Rapport général n° 156 (2013-2014) de M. Yvon COLLIN et Mme Fabienne KELLER , fait au nom de la commission des finances, déposé le 21 novembre 2013

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N° 156

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2013

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances pour 2014 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. François MARC,

Sénateur,

Rapporteur général.

TOME III

MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

(Seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 4

AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT

COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS : PRÊTS À DES ÉTATS ÉTRANGERS

Rapporteurs spéciaux : M. Yvon COLLIN et Mme Fabienne KELLER

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Marini , président ; M. François Marc , rapporteur général ; Mme Michèle André , première vice-présidente ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Jean-Pierre Caffet, Yvon Collin, Jean-Claude Frécon, Mmes Fabienne Keller, Frédérique Espagnac, MM. Albéric de Montgolfier, Aymeri de Montesquiou, Roland du Luart , vice-présidents ; MM. Philippe Dallier, Jean Germain, Claude Haut, François Trucy , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Jean Arthuis, Claude Belot, Michel Berson, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Joël Bourdin, Christian Bourquin, Serge Dassault, Vincent Delahaye, Francis Delattre, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Éric Doligé, Philippe Dominati, Jean-Paul Emorine, André Ferrand, François Fortassin, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Charles Guené, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Roger Karoutchi, Yves Krattinger, Dominique de Legge, Marc Massion, Gérard Miquel, Georges Patient, François Patriat, Jean-Vincent Placé, François Rebsamen, Jean-Marc Todeschini, Richard Yung .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 1395, 1428 à 1435 et T.A. 239

Sénat : 155 (2013-2014)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOS RAPPORTEURS SPÉCIAUX

Vos rapporteurs spéciaux regrettent qu'en 2012, la diminution de l'APD mondiale se soit poursuivie , passant de 133,5 milliards de dollars à 125,6 milliards, et de 0,31 % du revenu national brut (RNB) à 0,29 %.

Ils s'inquiètent également que le rapport des Nations Unies sur les objectifs du millénaire mette en avant plusieurs chiffres alarmants - en 2015, plus de 600 millions de personnes dans le monde n'auront toujours pas accès à une eau potable améliorée et près d'un milliard vivront avec moins de 1,25 dollar par jour - et indique qu'en Afrique subsaharienne, aucun des huit objectifs ne sera atteint d'ici à 2015.

S'agissant du montant de l'APD française pour 2014 - tous outils confondus - ils se réjouissent des prévisions de hausse pour 2014 (plus un milliard environ par rapport à 2012) , mais émettent quelques réserves quant à la réalisation de ces prévisions , en rappelant que le chiffre pour 2012 a été revu à la baisse de 347 millions d'euros et celui de 2013 de 63 millions d'euros.

Concernant les crédits de la mission eux-mêmes, les AE sont en forte augmentation du fait de la reconstitution de deux fonds multilatéraux de développement, tandis que les CP sont en diminution (-178 millions d'euros). Cette diminution est en partie compensée par l'augmentation de la contribution à l'APD provenant des financements innovants (+ 63 millions d'euros) : ainsi, les tarifs de la taxe de solidarité sur les billets d'avion, qui étaient restés inchangés depuis sa création, sont relevés, de même que la part du produit de la taxe sur les transactions financières affectée au développement. Vos rapporteurs spéciaux appellent de leur voeu une généralisation de ce financement innovant au niveau mondial - malgré « l'échec » du sommet de Los Cabos - ou au niveau communautaire. Ils rappellent à ce titre l'initiative de onze états européens sur le sujet.

Sur les crédits de la mission, vos rapporteurs spéciaux soulignent que les évolutions les plus significatives sont essentiellement dues à des contraintes externes, comme le calendrier de reconstitution de fonds ou de remises de dettes.

S'agissant de l'objectif de consacrer 0,7 % de notre RNB au développement d'ici 2015, il apparaît évident à vos rapporteurs spéciaux qu'il ne sera pas atteint. Ils considèrent donc qu'il faut que la France adopte une trajectoire précise pour atteindre cet objectif. Ils se réjouissent néanmoins que notre pays, contrairement à certains de ses partenaires européens, n'ait pas appliqué de coupes drastiques dans sa politique d'aide publique au développement.

Ils se réjouissent également de la croissance de la part de l'aide bilatérale dans l'APD française, laquelle est nettement plus visible pour le rayonnement international de notre pays.

Vos rapporteurs spéciaux estiment qu'il serait souhaitable de desserrer la contrainte pesant sur l'AFD du faut du « ratio grand risque » et invitent le Gouvernement à étudier les différentes pistes le permettant, notamment en jouant sur la « ressource à condition spéciale » (RCS), de renforcer les fonds propres de l'AFD.

Ils se félicitent que, dans le prolongement du travail de concertation mené dans le cadre des « assises du développement, le comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) se soit réuni le 31 juillet dernier, alors que sa dernière réunion datait de 2009, et de la perspective de l'examen de la première loi de programmation de l'APD. Ils émettent le souhait que ces initiatives dans le domaine de l'APD augurent d'une volonté ambitieuse du Gouvernement en cette matière.

Enfin, vos rapporteurs spéciaux regrettent la diminution des crédits sur la « Réserve pays émergents », outil fondamental pour la présence industrielle française dans les pays émergents .

L'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 80 % des réponses étaient parvenues à vos rapporteurs spéciaux en ce qui concerne la mission « Aide publique au développement ».

Vos rapporteurs spéciaux tiennent à saluer le travail mené par l'administration, et auquel ils ont été associés, de refonte du document de politique transversale (DPT) sur la politique française en faveur du développement.

PREMIÈRE PARTIE - LES GRANDES TENDANCES DE L'APD INTERNATIONALE ET FRANÇAISE

L'objectif final de la politique d'aide publique au développement (APD) consiste à réduire la pauvreté dans le monde, en favorisant le développement économique et humain des pays inscrits par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) sur la liste des pays pouvant bénéficier de cette aide. Il s'agit en particulier de concourir à l'atteinte des « Objectifs du Millénaire pour le développement » des Nations Unies, ainsi que de protéger les biens publics mondiaux, tout en améliorant l'efficacité de l'aide ainsi apportée. Cette politique contribue également au rayonnement international de la France.

La mission « Aide publique au développement » constitue la principale des missions budgétaires contribuant à la politique menée en faveur des pays en développement. Elle est dotée par le présent projet de loi de finances (PLF) de 4,207 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de 2,942 milliards en crédits de paiement (CP), soit près de 30 %, en CP, des dépenses totales de l'APD française prévues pour 2014 (10,3 milliards d'euros). Par rapport à la LFI pour 2013, cette dotation pour 2014 correspond à une augmentation des AE de 73 %, et à une diminution des CP de 6 %.

I. L'ÉVOLUTION DE L'APD INTERNATIONALE

A. UNE BAISSE, POUR LA DEUXIÈME ANNÉE CONSÉCUTIVE

1. Un volume d'aide à la baisse en 2012

En 2011, le montant total de l'aide publique au développement des pays du comité d'aide au développement (CAD) de l'OCDE était en baisse pour la première fois depuis 1997, abstraction faite des opérations exceptionnelles d'allègement de dette.

En 2012, cette diminution s'est poursuivie. D'après les données publiées par le CAD, en avril dernier, les apports nets (c'est-à-dire déduction faite des remboursements de prêts) d'aide publique au développement (APD) versés par les membres en 2012 se sont chiffrés à 125,6 milliards de dollars (contre 133,5 milliards de dollars en 2011), ce qui représente 0,29 % de leur revenu national brut (RNB) cumulé (contre 0,31 % en 2011).

Évolution depuis 2003 de l'APD nette totale des pays du CAD

(en millions de dollars)

Source : Commission des finances du Sénat à partir des données du CAD de l'OCDE

N.B. Les données en dollars constants tiennent compte de l'inflation et des fluctuations des taux de change.

Ce repli s'explique à nouveau par les conséquences de la crise financière et des turbulences dans la zone euro ; ainsi Angel Gurria, secrétaire général de l'OCDE, indiquait en avril que « la crise financière et les turbulences de la zone euro ont amené les gouvernements de nombreux pays à appliquer des mesures d'austérité et à amputer les budgets alloués à l'aide ».

Ainsi, la contribution de l'Espagne est en baisse de près de 50 % (soit une diminution de 2 milliards de dollars), après une baisse en 2011 de plus de 30 %. Celle de l'Italie diminue de près de 35 % (soit une diminution de 1,5 milliard de dollars), quand celles du Portugal, de la Belgique et de la Grèce baissent également sensiblement, de 13 % à 17 %.

À l'inverse, neuf pays ont accru leur aide : la Corée (+ 17,6 %), le Luxembourg (+ 9,8 %), l'Australie (+ 9,1 %), l'Autriche (+ 6,1 %), l'Islande (+ 5,7 %), la Suisse (+ 4,5 %), le Canada (+ 4,1 %), la Nouvelle-Zélande (+ 3 %) et la Norvège (+ 0,4 %).

Si l'on s'intéresse à la composition de l'APD, on observe que l'aide bilatérale affectée à des projets et programmes de développement - c'est-à-dire hors allègements de dette et aide humanitaire - a progressé de plus de 2 % (+ 1,64 milliard de dollars). À l'inverse, la baisse la plus importante provient des contributions aux institutions multilatérales, qui diminuent de 2,9 milliards de dollars. L'aide humanitaire et les dons nets au titre des remises de dettes diminuent respectivement de 1,4 milliard et de 2,7 milliards de dollars.

Composition de l'APD nette émanant des pays membres du CAD

(en milliards de dollars constants de 2011)

Source : Commission des finances du Sénat à partir des données du CAD de l'OCDE

L'APD bilatérale au profit de l'Afrique subsaharienne s'est élevée à 26,2 milliards de dollars, soit une diminution importante de 7,9 % en dollars constants par rapport à 2011. L'aide au continent africain dans son ensemble a été réduite de 9,9 %, pour atteindre 28,9 milliards de dollars, après une année 2011 marquée par accroissement de l'effort consenti au profit de l'Afrique du Nord dans le contexte du « printemps arabe ».

Les apports nets d'APD bilatérale au profit du groupe des pays les moins avancés (PMA) ont reculé de 12,8 % en dollars constants, pour s'établir à 26 milliards de dollars.

2. Les évolutions anticipées

À plus long terme, selon les estimations de l'OCDE qui s'appuient sur les résultats d'un questionnaire préliminaire envoyé aux États membres de l'organisation internationale, l'aide programmable par pays (APP) pourrait augmenter (de 9 % en termes réels) en 2013 , du fait essentiellement des majorations prévues en Australie, en Allemagne, en Italie, en Suisse et au Royaume-Uni, ainsi que du fait d'augmentations des prêts consentis par des organismes multilatéraux.

Entre 2014 et 2016, le montant de l'aide devrait en revanche se stabiliser.

Ces perspectives ne permettront pas que l'objectif de volume total d'aide publique au développement soit atteint. En 2005, les pays développés s'étaient en effet engagés à intensifier leur effort d'APD, d'abord au sommet du G8 qui s'était tenu à Gleneagles, puis lors du sommet du « Millénaire + 5 » des Nations Unies, à New York. En vertu des engagements pris lors de ces sommets, et d'autres engagements souscrits par ailleurs, il s'agissait de porter l'aide de 80 milliards de dollars en 2004 à 130 milliards de dollars en 2010, aux prix constants de 2004. Quelques États ont revu depuis leurs objectifs à la baisse, mais l'essentiel demeure.

