EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er
(art. L. 112-1 du code de la mutualité)
Possibilité pour les mutuelles de moduler le niveau des prestations
selon le professionnel de santé consulté

Objet : Cet article vise à autoriser une mutuelle à instaurer des différences dans le niveau des prestations qu'elle verse à ses adhérents lorsque ceux-ci recourent à un professionnel de santé qui a conclu avec elle une convention.

I - Le dispositif proposé

? Le problème : une distorsion juridique, au sein des organismes complémentaires d'assurance maladie, entre les mutuelles, d'une part, et les institutions de prévoyance et les sociétés s'assurance, d'autre part.

Le chapitre II du livre I er du code de la mutualité fixe les principes mutualistes. L'article L. 112-1, au début de ce chapitre, encadre notamment la capacité des mutuelles à moduler, d'une part, les cotisations demandées à leurs adhérents, d'autre part, le niveau des prestations qu'elles leur fournissent.

Ainsi, le dernier alinéa de cet article n'autorise les mutuelles à instaurer de différences dans le niveau des prestations qu'en fonction des cotisations payées ou de la situation de famille des intéressés.

La Cour de cassation 14 ( * ) a interprété strictement cet alinéa, en estimant qu'une mutuelle ne peut instaurer une différence dans le niveau de ses prestations qui ne serait fonction ni des cotisations payées ni de la situation de famille des adhérents, par exemple en appliquant un protocole d'accord fixant des tarifs de remboursement distincts pour un même acte.

Or, rien dans le code des assurances ou dans le code de la sécurité sociale n'interdit aux sociétés d'assurances ou aux institutions de prévoyance d'instaurer une telle modulation des prestations selon le professionnel auquel s'est adressé l'adhérent. Par exemple, en ce qui concerne les institutions de prévoyance, l'article L. 931-2-2 du code de la sécurité sociale leur interdit seulement de pratiquer une différence en matière de cotisations ou de prestations qui serait fondée sur le sexe.

Ainsi, plusieurs organismes complémentaires ont fait usage de la possibilité qui leur est offerte de moduler les prestations et ont mis en place des « réseaux de soins » qui permettent de conclure une convention avec certains professionnels de santé.

? La proposition de loi initiale

L'article unique de la proposition de loi initiale complétait l'article L. 112-1 du code de la mutualité par un alinéa qui permettait aux mutuelles d'instaurer des différences dans le niveau des prestations lorsque l'assuré choisit de recourir à un professionnel de santé membre d'un réseau de soins ou avec lequel la mutuelle a conclu un contrat comportant des obligations en matière d'offre de soins.

? La commission des affaires sociales et l'Assemblée nationale ont souhaité aller plus loin que la stricte mise à égalité des organismes complémentaires en renvoyant à un encadrement des réseaux.

La rédaction adoptée par l'Assemblée nationale autorise une différence de prestations lorsque l'assuré choisit de recourir à un professionnel, établissement ou service de santé avec lequel la mutuelle a conclu une convention dans les conditions fixées à l'article L. 863-8 du code de la sécurité sociale, article nouveau inséré par l'article 2 de la présente proposition de loi.

II - Le texte adopté par la commission

Votre rapporteur estime que les différents organismes complémentaires doivent disposer des mêmes outils pour développer leurs politiques et leurs actions. Il revient alors à chacun d'entre eux de les utiliser d'une manière ou d'une autre : ainsi, Pro-BTP, qui est une institution de prévoyance, est membre d'un réseau de soins mais ne rembourse pas ses adhérents de manière différenciée selon le praticien consulté.

La récente décision du Conseil constitutionnel sur le projet de loi de sécurisation de l'emploi réaffirme clairement que le secteur de la complémentaire santé ne relève pas de la sécurité sociale et entre donc dans le champ de la liberté d'entreprendre et de la liberté contractuelle. Selon l'article 62 de la Constitution, les décisions du Conseil constitutionnel s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles.

Dans ces conditions, interdire aux mutuelles d'utiliser un outil qui est disponible pour les sociétés d'assurance et les IP constitue une rupture d'égalité qui ne se justifie pas par ailleurs. Si les mutuelles estiment que la modulation des remboursements est contraire à leurs valeurs, elles décideront de ne pas l'appliquer mais il ne revient pas au législateur d'imposer une telle décision.

