples, quels qu'ils soient, qui désirent un enfant mais sont infertiles. Pourtant, il faut préciser que l'aboutissement de tout projet d'adoption est incertain. En 2012, 1 569 adoptions internationales ont abouti, pour 24 000 candidats en attente. Les couples homosexuels auront-ils de réelles possibilités d'adoption ? La question reste posée. L'OAA se doit de respecter le souhait des mères biologiques. Combien d'entre elles souhaiteront confier leur enfant à des couples de même sexe ?

Le désir de fonder une famille est légitime, comme celui d'adopter un enfant jeune et sans handicap. Or, aujourd'hui, ces enfants-là trouvent de plus en plus souvent une famille dans leur pays d'origine, selon un principe de subsidiarité. Les propositions d'adoption internationale porteront sur des fratries de trois enfants et plus, des enfants déjà âgés ou handicapés. Dans la convention de La Haye, le consentement de l'enfant est requis. Il donnera son accord pour être adopté par un couple de personnes de même sexe et avoir une famille mais sans avoir vraiment conceptualisé la situation. Or, aucune mesure n'est prévue pour encadrer ces adoptions à risques. Il est important que chaque adoption se fasse en adéquation avec le projet et les possibilités de la famille adoptante. Un milieu harmonieux est une condition de réussite.

Les organismes autorisés sont en relation permanente avec les pays d'origine. L'Afrique du Sud, certains Etats du Brésil, les Etats-Unis et le district fédéral de Mexico acceptent des adoptions par des couples de même sexe. Mais il y a eu 9 adoptions en 2012 en Afrique du sud, 13 au Brésil (des enfants grands ou des fratries) et les Etats-Unis ont suffisamment de candidats nationaux. Au Mexique, aucune adoption n'a eu lieu depuis deux ans. La ville de Mexico est extrêmement sélective dans l'examen des dossiers et les enfants proposés ont des pathologies lourdes. Les chiffres sont sans ambiguïté : peu de candidatures présentées par des couples de même sexe seront considérées comme recevables.

Certains pays risquent de fermer leur porte aux adoptions par crainte que la monoparentalité ne cache des couples homosexuels. Cela n'est pas à négliger, malgré le contre-exemple de l'Espagne, qui a légalisé le mariage pour tous en 2005 et n'en est pas moins le troisième pays d'accueil d'enfants adoptés. Enfin, la mère biologique confiera difficilement son enfant à un couple qui ne correspond pas au schéma traditionnel qu'elle-même connaît.

Notre réflexion est centrée sur les enfants, qui sont les premiers concernés. Ils ne peuvent être au coeur d'un débat sur l'égalité des couples. L'adoption n'est pas un droit à l'enfant, c'est une mesure de protection de l'enfance. Cela vaut pour toutes les familles.

Dans l'adoption, le travail ne s'arrête pas le jour de l'arrivée de l'enfant. Celui-ci a besoin de s'identifier, pour mieux assumer les différences qu'il a déjà en lui, la rupture, la séparation, la violence. Il veut être un enfant comme les autres, or l'adoption par une famille de personnes de même sexe sera une différence de plus, alors même qu'il sera déjà interpellé sur ses « vrais » et ses « faux » parents. La discrimination ethnique existe dans la cour de récréation. La construction identitaire est souvent difficile à réaliser et des parents homosexuels constituent un obstacle de plus à l'acquisition de repères stables. L'enfant fragilisé par son histoire personnelle exige un accompagnement adéquat. On a bien sûr entendu des témoignages d'enfants élevés par des couples homosexuels et qui ont un bel équilibre : mais ceux-là n'ont pas été, comme des enfants adoptés grands et venant d'un autre pays, blessés par une histoire antérieure et une rupture difficiles. C'est une différence majeure !

Les organismes autorisés, les pays d'origine divergent dans leur approche de la famille idéale. Mais un consensus existe sur le droit de l'enfant de vivre dans une famille adoptée et de bénéficier de l'encadrement nécessaire à son épanouissement.

La réflexion sur l'adoption par des couples de même sexe dépasse l'objet de ce projet de loi et la consultation des acteurs de l'adoption a été trop tardive. Il faut connaître l'adoption pour éviter les amalgames. En outre, l'avancée ne saurait être parcellaire : toutes les relations familiales méritent d'être sécurisées.

Ce projet de loi, aussi polémique soit-il, a le mérite de rappeler qu'une vraie réforme de l'adoption est aujourd'hui nécessaire.

