II. DES NÉGOCIATIONS CONFORMES À LA PRATIQUE CONVENTIONNELLE FRANÇAISE

A. LA CONSTITUTION D'UN RÉSEAU D'ENTRAIDE

Tout en convenant de la portée symbolique du présent Accord, votre rapporteure tient à insister sur la nécessité de le ratifier au titre de la politique conventionnelle visant à favoriser la coopération en matière répressive. En effet, cette Convention tend à participer à la constitution d'un réseau d'entraide internationale.

Outre les adhésions à des conventions multilatérales 27 ( * ) , les deux pays sont liés par un accord de coopération, conclu le 10 octobre 1989, en vue de lutter contre l'usage et le trafic illicites de stupéfiants et de substances psychotropes.

La Convention permettra donc d'étendre les modalités de cette coopération en matière répressive et viendra s'ajouter aux nombreux traités d'extradition en vigueur. On en dénombre 51 .

Il convient également de mentionner qu'un certain nombre de textes sont en cours de ratification. Il s'agit des traités respectivement conclus avec la Chine 28 ( * ) , le 20 mars 2007, la Jordanie 29 ( * ) , le 20 juillet 2011, l'Argentine 30 ( * ) , le 26 juillet 2011, le Pérou 31 ( * ) , le 12 février 2013.

Par ailleurs, sont en cours d'élaboration les projets de loi visant à ratifier les accords respectivement signés avec les Emirats Arabes Unis, en juillet 2011 32 ( * ) et le Costa Rica, le 4 novembre 2013.

Aux fins d'exhaustivité, et sous toutes réserves, des négociations ont été initiées avec l'Algérie 33 ( * ) et l'Ile Maurice 34 ( * ) . Sont également en projet les signatures de traités d'extradition avec le Chili et le Vietnam.

B. DES NÉGOCIATIONS FRUCTUEUSES

Les négociations se sont déroulées conformément à la pratique conventionnelle française . Elles ont été initiées en janvier 2007 par les autorités vénézuéliennes. Deux projets émanant de la Partie française ont été élaborés et communiqués au mois de mai 2007. Ils ont alors fait l'objet de contre-propositions de la Partie vénézuélienne au mois de juillet 2008.

Un consensus a été rapidement trouvé entre les deux Parties, à l'issue des trois sessions de négociations qui se sont déroulées en février, juin et décembre 2009. Après une période de vérification de la concordance linguistique, suivie d'ajustements du texte, les autorités vénézuéliennes ont donné leur accord au début du mois de novembre 2012. En conséquence, la Convention a pu être signée le 24 novembre 2012 dans le cadre de la réunion de la « commission franco-vénézuélienne de haut niveau » organisée à Caracas.

La Convention s'inspire des stipulations de la Convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 . Elle n'appelle pas d'observations particulières, à l'exception de l'article relatif à l'application des peines et celui limitant la durée de la Convention .

Tout d'abord, à la demande de la Partie vénézuélienne, l'article 6 de la Convention a été complété par l'interdiction d'extrader en cas d'application à la personne réclamée d' une peine supérieure à trente ans 35 ( * ) . Cette défense de remettre la personne réclamée peut, toutefois, être levée si la Partie requérante offre les garanties suffisantes que la peine ne sera ni requise, ni prononcée, ni exécutée.

Il a été précisé à votre rapporteure que cette question a été soulevée pour la première fois de manière expresse dans une convention bilatérale bien qu'elle ait déjà été évoquée par le passé. Elle avait alors donné lieu à une réserve.

Ainsi, le Portugal, dont la constitution prohibe les peines supérieures à vingt-cinq ans de privation de liberté a émis une réserve à la convention européenne d'extradition de 1957, enregistrée au Secrétariat Général le 13 février 1990 36 ( * ) .

La pratique conventionnelle française a autorisé dès 2009, la stipulation particulière concernant les peines supérieures à trente ans, à l'instar de celle prévue à l'article 6 de la Convention. En effet, le système d'application des peines français ne constitue pas un obstacle à son application.

