CHAPITRE III - L'ÉVOLUTION DES DÉPENSES DE L'ÉTAT SUR LA PÉRIODE 2015-2017

ARTICLE 13 - Programmation triennale des crédits des missions du budget général de l'État pour les années 2015 à 2017

Commentaire : le présent article fixe le plafond des crédits des missions du budget général de l'État pour la période 2015-2017. Ces plafonds n'incluent pas les dépenses non pilotables telles que les dépenses de retraite des fonctionnaires, la charge de la dette et les remboursements et dégrèvements.

I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A. LA PROGRAMMATION TRIENNALE : UN BUDGET PLURIANNUEL « SEMI-GLISSANT »

Suivant la démarche de programmation pluriannuelle des finances publiques adoptée par les précédentes lois de programmation, le présent article fixe les plafonds des crédits de paiement des missions du budget général de l'État , à périmètre constant, qui entrent dans le périmètre de la norme « zéro valeur » - c'est-à-dire hors remboursements et dégrèvements, charges de la dette et contributions au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions ». Le budget triennal est dit « semi-glissant » en ce que le plafond global (déterminé par la norme de dépenses « zéro valeur », définie à l'article 8 de la présente loi) est ferme pour l'ensemble de la période de programmation, tandis que les plafonds par mission sont impératifs pour les deux premières années de la programmation seulement, et que la répartition entre programmes n'est déterminée que pour la première année. La troisième année de la programmation constitue par ailleurs la première année de la prochaine programmation, le budget triennal étant élaboré tous les deux ans.

B. LE BUDGET PLURIANNUEL 2015-2017

Les crédits proposés par mission, pour les années 2015 à 2017, figurent dans le tableau ci-après, avec en référence les crédits de la loi de finances initiale pour 2014 au format du projet de loi de finances pour 2015 175 ( * ) . Pour mémoire, l'évolution des crédits entre 2013 et 2015 dans le précédent budget triennal est rappelée. Elle permet d'observer que sur l'ensemble des missions faisant l'objet de la programmation, la réduction de la dépense en valeur de 2015 à 2017 est de 0,5 %, contre une baisse d'environ 5,5 % entre 2013 et 2015 dans la dernière loi de programmation.

Entre 2015 et 2017, les missions « Outre-mer » et « Sport, Jeunesse et vie associative » sont celles qui connaîtraient la hausse des crédits budgétaires la plus forte avec une augmentation s'élevant respectivement à 4,5 % et 21 % (pour des plafonds 2017 de 2,11 et 0,52 milliards d'euros hors CAS « Pensions »).

Les missions qui verraient leurs moyens se réduire le plus, en proportion, seraient « Médias, livre et industries culturelles » et « Engagements financiers de l'État », dont les crédits budgétaires (hors CAS « Pensions ») diminueraient d'environ 20 %.

Programmation triennale 2014 - 2017 des crédits de paiement des missions du budget général de l'État (hors remboursements et dégrèvement, charge de la dette, et contributions au CAS « Pensions »)