M. Marc Lasserre, président du Mouvement pour l'adoption sans frontières (Masf) . - Le Mouvement pour l'adoption sans frontières regroupe neuf associations de parents adoptifs, mais représente plus de 3 000 familles ayant adopté, principalement à l'international.

La France va adopter sans doute ce projet de loi, donc autoriser l'adoption par des couples de même sexe. Il existe des divergences à l'intérieur du Masf comme au sein de la société française. Notre mouvement ne se positionne pas sur la question du mariage pour tous, son intérêt se concentre sur la partie du texte qui concerne l'adoption, cette institution qui vise à donner une famille à l'enfant qui est privé de la sienne, à la naissance ou plus tard.

Aujourd'hui, l'immense majorité des adoptés ne sont pas des orphelins comme c'était le cas après la Grande guerre. Quant aux familles, elles n'ont aucun droit à l'enfant, mais elles peuvent demander un agrément, en vue de se voir confier un enfant. « Mariage pour tous, adoption pour personne », titrait fort justement L'Express sur son site internet. Car depuis plusieurs années, l'adoption internationale traverse une grave crise, les Français ont de plus en plus de mal à adopter à l'étranger. Cela ne va pas s'arranger.

Au plan national, en 2011, 61 enfants ont été proposés à l'adoption et ce chiffre est stable d'année en année. Comment seront appréciées demain les qualités des familles homoparentales, monoparentales et hétéroparentales ? Le Masf espère qu'il n'y aura pas de classement, public ou occulte, de ces familles. Dans les pays qui ont autorisé le mariage pour les couples gays et lesbiens, comme la Belgique, il n'y a eu que neuf adoptions. Aussi convient-il de relativiser la portée de la loi en discussion.

On nous dit qu'il n'y a plus d'enfants à adopter à l'international. C'est une contre-vérité : il y en a 104 000 aux Etats-Unis, afro-américains et hispaniques pour la plupart. Cependant, dans les pays où les Français adoptent en plus grand nombre, l'ouverture d'esprit n'est pas garantie. En Russie, 235 enfants ont été adoptés par des Français en 2012, mais ce pays vient de demander la révision du traité bilatéral qu'il a signé tout récemment avec notre pays. Nul doute que la Russie réduise les possibilités d'adoption par des couples français et britanniques. Ne nous cachons pas la vérité.

Le Masf souhaite néanmoins que les rapports sociaux rédigés en vue de l'agrément décrivent les familles de façon transparente qu'elles soient homosexuelles ou hérérosexuelles, car « l'adoption ne se construit pas sur un mensonge », comme l'a déclaré le plus ancien des membres du Conseil supérieur de l'adoption.

La véritable portée de ce texte concerne l'adoption des enfants par le conjoint du parent, sous la forme simple ou plénière. C'est une réelle avancée pour les 50 000 enfants de familles homoparentales qui vivaient dans un certain vide juridique.

Il sera indispensable, à l'occasion du projet de loi sur la famille, de repenser et professionnaliser entièrement notre modèle d'adoption, y compris internationale. Seuls quatre organismes réalisent plus de cinquante adoptions par an et même pour eux, les moyens manquent.

Nous privilégions l'adoption plénière, dans l'intérêt des enfants, afin d'instaurer une réelle égalité entre les modes de filiation. N'oublions pas la proposition de loi de Michèle Tabarot sur l'enfance délaissée : les enfants doivent plus facilement devenir pupilles de l'Etat et adoptables.

Contrairement à l'Italie, la France a vu le nombre d'adoptions internationales baisser considérablement, de 4 000 il y a quelques années, à 1 569 en 2012. Certes, les adoptions internationales ont mondialement reculé, de 30 000 à 22 000, mais nous sommes en décroissance plus forte que les autres pays. Cette loi ne va pas changer la donne. Le nombre des enfants venant de Russie continuera à décroître.

L'adoption plénière est la seule en vigueur dans la majorité des pays de l'Union européenne (sauf en Belgique où les deux formes sont possibles). La convention de La Haye exige une adoption plénière dans le pays d'adoption si le jugement rendu dans le pays d'origine entraîne une rupture avec la filiation biologique. L'adoption plénière n'implique pas de secret : aucun secret n'est maintenu, sauf dans l'extrait d'acte de naissance, parce qu'il est communiqué aux tiers, qui n'ont pas à en être informés. Nous avons cosigné avec diverses associations une tribune, le 24 janvier dernier, dans laquelle nous rappelons notre attachement à l'adoption plénière.

Le Conseil national pour l'accès aux origines personnelles (CNAOP) pourrait être davantage mis à contribution. Dans la plupart des pays du monde, l'adopté pourra rechercher ses origines. Mais dans certains autres, ils ne trouveront aucun document, aucune trace, comme au Kazakhstan par exemple, où les femmes qui abandonnent leur enfant sont passibles de la peine de mort.

