B. LES NOMBREUX APPORTS DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A l'initiative, le plus souvent, du rapporteur de leur commission des lois, M. Dominique Raimbourg, les députés ont très sensiblement enrichi le contenu du projet de loi, sans pour autant en dénaturer la portée.

Celui-ci compte, au terme de son examen par l'Assemblée nationale, 51 articles .

1. Les modifications apportées aux dispositions du projet de loi

Outre des améliorations formelles, les députés ont apporté plusieurs modifications de portée inégale aux articles du projet de loi initial.

A l'article 4 , qui permet la « césure » du procès pénal pour réaliser des investigations sur la personnalité de l'auteur, l'Assemblée nationale a précisé que la juridiction pourrait, dès la première audience par laquelle elle se prononce sur la culpabilité de l'auteur des faits, allouer à la victime des dommages et intérêts . Elle a également prévu que les enquêtes de personnalité pourraient être indistinctement confiées au SPIP ou à une association habilitée, en fonction des conditions propres à la juridiction.

Elle a sensiblement modifié l'économie de l'article 7 , qui revenait sur une disposition importante de la loi pénitentiaire. A l'initiative de sa commission des lois, elle a entièrement réécrit l'article afin de prévoir que toute personne condamnée à un an d'emprisonnement, que ce soit ou non en état de récidive légale, pourrait bénéficier d'un aménagement de peine ; ce quantum serait élevé à deux ans si la peine d'emprisonnement résulte d'un cumul de condamnations.

A l'article 8 , elle est, à l'issue de longs échanges avec le Gouvernement, parvenue à une solution de compromis concernant le champ de la contrainte pénale , qui serait réservée aux seuls délits punis de cinq ans d'emprisonnement jusqu'au 1 er janvier 2017, puis susceptible d'être prononcée pour tout délit à compter de cette date.

A l'article 9 , elle a notamment simplifié les modalités d'appel pour les ordonnances du JAP relatives à la contrainte pénale, mais conservé un système complexe de sanction des manquements aux obligations résultant de la contrainte pénale. Les députés ont également introduit davantage de contradictoire dans le processus d'exécution de cette nouvelle peine.

A l'article 11 , relatif aux principes devant guider l'exécution des peines, les députés ont apporté deux modifications importantes. En premier lieu, ils ont inversé l'ordre de présentation de l'article 707 du code de procédure pénale en faisant d'abord figurer l'objectif d'insertion ou de réinsertion au condamné et la nécessité d'un recours progressif à la liberté afin d'éviter la récidive et, seulement en deuxième position, les droits des victimes et l'obligation pour l'autorité judiciaire de les garantir. Ils ont ainsi rétabli l'ordre traditionnel entre l'intérêt de la société et celui des victimes. Par ailleurs, les députés ont inséré en séance publique des dispositions devant permettre d'éviter la présence de femmes enceintes en détention.

A l'article 12 , relatif à l'accès des détenus à leurs droits, l'Assemblée nationale a précisé que des conventions entre l'administration pénitentiaire et les autres services de l'État, les collectivités territoriales, les associations et d'autres personnes publiques ou privées définiraient les conditions et modalités d'accès des personnes condamnées aux droits et dispositifs en détention.

A l'article 15 , relatif aux pouvoirs des forces de l'ordre pour faire respecter les obligations des personnes placées sous contrôle judiciaire ou des personnes condamnées, elle a, outre quelques précisions apportées à l'article, voté un dispositif permettant aux forces de l'ordre, en cas de non-respect de ses obligations par le condamné et sur instruction du juge de l'application des peines, de procéder à l'interception, à l'enregistrement et à la transcription de ses correspondances émises par la voie des télécommunications et de le géolocaliser, en dehors de tout cadre d'enquête.

Enfin, à l'article 16 , relatif à la création de la libération sous contrainte, elle a précisé que le JAP, avant d'accorder une libération sous contrainte, pourra entendre les observations du condamné et, le cas échéant, celles de son avocat, à l'occasion de l'examen de la situation dudit condamné par la commission de l'application des peines (CAP).

2. Les dispositions additionnelles introduites par les députés

Les 30 articles additionnels introduits par les députés poursuivent divers objectifs concourant tous à « renforcer l'efficacité des sanctions pénales ». A cette fin, les députés ont modifié l'intitulé du projet de loi en ce sens.

