C. LA RÉFORME DE 2003 : LA MISE EN PLACE D'UN SCRUTIN RÉGIONAL REPOSANT SUR DES SECTIONS DÉPARTEMENTALES

La réforme de 1999 s'avérant inadaptée au rôle croissant qu'avaient pris les régions durant cette période, la loi n° 2003-327 du 11 avril 2003 relative à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques a institué le troisième mode de scrutin aux élections régionales, aujourd'hui toujours en vigueur.

Celui-ci permet de concilier plusieurs exigences essentielles : d'une part, donner une majorité politique cohérente aux conseils régionaux tout en veillant au respect du pluralisme et, d'autre part, assurer une représentation juste et équitable des territoires et des citoyens.

1. Un mode de scrutin « régionalisé » avec une double répartition des sièges

Depuis 2003, les conseillers régionaux sont élus, pour un mandat de six ans 7 ( * ) , au scrutin de liste à deux tours, sans possibilité de panachage ni de vote préférentiel 8 ( * ) . Chaque liste est constituée d'autant de sections qu'il y a de départements dans la région.

Le dépôt des listes s'effectue au niveau régional, les candidats étant répartis entre des sections départementales. Chaque liste doit comporter autant d'hommes que de femmes afin de respecter la parité au sein des assemblées délibérantes régionales. Cette règle s'applique pour chaque tour de scrutin.

Le nombre de sièges à attribuer pour chaque liste est calculé globalement au niveau régional. Il est ensuite réparti entre les sections départementales en fonction du nombre de suffrages obtenus dans chaque section par la liste concernée.

a) Une répartition globale du nombre de sièges au niveau régional

Si une liste obtient la majorité absolue des suffrages exprimés dès le premier tour , celle-ci bénéficie d'une prime majoritaire correspondant au quart des sièges à répartir. En cas d'égalité de suffrages entre deux listes arrivées en tête, les sièges de la prime majoritaire sont attribués à la liste dont les candidats ont la moyenne d'âge la plus élevée. Si plusieurs listes ont la même moyenne pour l'attribution du dernier siège, celui-ci revient à la liste ayant obtenu le plus grand nombre de suffrages. En cas d'égalité de suffrages, le siège est alors attribué au plus âgé des candidats susceptible d'être élus.

Les trois autres quarts des sièges à pourvoir sont ensuite répartis à la représentation proportionnelle entre toutes les listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages, y compris la liste arrivée en tête des suffrages.

À défaut, un deuxième tour est organisé la semaine suivante auquel seules les listes ayant obtenu plus de 10 % des suffrages exprimés au premier tour ont accès. Si une seule liste remplit les conditions de seuil pour parvenir au second tour, la liste ayant obtenu le plus grand nombre de suffrages après elle peut également se maintenir au second tour. Dans le cas où aucune liste ne remplit ces conditions, les deux listes arrivées en tête peuvent se maintenir au second tour.

Les listes autorisées à se présenter au deuxième tour disposent de la faculté de fusionner avec les listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés. Comme dans le cas d'une liste ayant recueilli la majorité absolue au premier tour, la liste arrivée en tête des suffrages au deuxième tour bénéficie de la prime majoritaire représentant le quart des sièges à pourvoir. Les autres sièges sont répartis à la représentation proportionnelle entre les listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés au second tour, y compris la liste arrivée en tête.

Le mode de scrutin régional actuellement en vigueur s'inspire de celui applicable à l'élection des conseillers municipaux dans les communes de 3 500 habitants et plus, en combinant les règles du scrutin majoritaire et de la représentation proportionnelle. Toutefois, en raison de la différence de nature entre les circonscriptions régionale et communale, la prime majoritaire attribuée à la liste ayant obtenu la majorité absolue des suffrages au premier tour ou qui est arrivée en tête au second, est égale, non pas à la moitié des sièges à pourvoir comme pour le scrutin municipal, mais au quart. Ce principe, dégagé lors de l'adoption de la loi de 1999, qui rencontrait l'accord d'une large partie de l'échiquier politique, a donc été maintenu dans le mode de scrutin instauré en 2003 et appliqué en 2004 et 2010.