Entre 2004 et 2012, l'APD des pays du CAD a augmenté de près de 30 milliards de dollars. Toutefois, les objectifs de 2005 impliquent une hausse de 49 milliards de dollars, on constate donc un écart de 19 milliards de dollars entre les résultats atteints et les objectifs.

3. Le respect des objectifs du millénaire pour le développement

Le rapport des Nations Unies de 2013 sur le suivi des objectifs du millénaire pour le développement (OMD) souligne plusieurs avancées importantes : les cibles relatives à la réduction de moitié de la pauvreté extrême et de la faim (OMD 1) et à la réduction de moitié de la proportion de personnes qui n'ont pas d'accès disponible à des sources d'eau potable améliorées (OMD 7) ont été atteintes dès 2010, soit cinq ans avant l'échéance de 2015.

Les conditions de vie de plus de 200 millions de personnes vivant dans des bidonvilles ont été améliorées (OMD 7), le climat commercial a continué de s'améliorer pour les pays en développement et les pays les moins avancés (OMD 8) et des progrès importants ont été réalisés dans la lutte contre le paludisme et la tuberculose (OMD 6).

Malgré ces avancées, le rapport met également en avant plusieurs chiffres qui restent alarmants. Les projections indiquent en effet qu'en 2015, plus de 600 millions de personnes dans le monde n'auront toujours pas accès à une eau potable améliorée et près d'un milliard vivront avec moins de 1,25 dollar par jour.

Par ailleurs, la faim continue d'être un défi mondial non résolu, la durabilité de l'environnement est sérieusement menacée et les actuelles diminutions de la mortalité maternelle et infantile demeurent très éloignées de la cible de 2015. Si le nombre d'enfants non scolarisés a été réduit de moitié entre 2000 et 2011, cette réduction s'est beaucoup ralentie et la cible d'une éducation primaire pour tous d'ici à 2015 ne sera certainement pas atteinte.

Le rapport rappelle que l'attention des pourvoyeurs de l'aide mondiale doit aussi porter sur les disparités faisant souvent obstacle à plus d'améliorations. En effet, les inégalités entre zones rurales et urbaines persistent, les enfants les plus pauvres sont plus susceptibles d'être non scolarisés et l'inégalité des sexes se maintient au niveau du pouvoir décisionnel.

Par ailleurs, le rapport 2013 souligne la difficulté de dresser un bilan exhaustif de l'évolution des OMD tant les situations intra et inter-pays suivent des trajectoires différentes. L'analyse de l'atteinte des OMD doit notamment tenir compte à la fois de la situation de départ des pays et des trajectoires amorcées. Enfin, les statistiques nationales cachent le plus souvent des inégalités importantes et négligent l'existence de poches de pauvreté.

L'Afrique subsaharienne est de loin la région où les progrès réalisés sont les plus insuffisants au regard des objectifs de 2015. D'après les projections actuelles, aucun des huit objectifs ne sera atteint d'ici à 2015 dans cette zone géographique malgré les progrès déjà réalisés.

L'Océanie est la deuxième région la plus en retard dans la réalisation de la plupart des objectifs. Il est aussi probable qu'aucun des huit objectifs ne sera atteint d'ici à 2015 dans cette région.

A contrario, l'Asie de l'est, suivi par l'Asie du sud-est et l'Afrique du nord ont réalisé des progrès très importants. Dans ces régions, la plupart des objectifs seront atteints en 2015 si les progrès se poursuivent.

Si la majorité des OMD en Amérique latine et aux Caraïbes est en passe d'être réalisée, les objectifs en termes de scolarisation et de santé maternelle doivent faire l'objet d'une attention particulière.

Synthèse des avancées dans l'atteinte des OMD par zone géographique et par OMD

Source : Tableau de suivi des OMD 2013, Nations Unies

B. LES EFFORTS INDIVIDUELS DES ÉTATS

1. Des efforts individuels des États...

Parmi les principaux donneurs, en volume, les États-Unis conservent leur premier rang, avec un apport net d'APD s'élevant à 30,5 milliards de dollars courants en 2012, malgré une diminution annuelle, en termes réels (hors variation des prix et des taux de change) de 2,8 %. Entre 2011 et 2012, le ratio APD/RNB américain est passé de 0,21 % à 0,19 %.

Avec une APD de plus de 12 milliards de dollars, la France demeure à la quatrième place , devancée par le Royaume Uni (13,7 milliards de dollars) - qui dépasse cette année l'Allemagne (13,1 milliards de dollars) - mais encore devant le Japon (10,5 milliards de dollars).

APD des pays du CAD en 2012

(en millions de dollars)

Source : Commission des finances du Sénat à partir de données de l'OCDE

En valeurs relatives, c'est-à-dire au regard du ratio APD/RNB, les cinq principaux donneurs, en 2012, ont été, dans l'ordre, le Luxembourg (qui gagne deux places), la Suède, la Norvège, le Danemark et les Pays-Bas.

Avec un ratio de 0,46 %, la France se classe dixième , légèrement au-dessus de la performance moyenne des États du CAD (0,43 %). Les États-Unis sont à la dix-neuvième place.

APD des pays du CAD en 2012

(en pourcentage du RNB)

Objectif de 0,7 %

Source : Commission des finances du Sénat à partir de données de l'OCDE

2. ...qui ne permettent pas d'atteindre les objectifs

En 2005, les États membres du CAD appartenant à l'Union européenne s'étaient engagés à consacrer, en 2010, 0,56 % de leur RNB cumulé à des apports nets d'APD et, chacun, au moins 0,51 % de son RNB. Il s'agissait d'un objectif intermédiaire pour atteindre l'objectif final de 0,7 % du RNB en 2015.

Toujours selon les données de l'OCDE disponibles pour l'année 2012, outre les cinq États précités (le Luxembourg, la Suède, la Norvège, le Danemark et les Pays-Bas), qui consacrent à l'APD plus de 0,7 % de leur RNB, le Royaume-Uni, qui a atteint le seuil de 0,56 %, et la Finlande (0,53 %) sont également au-dessus de l'objectif de 0,51 %. Avec un montant d'APD qui s'élève à 0,46 %, la France n'atteint pas le seuil de 0,51 %.

II. L'ÉVOLUTION DE L'APD FRANÇAISE

A. LE MONTANT DE L'APD FRANÇAISE

1. Un niveau d'APD en légère hausse en 2012

L'APD française peut être appréhendée au travers de quatre « cercles concentriques » : la mission « Aide publique au développement », les crédits de l'ensemble des missions budgétaires concourant à l'aide au développement (à la fois dans et hors le budget général), les crédits publics (qui incluent la coopération décentralisée) et enfin les montants notifiés au CAD.

Sur la base de ces dotations, comme on l'a déjà vu ci-dessus en évoquant l'évolution internationale, la France est demeurée en 2012 à la quatrième place des États contributeurs les plus importants par le volume de leur APD, après les États-Unis, le Royaume Uni et l'Allemagne, mais avant, dans cet ordre, le Japon, le Canada et les Pays-Bas. Elle occupait la deuxième place en 2009.

L'APD versée par notre pays en 2012 s'est élevée à 12,106 milliards de dollars, soit 9,4 milliards d'euros.

APD de la France entre 2000 et 2012

Source : Commission des finances du Sénat à partir de données de l'OCDE

On retrouve ici le paradoxe soulevé par vos rapporteurs spéciaux lors de l'examen de la loi de règlement pour 2012 : le niveau de l'APD française diminue en dollars (il était de 12,997 milliards en 2011), mais augmente en euros (il était de 9,33 milliards en 2011) .

En termes de pourcentage du RNB, le montant de notre aide est stable, à 0,46 %. Il était de 0,5 % en 2010. Sur ce plan, la France est classée, dans l'ordre, derrière le Luxembourg, la Suède, la Norvège, le Danemark, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la Finlande, l'Irlande et la Belgique, et devant la Suisse, l'Allemagne et l'Australie.

2. Les perspectives pour 2013 et 2014

Les prévisions de l'évolution de l'APD pour 2013 et 2014, retracées dans le document de politique transversale (DPT) sur la politique française en faveur du développement annexé au projet de loi de finances (PLF) pour 2014, prévoient une progression de 541 millions d'euros en 2013 et de 428 millions d'euros en 2014, pour atteindre 10,327 milliards d'euros .

Prévisions d'APD 2011-2015 par type d'activité

(en millions d'euros)

2012

2013

2014

Aide bilatérale

6 169

6 594

7 158

Coopération technique

1 595

1 491

1 485

Aide-projet

2 393

3 320

2 984

Aide-programme

168

167

129

Annulation de dettes et refinancements

1 080

607

1 579

Divers

933

1 008

981

Aide multilatérale

3 190

3 305

3 169

Aide européenne

1 626

1 715

1 731

dont FED

576

689

711

dont budget communautaire

1 050

1 026

1 020

Aide multilatérale hors UE

1 563

1 591

1 438

TOTAL (*)

9 358

9 899

10 327

Source : Direction générale du Trésor

L'aide projet comprend notamment les prêts bilatéraux de l'AFD et de la RPE.

L'aide programme inclut les dotations des programmes 209 et 110 aux fonds fiduciaires considérés comme bilatéraux par le CAD.

La progression attendue entre 2012 et 2014 devrait provenir d'une augmentation importante de l'aide bilatérale (+ 989 millions d'euros) qui ferait plus que compenser une légère baisse de l'aide multilatérale (- 21 millions d'euros).

Ces évolutions se traduiront notamment par une augmentation des aides projets (+ 591 millions d'euros), des annulations de dettes et des refinancements (+ 499 millions d'euros) et, en matière d'aide multilatérale, l'augmentation du Fonds européen de développement (FED) (+ 135 millions d'euros).

Vos rapporteurs spéciaux se réjouissent de ces prévisions, mais soulignent que l'expérience montre que l'exécution n'est pas toujours conforme aux prévisions , en partie car elles dépendent d'éléments soumis à un calendrier externe, comme celui des traitements de dettes pratiqués dans le cadre du Club de Paris au bénéfice des pays éligibles.

Ainsi, depuis l'an dernier, le chiffre pour 2012 a été revu à la baisse de 347 millions d'euros, celui de 2013 de 63 millions d'euros et celui pour 2014 de 204 millions d'euros.

D'autre part, vos rapporteurs spéciaux rappellent que l'APD comprend certaines dépenses dont la comptabilisation est critiquable :

- l'aide versée à Wallis-et-Futuna, qui ne correspond pas à l'acception commune de l'aide au développement visant normalement les États étrangers, et l'APD à Mayotte (soit 450 millions d'euros en 2010) qui est restée incluse dans le montant français d'APD jusqu'à son accession au statut de département à compter du 1 er janvier 2011 ;

- l'aide aux réfugiés originaires des pays en développement.