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 2
(art. L. 863-8 [nouveau] du code de la sécurité sociale)
Encadrement des conventions entre les organismes complémentaires
et les professionnels, établissements et services de santé

Objet : Cet article vise à fixer les principes régissant les conventions conclues entre les organismes complémentaires et les professionnels, établissements et services de santé.

I - Le dispositif proposé

Cet article introduit un nouvel article L. 863-8 dans le code de la sécurité sociale ; il constitue l'article unique d'un nouveau chapitre III bis du titre VI du livre VIII du code ( paragraphe I ). Il s'applique aux conventions conclues ou renouvelées à compter de la date de promulgation de la loi ( paragraphe II ).

? Les principes que les conventions doivent respecter

Le nouvel article prévoit que les conventions conclues entre un organisme complémentaire (mutuelle, institution de prévoyance ou société d'assurance) et les professionnels, établissements ou services de santé, qui comportent des engagements relatifs aux garanties servies par l'organisme ou aux prestations et tarifs des professionnels, établissements et services, respectent plusieurs principes :

- le libre choix du professionnel, établissement ou service par le patient ;

- la fixation de critères objectifs, transparents et non discriminatoires pour l'adhésion des professionnels, établissements et services aux conventions ;

- l'interdiction de clauses d'exclusivité .

Les conventions peuvent être souscrites directement ou par l'intermédiaire d'un tiers, ce qui ouvre donc la possibilité aux organismes complémentaires de faire appel à une plateforme de services.

Elles concernent aussi bien les professionnels que les établissements et services de santé :

- le conventionnement avec les établissements de santé est ancien, il constitue d'ailleurs les prémisses des réseaux de soins. Ainsi, la MGEN a élaboré son conventionnement dès 1991 avec les établissements. Il permet la mise en oeuvre du tiers-payant et la contractualisation sur différents sujets, principalement les conditions d'hébergement du patient ;

- la notion de « service de santé » reste floue ; elle permet d'inclure un certain nombre d'offreurs de soins qui ne seraient ni un professionnel ni un établissement. Le terme est parfois utilisé dans le code de la santé publique : dans le titre consacré aux agences régionales de santé, une section s'intitule « Contractualisation avec les offreurs de services de santé » et, selon l'article L. 1435-3, les services de santé regroupent notamment « les réseaux de santé, les centres de santé, les pôles de santé et les maisons de santé ». La sixième partie du même code s'intitule « Etablissements et services » et comprend plusieurs chapitres relatifs aux réseaux de santé, à la chirurgie esthétique, aux centres de santé, aux maisons de santé, aux pôles de santé, aux centres et équipes mobiles de soins aux personnes en situation de précarité ou d'exclusion gérés par des organismes à but non lucratif et aux centres médicaux et équipes de soins mobiles du service de santé des armées. Pourraient éventuellement être incluse dans cette notion les services de santé scolaire, universitaire ou au travail.

? La situation des médecins

Il est en outre prévu que de telles conventions avec les médecins ne peuvent comporter de stipulations tarifaires relatives aux actes et prestations médicaux mentionnés aux articles L. 162-1-7 et L. 162-14-1 du code de la sécurité sociale :

- selon l'article L. 162-1-7, la prise en charge par l'assurance maladie de tout acte ou prestation est subordonnée à leur inscription sur une liste ; cet article constitue la base juridique de la classification commune des actes médicaux (CCAM) qui regroupe les actes techniques réalisés par les médecins et l'ancienne nomenclature générale des actes professionnels (NGAP) qui reste en vigueur pour les actes cliniques médicaux et les actes des chirurgiens-dentistes, des sages-femmes et des auxiliaires médicaux ;

- l'article L. 162-14-1 définit le contenu des conventions signées entre l'Uncam et différents professionnels de santé, dont les médecins.

Une convention intuitu personae entre un Ocam (ou une plateforme mandatée) et un médecin ne peut donc prévoir de stipulations tarifaires par rapport aux actes et prestations médicaux pratiqués par ce dernier. Cette disposition spécifique, ajoutée à l'Assemblée nationale pour répondre à certaines demandes syndicales, ne devrait pas a priori empêcher les organismes complémentaires de signer, via l'Unocam, des conventions négociées par l'Uncam et qui peuvent prévoir un remboursement différencié selon le médecin choisi par le patient. Par exemple, dans le cadre de l'avenant n° 8 à la convention médicale signé en octobre 2012, les Ocam se sont engagées à « prendre en charge de manière privilégiée les dépassements d'honoraires des médecins adhérant au contrat d'accès aux soins, lorsque le contrat complémentaire prévoit une prise en charge des dépassements ». Cette disposition concerne en fait les relations contractuelles entre l'Ocam et son adhérent, non celles éventuelles entre l'Ocam et le professionnel de santé.