b) La répartition des sièges entre les sections départementales

Les modalités de répartition des sièges de conseiller régional entre les sections départementales pour chaque liste de candidats sont définies à l'article L. 338-1 du code électoral. Les sièges attribués à chaque liste sont répartis entre les sections départementales qui la composent, au prorata des voix obtenues par la liste dans chaque département, en deux temps :

- dans un premier temps, ils sont ventilés entre les listes en fonction des résultats obtenus sur l'ensemble de la circonscription régionale ;

- dans un deuxième temps, une fois cette première répartition effectuée, les sièges de chaque liste sont répartis en proportion des résultats obtenus au sein de chaque département 9 ( * ) .

Après cette double répartition, les sièges restant encore à attribuer sont répartis entre les sections départementales selon la règle de la plus forte moyenne. Si plusieurs sections départementales ont la même moyenne pour l'attribution du dernier siège, celui-ci sera attribué à la section départementale ayant obtenu le plus grand nombre de suffrages. En cas d'égalité de suffrages, il est prévu que le siège soit attribué au plus âgé des candidats susceptibles d'être élus.

Une fois calculée la répartition entre chaque département d'une région, les sièges sont attribués aux candidats dans l'ordre de présentation de chaque section départementale.

Lorsqu'une région n'est composée que d'un seul département, les sièges sont attribués dans le ressort de la circonscription régionale, selon les mêmes règles, à savoir la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne, tempérée cependant par l'attribution à la liste ayant obtenu la majorité absolue des suffrages au premier tour, ou la majorité relative au second, d'une prime égale au quart des sièges à pourvoir.

c) La définition de l'effectif global des conseils régionaux et du nombre de candidats par section départementale

Le tableau n° 7 du code électoral 10 ( * ) fixe l'effectif global de chaque conseil régional ainsi que le nombre de candidats par section départementale que doit comporter toute liste aux élections régionales, et non le nombre de conseillers régionaux élus pour chaque département . Ainsi, seul l'effectif global est précisé, non sa ventilation entre départements . Par ailleurs, la somme du nombre total de candidats par département est supérieure à l'effectif de chaque conseil régional, à raison de deux postes supplémentaires par département. Cette différence se justifie afin de pourvoir les vacances de sièges susceptibles de se produire en cours de mandat.

En d'autres termes, le nombre de candidats par département ne saurait être assimilé au nombre de conseillers régionaux par département . La répartition des conseillers régionaux entre les sections départementales, telle que prévue par la loi du 11 avril 2003, peut conduire à des différences entre le nombre de candidats et le nombre de conseillers régionaux finalement élus. Cette différence est liée à des critères démographiques ainsi qu'aux pratiques d'abstention dans chaque département. Cette différence est liée à l'ampleur de la « marge de précaution » dans la fixation du nombre de candidats, puis à la différence entre le poids démographique de chaque département et sa part dans les votes obtenus par les listes ayant des élus.

Il est ainsi à noter que ce mode de scrutin est le seul dans lequel la répartition de sièges entre entités géographiques est fixée en définitive selon un résultat en voix et non, comme le veut une tradition française très ancienne, en fonction des populations respectives.

2. Une représentation inéquitable des départements d'une même région ?

Le mode de scrutin de 2003 a indéniablement permis aux conseils régionaux de disposer de majorités politiques stables, permettant une gestion sereine des politiques régionales. Il fait l'objet d'un relatif consensus, en conjuguant la reconnaissance de la région en tant que collectivité territoriale, la recherche d'une stabilité politique au sein du conseil afin d'éviter tout risque de blocage et enfin, une proximité entre la collectivité et les citoyens et les territoires, à travers la mise en place des sections départementales.

Cette difficile conciliation a d'ailleurs été reconnue et validée par le Conseil constitutionnel 11 ( * ) qui a jugé que « la complexité que revêt ce mode de scrutin, s'agissant en particulier de la répartition des sièges entre sections départementales, trouve son origine dans la conciliation que le législateur a voulu opérer entre la représentation proportionnelle dans le cadre d'un vote régional, la constitution d'une majorité politique au sein du conseil régional et la restauration d'un lien entre conseillers régionaux et départements ; que cette complexité répond à des objectifs que le législateur a pu regarder comme d'intérêt général ».