Par ailleurs, ils ont prévu, à l'initiative du Gouvernement, qu'une évaluation de la mise en oeuvre du présent projet de loi serait menée et donnerait lieu, d'ici deux ans, à la remise d'un rapport au Parlement sur le sujet ( article 22 ).

a) Des dispositions visant une meilleure exécution des peines

Afin d'améliorer l'exécution des peines, les députés ont introduit dans le projet de loi un article 3 bis , qui inscrit dans la loi le principe de création dans chaque juridiction d'un bureau de l'exécution des peines (BEX), dispositif qui a fait la preuve de son utilité mais dont l'efficacité demeure tributaire des moyens affectés.

Par ailleurs, l'article 4 bis crée une nouvelle procédure de « césure » du procès pénal aux fins de consignation d'une somme d'argent, afin d'améliorer le taux de recouvrement des amendes pénales.

b) Une meilleure prise en compte des victimes

Complétant l'article 11 du projet de loi, les députés ont adopté plusieurs dispositions qui visent à améliorer les droits des victimes et le financement de l'aide aux victimes.

Introduit sur proposition du Gouvernement, l'article 7 quinquies inscrit dans le code de procédure pénale une disposition « transversale » sur la possibilité de recourir à tout stade de la procédure à une mesure de justice restaurative, avec l'accord de la victime et sous le contrôle de l'autorité judiciaire ou de l'administration pénitentiaire.

L'article 11 bis A reconnaît quant à lui le principe d'existence d'un bureau d'aide aux victimes par tribunal de grande instance - ce qui correspond, au terme d'une montée en charge rapide du dispositif, peu ou prou à la situation actuelle des juridictions.

L'article 11 bis vise à renforcer les modalités d'indemnisation des victimes d'infractions pénales, en ajoutant aux nombreux dispositifs d'ores et déjà en vigueur une nouvelle procédure, destinée à aider les victimes qui ne se sont pas constituées parties civiles et dont la mise en oeuvre reposerait sur le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI).

Enfin, afin de financer l'aide aux victimes, l'article 18 quater propose d'instaurer une majoration de 10 %, applicable à toute amende pénale recouvrée comme à un certain nombre de sanctions pécuniaires prononcées par des autorités administratives (Autorité de la concurrence, Autorité des marchés financiers, etc.).

c) Une plus grande latitude laissée au juge dans le prononcé et l'exécution de la peine

Afin de mieux articuler le SME avec la nouvelle peine de contrainte pénale, l'article 6 bis apporte plusieurs modifications au régime du SME. Il propose notamment de réserver aux « peines mixtes », à compter du 1 er janvier 2017, le prononcé de certaines mesures (obligation de soins, de suivre une formation, etc.) dans le cadre d'un SME. Il allège également les modalités de suivi de certaines obligations pour permettre au JAP de se concentrer sur les personnes condamnées requérant un suivi plus soutenu.

L'article 6 ter vise pour sa part à permettre d'interdire au condamné de prendre part à des jeux d'argent ou de hasard dans le cadre d'un SME ou d'une contrainte pénale.

L'article 6 quater supprime les dispositions limitant à une fois la possibilité de révocation partielle du sursis.

L'article 8 bis vise quant à lui à permettre au JAP de convertir une peine d'emprisonnement ferme d'un an maximum en une peine de contrainte pénale.

Enfin, l'article 19 A tend à permettre de condamner une personne, à titre de peine alternative, à l'interdiction de conduire un véhicule non-équipé d'un dispositif de démarrage par éthylotest.

d) Une plus grande souplesse dans l'exécution des peines

Les articles 7 bis , 7 ter et 7 quater suppriment la distinction entre récidivistes et non récidivistes pour l'octroi des aménagements de peine et le calcul des crédits de peine.

L'article 11 ter prévoit la prise en compte du comportement de l'intéressé dans l'octroi de confusion de peine.

L'article 16 bis prévoit la présence du SPIP au sein de la commission de l'application des peines (CAP), aux côtés du JAP, du procureur de la République et du directeur d'établissement.