Des interrogations demeurent aussi sur l'inscription en APD des frais relatifs à l'écolage des étudiants ressortissants de pays en développement, inclus dans les frais d'écolage de l'ensemble des étudiants étrangers en France (672 millions d'euros en 2010).

A l'inverse, certaines dépenses publiques qui concourent effectivement au développement ne sont pas comptabilisables en APD selon les normes du CAD, notamment la dépense fiscale assise sur les dons aux organisations de solidarité internationale (OSI), qui sont évalués entre 600 et 800 millions d'euros par an, les mécanismes de garantie (167 millions d'euros en 2011), la sécurisation de l'aide alimentaire et une part de la coopération militaire et de défense.

3. Le détail des prévisions d'APD française en 2014

Comme cela a été indiqué précédemment, l'APD française devrait atteindre 10,327 milliards d'euros en 2014. Ce montant résulte de la somme des versements de l'État assurés à partir du budget général et en dehors de celui-ci, de la coopération décentralisée mise en oeuvre par les collectivités territoriales, d'autres contributions d'organismes publics, parmi lesquelles celles de l'Agence française de développement (AFD) à partir de ses ressources propres, enfin du produit attendu de la taxe de solidarité sur les billets d'avion et d'une partie de la taxe sur les transactions financières.

Le tableau ci-après présente cette décomposition pour 2014. Vos rapporteurs spéciaux soulignent à nouveau que les décalages avec l'exécution peuvent être importants.

Ventilation par grandes masses des prévisions d'APD française en 2014

(en millions d'euros)

2013

2014

Aide publique au développement résultant des crédits budgétaires

7 513

6 938

- dont mission « Aide publique au développement » (hors aide à effet de levier)

2 824

2 622

- dont prêts AFD (hors impact des refinancements)

2 549

2 220

- dont autres

(y compris écolage et réfugiés)

2 140
(1 101)

2 097
(1 093)

Opérations de prêts (RPE et FMI)

195

149

- dont prêts RPE

65

71

Quote-part de l'APD financée sur le budget communautaire

1 026

1 020

Annulations de dettes et refinancements nets

607

1 579

Total État

9 341

9 686

Taxe de solidarité sur les billets d'avion

185

208

Taxe sur les transactions financières

60

100

Collectivités territoriales

65

70

Autres (agences de l'eau, ressources propres AFD)

248

262

Total APD

9 899

10 327

Total APD (en % du RNB)

0,47 %

0,48 %

Source : DPT « Politique française en faveur du développement » annexé au PLF

a) Des ressources budgétaires en baisse

Le document de politique transversale (DPT) « Politique française en faveur du développement » joint au projet de loi de finances pour 2014, fait apparaître que plus de 15 programmes, dont les deux programmes de la mission « Aide publique au développement », concourent, à la politique d'aide publique au développement.

L'effort global du budget général représente 6,938 milliards d'euros en CP , soit 67 % des apports de la France en APD estimés pour l'année, contre 7,513 millions d'euros en 2013.

La mission « Aide publique au développement », pour sa part, correspond à 38 % de ces crédits budgétaires et 25 % des dépenses totales d'APD. La mission « Recherche et enseignement supérieur », avec une prévision de 1,14 milliard d'euros en faveur de cette aide, représente 16 % de ces crédits budgétaires et 11 % de l'APD totale.

b) Une hausse de la contribution nette à l'APD française des opérations de prêts et de traitements de dettes  mais une baisse des décaissements
(1) Les prêts de la « Réserve pays émergents »

La Réserve pays émergents (RPE) est un des principaux outils de la politique d'aide publique au développement de la France, avec 3,5 milliards d'euros de prêts depuis 2000. Elle est mise en oeuvre par la direction générale du Trésor.

Peuvent bénéficier de la RPE les entités publiques (gouvernement central, provincial, agences, ...) des pays éligibles (la vingtaine de « pays RPE »). Les projets doivent ne pas être viables économiquement s'ils étaient financés aux conditions de marché et répondre aux besoins de développement économique durable des pays récipiendaires (critères OCDE).

Il s'agit d'une aide liée, c'est-à-dire que ces projets doivent également contribuer au développement international des entreprises françaises : 70 % au moins des contrats financés doivent correspondre à des achats de biens et services fournis par des entreprises françaises (critère français).

Le décaissement d'un prêt RPE donne lieu à l'enregistrement d'une contribution à l'effort d'APD de la France à hauteur du montant du prêt gouvernemental déboursé. Réciproquement, tout remboursement du capital d'un prêt d'APD s'impute en déduction des déboursements à hauteur du montant remboursé.

En 2014, les versements au titre de la RPE devraient atteindre 420 millions d'euros et les remboursements 357 millions d'euros. La contribution 2014 de la RPE serait donc de 71 millions d'euros.

(2) Les prêts de l'Agence française de développement

L'Agence française de développement (AFD) porte des prêts dont le financement est assuré par deux canaux complémentaires :

- d'une part, l'Agence lève des ressources sur les marchés financiers à des taux de marché (émissions obligataires, placements privés, etc.). Ces ressources font l'objet d'une bonification par l'État, afin que l'AFD puisse offrir aux pays partenaires des taux d'intérêt inférieurs à son propre coût de financement ; Ce dispositif est retracé par l'action n° 2 « Aide économique et financière bilatérale » du programme 110 « Aide économique et financière au développement » de la mission « Aide au développement » ( 174 millions d'euros en CP sont prévus, à ce titre, dans le présent PLF) ;

- d'autre part, l'État octroie à l'AFD des prêts à des conditions très concessionnelles, qui constituent pour l'Agence une ressource dite « à condition spéciale ». Les crédits nécessaires sont inscrits au sein du programme 853 « Prêts à l'Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social dans des États étrangers » de la mission « Prêts à des États étrangers » ( 370 millions d'euros en CP pour 2013).

L'impact de ces prêts, en termes d'APD, est positif à hauteur du montant déboursé lors du décaissement puis négatif, les années suivantes, à due concurrence des remboursements effectués par les pays bénéficiaires. L'impact annuel est égal à la variation de l'encours de prêts, sans qu'il y ait donc une correspondance directe avec les crédits des programmes 110 et 853 précités.

Dans le DPT annexé au présent PLF, cet impact est évalué à 2 220 millions d'euros pour 2014 1 ( * ) .

(3) Les prêts d'aide à l'ajustement structurel

Les prêts d'aide à l'ajustement structurel (PAS) sont octroyés à un taux concessionnel par l'AFD pour financer les programmes économiques et de redressement financier de certains États étrangers. Ils bénéficient de la garantie de l'État français.

La France a octroyé en 2007, dans le cadre de la conférence internationale sur le soutien au Liban qui s'est tenue le 25 janvier 2007 (dite conférence « Paris III »), un prêt de 375 millions d'euros mis en oeuvre par l'AFD pour soutenir le Liban dans la mise en oeuvre de son programme de réformes économiques. Il était prévu que ce prêt soit décaissé en trois tranches de respectivement 150 millions d'euros, 100 millions d'euros et 125 millions d'euros. La première tranche a été décaissée en avril 2008, et 30 millions d'euros de la tranche de 100 millions d'euros ont été décaissés en 2012.

Ce prêt budgétaire à la République libanaise a fait l'objet d'un avenant qui confirme l'annulation de la tranche de 125 millions d'euros initialement dédiée à des réformes dans le secteur des télécommunications, prévoit le report de la date limite de versement au 30 novembre 2014 sur les 70 millions d'euros restant à verser au titre de l'appui aux réformes dans le secteur de l'électricité.

(4) Les activités de refinancement

Des prêts de refinancement sont déboursés directement par l'État dans le cadre d'opérations de restructuration de dette. Les crédits budgétaires nécessaires au décaissement de ces prêts sont imputés sur le programme 852 « Prêts à des États étrangers en vue de la consolidation de dettes envers la France » de la mission « Prêts à des États étrangers ».

Le présent projet de loi de finances prévoit, à ce titre, 704 millions d'euros, pour une estimation d'APD nette de - 2 millions d'euros (les remboursements sont supérieurs aux décaissements).

(5) Les annulations de dettes

Les annulations de créances non militaires et d'échéances d'intérêts de prêts pour le développement participent à l'effort d'APD à hauteur des montants annulés.

L'impact est évalué à 1 198 millions d'euros pour 2014.

c) Une coopération décentralisée en légère hausse

La coopération décentralisée est essentiellement financée par les collectivités territoriales, sur leurs fonds propres. Le ministère chargé des affaires étrangères (MAE) intervient pour des cofinancements, en fonction des priorités retenues.

Les flux d'APD en provenance des collectivités territoriales ont représenté 63 millions d'euros en 2012, soit 7 millions de plus qu'en 2011. Ils devraient se stabiliser à 65 millions d'euros en 2013 et atteindre 70 millions en 2014 . Ces montants apparaissent toutefois nettement sous-évalués si l'on prend en compte les frais de structure - notamment les dépenses de personnel - associés à la mise en oeuvre des actions de coopération décentralisée des collectivités territoriales.

d) La revalorisation de la contribution de solidarité sur les billets d'avion

La contribution de solidarité sur les billets d'avion a été introduite en 2006 en vue de financer des programmes internationaux de santé publique et d'accès aux médicaments pour certaines maladies dans les pays en voie de développement.

Recettes de la contribution de solidarité sur les billets d'avion

(en millions d'euros)

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

45

164

173

162

163

175

185

185

208

Source : Questionnaire budgétaire

Les montants 2013 et 2014 sont respectivement une estimation et une prévision.

La hausse du produit attendue pour 2014 découle du relèvement de ses tarifs, qui étaient restés inchangés depuis sa création , prévu dans le présent projet de loi de finances 2 ( * ) . La modification introduite vise à procéder au rattrapage de l'inflation depuis 2006. Cette actualisation devrait permettre une augmentation, en base, des recettes de la taxe d'environ 12,7 % (environ 23 millions d'euros supplémentaires).

Le produit de la taxe, géré par l'AFD, alimente le Fonds de solidarité pour le développement (FSD) en vue de financer l'accès aux vaccins et médicaments dans les pays en développement : 10 % au plus à travers la Facilité financière internationale pour les vaccins (IFFIm) et 90 % au moins à travers la Facilité internationale d'achats de médicaments « Unitaid ».

Vos rapporteurs spéciaux observent que la mise en oeuvre de ce financement innovant n'a emporté aucun impact négatif visible, ni sur le trafic aérien, ni sur le tourisme. Depuis 2006, ce dispositif a été appliqué par huit autres pays : le Cameroun, le Chili, la République du Congo, la Corée du Sud, Madagascar, le Mali, Maurice et le Niger.

e) Le relèvement de la part de la taxe sur les transactions financières affectée au Fonds de solidarité pour le développement
(1) La taxe française

La taxe sur les transactions financières (TTF) a été créée en 2012. Son rendement attendu était estimé à environ à 1,6 milliard d'euros en année pleine. La loi de finances pour 2013 a prévu que le fonds de solidarité pour le développement (FSD) perçoive 10 % du produit, dans la limite d'un plafond de 60 millions d'euros.

Conformément à ce qui était prévu l'an dernier, le présent projet de loi de finances (article 31) relève à 15 % la part du produit de la taxe affectée au FSD et porte le plafond à 100 millions d'euros en 2014 ; il devrait encore être relevé l'an prochain, pour atteindre 160 millions d'euros en 2015.