Missions

LPFP 2014-2019

LPFP 2012-2017

LFI 2014 format 2015

2015

2016

2017

Évolution 2014-2017

Évolution 2012-2015

Action extérieure de l'État

2,84

2,82

2,96

2,75

-3,17%

0,7%

Administration générale et territoriale de l'État

2,17

2,17

1,93

2,16

-0,46%

-12,2%

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

2,93

2,68

2,54

2,51

-14,33%

-15,9%

Aide publique au développement

2,87

2,79

2,73

2,66

-7,32%

-7,0%

Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation

2,89

2,74

2,63

2,51

-13,15%

-9,3%

Conseil et contrôle de l'État

0,49

0,5

0,5

0,51

4,08%

4,2%

Culture

2,39

2,39

2,38

2,39

0,00%

-7,5%

Défense

29,6

29,1

29,62

30,15

1,86%

-0,7%

Direction de l'action du Gouvernement

1,14

1,18

1,17

1,18

3,51%

-1,8%

Écologie, développement et mobilité durables

7,06

6,65

6,59

6,56

-7,08%

-11,4%

Économie

1,63

1,55

1,53

1,5

-7,98%

-4,4%

Égalité des territoires et logement

13,11

13,21

13,32

13,16

0,38%

-5,7%

Engagements financiers de l'État

1

0,9

0,86

0,7

-30,00%

-14,8%

Enseignement scolaire

46,3

47,43

47,68

48,05

3,78%

2,6%

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

8,7

8,55

8,37

8,19

-5,86%

-4,7%

Immigration, asile et intégration

0,65

0,67

0,67

0,67

3,08%

8,5%

Justice

6,28

6,38

6,32

6,35

1,11%

5,0%

Médias, livre et industries culturelles

0,81

0,71

0,63

0,55

- 32,10 %

- 31,2 %

Outre-mer

2,01

2,02

2,07

2,11

4,98%

12,6%

Politique des territoires

0,81

0,75

0,72

0,67

-17,28%

-11,8%

Pouvoirs publics

0,99

0,99

0,99

0,99

0,00%

-1,0%

Recherche et enseignement supérieur

25,73

25,7

25,75

25,81

0,31%

2,9%

Régimes sociaux et de retraite

6,51

6,41

6,4

6,4

-1,69%

7,4%

Santé

1,17

1,2

1,22

1,23

5,13%

-7,8%

Sécurités

12,15

12,17

12,21

12,21

0,49%

8,4%

Solidarité, insertion et égalité des chances

15,38

15,55

15,8

16

4,03%

9,7%

Sport, jeunesse et vie associative

0,45

0,43

0,48

0,52

15,56 %

14,3%

Travail et emploi

11,41

11,07

10,53

9,84

-13,76%

-2,1%

Pour mémoire , Provisions

0,04

0,02

0,02

0,02

-50,00%

N.D.

Pour mémoire , Relations avec les collectivités territoriales

2,68

2,68

2,68

2,68

0,00%

1,2%

Total

209,47

208,7

208,6

208,3

-0,54%

-5,5%

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur

N.B. : les valeurs en gras sont les maxima et minima des colonnes (hors lignes « pour mémoire » et totaux). Toutes les missions sont appréciées hors charge de la dette, y compris la mission « Engagements financiers de l'État ».

C. LES ÉVOLUTIONS ENTRE LA LPFP 2012-2017 ET LE PRÉSENT PROJET DE BUDGET TRIENNAL

La comparaison entre les trajectoires budgétaires de deux lois de programmation successives est un exercice complexe du fait des changements de périmètre intervenus au sein du budget de l'État , qui interdisent toute mise en parallèle trop simpliste d'un budget avec l'autre : le retraitement des données est nécessaire pour que les comparaisons s'effectuent sur un format constant. Les informations transmises à votre rapporteur par le Gouvernement lui ont permis de disposer de ces données retraitées.

Le tableau ci-dessous procède donc à la comparaison de l'annuité 2015 du projet de loi de finances pour 2015 (première année du présent projet de budget triennal) avec l'annuité 2015 prévue par la précédente loi de programmation 176 ( * ) .

Tableau : comparaison entre l'annuité 2015 de la LPFP 2013-2017 et le PLF 2015
à format identique, en milliards d'euros