? L'information des adhérents

Enfin, le nouvel article L. 863-8 prévoit que les Ocam fournissent une information complète aux assurés et adhérents sur l'existence du conventionnement éventuel, ses caractéristiques et son impact sur leurs droits.

II - Le texte adopté par la commission

L'article 2 de la proposition de loi pose les bases des modalités de fonctionnement des réseaux de soins, alors que ceux-ci ne sont aujourd'hui encadrés par aucune disposition législative ou réglementaire spécifique.

A l'initiative de son rapporteur, la commission a approfondi les principes de fonctionnement et le champ des réseaux de soins :

- les Ocam pourront contractualiser avec l'ensemble des professions de santé, mais les conventions ne pourront pas comporter de clauses tarifaires liées aux actes et prestations fixés par l'assurance maladie pour les professions où la dépense de l'assurance maladie est majoritaire (médecins, infirmiers, sages-femmes, masseurs-kinésithérapeutes...). En pratique, les conventions pourront donc inclure des clauses tarifaires pour les chirurgiens-dentistes, les opticiens et les audioprothésistes ;

- les conventions avec les médecins ne pourront pas avoir pour effet une modulation du remboursement aux assurés. Les professionnels de santé, où l'assurance maladie reste majoritaire en termes de dépenses, ne peuvent que rarement pratiquer des dépassements d'honoraires, à l'exception notable des médecins de secteur 2. La question de la modulation du remboursement ne se pose donc quasiment pas pour les autres professionnels que les médecins : les Ocam « complètent » le remboursement de la sécurité sociale dans le cadre du tarif conventionnel de l'assurance maladie. Or, votre rapporteur souhaite privilégier l'approche de l'avenant n° 8 à la convention médicale, c'est-à-dire une régulation des dépassements par la convention nationale. Telle est la motivation d'un alinéa spécifique aux médecins ;

- les conventions entre les Ocam et les professionnels ne pourront pas entraîner de discrimination dans la délivrance des soins ;

- les réseaux de soins devront être ouverts à tous les professionnels qui remplissent les conditions fixées, sauf pour l'optique où la démographie des professionnels justifie à ce stade d'utiliser cet outil de régulation des dépenses des Ocam. Sans un réseau fermé, il est difficile aux organismes de disposer de suffisamment de poids pour que les opticiens acceptent une négociation de leurs tarifs, ce qui permet in fine une diminution des restes à charge des patients.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 3
Rapport du Gouvernement au Parlement

Objet : Cet article demande la remise par le Gouvernement au Parlement d'un rapport annuel sur les conventions conclues entre les organismes complémentaires et les professionnels, établissements et services de santé.

I - Le dispositif proposé

Cet article prévoit la remise au Parlement d'un rapport par le Gouvernement tous les ans pendant trois ans, à compter du 30 juin 2013.

Sur la base des données transmises par les organismes complémentaires, ce rapport « porte un bilan des conventions souscrites » entre les Ocam et les professionnels, établissements et services de santé, « notamment sur les garanties et prestations qu'elles comportent et leur bénéfice pour les patients, notamment en termes de reste à charge, et leur impact sur les tarifs et prix [ainsi] négociés ».

II - Le texte adopté par la commission

Souvent réticente devant la multiplication des demandes de rapport, la commission estime que celui sur les réseaux de soins est particulièrement utile.

A l'initiative de son rapporteur, elle a simplifié la rédaction de l'article, en renvoyant à l'article L. 863-8 du code de la sécurité sociale, et a élargi le champ du rapport à l'évaluation des conséquences de la mise en place de ces réseaux en termes d'accès aux soins des patients.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

*

Enfin, l'intitulé de la proposition de loi évoque les « réseaux de soins créés par les mutuelles », alors que l'article 2 de la proposition concerne les conventionnements mis en place par l'ensemble des organismes complémentaires.

A l'initiative de son rapporteur, la commission a adopté un amendement pour simplifier en conséquence l'intitulé de la proposition de loi.


* 14 Arrêt n° 631 du 18 mars 2010, deuxième chambre civile, pourvoi n° 09-10.241.

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