Le produit de la TTF devrait s'élever à 690 millions d'euros en 2013 et le présent projet de loi de finances prévoit un montant de 700 millions d'euros en 2014. Les objectifs de 60 et 100 millions d'euros devraient donc être respectés.

En 2013, ces recettes ont permis de financer l'initiative « I3S » (Initiative Solidarité Santé Sahel) en faveur de la santé des enfants de moins de cinq ans dans six pays du Sahel (Mauritanie, Sénégal, Mali, Burkina Faso, Niger, Tchad), ainsi que de participer à l'Initiative pour l'Approvisionnement en Eau et l'Assainissement en milieu Rural (IAEAR) menée par la Banque africaine de développement.

(2) Une taxe qui pourrait faire école

L'avancée des débats sur l'adoption d'une taxe sur les transactions financières (TTF) au profit du développement reste une des priorités portées par la France sur la scène internationale, malgré les difficultés rencontrées avec les partenaires du G20 notamment.

Le G20 de Los Cabos n'ayant pas retenu de référence aux financements innovants dans la déclaration finale de juin 2012, la présidence russe n'a pas souhaité investir dans cette question malgré sa récente adhésion au Groupe pilote sur les financements innovants.

Néanmoins, la France compte toujours des partenaires mobilisés en faveur des financements innovants et de la TTF tant au niveau global (Argentine, Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Congo, Ethiopie, Guinée, Japon, Mali, Maroc, Mauritanie, Norvège, Sénégal, Togo) qu'au niveau européen.

Au niveau communautaire , suite au constat de l'impossibilité de parvenir à un accord à 27, un groupe de 11 États européens se sont associés autour d'un projet de coopération renforcée approuvé par le conseil Ecofin le 22 janvier 2013 : Allemagne, France, Espagne, Italie, Belgique, Portugal, Grèce, Autriche, Estonie, Slovénie, Slovaquie.

La Commission européenne a présenté un nouveau projet de directive le 14 février 2013 qui fait actuellement l'objet de discussions entre les partenaires européens. Cependant, d'importantes critiques ont été formulées à l'égard de ce nouveau texte, tant par les pays non membres de la coopération renforcée que par ceux qui y ont souscrit .

B. LES BÉNÉFICIAIRES DE L'APD FRANÇAISE

1. L'aide bilatérale

L'aide bilatérale nette française s'est élèvée en 2012 à 6 199 millions d'euros selon l'enquête définitive d'APD transmise à l'OCDE.

Cette aide est majoritairement destinée à l'Afrique, particulièrement aux pays d'Afrique sub-saharienne (40 %).

Les deux tableaux ci-dessous retracent la ventilation de l'aide bilatérale française par zone géographique et les vingt premiers récipiendaires.

Répartition géographique de l'aide bilatérale française en 2012

(en pourcentage)

Zone géographique

Part

Afrique

52 %

dont Afrique sub-saharienne

40 %

Amérique du Sud

13 %

Extrême-Orient (Cambodge, Chine, Indonésie, Corée, Laos, Malaisie, Mongolie, Philippines, Thaïlande, Timor-Leste et Viêtnam)

5 %

Amérique du nord et centrale

4 %

Moyen-Orient

4 %

Asie du Sud (Arménie, Azerbaïdjan, Géorgie, Kazakhstan, Kirghize, Tadjikistan, Turkménistan, Ouzbékistan, Afghanistan, Bhoutan, Myanmar, Sri Lanka, Inde, Maldives, Népal, Pakistan et Bangladesh)

3 %

Océanie

2 %

Europe

2 %

Non spécifié

14 %

Source : Direction générale du Trésor - déclaration définitive d'APD française 2012

Vingt premiers récipiendaires de l'APD bilatérale nette française en 2012

(en millions de dollars)

Rang

Pays

Montant

Rang

Pays

Montant

1

Côte d'Ivoire

1 289

11

Colombie

126

2

Brésil

861

12

Wallis et Futuna

113

3

Maroc

509

13

Niger

102

4

Chine

316

14

Mauritanie

100

5

Sénégal

306

15

Guinée

99

6

Tunisie

245

16

Haïti

94

7

Égypte

145

17

Cameroun

91

8

Viêtnam

134

18

Kenya

90

9

République dominicaine

133

19

Maurice

84

10

Jordanie

126

20

Mexique

83

Source : Direction générale du Trésor - déclaration définitive d'APD française 2012

2. L'aide multilatérale

Le tableau ci-dessous retrace les dix premiers bénéficiaires de l'aide multilatérale française en 2011. Les données 2012 ne sont pas encore disponibles car l'enquête définitive de la France, transmise au secrétariat du CAD en juillet 2013, est en cours de traitement.

Dix premiers bénéficiaires l'APD française multilatérale

(en millions de dollars)

1 - Inde

161

2 - Éthiopie

145

3 - République démocratique du Congo

143

4 - Kenya

121

5 - Pakistan

114

6 - Vietnam

103

7 - Côte d'Ivoire

102

8 - Ghana

98

9 - Afghanistan

90

10 - Nigeria

87

Total dix premiers bénéficiaires

1 163

Total aide multilatérale imputée

4 514

Part des dix premiers bénéficiaires dans le total

26 %

Source : OCDE

C. LES ENJEUX DE LA POLITIQUE FRANÇAISE D'AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT

1. Le respect de l'objectif des 0,7 %

La France s'est engagée, dans le cadre des objectifs du millénaire des Nations Unies, à consacrer 0,7 % de RNB à l'aide publique au développement en 2015, avec une étape intermédiaire de 0,56 % en 2010.

Comme on l'a vu, notre pays en est loin, puisqu'il n'atteint que 0,46 %, soit un niveau inférieur à l'objectif de 2010.

Dans ces conditions, il apparaît évident à vos rapporteurs spéciaux que l'objectif ne sera pas atteint.

Certes, le contexte économique et la nécessite de redresser les comptes publics rendent difficile un accroissement important de l'effort en faveur du développement. Ils soulignent néanmoins que le Royaume-Uni, soumis au même contexte économique, maintient l'objectif d'arriver à 0,7 % de son RNB d'ici 2015 , et se situe d'ores-et-déjà à un niveau plus important que la France (0,56 %).

En février dernier, votre rapporteur spécial Yvon Collin s'est rendu à Londres où il a pu s'entretenir avec Lynne Featherstone, Parliamentary under secretary of State (ministre déléguée) au développement international, avec le président et plusieurs membres de la commission du développement international de la chambre des communes et avec le commissaire en chef de l'ICAI ( Independant commission for aid impact ).

Il est ressorti de ces entretiens que l'atteinte de l'objectif était avant tout une question de volonté politique . Mme Featherstone a souligné que cet objectif faisait l'objet d'un consensus au sein des principaux partis britanniques, du fait, notamment, des efforts qui étaient faits pour s'assurer que ces sommes étaient employées de façon efficace.

Vos rapporteurs spéciaux considèrent qu'il faut que la France adopte une trajectoire précise pour atteindre cet objectif.

Ils se réjouissent néanmoins que notre pays, contrairement à certains de ses partenaires européens, n'a pas appliqué de coupes drastiques dans sa politique d'aide publique au développement.

2. Le renforcement de la part bilatérale de notre aide

Selon les dernières données disponibles figurant dans le DPT annexé au présent projet de loi de finances, la part de l'aide bilatérale dans l'APD nette réalisée par la France en 2012 s'établissait à 66 %.

Ce chiffre est en augmentation par rapport aux années précédentes, et devrait atteindre 69 % en 2014.

Évolution de l'aide bilatérale française depuis 2008

(en millions d'euros)

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Dons

3 527

3 647

3 760

3 328

3 334

3 373

3 288

Prêts nets

422

505

1 090

1 965

1 754

2 614

2 291

Annulations de dette

675

1 009

1 029

817

1 080

607

1 579

Aide bilatérale totale

4 624

5 161

5 879

6 109

6 169

6 594

7 158

Total APD

7 562

9 049

9 751

9 348

9 358

9 899

10 327

Part de l'aide bilatérale

61 %

57 %

60 %

65 %

66 %

67 %

69 %

Source : Direction générale du Trésor et CAD - les chiffres 2013 et 2014 sont des prévisions.

Comme la commission des finances l'a souvent observé, le niveau élevé de l'aide multilatérale - comme, par ailleurs, celui des annulations et refinancements de dettes - se réalise au détriment de l'aide bilatérale « de terrain », sous forme d'aide aux projets et de coopération technique, laquelle est nettement plus visible pour le rayonnement international de notre pays.

Vos rapporteurs spéciaux saluent donc le rééquilibrage en cours en faveur du bilatéralisme.

3. Le renforcement des capacités d'action de l'AFD

Votre rapporteure spéciale Fabienne Keller s'est rendue en avril dernier au Maroc pour réaliser un contrôle sur la politique française d'APD en matière d'énergie et de transport 3 ( * ) . À cette occasion, elle a pu être sensibilisée aux difficultés qu'éprouve désormais l'AFD à intervenir dans ce pays, qui est pourtant un des principaux bénéficiaires de notre APD et l'un de nos importants partenaires commerciaux.

En effet, l'AFD étant une institution financière, elle est soumise au respect des ratios prudentiels qui s'appliquent à tout établissement bancaire, et notamment au « ratio grand risque » 4 ( * ) , qui prévoit qu'elle ne peut engager plus de 25 % de ses fonds propres pour un même emprunteur ou garant. Elle également soumise aux normes réglementaires de « Bâle III », qui renforcent les exigences en termes de fonds propres.

Les simulations que l'AFD a réalisées en prévision de la mise en place de ces normes réglementaires montrent qu'avec un volume d'activité stable et le maintien des caractéristiques actuelles de la ressources à condition spéciale 5 ( * ) (RCS) , l'AFD ne respectera plus la limite des grands risques dès 2015, dans cinq pays (Maroc, Tunisie, Vietnam, Brésil, Chine et Kenya) pour les expositions souveraines et dans trois pays pour les expositions non souveraines (Afrique du Sud, Turquie et Maroc).

La limite de 25 % est déjà atteinte au Maroc. Dès lors, les signatures de nouvelles conventions de prêts se trouvent limitées aux remboursements en capital (50 millions d'euros en 2013).

Vos rapporteurs spéciaux estiment qu'il serait souhaitable de desserrer la contrainte résultant du respect du « ratio grand risque » et invitent le Gouvernement à étudier les différentes pistes le permettant, notamment en jouant sur la RCS, afin de ne pas entraver l'action de l'AFD.

La question du renforcement des fonds propres de l'AFD - un milliard d'euros serait nécessaire - devra être tranchée dans le contrat d'objectif et de moyens qui doit être adopté début janvier .

4. L'annonce d'une loi de programmation de l'APD

Vos rapporteurs spéciaux se félicitent que, dans le prolongement du travail de concertation mené dans le cadre des « assises du développement », le comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) se soit réuni le 31 juillet dernier, alors que sa dernière réunion datait de 2009.

Le CICID a pu notamment redéfinir les priorités géographiques de la politique d'APD, afin de se concentrer sur les pays les plus en difficulté. Le CICID a également acté la création du Conseil national du développement et de la solidarité internationale (CNDSI), chargé de maintenir de manière souple une concertation régulière entre l'État, les élus et l'ensemble des parties prenantes du développement.