Mme Nathalie Parent, représentante d'Enfance et familles d'adoption . - Notre mouvement regroupe 93 associations départementales, représentant 9 000 familles adhérentes et 200 000 enfants adoptés, depuis soixante ans. Enfance et familles d'adoption est membre des grandes instances nationales, comme le conseil supérieur de l'adoption (CSA) et le conseil national pour l'accès aux origines personnelles (CNAOP). Nous regroupons tous les types de familles, monoparentales, recomposées, multirecomposées, hétérosexuelles, homosexuelles, pacsés, entre concubinage, sans religion ou de quelque religion que ce soit. Certains s'inquiètent du bouleversement à venir, d'autres l'attendent, d'autres encore n'ont pas d'opinion, mais tous refusent l'instrumentalisation des enfants. Or ces derniers sont les victimes du débat actuel !

Il faut en revenir à la protection des enfants. Il n'y a pas de droit à l'enfant, seulement le droit de l'enfant à une famille au sein de laquelle il pourra s'épanouir. Nous devons garantir les droits de l'enfant privé de famille.

Ce débat a diabolisé les familles adoptives, qualifiées de fictives, de fausses. Quelques-uns ont proposé de supprimer l'adoption plénière, au motif que l'adoption simple conserve les liens du sang, ajoute une filiation sans effacer la première. L'adoption simple pour les couples de personnes de même sexe serait plus acceptable : un moindre mal. Les enfants n'attendent pas une solution idéologiquement acceptable mais une filiation juridiquement sécurisée. On oublie trop souvent que l'adoption plénière ne fait pas obstacle à la recherche des origines. Lorsque les recherches tournent court, c'est parce que les parents biologiques n'ont pas laissé de trace. L'adoption plénière n'efface rien de ce qui a été écrit, les informations sont conservées dans les dossiers. Elle rompt les liens juridiques, elle ne plonge pas le passé dans l'oubli. Les conditions juridiques de l'adoptabilité, hormis l'âge, sont les mêmes dans les deux types d'adoption. Chacune répond à un objet spécifique. Certains souhaitent aménager l'adoption en fonction de la vraisemblance biologique, en fonction des familles qui font la demande. Mais l'adoption n'est pas une filiation à géométrie variable, inventée pour combler un manque des adultes. Elle se fait, plénière ou simple, dans l'intérêt de l'enfant, au cas par cas.

Les règles d'attribution du nom de famille sont heureusement identiques pour tous les enfants, quel que soit le mode de filiation. Des questions restent à régler pour l'état civil. Toutes les filiations étant égales, et puisqu'il n'est pas question de faire apparaître sur des documents publics mention de l'adoption, tous les enfants, symboliquement, sont sur les actes de naissance « nés de » leurs parents. Pourquoi ne seraient-ils pas tous « fils de » ou « fille de » ? Nous en avons déjà formulé la demande lors de la réforme de l'adoption en 1996. Si, comme l'ont laissé entendre le Conseil d'Etat et certains magistrats, l'établissement des actes d'état civil dans le cas d'une adoption plénière par un couple homosexuel serait inconstitutionnel, il en résulterait un amenuisement des droits de certains enfants adoptés sous la forme plénière, ce serait une discrimination elle aussi anticonstitutionnelle.

Si le Sénat vote cette loi dans les mêmes termes que l'Assemblée nationale, les couples hétérosexuels ou homosexuels pourront dans les mêmes conditions faire une demande d'agrément. C'est une bonne chose : aujourd'hui les personnes non mariées cachent une partie de leur vie pour pouvoir adopter. Or la transparence du projet parental est indispensable. Les pouvoirs publics doivent s'assurer que les candidatures de personnes de même sexe seront traitées sans discrimination. Ce risque ne peut être ignoré.

Les propos entendus récemment sont choquants pour les enfants adoptés et pour ceux élevés par un couple de même sexe. Ne pas connaître son patrimoine biologique n'est pas une tare. Et il est parfois difficile de grandir dans une famille hétérosexuelle ou dans sa famille biologique, en témoigne le nombre d'enfants placés. Les familles du XXIè siècle sont multiples, les enfants tous légitimes.

Les familles adoptives ne sont pas des artefacts. Elus de la République, rendez leurs droits à tous les enfants.