Mission

PLF 2015

Annuité 2015 de la LPFP 2012-2017, format PLF 2015

Écart PLF 2015 / annuité 2015 de la LPFP 2012-2017

Écart PLF 2015 / annuité 2015 de la LPFP 2012-2017 en %

Action extérieure de l'État

2,82

2,849

-0,029

-1,0%

Administration générale et territoriale de l'État

2,17

1,984

0,186

9,4%

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

2,68

2,925

-0,245

-8,4%

Aide publique au développement

2,79

3,067

-0,277

-9,0%

Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation

2,74

2,791

-0,051

-1,8%

Conseil et contrôle de l'État

0,5

0,503

-0,003

-0,6%

Culture

2,39

2,357

0,033

1,4%

Défense

29,1

30,2

-1,1

-3,6%

Direction de l'action du Gouvernement

1,18

1,144

0,036

3,1%

Écologie, développement et mobilité durables

6,65

7,075

-0,425

-6,0%

Économie

1,55

1,681

-0,131

-7,8%

Égalité des territoires et logement

13,21

12,963

0,247

1,9%

Engagements financiers de l'État

0,9

0,98

-0,08

-8,2%

Enseignement scolaire

47,43

46,56

0,87

1,9%

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

8,55

8,619

-0,069

-0,8%

Immigration, asile et intégration

0,67

0,629

0,041

6,5%

Justice

6,38

6,411

-0,031

-0,5%

Médias, livre et industries culturelles

0,71

0,757

-0,047

-6,2%

Outre-mer

2,02

2,151

-0,131

-6,1%

Politique des territoires

0,75

0,781

-0,031

-4,0%

Pouvoirs publics

0,99

0,992

-0,002

-0,2%

Recherche et enseignement supérieur

25,7

25,893

-0,193

-0,7%

Régimes sociaux et de retraite

6,41

6,842

-0,432

-6,3%

Santé

1,2

1,185

0,015

1,3%

Sécurités

12,17

12,331

-0,161

-1,3%

Solidarité, insertion et égalité des chances

15,55

15,447

0,103

0,7%

Sport, jeunesse et vie associative

0,43

0,557

-0,127

- 22,8%

Travail et emploi

11,07

10,369

0,701

6,8%

Pour mémoire , Relations avec les collectivités territoriales

2,68

2,66

0,02

0,8%

Total

208,71

210,043

-1,333

-0,6%

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires et les réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur

N.B. : les valeurs en gras sont les maxima et minima des colonnes (hors lignes « pour mémoire » et totaux). Toutes les missions sont appréciées hors charge de la dette, y compris la mission « Engagements financiers de l'État ».

La loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 prévoyait une stabilisation de la norme de dépenses en valeur de l'État 177 ( * ) . Cependant, pour faire face à la dégradation de la situation économique et compenser - partiellement - les pertes de recettes constatés en 2013 et 2014, le Gouvernement s'est trouvé dans l'obligation de diminuer davantage les dépenses de l'État.

Par rapport aux prévisions de la loi de programmation 2012-2017, les missions définies comme « prioritaires » par le Gouvernement ont bénéficié de moyens supplémentaires : au total, 1,9 milliard d'euros supplémentaire est ainsi attribué aux missions « Enseignement scolaire » (0,9 milliard), « Travail et emploi » (0,7 milliard), « Solidarité, insertion et égalité des chances » (0,1 milliard) et « Égalité des territoires, logement et ville» (0,2 milliard).

Les autres missions contribuent au financement de ces priorités par une baisse de leurs crédits par rapport aux prévisions de la loi de programmation des finances publiques.

Le présent article a été adopté sans modification par l'Assemblée nationale.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur considère que le présent projet de budget triennal ne permettra pas à la France de maîtriser ses dépenses publiques de manière durable et ordonnée , compte tenu de la faiblesse des réformes structurelles permettant d'infléchir significativement la dynamique de certaines dépenses.

D'une part, les économies proposées par cette trajectoire sont insuffisantes et peu documentées . Votre rapporteur relève en particulier le dynamisme des dépenses de prestations que le gel des prestations ne saurait suffire à contenir dans un contexte de faible inflation. La nécessaire maîtrise des dépenses d'intervention de l'État appelle à de véritables réformes structurelles, par exemple en matière de logement ou de formation professionnelle.

D'autre part, le dogmatisme du Gouvernement sur les effectifs de l'État et de ses opérateurs et sur les politiques jugées prioritaires , alors même que les postes créés dans l'Éducation nationale peinent à être pourvus, conduisent à réduire sans réforme d'ensemble les crédits de la quasi-totalité des missions.

Décision de votre commission : votre commission a supprimé cet article.

ARTICLE 14 - Baisse des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales

Commentaire : le présent article prévoit la diminution des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales de 11 milliards d'euros entre 2014 et 2017.

I. LE DROIT EXISTANT

L'article 13 de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2012 à 2017 178 ( * ) définit le périmètre et l'évolution des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales entre 2012 et 2015.

A. UN PÉRIMÈTRE EXCLUANT NOTAMMENT LE FCTVA ET LES DOTATIONS DE COMPENSATION DE LA RÉFORME DE LA TAXE PROFESSIONNELLE

Le périmètre des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales auquel s'applique une norme d'évolution est stable depuis la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 179 ( * ) .

L'article 13 précité précise qu'il comprend :

- la dotation générale de décentralisation (DGD) de la formation professionnelle qui relève de la mission budgétaire « Travail et emploi » ;

- les crédits du budget général de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » (RCT) ;

- les prélèvements sur recettes (PSR) de l'État établis au profit des collectivités territoriales, à l'exception du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) et des dotations de compensation de la réforme de la taxe professionnelle 180 ( * ) .

