B. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

Si elle a reconnu la pertinence de la législation déléguée en certaines matières, et s'est donc accordée sur l'esprit qui anime le présent projet de loi, votre commission a veillé à garantir le respect des prérogatives parlementaires en limitant les habilitations au strict nécessaire, privilégiant, à chaque fois, les solutions qui permettaient un examen éclairé et public des dispositions envisagées.

1. Privilégier la voie parlementaire pour conduire la réforme du droit des contrats et des obligations

Votre commission a considéré que la réforme du droit des obligations et des contrats était trop fondamentale pour être traitée par voie d'ordonnance. Pour cette raison, elle a adopté un amendement de son rapporteur supprimant l'article 3 .

Cette suppression, toutefois, sanctionne uniquement la voie procédurale choisie, non le projet conçu. Au contraire, votre commission est convaincue de la nécessité de mener à bien cette réforme rapidement.

À cet égard, elle appelle à ce que le texte envisagé fasse l'objet d'un projet de loi, soumis prochainement aux deux chambres.

2. Supprimer certaines habilitations à raison de leur imprécision ou de l'objet de la modification

Conformément à la position qu'elle a adoptée à plusieurs reprises par le passé, votre commission a supprimé certaines demandes d'habilitation dont le périmètre lui semblait imprécis ou trop large, ou pour lesquelles le Gouvernement n'a pu préciser quelle option serait retenue pour l'ordonnance.

Il en va ainsi, à l'article 1 er , de l'habilitation qui autorise le Gouvernement à prendre par ordonnance des dispositions relatives au contrôle des comptes de gestion des mesures de protection. Dans la mesure où la possibilité existe d'ores et déjà pour le juge de confier au conseil de famille, au subrogé tuteur ou curateur la vérification et l'approbation des comptes en lieu et place du greffier en chef, votre commission a estimé qu'en l'absence de précisions sur la portée exacte de cette modification, cette disposition devait être supprimée.

À l'article 2 , ensuite, votre commission a supprimé la demande d'habilitation en vue d'instaurer un mode simplifié de preuve de la qualité d'héritier : la réflexion doit se poursuivre, le Gouvernement n'ayant pu présenter à votre rapporteur un dispositif qui satisfasse aux garanties requises.

La suppression de l'habilitation sollicitée à l'article 14 se justifie par l'imprécision extrême de son périmètre, qui vise potentiellement tous les régimes déclaratifs ou d'autorisation administrative applicables aux entreprises.

Ces suppressions interviennent à ce stade à titre conservatoire, pour inciter le Gouvernement à préciser, d'ici la séance publique, le périmètre de l'habilitation ou les dispositifs envisagés.

D'autres demandes d'habilitation ont été rejetées par votre commission en raison de l'objet même de la modification proposée.

Entendant préserver le dispositif de protection des majeurs prévu par le législateur en 2007, votre commission a supprimé, à l'article 1 er , l'habilitation tendant à permettre au Gouvernement de prévoir par ordonnance la possibilité pour le juge de prononcer des mesures initiales de protection judiciaire pour une durée supérieure à cinq ans, en l'absence manifeste d'amélioration prévisible de l'état de la personne à protéger.

Tel est également le cas, à l'article 2 , de la remise en cause de la protection dont bénéficient les enfants mineurs d'un couple qui souhaite changer de régime matrimonial. Le fait que leur convention soit soumise à l'homologation systématique du juge aux affaires familiales, chargé d'apprécier ce changement au regard de l'intérêt de la famille constitue pour les intéressés une garantie essentielle, que les différents dispositifs envisagés par le Gouvernement ne paraissent pas à même d'égaler.

De même, à l'article 4 , à l'initiative de son rapporteur, votre commission a supprimé l'habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnance des dispositions relatives à la preuve de la possession. Elle a estimé que consacrer dans le code civil l'acte de notoriété acquisitive et lui permettre de donner naissance à un titre de propriété, au terme d'un délai de contestation, comportait un risque bien réel d'atteinte au droit de propriété constitutionnellement et conventionnellement garanti.

La suppression de l'habilitation demandée à l'article 15 ne relève ni de la première cause évoquée ci-dessus ni de la seconde : elle est seulement justifiée par l'inutilité de solliciter une seconde habilitation pour étendre outre-mer les mesures prises sur le fondement d'une première habilitation. Cette dernière suffit.

3. Appliquer directement certaines mesures que le Gouvernement entendait prendre par ordonnances

Reprenant le principe qui l'avait guidée précédemment, votre commission a privilégié la voie consistant, lorsque les projets étaient suffisamment esquissés, à supprimer les demandes d'habilitation, au profit de l'adoption directe des mesures envisagées. Elle a ainsi satisfait l'objectif de célérité qui anime la réforme.

Votre rapporteur, à cet égard, tient à souligner le dialogue constructif qu'il a eu avec le Gouvernement sur ce point.

Ainsi, à l'article 1 er , votre commission a adopté les modifications apportées directement par le Gouvernement à l'article 426 du code civil, permettant de diversifier les auteurs de l'avis médical requis lorsqu'il est disposé du logement ou des meubles de la personne protégée pour son placement en établissement d'accueil.

