EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Votre commission est saisie de la proposition de loi n° 866 (2012-2013) tendant à renforcer la lutte contre la contrefaçon, déposée par notre collègue Richard Yung et les membres du groupe socialiste et apparentés le 30 septembre 2013. Le Gouvernement a engagé la procédure accélérée sur ce texte dès le 2 octobre 2013.

Ce texte reprend pour l'essentiel le contenu de la proposition de loi n° 525 (2010-2011) tendant à renforcer la lutte contre la contrefaçon, déposée le 17 mai 2011 par notre ancien collègue Laurent Béteille. Cette proposition de loi avait fait l'objet d'un rapport de notre collègue Richard Yung, alors membre de votre commission, et d'un texte adopté le 12 juillet 2011 par votre commission 1 ( * ) . Elle aurait ensuite dû être inscrite à l'ordre du jour du Sénat en novembre 2011 si les circonstances politiques du moment n'en avaient décidé autrement.

Le texte de 2011 demeure donc à ce jour en attente d'inscription à l'ordre du jour. Votre rapporteur en avait d'ailleurs été désigné rapporteur en remplacement de notre collègue Richard Yung.

Aussi, afin de relancer cette initiative, alors que le Gouvernement est pleinement engagé dans la lutte contre la contrefaçon, notre collègue Richard Yung, également président du comité national anti-contrefaçon (CNAC),
a-t-il souhaité déposer une nouvelle proposition de loi, bénéficiant du soutien de Mme Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur.

L'intégralité des articles du texte adopté par votre commission en 2011 se retrouve, quasiment sans modification, au sein de seize articles de la présente proposition de loi (articles 1 er à 11 et 16 à 20), complétée par quatre articles qui comprennent des dispositions nouvelles (articles 12 à 15).

La présente proposition de loi, ainsi que la précédente, se situe dans le prolongement des travaux d'information menés par notre ancien collègue Laurent Béteille et par notre collègue Richard Yung en 2010 et 2011, destinés à évaluer la loi n° 2007-1544 du 29 octobre 2007 de lutte contre la contrefaçon trois ans après son adoption 2 ( * ) .

À caractère essentiellement technique, cette proposition de loi ne constitue pas une vaste réforme de la législation relative à la lutte contre la contrefaçon, laquelle a déjà été opérée par la loi du 29 octobre 2007 précitée. Elle comporte plutôt une série d'adaptations et d'ajustements au regard de la pratique constatée depuis, une meilleure mise en cohérence des dispositifs régissant la protection des différents droits de propriété intellectuelle, ainsi que des dispositions destinées à renforcer les moyens d'action des services des douanes.

S'agissant des dispositions de la présente proposition de loi qui reprennent les dispositions équivalentes du texte adopté en 12 juillet 2011, votre commission a souhaité s'en tenir à la position qu'elle a déjà adoptée, sous réserve de difficultés ponctuelles apparues lors des auditions de votre rapporteur et qui justifiaient de revoir le texte adopté en 2011.

I. MIEUX SOUTENIR LA LUTTE CONTRE LA CONTREFAÇON : UNE EXIGENCE ÉCONOMIQUE DANS L'INTÉRÊT DES ENTREPRISES ET DES CONSOMMATEURS

A. LA CONTREFAÇON, UN FLÉAU MODERNE DEVENU PROTÉIFORME

Alors que l'image traditionnelle de la contrefaçon est attachée aux produits de luxe, engendrant des conséquences dommageables de nature essentiellement économique, la contrefaçon devient aujourd'hui protéiforme. Elle porte atteinte désormais à la santé et la sécurité des consommateurs et plus seulement aux droits de propriété industrielle des entreprises.

Selon les personnes entendues par votre rapporteur, depuis la loi du 29 octobre 2007, le phénomène de la contrefaçon s'est en effet amplifié, s'est davantage internationalisé, en lien avec des réseaux de criminalité organisée, et s'est diversifié, changeant en partie de nature et avec le recours à internet.

1. Un coût économique majeur

La contrefaçon constitue d'abord un coût économique majeur pour les entreprises françaises, pour le savoir-faire français et pour l'emploi.

Par définition, il est difficile d'établir des chiffres, mais selon les représentants des entreprises entendus en audition, la contrefaçon coûterait de l'ordre de 35 000 emplois par an à la France. Selon l'OCDE, l'impact financier mondial de la contrefaçon s'élèverait à 250 milliards de dollars. Certains avancent même le chiffre de 1000 milliards de dollars 3 ( * ) . En tout cas, il est certain que l'impact économique de la contrefaçon est lourd et massif.

La propriété intellectuelle constitue donc un enjeu de compétitivité des entreprises, qui ne doit pas être sous-estimé. Le coût de la contrefaçon pèse sur la compétitivité des entreprises françaises.

Ces dernières années, selon les services des douanes, le phénomène de la contrefaçon s'est nettement amplifié et davantage internationalisé, profitant du développement du commerce mondial, en particulier avec des pays émergents.

2. Des liens croissants avec le crime organisé

Selon les informations communiquées à votre rapporteur, les flux internationaux de contrefaçon semblent de plus de plus en lien avec des organisations criminelles transnationales, qui trouvent dans la contrefaçon un trafic plus rentable, moins risqué pénalement et financièrement et encore moins poursuivi par les États que le trafic de drogue par exemple.

La contrefaçon représente aujourd'hui un problème de criminalité organisée pour les pouvoirs publics, et plus seulement un coût économique pour les entreprises qui en sont victimes.

3. Une menace pour la santé et la sécurité des consommateurs

Les marchandises faisant l'objet de contrefaçon ont elles aussi évolué, en se diversifiant considérablement.

Autrefois, on appréhendait la question de la contrefaçon à travers le seul prisme des produits de luxe, ce qui expliquait sans doute une certaine tolérance à l'égard du phénomène, au motif que les entreprises qui en étaient victimes devaient avoir les moyens de le supporter.

Aujourd'hui les choses ont changé. Ce ne sont pas seulement des sacs à main ou des vêtements de marque qui sont contrefaits, mais ce sont d'abord des pièces détachées automobiles, des médicaments, des produits cosmétiques, des produits pour le bâtiment ou encore des jouets... Ce type de contrefaçon, qui se développe rapidement, soulève une question nouvelle, celle de la menace à la sécurité et à la santé des consommateurs qui, parfois à leur insu, peuvent utiliser de tels produits.

Cet état de fait renforce d'ailleurs la nécessité de pouvoir assurer, dans l'intérêt des consommateurs, la traçabilité des produits mis à la vente, dans tous les secteurs et pas seulement en matière alimentaire.

L'urgence de la lutte contre la contrefaçon demeure donc plus que jamais d'actualité.


* 1 Le dossier législatif de cette proposition de loi est consultable à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl10-525.html .

* 2 Rapport d'information n° 296 (2010-2011) sur l'évaluation de la loi n° 2007-1544 du 29 octobre 2007 de lutte contre la contrefaçon. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/notice-rapport/2010/r10-296-notice.html .

* 3 Chiffres communiqués par l'Institut national de la propriété industrielle (INPI).

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