B. UNE BAISSE DES CONCOURS FINANCIERS DE L'ÉTAT AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES AMORCÉE EN 2014

Si l'article 7 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 prévoyait une stabilisation en valeur de cet ensemble communément appelé « enveloppe normée », la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 a initié sa diminution.

« Enveloppe normée » et variables d'ajustement

Certaines composantes de l'enveloppe normée peuvent augmenter : par exemple, la dotation globale de fonctionnement (DGF) augmente « spontanément » en raison de la croissance démographique.

Aussi, certains prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales compris dans l'enveloppe et appelés « variables d'ajustement » sont minorés pour garantir le respect de la norme.

L'article 13 de la LPFP 2012-2017 prévoit que l'enveloppe normée « ne peut, à périmètre constant, excéder les montants suivants » :

Évolution des concours de l'État aux collectivités territoriales prévue par la LPFP 2012-2017

(en milliards d'euros)

2012

2013

2014

2015

Montant maximum de l'enveloppe normée

50,53

50,53

49,78

49,03

Variation annuelle

0

-0,75

-0,75

Source : LPFP 2012-2017

Alors que la loi de programmation prévoyait une diminution de l'enveloppe normée de 750 millions d'euros en 2014 puis du même montant en 2015, le Gouvernement a annoncé, en février 2013, une baisse des dotations de 1,5 milliard d'euros en 2014 et en 2015, soit le double de ce qui avait été initialement annoncé. Cette baisse ayant été intégralement imputée sur la dotation globale de fonctionnement (DGF), la loi de finances pour 2014 181 ( * ) a diminué en conséquence le montant de celle-ci, pour l'établir à 40,121 milliards d'euros.

Évolution des concours de l'État aux collectivités territoriales entre 2012 et 2015

(en milliards d'euros)

2012

2013

2014

2015

Montant maximum de l'enveloppe normée selon la LPFP 2012-2017

50,53

50,53

49,78

49,03

Variation annuelle prévue (LPFP 2012-2017)

0

-0,75

-0,75

Variation annuelle retenue dans la loi de finances pour 2014

0

-1,5

Source : LPFP 2012-2017 et loi de finances initiale (LFI) pour 2014

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A. UNE ACCÉLÉRATION DE LA BAISSE DES CONCOURS FINANCIERS DE L'ÉTAT AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Le présent article prévoit une diminution des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales de 11 milliards d'euros entre 2014 et 2017 ; ceux-ci diminueront, chaque année, de 3,67 milliards d'euros par rapport à l'année précédente.

Le premier alinéa du présent article prévoit que l'ensemble des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales ne peut excéder les montants suivants :

(en milliards d'euros)

2014

2015

2016

2017

56,86

53,2

49,53

45,86

Source : PLPFP 2015-2019

La baisse des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales
entre 2013 et 2017

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

N.B. : la baisse est appliquée au montant et au périmètre 2013 de l'enveloppe normée

B. UN CHANGEMENT DE PÉRIMÈTRE QUI POSE QUESTION

En raison d'une modification du périmètre retenu, les montants indiqués dans le présent article sont supérieurs à ceux prévus dans la précédente loi de programmation :

Trajectoires de « l'enveloppe normée » retenues dans la LPFP 2012-2017
et le PLPFP 2014-2019

(en milliards d'euros)

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Montant maximum de l'enveloppe normée selon la LPFP 2012-2017

50,53

50,53

49,78

49,03

Montant maximum de l'ensemble des PSR selon
le PLPFP 2014-2019

56,86

53,2

49,53

45,86

Source : LPFP 2012-2017 et PLPFP 2014-2019

En effet, le 1° prévoit que le périmètre des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales soumis à cette norme d'évolution correspond à l'ensemble des prélèvements sur recettes de l'État au profit des collectivités territoriales.

Autrement dit, le présent projet de loi élargit le périmètre de la norme à des prélèvements sur recettes qui en étaient jusqu'alors exclus : il s'agit du FCTVA et des dotations de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (cf. supra ).