L'article 16 ter précise que le condamné exécutant sa peine sous le régime de la semi-liberté ou du placement à l'extérieur peut bénéficier des mesures d'aide sociale mentionnées à l'article 132-46 du code pénal. Actuellement, l'article 723-10 du code de procédure pénale prévoit seulement que le condamné placé sous surveillance électronique peut bénéficier de ces mesures.

L'article 17 bis a pour objet d'éviter toute « sortie sèche » des personnes condamnées à une peine privative de liberté, dans l'hypothèse où elles n'auraient pas pu, aux deux tiers de l'exécution de leur peine, bénéficier d'une libération sous contrainte (article 16) ou d'une libération conditionnelle (article 17). Ces personnes pourront désormais être soumises par le JAP, pendant la durée des crédits de réduction de peine et des réductions supplémentaires de peine qui leur sont éventuellement octroyés, au respect de certaines mesures de contrôle, de certaines obligations et interdictions ainsi que des mesures d'aide prévues dans le cadre de la mise à l'épreuve.

Enfin, l'article 18 ter limite le champ de l'expertise psychiatrique obligatoire avant tout aménagement de peine ou toute permission de sortie aux personnes qui ont effectivement été condamnées à la peine de suivi socio-judiciaire, alors qu'actuellement ce sont toutes les personnes qui encouraient un tel suivi socio-judiciaire qui doivent faire l'objet d'une expertise. Il s'agit de tenir compte du fait que le suivi socio-judiciaire est aujourd'hui encouru pour de nombreuses catégories d'infractions, et non pour les seules infractions sexuelles comme lors de sa création.

Par ailleurs, l'article 18 quinquies , reprenant le texte d'une proposition de loi votée à l'unanimité par notre assemblée le 13 février 2014, crée une procédure de remise en liberté d'une personne prévenue dont l'état de santé est incompatible avec la détention provisoire.

Enfin, l'article 18 sexies simplifie la mise en oeuvre de la procédure de suspension de peine pour motif médical, en n'exigeant plus qu'une expertise médicale plutôt que deux.

e) Une plus grande association des acteurs de terrain

Les députés ont par ailleurs adopté plusieurs dispositions visant à impliquer davantage les acteurs locaux dans la prévention de la récidive.

L'article 12 bis ouvre ainsi la possibilité pour les détenus d'élire domicile auprès du centre communal d'action sociale (CCAS) de leur lieu de recherche de travail.

L'article 15 quater autorise quant à lui la constitution au sein des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) et des conseils intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CISPD) d'un groupe de travail relatif à l'exécution des peines. Il consacre surtout le conseil départemental de prévention de la délinquance comme lieu d'élaboration des politiques de sécurité et comme instance d'échange et de concertation pour les questions d'exécution de la peine et de prévention de la récidive. Enfin, l'état-major de sécurité et les organes de direction des zones de sécurité prioritaires se voient reconnaitre d'importantes prérogatives, comme celle de désigner les personnes sortant de détention devant faire l'objet d'un suivi particulier et de se faire communiquer en conséquence leur bulletin n°1 du casier judiciaire ainsi que les rapports d'expertise les concernant.

L'article 15 quinquies ouvre aux parlementaires la faculté d'assister aux CLSPD ou CISPD de la circonscription dans laquelle ils ont été élus et d'être consultés par ces instances sur la question de la prévention de la délinquance.

Enfin, l'article 15 sexies étend les conditions d'éligibilité au fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD). Les actions d'insertion, de réinsertion ou de prévention de la récidive à destination des personnes placées sous main de justice y seront désormais éligibles.

f) Un renforcement des prérogatives des forces de police et de gendarmerie

Enfin, en lien avec les modifications apportées à l'article 15, les députés ont adopté plusieurs dispositions tendant à renforcer les prérogatives des forces de police et de gendarmerie.

L'article 15 bis vise ainsi, d'une part, à permettre aux agents de police judiciaire (APJ) de mettre en oeuvre des mesures alternatives aux poursuites, et, d'autre part, à permettre, dans certaines conditions, aux officiers de police judiciaire (OPJ) de mettre en oeuvre des mesures alternatives aux poursuites de leur propre initiative (moyennant une information du procureur de la République une fois par an).

L'article 15 ter vise quant à lui à autoriser l'officier de police judiciaire à transiger avec les personnes physiques ou morales sur un certain nombre d'infractions pénales (y compris sur des délits punis d'une courte peine d'emprisonnement).

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