Vos rapporteurs se réjouissent également de l'annonce par le Gouvernement du dépôt au Parlement, au début de l'année 2014, d'un projet de loi d'orientation et de programmation sur la politique de développement et de solidarité internationale. Ce sera la première fois que le Parlement sera ainsi associé à la définition de notre politique d'aide publique au développement.

Ils émettent le souhait que ces initiatives dans le domaine de l'APD augurent d'une volonté ambitieuse du Gouvernement en cette matière.

DEUXIÈME PARTIE - LA MISSION « AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT »

Sur l'ensemble de la mission, les AE sont en augmentation de 73 % (+ 1 777 millions d'euros) et les CP en baisse de 6 % (- 178 millions d'euros).

La mission « Aide publique au développement » est composée de deux programmes.

I. LE PROGRAMME 110 « AIDE ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE AU DÉVELOPPEMENT »

Crédits du programme « Aide économique et financière au développement »

(en millions d'euros)

Actions

AE

CP

Évolution des CP (2013/2014)

Part des CP (PLF 2014)

LFI 2013

PLF 2014

LFI 2013

PLF 2014

1 « Aide économique et financière multilatérale »

63,1

1 581,2

672,9

635,9

- 6 %

57 %

2 « Aide économique et financière bilatérale »

431,5

395,6

374,9

318,3

- 15 %

29 %

3 « Traitement de la dette des pays pauvres »

0,4

388,9

113,1

161,3

+ 43 %

14 %

Total

495,0

2 365,7

1 160,9

1 115,4

- 4 %

-

Source : PAP de la mission « Aide publique au développement » annexé au PLF pour 2014

Les crédits du programme 110 représentent plus de 56 % des AE de la mission et plus de 38 % des CP.

Ils sont consacrés à 80 % (en AE) et à 54 % (en CP) à des dépenses d'opérations financières. Aucune dépense de personnel n'est associée au programme et les dépenses fiscales y sont quasiment nulles.

On observe sur ce programme, par sa nature même (reconstitutions de fonds, bonification de prêts dont le rythme de décaissement dépend lui-même du rythme de décaissement des prêts, etc...), un décalage important entre l'ouverture des AE et la consommation des CP correspondants . Ainsi, seuls 10 % des CP demandés en 2014 concernent des AE ouvertes cette année ; plus de 40 % des CP correspondants à ces AE seront ouvert après 2016.

A. L'AIDE ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE MULTILATÉRALE

L'action n° 1 « Aide économique et financière multilatérale » concerne la participation de la France aux banques multilatérales de développement .

Elle voit ses AE en forte hausse : elles passent de 63,1 millions d'euros en 2013 à 1 581,2 millions d'euros en 2014 , soit une augmentation de 1 518 millions d'euros. Les CP, en revanche, sont en baisse de 37 millions d'euros (- 6 %).

Cette hausse considérable des AE s'explique essentiellement par la reconstitution de deux fonds , qui ne faisaient l'an dernier l'objet d'aucune AE.

Il s'agit tout d'abord de l' Association internationale de développement (AID). Ce guichet concessionnel de la Banque mondiale octroie des dons et des prêts à très faibles taux aux pays en développement les plus pauvres. Les AE inscrites au PLF 2014 (1 174,5 millions d'euros) correspondent à la dix-septième reconstitution de ce fonds. Elles comprennent un don de 1 094,5 millions d'euros et des AE de bonification destinées à financer un prêt de l'AFD à l'AID. Cette nouvelle méthode de reconstitution du fonds, sous forme de prêt, permet aux contributeurs de profiter des conditions de marché favorables. Ces crédits seront décaissés sur 2015-2017 (soit environ 400 millions d'euros par an) ; les 400 millions d'euros de CP inscrits sur cette sous-action correspondent à la dernière tranche de la précédente reconstitution.

D'autre part, 380,92 millions d'euros sont demandés au titre de la treizième reconstitution du Fonds africain de développement (FAD), guichet concessionnel de la Banque africaine de développement. Les crédits seront décaissés en trois ans (2014-2016) ; les CP pour 2014 (101,47 millions d'euros) correspondent à environ 27 % des AE et non un tiers, ce qui signifie que les deux versements suivants seront plus importants .

On notera que dans les deux cas, notre participation à la reconstitution de ces fonds concourt au choix d'accorder la priorité de notre politique d'APD à l'Afrique , notamment subsaharienne.

En effet, la France a obtenu que l'AID, sur la période 2012-2014, ait pour objectif d'affecter la majorité de ses ressources à l'Afrique subsaharienne. La négociation sur la période 2015-2017 est en cours. S'agissant du FAD, la France a également obtenu qu'il soutienne particulièrement les états les plus fragiles.

B. L'AIDE ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE BILATÉRALE

L'action n° 2 « Aide économique et financière bilatérale » recouvre le financement d'organismes de coopération bilatérale .

C'est sur cette action que l'on trouve la rémunération de l'AFD pour les opérations menées pour le compte de l'État (2,8 millions d'euros d'AE), la rémunération de Natixis pour la gestion de la RPE (3,3 millions d'euros d'AE), la bonification des prêts accordés par l'AFD (242 millions d'euros d'AE) ou encore les crédits du FASEP - fonds d'études et d'aide au secteur privé - (23,2 millions d'euros en AE), qui sert souvent d'amorceur à des projets RPE.

Elle est dotée par le présent projet de loi de finances de 395,6 millions d'euros en AE (- 8 % ; - 36 millions d'euros) et de 318,3 millions d'euros en CP (- 15 % ; - 56 millions d'euros).

Les évolutions s'expliquent principalement par le fait que :

- 100 millions d'euros en AE avaient été demandés l'an dernier au titre de la contribution de la France au Fonds pour les technologies propres ;

- 123,5 millions d'euros en AE (contre 44,5 millions l'an passé) sont demandés cette année au titre des aides budgétaires globales (ABG), qui visent à apporter un soutien budgétaire aux stratégies nationales de lutte contre la pauvreté.

C. LE TRAITEMENT DE LA DETTE DES PAYS PAUVRES

L'action n° 3 « Traitement de la dette des pays pauvres » est dotée par le présent PLF de 388,9 millions d'euros en AE (contre 0,4 million l'an passé) et de 161,3 millions d'euros en CP (contre 113,1 millions l'an passé).

Cette action concerne les traitements de dette en faveur des pays les moins avancés et des pays à revenu intermédiaire, qu'ils soient décidés dans un cadre multilatéral ou bilatéral.

Les variations importantes d'AE demandées correspondent au rythme irrégulier du traitement des dettes.

Les AE demandées résultent principalement de l'annulation de la dette de pays subsaharien envers la France, décidées dans le cadre du club de paris, et des pays pauvres très endettés (PPTE) envers l'AID (247,5 millions d'euros) et envers le FAD (91,94 millions d'euros).

II. LE PROGRAMME 209 « SOLIDARITÉ À L'ÉGARD DES PAYS EN DÉVELOPPEMENT »

Crédits du programme « Solidarité à l'égard des pays en développement »

(en millions d'euros)

Actions

AE

CP

Évolution des CP (2013/2014)

Part des CP (PLF 2014)

LFI 2013

PLF 2014

LFI 2013

PLF 2014

2 « Coopération bilatérale »

610,0

598,0

605,2

568,7

- 6 %

31 %

5 « Coopération multilatérale »

414,7

323,8

436,8

329,3

- 25 %

18 %

7 « Coopération communautaire »

688,7

710,9

688,7

710,9

+ 3 %

39 %

8 « Dépenses de personnels concourant au programme "Solidarité à l'égard des pays en développement" »

210,1

206,2

210,1

206,8

- 2 %

11 %

9 « Actions de co-développement »

11,0

2,0

18,5

11,5

- 38 %

0,6 %

Total

1 934,5

1 840,9

1 959,3

1 826,6

- 7 %

-

Source : PAP de la mission « Aide publique au développement » annexé au PLF pour 2014

Les crédits du programme sont en baisse de 7 % en ce qui concerne les CP (- 132,7 millions d'euros) et de 5 % en ce qui concerne les AE (- 93 millions d'euros). Sur ce programme, contrairement au précédent, on observe une certaine correspondance entre l'ouverture des AE et le décaissement des CP correspondants, puisque plus de 80 % des CP demandés correspondent à des AE ouvertes en 2014.

Le plafond d'autorisations d'emplois du programme, qui se confond avec celui de la mission « Aide publique au développement », est fixé pour 2013 à hauteur de 2 162 ETPT, soit une diminution de 70 emplois, hors corrections techniques (- 35).

Ces 2 162 ETPT correspondent à 214 titulaires et agents recrutés sur contrat à durée indéterminée (CDI) en administration centrale (- 5), 128 titulaires et CDI dans le réseau (- 10), 1 603 agents recrutés sur contrat à durée déterminée (CDD) et volontaires internationaux (- 55) et enfin, 217 agents de droit local.

Ces effectifs relèvent :

- des différents services de la direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats (DGM) du MAEE ;

- des 112 services de coopération et d'action culturelle (SCAC) à l'étranger, chargés de la mise en oeuvre de la coopération bilatérale avec les pays et institutions partenaires et animant les établissements culturels français, alliances françaises et centres de recherche ;

- des 62 établissements culturels pluridisciplinaires, établissements dotés de l'autonomie financière (EAF) ;

- des 19 centres de recherche ayant également le statut d'EAF, spécialisés dans la recherche en archéologie et en sciences sociales ;

- du réseau des 168 alliances françaises, établissements de droit local dans lesquels le MAEE affecte des agents expatriés ;

- de l'expertise technique mise à la disposition des institutions des pays partenaires.

A. LA COOPÉRATION BILATÉRALE

L'action n° 2 « Coopération bilatérale » du programme regroupe l'ensemble de la coopération bilatérale du programme 209 dans les domaines des droits fondamentaux de la personne humaine , de l'accès aux soins, à l'éducation, aux structures de base et aux ressources naturelles.

Elle se voit dotée par le présent PLF de 598 millions d'euros en AE (- 2 % ; - 11,9 millions d'euros) et de 568,7 millions d'euros en CP (- 6 % ; - 36,5 millions d'euros).

C'est sur cette action que l'on trouve, notamment, la rémunération de l'AFD pour les fonds projets, les contrats de développement et de désendettement et les crédits délégués (27 millions d'euros en AE), ainsi que les crédits des dons projets de l'AFD, du Fonds de solidarité prioritaire et ceux transitant à travers les ONG (330 millions d'euros en AE). L'action n° 2 comprend également les contrats de désendettement et de développement (C2D), qui représentent près de 90 millions d'euros d'AE demandées.

Les principales évolutions résultent d'une diminution des C2D (- 13 millions d'euros) et d'une hausse des AE allouées aux subventions aux ONG (+ 18 millions d'euros), dans cadre de l'engagement du Président de la République de renforcer la part de l'aide transitant par les ONG.