Changement de périmètre

(en millions d'euros)

LFI 2014

PLF 2015

« Enveloppe normée » : périmètre 2014

47 292

43 480

PSR hors enveloppe jusqu'en 2015

FCTVA

5 769

5 935

Dotations de compensation de la réforme de la taxe professionnelle

3 778

3 754

Concours de l'État : nouveau périmètre 2015

56 839

53 169

Source : commission des finances du Sénat à partir des annexes aux PLF « Transferts financiers de l'État aux collectivités territoriales »

Cette modification du périmètre des concours de l'État aux collectivités territoriales soumis à une norme de dépense n'est pas sans poser question : les PSR devront diminuer davantage pour compenser la hausse du FCTVA . En outre, l'introduction dans ce périmètre des dotations de compensation de la réforme de la taxe professionnelle pourrait ouvrir la voie à une remise en cause de leur sanctuarisation.

Lors de l'examen de l'article 9 du projet de loi de finances pour 2015, l'Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement faisant en sorte que l'augmentation du FCTVA ne pèse pas sur les « variables d'ajustement » ; le taux de minoration appliqué à celles-ci est donc plus faible que dans la version initiale du projet de loi de finances. Aussi, par cohérence, il conviendrait d'exclure le FCTVA de « l'enveloppe normée » définie par le présent article.

Le 2° prévoit, comme c'est le cas traditionnellement, que les crédits du budget général de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » à l'exception des « crédits ouverts au titre de la réserve parlementaire » sont également soumis à la norme d'évolution.

Enfin, comme les précédentes lois de programmation, le présent article prévoit une association des collectivités territoriales aux modalités de répartition des concours.

*

Le présent article a été adopté sans modification par l'Assemblée nationale.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Les collectivités territoriales doivent participer à l'effort de redressement des finances publiques : leurs dépenses représentent en effet 20 % de l'ensemble des dépenses publiques.

Toutefois, l'État doit assurer aux élus locaux une certaine prévisibilité quant à leurs recettes, à la fois pour qu'ils soient en mesure de définir les projets qu'ils peuvent mettre en oeuvre, mais aussi pour être en capacité de programmer et de réaliser des économies.

La baisse des concours de l'État, telle qu'elle est prévue par le présent projet de loi, risque de conduire les élus locaux à devoir réaliser des économies là où la dépense est la moins rigide, et non nécessairement là où elle est la moins efficace . En clair, les dépenses d'investissement vont probablement être réduites, faute de pouvoir réaliser des économies substantielles, à court terme, sur les dépenses de personnel et de fonctionnement.

A. BAISSE DES DOTATIONS : UNE SÉRIE D'ENGAGEMENTS NON TENUS

Le vote de la LPFP 2012-2017, en décembre 2012, a annoncé la baisse, voulue par le Gouvernement, des dotations de l'État aux collectivités territoriales de 750 millions d'euros en 2014, suivie d'une nouvelle diminution du même montant en 2015.

Dès le 13 février 2013, Jérôme Cahuzac, alors ministre chargé du budget, annonçait que la baisse des dotations serait deux fois plus importante que prévue : 1,5 milliard d'euros en 2014, suivie d'une nouvelle diminution du même montant en 2015.

C'est sur ce fondement qu'a été conclu, le 16 juillet 2013, un « pacte de confiance et de responsabilité entre l'État et les collectivités locales ».

Faisant fi de ce pacte, le nouveau Premier ministre Manuel Valls détaillait, le 16 avril 2014, son plan d'économies de 50 milliards d'euros sur la période 2015-2017, comprenant 11 milliards d'euros de baisse des dotations aux collectivités territoriales, dont 3,67 milliards d'euros dès 2015.

Cette succession d'annonces n'est pas favorable à un « redressement des finances publiques fondé sur la confiance mutuelle et l'engagement de chacun », qu'Alain Lambert et Martin Malvy appellaient de leurs voeux dans le rapport qu'ils ont remis au Président de la République en avril 2014.

La prévisibilité des concours de l'État aux collectivités territoriales est d'autant plus indispensable que certains impôts locaux - la cotisation sur la valeur ajoutée (CVAE) notamment - s'avèrent particulièrement volatils.

B. DES MARGES DE MANoeUVRE RÉDUITES PAR LES CONTRAINTES IMPOSÉES PAR L'ÉTAT

La gestion des collectivités territoriales s'avère doublement contrainte : côté recettes, les dotations diminuent, tandis que, s'agissant des dépenses, les obligations, qu'elles soient législatives ou réglementaires, augmentent. Or, dans les deux cas, la décision est imposée par l'État.

Ainsi, l'année 2013 a été marquée par la réforme des rythmes scolaires, imposée aux collectivités territoriales.