Mme Cécile Février, présidente de La voix des adoptés . - Merci de m'avoir invitée. La Voix des adoptés, créée en 2005, compte des antennes à Paris, Rouen, Lyon, Toulouse. L'association, apolitique et laïque, regroupe 215 adhérents de toutes origines, nés sous X, pupilles de la nation, adoptés en France ou à l'étranger, sous forme simple ou plénière. Aucun n'a été adopté par une famille homoparentale, je le précise.

La Voix des adoptés ne se prononce pas sur la question du mariage des personnes de même sexe. Sur l'adoption, en revanche, nous avons des choses à dire, car le droit de l'enfant devrait primer, or il n'existe pas. Nous aussi demandons de remplacer, dans les actes d'état civil, les termes « né de » par « fils de », « fille de », puisque s'agissant d'un couple de même sexe, il y a impossibilité physiologique.

La réussite de l'adoption ne dépend pas du sexe des parents. L'adoption par un couple hétérosexuel ne signifie pas toujours stabilité et bonheur, nous le savons tous. D'autant que les parents se séparent, se remarient, de nouveaux enfants apparaissent... Quant à l'adoption pour des parents de même sexe, elle existe déjà mais de façon cachée, l'un des deux adoptant en célibataire.

La Voix des adoptés ne peut approuver totalement ce projet de loi car il faut prendre en compte les conditions de l'adoption. L'adopté n'arrive pas vierge de tout vécu, il n'est pas une page blanche. Il a des attentes spécifiques. Parfois il a déjà appris à dire « maman » et il fait bien la différence entre les sexes. La figure maternelle est importante. C'est la mère que les adoptés veulent retrouver. « La femme qui m'a mise au monde » est placée bien au-delà d'une génitrice, elle est l'objet d'un amour infini ou de haine. Comment l'enfant adopté s'inscrira-t-il dans son passé en cas d'adoption par un couple de même sexe ? Il faudrait prévoir un tuteur de résilience de l'autre sexe.

L'Etat pourra-t-il accompagner les familles après l'adoption, ou en donnera-t-il les moyens à des organismes ? Rien n'existe aujourd'hui. Les parents adoptants ne sont pas accompagnés sur le long terme.

Pour l'adoption internationale, les institutions telles que l'Aide sociale à l'enfance, les organismes autorisés pour l'adoption (OAA), sont-ils prêts à traiter avec impartialité les dossiers ? Nous n'en sommes pas sûrs.

L'adoption simple est source d'insécurité juridique, surtout en cas d'adoption internationale. Les adoptés ont besoin de sécurité juridique, c'est pourquoi nous préférons l'adoption plénière. En revanche, la forme simple peut être envisagée pour l'adoption par le conjoint du parent.

L'adoption plénière ne change en rien le problème d'accès aux données d'origine qui doit faire l'objet de toute notre attention. L'histoire de l'enfant est importante -plus que l'identité biologique sans doute- il faut la recueillir, la conserver. L'adoption est une transition entre deux histoires. Or, ces renseignements dépendent d'une démarche personnelle du parent biologique. A l'étranger, l'existence de condamnations pour abandon d'enfant dissuadent souvent ces démarches. Il serait donc intéressant que le centre national d'accès aux origines personnelles (CNAOP), centralise ces renseignements pour l'adoption internationale également.

Adopter, c'est pour la vie. Quel accompagnement durant la post-adoption ? Il faut tenir compte de la différence des genres, qui ne préjuge pas de l'orientation sexuelle future de l'enfant. Quels services pourraient en être chargés ? Nous proposons la création d'un service post-adoption réservé aux adoptés. Un espace à eux...

M. Jean-Pierre Michel , rapporteur . - Nul doute qu'une réforme de l'adoption soit absolument nécessaire. Dans le présent texte, je ne pense pas que le Sénat ajoute des dispositions sur ce sujet. Par exemple, à titre personnel, je suis favorable à l'ouverture de l'adoption aux couples pacsés, mais je ne souhaite pas que l'on surcharge ce projet de loi.

Mme Michelle Meunier , rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales . - Merci d'avoir parlé de l'adoption en ces termes, loin des contrevérités et idées reçues entendues à l'Assemblée nationale et ailleurs.

Merci de nous redire que l'adoption est une mesure de protection de l'enfance. Les dénigrements de l'adoption ont dû faire réagir nos associations. Je reviens sur l'accès aux origines : est-il indispensable pour la construction de l'enfant et de l'adulte ? Parfois les recherches sont douloureuses, voire impossibles.

Nous avons entendu votre appel, sur la réforme de l'adoption.

M. Jean-Pierre Michel , rapporteur . - Je remarque que vous parlez d'accès de l'enfant à son histoire antérieure, plutôt qu'à ses origines. C'est intéressant, cela semble plus vrai, plus important.