B. LA COOPÉRATION MULTILATÉRALE

L'action n° 5 « Coopération multilatérale » retrace les contributions aux fonds multilatéraux de développement . Elle s'élève pour 2014 à 323,8 millions d'euros en AE (- 22 % ; - 90 millions d'euros) et à 329,3 millions d'euros en CP (- 25 % ; - 107 millions d'euros).

Hors 5,5 millions d'euros de CP au titre du loyer de la maison de la francophonie, la totalité des dépenses de cette action sont des dépenses d'intervention.

C'est sur cette action que l'on trouve les contributions volontaires au système des Nations Unies (50,4 millions d'euros en AE). Comme l'an passé, celles-ci seront concentrées sur le programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR), le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) et l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA).

La diminution des AE s'explique par la baisse des crédits du programme 209 affectés au Fonds mondial de lutte contre le Sida, la tuberculose et le paludisme. La contribution de la France, elle, reste inchangée à 360 millions d'euros. La différence provient du produit de la taxe de solidarité sur les billets d'avion et de la taxe sur les transactions financières ( cf. supra). On observe donc une substitution à des crédits budgétaires d'une ressource fiscale affectée.

C. LA COOPÉRATION COMMUNAUTAIRE

L'action n° 7 « Coopération communautaire » retrace exclusivement la contribution française au Fonds européen de développement (FED). Celle-ci, en 2014, s'établira à hauteur de 710 millions d'euros (en AE et CP), contre 689 millions l'an passé.

Il convient ici de souligner que la France, qui était le premier État contributeur dans le cadre du neuvième FED couvrant la période 2007-2010, a obtenu lors de la négociation du dixième FED, pour la période 2011-2013, une baisse de sa clé de contribution : celle-ci est ainsi passée de 24,3 % à 19,55 %, ce qui place à présent notre pays en position de deuxième contributeur au FED, derrière l'Allemagne (dont la part est fixée à 20,5 %).

Le Conseil européen du 8 février 2013 a permis d'atteindre un accord sur le cadre financier pluriannuel 2014-2020 et le onzième FED. Son montant global a été fixé à 30 506 millions d'euros, à prix courants, soit une quasi stabilisation du volume total par rapport au dixième FED.

Les discussions sur la budgétisation du FED, qui permettrait de réduire encore la clé de contribution de la France, sont repoussées à 2020, date de la fin des perspectives financières 2014-2020 et échéance de l'accord de Cotonou. Toutefois, un alignement progressif des clés de contribution du FED sur celle du budget conduit à baisser la clé française de 19,55 % pour le dixième FED à 17,81 % pour le onzième FED. Celle de l'Allemagne reste quasi-stable, passant de 20,5 % à 20,6 %.

Les contributions du onzième FED ne seront cependant appelées qu'à partir de 2017 une fois tous les fonds du dixième FED épuisés.

D. LES ACTIONS DE CO-DÉVELOPPEMENT

L'action n° 9 « Actions de co-développement » s'établit à 2 millions d'euros en AE et 11,5 millions d'euros en CP, contre 11 millions l'an dernier en AE et 18,5 millions d'euros en CP.

Cette nouvelle action correspond à l'ancienne action 3 « Autres actions bilatérales de développement solidaire », de l'ancien programme 301 « Développement solidaire et migrations », de la présente mission, supprimé en 2013.

Les crédits programmés sont destinés à financer, dans le respect des engagements juridiques déjà contractés, des projets d'aide au développement menés par les associations de migrants, en cohérence avec la politique de développement française.

TROISIÈME PARTIE - LE COMPTE CONCOURS FINANCIER « PRÊTS À DES ÉTATS ÉTRANGERS »

Le compte spécial « Prêts à des États étrangers » retrace les opérations liées aux prêts pratiqués par l'État en faveur de l'aide au développement et, depuis mai 2010, dans le cadre du soutien financier européen décidé en faveur de la Grèce . Il comprend les opérations de versement et de remboursement relatives aux prêts consentis dans ce cadre.

Le solde du compte « Prêts à des États étrangers » est prévu pour être négatif à l'issue de l'exercice 2014. Le déficit est évalué à plus de 793 millions d'euros.

Le solde de ce compte a beaucoup varié au cours des dernières années : un déficit était déjà prévu en 2013 (357 millions d'euros), tandis que l'exécution 2012 était légèrement positive (22,4 millions d'euros). À l'inverse, le prêt accordé à la Grèce a eu pour conséquence que les exercices 2010 et 2011 soient fortement déficitaires (respectivement 4,15 milliards et 6,79 milliards d'euros). L'exercice 2009 avait donné lieu à un déficit de 108 millions d'euros. Il faut remonter à 2008 pour retrouver un excédent significatif (661 millions d'euros).

Ainsi, ce compte n'a pas vocation à être structurellement déficitaire , dans la mesure où, à terme, les remboursements des États partenaires doivent venir couvrir les décaissements. Mais son solde dépend du rythme auquel les prêts sont accordés et celui auquel ils sont remboursés, qui peuvent être très différents 6 ( * ) .

Équilibre du compte « Prêts à des États étrangers » prévu pour 2013

(en millions d'euros)

Sections

Recettes

Dépenses (CP)

Solde

Section n° 1

Prêts de la RPE

356,7

420,0

- 63,3

Section n° 2

Prêts pour consolidation de dettes

181,3

703,7

- 522,4

Section n° 3

Prêts à l'AFD

162,5

370,0

- 207,5

Section n° 4

Prêts aux États de la zone euro

0,0

0,0

-

Total

700,5

1 493,7

- 793,2

Source : PAP de la mission « Prêts à des États étrangers » annexé au PLF pour 2014

La mission correspondante est dotée par le présent projet de loi de finances de 1,511 milliard d'euros en AE et de 1,494 milliards d'euros en CP (crédits évaluatifs). Par rapport aux prévisions inscrites dans la LFI pour 2013, ces crédits sont en forte hausse (+ 40 % en AE et + 45 % en CP).

Crédits de la mission « Prêts à des États étrangers »

(en millions d'euros)

Programmes

AE

CP

LFI 2013

PLF 2014

Évolution 2013/2014

LFI 2013

PLF 2014

Évolution 2013/2014

851 « Prêts à des États étrangers, de la Réserve pays émergents, en vue de faciliter la réalisation de projets d'infrastructure »

380,0

360,0

- 5 %

447,0

420,0

- 6 %

852 « Prêts à des États étrangers pour consolidation de dettes envers la France »

250,2

703,7

+ 181 %

250,2

703,7

+ 181 %

853 « Prêts à l'Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social dans des États étrangers »

447,0

447,0

-

330,0

370,0

+ 12 %

854 « Prêts aux États membres de l'Union européenne dont la monnaie est l'euro »

0,0

0,0

-

0,0

0,0

-

Total

1 077,2

1 510,7

+ 40 %

1027,2

1 493,7

+ 45 %

Source : PAP de la mission «Prêts à des États étrangers » annexé au PLF pour 2014

Le compte est organisé en quatre sections, selon le type de prêt.

A. LES PRÊTS À DES ÉTATS ÉTRANGERS DE LA RPE

La première section retrace, respectivement en dépenses et en recettes, le versement et le remboursement des prêts consentis à des États émergents en vue de faciliter la réalisation de projets d'infrastructure. En pratique, ces prêts sont mis en place dans le cadre d'accords bilatéraux, au titre de la « Réserve pays émergents » (RPE), et la réalisation des infrastructures doit faire appel à des biens et services d'origine française.

Ces financements contribuent ainsi à soutenir l'expansion internationale des entreprises françaises .

La mise en place d'une aide au titre de la RPE se traduit par la signature d'un protocole intergouvernemental avec les autorités du pays bénéficiaire, pour un projet précis. Les accords sont mis en oeuvre, dans le cadre d'une convention avec l'emprunteur, par la société Natixis, agissant pour le compte de l'État français. Les pays éligibles sont choisis par le ministre chargé de l'économie, sur la base des règles définies par l'OCDE.

Pour 2014, 360 millions d'euros en AE sont demandés, au regard des nouveaux engagements, principalement dans les secteurs du transport (ferroviaire, métro, aérien), de l'environnement (secteur de l'eau) et de l'énergie. Ce montant est en légère baisse par rapport à l'an dernier (- 20 millions d'euros).

Vos rapporteurs spéciaux regrettent la diminution des crédits sur cet outil aussi fondamental pour la présence industrielle française dans les pays émergents .

B. LES PRÊTS À DES ÉTATS ÉTRANGERS POUR CONSOLIDATION DE DETTES

La deuxième section retrace, respectivement en dépenses et en recettes, le versement et le remboursement des prêts accordés à des États étrangers pour la consolidation de leur dette envers la France . Ces opérations de refinancement participent des traitements de dettes consentis par notre pays dans le cadre du Club de Paris ou sur une base bilatérale. Il retrace les crédits requis pour le refinancement de dettes.

L'opération consiste à rembourser des prêts anciens au moyen de prêts nouveaux, accordés aux conditions négociées dans le cadre du Club de Paris : ces nouveaux prêts constituent les dépenses du programme. Il convient de préciser que leur remboursement, en principal ou en intérêts, vient abonder le budget de l'État (imputé en recettes sur le compte « Prêts à des États étrangers ») sauf annulation de la créance consolidée par un accord ultérieur.

Les crédits inscrits par le présent PLF s'élèvent à 704 millions d'euros en AE comme en CP, contre 250 millions d'euros l'an passé.

Ce montant correspond, pour l'essentiel :

- au traitement de la dette du Zimbabwe , qui pourrait intervenir en 2014, dans le cadre du dialogue entre les autorités zimbabwéennes et les institutions financières internationales, sous l'égide de la banque africaine de développement ;

- au traitement de la dette du Soudan - dans le cadre de l'initiative PPTE n'ayant pas encore atteint le point de décision - qui pourrait intervenir au second semestre 2014 ;

- au traitement de la dette de la Somalie - dans le cadre de l'initiative PPTE -, peut-être au cours de l'année 2014, selon le contexte politique local.

C. LES PRÊTS À L'AFD

La troisième section retrace, respectivement en dépenses et en recettes, le versement et le remboursement des prêts octroyés à l'Agence française de développement (AFD).

Il s'agit de mettre à la disposition de l'AFD une « ressource très concessionnelle » (RCS) , sous forme de prêt d'une durée de 30 ans, dont dix ans de différé, assorti d'un taux de 0,25 %.

L'Agence utilise cette ressource pour adosser les prêts, très concessionnels, qu'elle accorde aux pays bénéficiaires de l'Initiative PPTE et, à titre subsidiaire, afin de constituer des provisions pour le risque commercial lié aux prêts concessionnels qu'elle consent au secteur extra-étatique.

D. LES PRÊTS AUX ÉTATS MEMBRES DE L'UNION EUROPÉENNE DONT LA MONNAIE EST L'EURO

La quatrième section retrace, respectivement en dépenses et en recettes, le versement et le remboursement des prêts consentis aux États membres de l'Union européenne dont la monnaie est l'euro (pour le moment l'État grec seulement).

Ce programme, a été créé par la loi de finances rectificative du 7 mai 2010 afin de permettre à la France de contribuer au plan de soutien décidé en faveur de la Grèce, en vue de préserver la stabilité financière au sein de la zone euro. Les AE correspondantes, 16,8 milliards d'euros, ont été engagées en totalité au moment de l'activation du plan.