S'agissant de la peine de réclusion criminelle à perpétuité (RCP), votre rapporteure a obtenu les précisions suivantes : « Il a déjà été fourni des assurances à divers Etats (notamment au Portugal) dans des situations où la peine de RCP était encourue ou avait été prononcée et était définitive en faisant état du réexamen des peines au terme d'une certaine période et en conséquence, de l'inexistence des peines de réclusion criminelle à perpétuité réelle . 37 ( * ) »

A l'appui de cette déclaration, on peut citer l'article 720-4 du code français de procédure pénale qui dispose que « lorsque le condamné manifeste des gages sérieux de réadaptation sociale, le tribunal de l'application des peines peut, à titre exceptionnel et dans les conditions prévues par l'article 712-7, décider qu'il soit mis fin à la période de sûreté prévue par l'article 132-23 du code pénal ou que sa durée soit réduite . » 38 ( * )

Concernant la seconde stipulation propre à la Convention , votre rapporteure relève que la Partie Vénézuélienne a souhaité que cet accord soit conclu pour une durée de cinq années 39 ( * ) .

Cette période est, cependant, automatiquement reconductible, sauf notification contraire d'une des Parties. Votre rapporteure juge que cette disposition n'affecte pas le dispositif sur le fond. La tacite reconduction permet de garantir la pérennité de l'engagement. Quant aux effets de la notification contraire, ils ne diffèrent pas de ceux d'une dénonciation généralement admise dans les traités d'extradition.


* 27 Ces conventions ont été signées sous l'égide des Nations unies. Il s'agit, en l'occurrence, de la convention unique sur les stupéfiants du 30 mars 1961, celle contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984, celle contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes du 19 décembre 1988, celle contre la criminalité transnationale organisée du 15 novembre 2000 ainsi que la convention contre la corruption du 31 octobre 2003. Ils ont également adhéré à la convention européenne sur le transfèrement des personnes condamnées du 21 mars 1983.

* 28 Projet de loi n° 1095 (2012-2013) autorisant la ratification du traité d'extradition entre la République française et la République populaire de Chine, en cours d'examen devant l'Assemblée nationale. Le texte a été adopté par le Sénat le 29 mai 2013.

* 29 Projet de loi n° 1181 (2012-2013) autorisant l'approbation de la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume hachémite de Jordanie, en cours d'examen devant l'Assemblée nationale. Le texte a été adopté par le Sénat le 25 juin 2013.

* 30 Projet de loi n° 785 (2012-2013) autorisant la ratification du traité d'extradition entre la République française et la République argentine, en cours d'examen devant l'Assemblée nationale. Le texte a été adopté par le Sénat le 12 mars 2013.

* 31 Projet de loi n° 1799 (2013-2014) autorisant la ratification du traité d'extradition entre la République française et la République du Pérou, en cours d'examen devant l'Assemblée nationale. Le texte a été adopté par le Sénat le 18 février 2014.

* 32 Une réserve du Conseil d'Etat sur l'un des articles a rendu nécessaire la présentation d'une lettre interprétative unilatérale auprès des autorités des Emirats Arabes Unis, en octobre 2013. Les autorités compétentes attendent une réponse d'Abou Dhabi prenant acte de la lettre.

* 33 Quatre sessions de négociation.

* 34 Trois sessions de négociation.

* 35 Cette interdiction répond à une exigence constitutionnelle vénézuélienne.

* 36 Il a ainsi fait savoir que « le Portugal n'accordera pas l'extradition de personnes lorsqu'elles seront réclamées pour une infraction à laquelle correspondra une peine ou une mesure de sûreté de caractère perpétuel ».

* 37 In. Réponses au questionnaire de votre rapporteure.

* 38 Il a été mentionné à votre rapporteure que « Toutefois, lorsque la cour d'assises a décidé de porter la période de sûreté à trente ans en application des dispositions du dernier alinéa des articles 221-3 et 221-4 du code pénal, le tribunal de l'application des peines ne peut réduire la durée de la période de sûreté ou y mettre fin qu'après que le condamné a subi une incarcération d'une durée au moins égale à vingt ans.

Dans le cas où la cour d'assises a décidé qu'aucune des mesures énumérées à l'article 132-23 du code pénal ne pourrait être accordée au condamné à la réclusion criminelle à perpétuité, le tribunal de l'application des peines ne peut accorder l'une de ces mesures que si le condamné a subi une incarcération d'une durée au moins égale à trente ans.

Les décisions prévues par l'alinéa précédent ne peuvent être rendues qu'après une expertise réalisée par un collège de trois experts médicaux inscrits sur la liste des experts agréés près la Cour de cassation qui se prononcent sur l'état de dangerosité du condamné.

Par dérogation aux dispositions du troisième alinéa de l'article 732, le tribunal de l'application des peines peut prononcer des mesures d'assistance et de contrôle sans limitation dans le temps » » In. Réponses au questionnaire de votre rapporteure.

* 39 Cf. article 24.

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