Mme Catherine Génisson . - Vos témoignages nous obligent à revoir les conditions de l'adoption, globalement et non selon la nature du couple candidat. A juste titre, vous n'avez porté aucun jugement sur le mariage des couples homosexuels. Hormis les difficultés que vous avez soulignées, vous ne jugez pas, et vous insistez sur l'importance de l'environnement affectif. Je vous en remercie.

Mme Nicole Bonnefoy . - Merci pour vos interventions particulièrement riches. Nous sommes conscients des difficultés liées à l'adoption, et si nous ne voulons pas alourdir ce projet de loi, cela ne nous empêchera pas d'insister sur la nécessité d'un travail de fond sur l'adoption.

Mme Cécile Février. - Je suis surprise que l'on parle autant de l'accès aux origines à l'occasion de ce projet de loi. Cela prouve l'importance de l'enjeu. Mais cela me gêne que l'on exploite ce thème pour s'opposer à ce texte. L'accès aux origines est-il nécessaire à la construction de l'adulte ? Oui et non. Il est difficile de se construire en se disant que l'on est né de rien ni de personne. C'est à l'adopté et à personne d'autre de choisir le moment de sa démarche de recherche. Nous n'en effectuons pas pour des mineurs, parce que nous estimons qu'ils ne sont pas prêts.

Mme Nathalie Parent. - L'accompagnement et la préparation des futurs parents adoptifs comme des enfants sont essentiels. De plus en plus d'enfants ont des besoins spécifiques, des histoires parfois très dures, en France comme à l'étranger. On ne peut laisser les familles se débrouiller seules après l'adoption. Des centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP), des hôpitaux l'assument, parce qu'ils estiment cet accompagnement indispensable, mais tout repose sur la bonne volonté de chacun. Or les familles ont un droit à être aidées.

Nous avons organisé deux colloques sur le sujet. L'accès aux origines appartient à l'adopté et à lui seul. Il relève de l'intime. Certains en ont besoin tôt, d'autres plus tard. Certains ont besoin d'aller humer leur pays de naissance, sa langue, son climat, sans forcément rechercher leur famille biologique. Nous ne sommes plus il y a 50 ans : l'adoption est devenue visible. Nos enfants ne nous ressemblent pas, mais ce sont nos enfants et nous sommes leurs parents. Aujourd'hui, l'adoption est dite. Nous, parents, sommes dépositaires des données des enfants. Le CNAOP devrait être étendu à l'ensemble des enfants adoptés, y compris à l'étranger, d'autant que les documents existent, conservés par les services de l'Etat et les organismes autorisés pour l'adoption (OAA). Un lieu unique d'archivage et de ressources serait bienvenu. Il n'est d'ailleurs pas besoin de l'inscrire dans une réforme de l'adoption.

M. Jean-Pierre Michel , rapporteur . - Merci, Madame. Vous avez raison, cette question relève du domaine réglementaire. La rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales pourrait le demander au Gouvernement ?

Mme Michelle Meunier , rapporteure pour avis . - Certes.

M. Marc Lasserre . - Au nom d'un prétendu maintien du lien biologique, on aboutit à des situations absurdes, ubuesques : le tribunal de grande instance de Grenoble a prononcé sur ce fondement une adoption simple et non plénière, pour un enfant venu d'Haïti, alors qu'aucune filiation n'était connue dans le pays d'origine ! Quel lien avait-on peur de rompre ? L'idéologie conduit au non sens.

Mme Marie-Claude Riot . - L'objet de cette audition est l'adoption par les couples de même sexe et non d'autres aspects. Une réforme de l'adoption s'impose. L'adoption ne doit pas être réduite à une cerise sur le gâteau du mariage pour tous.

Nous accompagnons les jeunes dans leurs recherches. Certains ont besoin d'accéder à leurs origines, d'autres non. Les OAA ont là un rôle à tenir.

Mme Maisonneuve-Snyder, membre du conseil d'administration du Masf. - Plusieurs centaines de familles sont directement concernées par ce jugement de Grenoble : toutes peuvent se voir pareillement imposer une adoption simple par les tribunaux. Or les enfants ont besoin de sécurité juridique. Ils savent qu'ils sont originaires d'Haïti.

Du reste, le séisme de 2010 nous rappelle les aléas de tous ordres qui menacent les documents dans les pays d'origine. Il faut un lieu pour les conserver à l'abri.

M. Jean-Pierre Michel , rapporteur. - Merci. La ministre de la famille sera présente au banc du Gouvernement, nous saurons demander des mesures réglementaires.

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