Le deuxième plan d'assistance, décidé en juillet 2011, a confié au Fonds européen de stabilité financière (FESF) les déboursements futurs, y compris le reste à débourser des prêts bilatéraux. Ainsi, sur les 16,8 milliards d'euros, seuls 11,4 milliards ont été versés et les 5,4 milliards restants seront annulés.

La dernière tranche de prêt bilatéral à la Grèce a donc été versée en décembre 2011 et ce programme va « être mis en sommeil » , aucune dépense n'ayant eu lieu en 2012, ni aucun mouvement n'étant prévu avant le premier remboursement, qui devrait intervenir en 2020. Seule une régularisation a eu lieu en 2013, à hauteur de 17 millions d'euros , afin de tenir compte de la non-participation de la Slovaquie et au retrait de l'Irlande et du Portugal du mécanisme d'aide.

EXAMEN DE L'ARTICLE RATTACHÉ

ARTICLE 61 ter (Art. 302 bis K et 1647 du code général des impôts) - Augmentation de la taxe de solidarité sur les billets d'avion

Commentaire : le présent article relève les tarifs de la taxe de solidarité sur les billets d'avion, inchangés depuis sa création en 2006.

À l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a inséré un article 61 ter , rattaché à la mission « Aide publique au développement ».

Cet article procède au relèvement des tarifs de la taxe de solidarité sur les billets d'avion , dite « taxe Chirac », créée par la loi de finances rectificative pour 2005 et entrée en vigueur au 1 er juillet 2006.

Son produit est destiné à abonder le Fonds de solidarité pour le développement (FSD), géré par l'Agence française de développement (AFD), en vue de financer des programmes internationaux de santé publique et d'accès aux médicaments dans les pays en voie de développement.

Cet article additionnel reprend le dispositif proposé à l'article 36 du présent projet de loi de finances pour 2014 , qui a été supprimé par l'Assemblée, et que vos rapporteurs spéciaux ont commenté ci-dessus (voir page 21).

En effet, dans la mesure où il concerne une imposition affectée à une personne morale autre que l'État, il n'a aucune incidence sur l'équilibre budgétaire de l'État. Dès lors, en application de l'article 34 de la LOLF, cet article n'aurait pas dû être placé en première partie de la loi de finances.

Sur le fond, cet article permet de procéder au rattrapage de l'inflation depuis 2006 , en augmentant uniformément de 12,7 % les différents tarifs.

Décision de votre commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 5 novembre 2013, sous la présidence de M. Philippe Marini, président, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Yvon Collin et Mme Fabienne Keller, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Aide publique au développement » et sur le compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ».

Mme Fabienne Keller, rapporteure spéciale . - Pour la deuxième année consécutive, l'OCDE constate pour 2012 une diminution de près de 8 milliards de dollars de l'Aide publique au développement (APD) versée par les pays membres du Comité d'aide au développement (CAD). Cette baisse s'explique par la crise financière de 2008 et les turbulences de la zone euro : l'Espagne (- 50 %), l'Italie (- 35 %), le Portugal, la Belgique et la Grèce ont sensiblement diminué leur aide. À l'inverse, les États non membres du CAD ont accru la leur de près d'1,5 milliard de dollars. C'est ainsi le cas des Émirats arabes unis, qui participent par exemple au financement du TGV marocain, et de la Turquie.

Les États-Unis demeurent le premier pays contributeur, devant le Royaume-Uni, qui dépasse cette année l'Allemagne, puis la France. Rapportée au revenu national brut (RNB), l'aide est la plus élevée dans des pays européens comme le Luxembourg, la Suède, la Norvège, le Danemark, la France étant dixième, derrière notamment le Royaume-Uni, sixième.

Les ressources budgétaires de l'aide publique française baisseront de 600 millions d'euros, dont 200 millions sur cette mission, qui ne représente que 38 % des crédits budgétaires comptabilisés en aide publique au développement. À l'inverse, la contribution des opérations de prêts et de traitement des dettes est en hausse de plus de 900 millions d'euros, malgré une baisse des décaissements. Il est vrai que la contribution nette dépend de l'évolution respective du montant des prêts accordés et des remboursements perçus.

Si la contribution résultant de notre participation au budget communautaire est quasiment stable, l'APD des collectivités territoriales connaîtra une légère hausse de 5 millions d'euros. Enfin, le produit des « financements innovants » devrait augmenter de 63 millions d'euros, grâce à la revalorisation des tarifs de la taxe de solidarité sur les billets d'avions et à l'augmentation de 40 millions de la part du produit de la taxe sur les transactions financières affectée au développement. Nous sommes très favorables à une généralisation de ce type de financement au niveau mondial ou au niveau communautaire. La Commission européenne a présenté un projet de directive en février dernier et nous espérons progresser grâce à une coopération renforcée.

M. Yvon Collin, rapporteur spécial . - La France s'est engagée, dans le cadre des objectifs du millénaire des Nations unies, à consacrer 0,7 % de son RNB à l'APD en 2015, avec une étape intermédiaire de 0,56 % en 2010. Il apparaît évident qu'aucun des deux objectifs ne sera atteint. Cela est d'autant plus regrettable que notre voisin britannique ne les a pas abandonnés.

En février dernier, je me suis entretenu à Londres avec Mme Lynne Featherstone, ministre déléguée au développement international, avec le président et plusieurs membres de la commission du développement international de la Chambre des communes et avec le commissaire en chef de l'organisme chargé de l'évaluation de l'aide. Une volonté politique forte a mobilisé autour d'un objectif qui fait l'objet d'un consensus tant au sein des principaux partis qu'au niveau de l'opinion publique, grâce aux efforts accomplis pour assurer l'efficacité des sommes engagées.

Il est nécessaire que la France adopte une trajectoire précise pour atteindre cet objectif. La discussion du projet de loi de programmation sera peut-être l'occasion de la définir. Nous pouvons néanmoins nous réjouir que notre pays n'ait pas, contrairement à certains de ses partenaires européens, appliqué de coupes drastiques dans cette politique.

Selon les chiffres de 2012, notre aide bilatérale a en majorité bénéficié à l'Afrique (52 %) et notamment à l'Afrique subsaharienne (40 %), puis à l'Amérique du Sud (13 %). La Côte d'Ivoire est le principal pays bénéficiaire, du fait des annulations de dette intervenues ces dernières années. L'aide multilatérale, sur laquelle nous avons moins de prise, a bénéficié principalement à l'Inde, à l'Éthiopie, à la République démocratique du Congo et au Kenya.

La mission est dotée par le présent projet de loi de finances de plus de 4 milliards d'euros en autorisations d'engagement et de près de 3 milliards en crédits de paiement. Le programme 110, « Aide économique et financière au développement », constitue le support de l'APD portée par le ministère de l'économie et des finances.

L'action n° 1, « Aide économique et financière multilatérale », concerne la participation de la France aux banques multilatérales de développement. La hausse considérable de ses autorisations d'engagement (plus d'1,5 milliard d'euros) s'explique essentiellement par la reconstitution des fonds de l'Association internationale de développement (AID), guichet concessionnel de la Banque mondiale, et du Fonds africain de développement (FAD), guichet concessionnel de la Banque africaine de développement. Leurs modalités de reconstitution conduiront à minorer le montant des crédits de paiement inscrits, cette année pour le FAD, l'an prochain pour l'AID.

Les versements de crédits de paiement au FAD étaient traditionnellement répartis de façon égale entre les trois années de reconstitution du fonds ; en 2014, le premier versement sera égal à un peu plus du quart au lieu du tiers, de sorte que les deux versements ultérieurs seront plus importants. Une partie de la reconstitution de l'AID se fera sous forme de prêt, ce qui lissera sur une longue période le versement des crédits de paiement.

L'action n° 2, « Aide économique et financière bilatérale », recouvre notamment la rémunération de l'Agence française de développement (AFD) pour les opérations menées pour le compte de l'État, la rémunération de Natixis pour la gestion de la Réserve pays émergents (RPE), la bonification des prêts accordés par l'AFD ou encore les crédits du Fonds d'études et d'aide au secteur privé (Fasep). La diminution de ses autorisations d'engagement s'explique principalement par une ponction de 100 millions d'euros au titre de la contribution de la France au Fonds pour les technologies propres.

L'action n° 3, « Traitement de la dette des pays pauvres », voit ses autorisations d'engagement augmenter de près de 400 millions d'euros. Ces crédits correspondent aux annulations de la dette des pays subsahariens envers la France qui ont été décidées dans le cadre du Club de Paris ou de l'initiative en faveur des pays pauvres très endettés.

Le programme 110 présente un décalage important entre l'ouverture des autorisations d'engagement et la consommation des crédits de paiement correspondants. Pour 2014, seuls 10 % des CP concernent des autorisations d'engagement ouvertes cette année, tandis que plus de 40 % seront consommés après 2016.

Le programme 209, « Solidarité à l'égard des pays en développement », constitue le support de l'APD mise en oeuvre par le ministère des Affaires étrangères.

L'action n° 2, « Coopération bilatérale », regroupe l'ensemble de la coopération bilatérale dans les domaines des droits fondamentaux de la personne humaine, de l'accès aux soins, à l'éducation, aux structures de base et aux ressources naturelles. On y trouve notamment la rémunération de l'AFD pour les dons projets, les contrats de développement et de désendettement (C2D), ainsi que les crédits et les dons projets de l'AFD, du Fonds de solidarité prioritaire et ceux transitant à travers les ONG. Ses principales évolutions résultent d'une diminution des C2D et d'une hausse des autorisations d'engagement pour subventions aux ONG, conformément à l'engagement du président de la République en faveur de ces dernières.

L'action n° 5, « Coopération multilatérale », retrace les contributions aux fonds multilatéraux de développement. On y trouve les contributions volontaires au système des Nations unies. La diminution de ses autorisations d'engagement s'explique par la baisse des crédits budgétaires affectés au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. La contribution de la France reste cependant inchangée à hauteur de 360 millions d'euros, la différence étant compensée par le produit de la taxe de solidarité sur les billets d'avion et de la TTF. Une ressource fiscale affectée se substitue donc à des crédits budgétaires.

En légère hausse, l'action n° 7, « Coopération communautaire », ne comporte que la contribution française au Fonds européen de développement (FED). Enfin, l'action n° 9, « Actions de co-développement », finance les engagements contractés dans le cadre de l'ancien programme 301, supprimé l'an dernier.

Mme Fabienne Keller, rapporteure spéciale . - Le compte spécial « Prêts à des États étrangers » retrace les opérations de prêts pratiqués par l'État en faveur de l'APD et, depuis mai 2010, dans le cadre du soutien financier européen à la Grèce. Bien que son solde doive être négatif à hauteur de 793 millions d'euros à l'issue de l'exercice 2014, il n'a pas vocation à être structurellement déficitaire : il dépend du rythme de versement et de remboursement des prêts mais, à terme, les remboursements des États partenaires devront couvrir les décaissements.

La première section retrace les prêts accordés dans le cadre de la RPE. Servant à financer des projets faisant appel à des biens et services d'origine française, ces crédits sont un outil fondamental pour la présence industrielle française. Aussi regrettons-nous qu'ils baissent de 20 millions d'euros.