Elle s'est également montrée favorable à la modification de l'article 500 du code civil visant à mettre en place un contrôle a posteriori des comptes de gestion des mesures de tutelles. Cette modification transfèrerait l'arrêt du budget du juge au tuteur, avec obligation pour ce dernier d'informer le conseil de famille ou, à défaut, le juge, qui demeurerait compétent pour arrêter le budget en cas de difficulté.

Également à l'initiative du Gouvernement, votre commission a adopté directement, à l'article 2 , le dispositif relatif au testament authentique des personnes sourdes ou muettes, tel que sous-amendé par votre rapporteur, afin d'inclure aussi la situation de celles, parmi elles, qui ne savent ni lire ni écrire.

Elle a encore adopté, à l'article 8 , un amendement du Gouvernement, remplaçant la demande d'habilitation relative à la communication électronique en matière pénale, par le dispositif envisagé par le ministère de la justice, pour garantir les droits de chacun. Elle a à cet égard rectifié l'amendement afin de préciser que le procédé retenu pour la notification devra permettre d'établir que celui qui l'a reçu en était bien le destinataire.

À l'initiative de son président, M. Jean-Pierre Sueur, votre commission a directement supprimé, à l'article 9 , l'une des deux surveillances sur les opérations funéraires auxquelles le Gouvernement souhaitait mettre fin par ordonnance, afin de conserver l'autre qui lui est toujours apparu nécessaire, compte tenu du fait qu'elle intervient dans une situation, le transport du corps d'une commune à l'autre, qui se caractérise par une solution de continuité du contrôle municipal sur les opérations funéraires.

4. Apporter de précisions complémentaires, afin de limiter le périmètre des habilitations et déterminer le dispositif susceptible d'être adopté sur leur fondement

À plusieurs reprises, votre commission, à l'initiative de son rapporteur a précisé le périmètre ou la finalité de certaines habilitations afin d'arbitrer directement parmi les différentes options ouvertes au Gouvernement.

Ainsi, à l'article 1 er , concernant la protection des mineurs sur lesquels l'autorité parentale n'est exercée que par l'un des parents (administration légale sous contrôle judiciaire), votre commission a tout d'abord décidé de modifier l'habilitation donnée au Gouvernement dans le sens du maintien, en l'assouplissant, du contrôle systématique du juge sur les actes de disposition qui concernent le patrimoine de l'enfant.

À l'article 2 , votre commission a maintenu l'habilitation en vue d'une meilleure articulation des interventions du juge du divorce et des notaires pour la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des époux, en imposant, contre ce que souhaitait le Gouvernement à l'origine, une clarification conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation en la matière.

Elle a restreint, à l'article 9 , le périmètre de l'habilitation demandée par le Gouvernement pour l'aménagement des procédures de délivrance des certificats de capacité professionnelle des conducteurs de taxis, à la seule mesure législative en cause, relative à la désignation de l'organisme compétent.

Votre commission a par ailleurs adopté deux modifications de fond à ce même article 9 . La première consiste à maintenir l'avis conforme du conseil municipal sur la délibération du CCAS relative à un emprunt, et la seconde, à confirmer l'obligation faite aux opérateurs funéraires de déposer dans les mairies des communes où ils exercent habituellement les devis-types de leurs prestations.

5. Revoir les conditions d'encadrement du démarchage en matière juridique

Votre commission a jugé nécessaire de revoir les conditions d'encadrement du démarchage en matière juridique.

Celles-ci ont fait l'objet d'un examen précipité dans le cadre du projet de loi relatif à la consommation, afin de rendre le droit français conforme aux exigences européennes, qui, en vertu d'une décision de la Cour de justice de l'union européenne en date du 5 avril 2011 30 ( * ) , déclarent contraires à la directive « Services » les interdictions absolues de démarchage en matière juridique.

Toutefois la rédaction retenue réserve la possibilité de réaliser des sollicitations personnalisées aux seuls avocats, interdisant ainsi aux autres professionnels du droit, exerçant à titre principal ou accessoire de procéder aux mêmes démarchages. Il convient de remédier à cette rupture caractérisée d'égalité entre les professions autorisées à pratiquer le droit.

En outre, les dispositions adoptées soustraient les avocats à toute répression pénale, même en cas de démarchage abusif, en ne les soumettant plus qu'à leur discipline ordinale.

Enfin, elles renvoient à un décret le soin de préciser l'encadrement nécessaire. Or, il apparaît souhaitable, pour contenir les excès possibles, et comme le souhaite, d'ailleurs, la profession d'avocat, de n'autoriser que le démarchage par voie écrite, afin de permettre aux personnes sollicitées de se constituer aisément une preuve de la démarche effectuée par le professionnel. De la même manière, il serait pertinent de renvoyer aux principes essentiels d'exercice de ce métier, pour garantir que le démarchage se déroulera dans le respect de la déontologie de cette profession.

À l'initiative de votre rapporteur, votre commission a adopté, à l'article 11 , un amendement reprenant ces différents points, afin d'ouvrir plus largement le débat sur cette question, initialement examiné sous un angle trop restreint.

*

* *

Au bénéfice de l'ensemble de ces observations, votre commission a adopté le projet de loi ainsi modifié.


* 30 CJCE, aff. C-119/09, Société fiduciaire nationale d'expertise comptable contre France , 5 avril 2011.

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