Il a par ailleurs relevé que « c'est au niveau régional que doit être appréciée la représentativité de chaque liste ». Enfin, il a reconnu que « le caractère régional du scrutin et l'existence d'une prime majoritaire peuvent conduire à ce que, dans une section départementale donnée, une formation se voie attribuer plus de sièges qu'une autre alors qu'elle a obtenu moins de voix dans le département correspondant » et que « le mécanisme de répartition peut aboutir, d'une élection régionale à la suivante, à la variation du nombre total de sièges attribués à une même section départementale ».

Toutefois, les départements ruraux s'estiment sous-représentés au sein des conseils régionaux et ne pas être en capacité de défendre les spécificités de leurs territoires au sein de l'assemblée délibérante. Cette sous représentation des départements les moins peuplés serait liée, selon les élus concernés, au choix d'une circonscription régionale et à la déconnection entre le nombre de candidats par section départementale, fixé par le tableau n° 7 annexé au code électoral, et le nombre de conseillers régionaux effectivement élus. En outre, les conseillers élus au sein d'une section départementale peuvent ne pas appartenir à la liste ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés au niveau régional.

Ce constat s'explique par le nombre de sièges attribués à chaque département qui varie en fonction du rapport entre le nombre de voix obtenues par la liste dans la section départementale et le nombre de voix obtenues par cette même liste au plan régional. Autrement dit, le nombre de conseillers régionaux par département n'est pas limité : si toutes les listes obtiennent leur meilleur résultat dans un département, en raison de son poids en nombre d'électeurs ou d'un taux de participation supérieur à celui des autres départements de la même région, les conseillers régionaux de ce département seront plus nombreux que le nombre de candidats devant figurer sur la section départementale. Par ailleurs, par le jeu de la répartition proportionnelle, certains départements peuvent, théoriquement, ne disposer d'aucun représentant au sein du conseil régional ou ne disposer que d'un seul conseiller : c'est le cas de la Lozère qui, au sein du conseil régional du Languedoc-Roussillon, dispose d'un seul conseiller depuis 2010 contre deux en 2004, alors que le tableau n° 7 du code électoral prévoit cinq candidats au sein de ce département. C'est la raison pour laquelle le nombre d'élus par département n'est pas fixé et peut varier d'une élection à une autre. Le mode de scrutin actuel favorise les départements dans lesquels, d'une part, le ratio électeurs/habitants est favorable et, d'autre part, la participation est élevée.

C'est pourquoi plusieurs élus des départements ruraux estiment qu'une réforme du scrutin régional est indispensable afin de remédier à ces dysfonctionnements. Tel est l'objet de la présente proposition de loi.


* 7 Pour mémoire, la loi n° 2010-145 du 16 février 2010 organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux a réduit le mandat des conseillers régionaux élus en 2010 à quatre ans, afin de permettre la concomitance des élections cantonales et des élections régionales en mars 2014, date initialement prévue pour l'élection des premiers conseillers territoriaux. Toutefois, l'article 24 du projet de loi relatif à l'élection des conseillers municipaux, des conseillers communautaires et des conseillers départementaux et modifiant le calendrier électoral, a prorogé le mandat des conseillers régionaux d'une année, jusqu'en mars 2015, afin de permettre la concomitance des élections régionales et départementales prévue par l'article 21 du même projet de loi, à la suite de l'abrogation du conseiller territorial, proposée par l'article 25.

* 8 Article L. 338 du code électoral.

* 9 A titre d'exemple : une liste ayant obtenu 10 sièges à l'échelon régional, en bénéficiant de 50 % du total de ses voix dans un département, de 30 % dans un deuxième et de 20 % dans le troisième département verra ses sièges répartis de la manière suivante : cinq sièges dans le premier département, trois dans le second département et deux dans le dernier.

* 10 Article L. 337 du code électoral.

* 11 Décision n° 2003-468 DC du 3 avril 2003 sur la loi relative à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques.

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