La deuxième section retrace les opérations de traitement de dettes consentis par notre pays dans le cadre du Club de Paris ou sur une base bilatérale, ainsi que le refinancement des dettes. L'augmentation de 500 millions d'euros correspond au traitement de la dette du Zimbabwe, du Soudan et de la Somalie.

La troisième section retrace le versement et le remboursement des prêts de long terme octroyés à l'AFD, qui constituent des quasi fonds propres.

Je rappelle que l'AFD est soumise au respect des normes réglementaires de Bâle III, ainsi qu'aux ratios prudentiels qui s'appliquent à tout établissement bancaire : le ratio grand risque, par exemple, l'empêche d'engager plus de 25 % de ses fonds propres pour un même emprunteur ou garant. Ses capacités d'action peuvent en être fortement contraintes. Ainsi au Maroc, où je me suis rendue en avril dernier dans le cadre du contrôle budgétaire, la limite de ces 25 % est déjà atteinte : cela limite la signature de nouvelles conventions de prêts aux remboursements en capital (50 millions d'euros en 2013). Dès 2015, l'AFD ne respectera plus la limite des grands risques dans cinq pays pour les expositions souveraines (Maroc, Tunisie, Vietnam, Brésil, Chine et Kenya), et dans trois pays pour les expositions non souveraines (Afrique du Sud, Turquie et Maroc). Il est nécessaire d'agir sur ses fonds propres pour lui redonner toutes ses marges de manoeuvre.

Enfin, la quatrième section, qui retrace les prêts consentis aux États membres de l'Union européenne dont la monnaie est l'euro, est mise en sommeil : aucun mouvement n'est prévu avant le premier remboursement qui devrait avoir lieu en 2020.

Au total, les engagements de la France sont en recul. À force de ne pas s'occuper du Sud, il revient tôt ou tard vers le Nord... je propose à titre personnel de ne pas voter les crédits de cette mission.

M. Yvon Collin, rapporteur spécial . - Compte tenu des observations qui vous ont été présentées, je vous propose, pour ma part, d'adopter les crédits de la mission « Aide publique au développement » et du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ».

M. François Marc, rapporteur général . - Le dossier est sensible, et je partage les inquiétudes des rapporteurs spéciaux à propos de la baisse de la part de l'APD dans le RNB. En dépit d'un contexte déprimé, la France préserve sa démarche d'aide autant que faire se peut. J'irai plutôt dans le sens d'Yvon Collin que dans celui de Fabienne Keller.

L'action n° 3 du programme n° 110, qui porte sur le traitement de la dette des pays pauvres, prévoit une hausse sensible des crédits de paiement. Cela s'explique-t-il par des raisons mécaniques ou objectives ?

M. Roger Karoutchi . - A la fin des Trente Glorieuses, l'APD devait atteindre 1 % du RNB, puis la situation économique des grands pays a abaissé cette exigence jusqu'à 0,7 %. L'aide de pays pétroliers comme les Émirats arabes unis, dont vous avez rappelé l'augmentation, n'obéit pas aux mêmes conditions que les nôtres et ne vise pas les mêmes objectifs. Est-ce vraiment de l'APD ?

Il y a deux ou trois ans, j'avais eu, auprès de l'OCDE, à m'intéresser à la réforme de l'AFD. Celle-ci admettait elle-même que sa forme juridique et institutionnelle posait des difficultés. Je ne vois rien arriver ; c'est regrettable. Il est vrai que l'étude qu'elle avait menée sur l'utilisation de l'aide publique dans certains pays n'avait pas plu à tout le monde. Où en est-on ?

M. Joël Bourdin . - Des études ont-elles été effectuées sur l'efficacité des engagements de l'AFD ? Je suis très sensible à ce qu'a dit Fabienne Keller des contraintes de type Bâle III qui pèsent sur l'action de l'agence. Quelles autres pistes qu'une augmentation de ses fonds propres sont-elles ouvertes ?

M. Jean-Vincent Placé . - A la différence de la rapporteure spéciale, je juge ce budget...

Mme Fabienne Keller, rapporteure spéciale . - ...parfait ?

M. Jean-Vincent Placé . - Non, puisqu'il est loin des 0,7 %, difficiles à atteindre du fait de la rigueur et de l'austérité. Je m'interroge sur la raison qui vous fait appeler, Madame Keller, à voter contre ces crédits. On aurait pourtant pu penser que vous en souhaitiez la baisse - mais vous pouvez avoir plus de générosité sur ce sujet que de cohérence...

La France a une mission. L'AFD a au moins connu une réforme dans ses priorités. Désormais, elle est plus tournée vers les questions sociales, environnementales, énergétiques et de santé. Il est d'ailleurs permis de s'interroger sur le fait que le précédent directeur général, nommé par l'ancien gouvernement, ait pu subventionner la production d'énergie fossile dans le Caucase...

S'agissant des chiffres que vous nous avez exposés, je suis réellement surpris de voir figurer, parmi les pays récipiendaires de l'APD bilatérale, le Brésil au deuxième rang, et la Chine au quatrième...

M. Philippe Marini, président . - ... qui en attend certainement l'évolution avec anxiété ! Est-il légitime d'accorder à ces pays des crédits bonifiés par le budget de l'État ?

M. Éric Bocquet . - J'aimerais des informations plus précises sur les prêts bilatéraux consentis aux pays membres de l'Union européenne avant que cette pratique ne soit abandonnée au profit du mécanisme européen de stabilité financière. Quels sont ces pays ? Je pense à l'Espagne, la Grèce, le Portugal et l'Irlande qui sont particulièrement en difficulté . Quel est l'encours global de ces prêts ? Le remboursement de la dette grecque, qui est attendu à partir de 2020, repose-t-il sur une échéance contractuelle ? Peut-il évoluer ?

M. Yvon Collin, rapporteur spécial . - Je m'associe aux propos de François Marc sur la pertinence générale de cette politique, et me réjouis que la France maintienne globalement son niveau d'engagement, même si l'objectif général des 0,7 % n'est pas atteint, et même si notre aide est en deçà, par exemple, de celle du Royaume-Uni. Il serait très préjudiciable pour la France de se désengager de ces politiques que je crois être du gagnant-gagnant.

Le traitement de la dette des pays pauvres est soumis à un calendrier extérieur à la mission et dépend des décisions prises dans le cadre du Club de Paris ou d'institutions multilatérales. Une partie des décalages constatés par le rapporteur général est expliquée par le rythme, très variable, de décaissement des crédits de paiement. Les remboursements peuvent être différés : par exemple, un prêt pour 25 ans ne commencera à être amorti qu'après 10 ans.

Pour répondre à Roger Karoutchi, les dépenses des Emirats arabes unis ne sont peut-être pas vraiment de l'APD. Mais nous comptabilisons également des dépenses contestables, qu'il s'agisse de Wallis et Futuna, des réfugiés ou des étudiants... Reconnaissons également que tous les pays font de même.

Lors de notre déplacement à Londres, nous avons dû répondre à de nombreuses questions qui traduisent l'intérêt des Britanniques pour l'AFD, ce bras séculier de notre aide au développement. Si l'outil est perfectible, les aides ont été réorientées en faveur des énergies renouvelables et du développement durable. Nous ne pouvons que nous féliciter de cette réorientation. Après les assises du développement à l'automne dernier et le rapport de la Cour des comptes, la réflexion se poursuit ; nous aurons une loi de programmation en 2014. La question de la gouvernance de l'AFD et de la multiplicité des intervenants reste en suspens mais n'exclut nullement une évaluation de ses résultats. En notre qualité de membres du conseil d'administration, nous intervenons régulièrement en ce sens et nous menons également des contrôles en tant que rapporteurs spéciaux. Mais il faut reconnaitre que nos amis Anglais ont mis en place des outils ambitieux dont nous pourrions peut-être nous inspirer.

La section des prêts consentis aux États de l'Union européenne ne concerne en réalité que le plan de restructuration de la dette grecque : sur 16,8 milliards engagés, seulement 11,4 milliards ont été versés, le Fonds européen de stabilité financière ayant ensuite pris le relais.

La question de l'engagement de l'AFD dans des pays émergents comme la Chine ou le Brésil est récurrente. Je l'ai constaté en Chine sur pièces et sur place, l'agence locale de l'AFD, entièrement autofinancée, n'y intervient pas par des taux bonifiés. Les chiffres sont clairs, le coût de ses interventions est nul. En revanche, elle constitue un agent puissant de pénétration du marché chinois, comme lorsqu'un réseau de développement de chaleur pour 80 000 habitants est réalisé avec des produits français. Il serait dommageable qu'elle ne soit pas présente aux côtés de notre ambassadeur. Je pense d'ailleurs que le ministre partage ce point de vue.

Mme Fabienne Keller, rapporteure spéciale . - Pour répondre au rapporteur général, je précise que l'action n° 3 du programme 110 concerne des annulations de dette tandis que le compte spécial retrace des traitements de dette.

Le ministre, qui voulait transformer tous les prêts en subventions, a été obligé de reconnaître que cet outil était moins coûteux en termes budgétaires ; il a également renoncé à l'objectif des 0,7 % et laissé grignoter l'aide de la France au développement. C'est pourtant quand la ressource financière est rare, qu'il faut privilégier le long terme sur le court terme.

Oui, nous avons mené des contrôles sur l'aide publique au développement, qu'il s'agisse d'infrastructures en Tunisie ou d'énergie au Maroc. De grande qualité, les équipes de l'Agence constituent une référence pour les Allemands ou les Britanniques ; elles assurent souvent un rôle de chef de file au niveau européen, suivant un système assez bien organisé.

Si vous avez raison de souligner la nécessité de renforcer les fonds propres de l'AFD pour respecter les normes de Bâle III, je confirme que les prêts consentis au Brésil ou à la Chine ne représentent aucune charge pour l'AFD. Ils consomment certes une partie des fonds propres, mais ils contribuent à nos bonnes relations industrielles en facilitant des montages financiers.

À l'issue de ce débat, la commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Aide publique au développement », ainsi que du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ».

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Réunie à nouveau le jeudi 21 novembre 2013, sous la présidence de M. Philippe Marini, président, la commission a confirmé sa décision de proposer au Sénat l'adoption sans modification des crédits de la mission et du compte spécial et décidé de proposer au Sénat l'adoption sans modification de l'article 61 ter .


* 1 Cette contribution à l'APD est présentée dans la partie « prêts » mais est comptabilisée dans la partie « ressources budgétaires », étant donné qu'elle est financée à partir de crédits budgétaires des programmes 110 et 853.

* 2 Voir le commentaire de l'article 36 et l'article 61 ter, rattaché à la présente mission.

* 3 « Définir l'ambition de l'APD française dans l'énergie et s'inspirer des succès marocains » (rapport n° 804 - 2012-2013).

* 4 Règlement du Comité de la réglementation bancaire et financière (CRBF) n° 93-05 du 21 décembre 1993 modifié relatif au contrôle des grands risques.

* 5 Prêt de long terme (30 ans) qui peut, selon le ratio considéré, être comptabilisé dans les fonds propres.

* 6 Les prêts accordés peuvent avoir des durées de maturité de 25 à 40 ans.

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