En dépit d'une aide limitée et temporaire à travers le fonds d'amorçage, cette réforme a contraint le budget des collectivités locales, en particulier celui des communes, mais aussi des départements au titre des transports scolaires. Selon l'association des maires de France (AMF), le coût de la réforme s'élèverait au moins à 600 millions d'euros en année pleine, l'Assemblée des départements de France (ADF) estimant le surcoût en matière de transports scolaires à environ 60 millions d'euros par an.

De même, les décisions unilatérales du Gouvernement concernant la revalorisation des catégories C de la fonction publique territoriale ou la hausse du revenu de solidarité active (RSA) ont entraîné un surcoût important pris en charge par les collectivités territoriales.

Les annonces généreuses du Gouvernement sont d'autant plus faciles qu'elles sont principalement financées par les collectivités territoriales.

Ainsi, le surcoût, pour les départements, des revalorisations successives du RSA depuis 2012, est estimé à plus d'un milliard d'euros en 2016 :

Surcoût annuel de la revalorisation exceptionnelle du RSA pris en charge par les départements par rapport à 2012

(en millions d'euros)

2013

2014

2015

2016

2017

Revalorisation du montant forfaitaire du RSA de 2 % au-delà de l'inflation (RSA socle)

86

370

678

1 011

1 341

Source : direction du budget à partir des prévisions de la caisse nationale d'allocations familiales (CNAF)

C. UN RISQUE RÉCESSIF

En raison du calendrier, la baisse des concours de l'État aux collectivités territoriales risque de se traduire par une diminution de leurs dépenses d'investissement et non de leurs dépenses de fonctionnement, comme le suppose le Gouvernement. En effet, plusieurs années peuvent s'avérer nécessaires afin de réduire les dépenses de fonctionnement et en particulier la masse salariale.

Selon les hypothèses du Gouvernement, les dépenses d'investissement diminueraient en 2014 de 5 % puis de 6 % en 2015 , uniquement sous l'effet du cycle électoral. Toutefois, l'ampleur de ce repli paraît particulièrement important au regard des précédents cycles et on peut se demander si les prévisions du Gouvernement ne tiennent pas compte des conséquences de la baisse des dotations sur l'investissement local.

En outre, le repli de l'investissement pourrait s'avérer assez nettement supérieur aux prévisions.

Pour la Banque postale 182 ( * ) , les investissements devraient diminuer en 2014 de 7,4 %, « soit une des baisses les plus fortes observées depuis les premières lois de décentralisation ».

En outre, si ce repli des investissements n'est pas surprenant pour une année d'élections municipales, « son ampleur est en revanche plus exceptionnelle, elle résulte d'un repli fort pour le bloc communal (- 10,2 % pour les communes et - 5,6 % pour les groupements à fiscalité propre) mais également d'une baisse pour les autres niveaux de collectivités locales (- 3,4 % pour les régions et les départements ».

S'agissant de l'année 2015 , la note de conjoncture précise : « en moyenne, depuis vingt ans, le repli de l'investissement du bloc communal observé en deuxième année de mandat s'établit autour de 7 % en volume. Mais le cycle actuel ne peut pas être considéré comme traditionnel et le repli pourrait être plus fort du fait du contexte économique contraint mais également du repli des dotations et de l'atonie attendue des ressources fiscales qui réduisent la capacité d'autofinancement des collectivités locales ».

Les collectivités territoriales prennent en charge 70 % de l'investissement public civil, et représentent une part significative des carnets de commande des entreprises de bâtiments et travaux publics (BTP).

Ces entreprises s'inquiètent déjà des conséquences de la baisse des concours de l'État : selon la fédération nationale des travaux publics 183 ( * ) , « affecté de plein fouet par la baisse des dotations de l'État, l'investissement des collectivités locales est en berne et les carnets de commande des entreprises en chute libre. Sans mesure de relance de l'investissement public, ce sont 60 000 emplois qui sont aujourd'hui directement menacés d'ici à 2017 ».

La baisse des dotations pourrait donc avoir un effet massif sur l'investissement public et, par conséquent, sur l'emploi mais aussi sur la croissance. Elle devrait donc également se traduire par une diminution des recettes fiscales de l'État et des cotisations sociales.

D. GÉRER DANS UN MONDE INCERTAIN

L'action des collectivités territoriales - et donc leurs dépenses - s'inscrit dans un contexte institutionnel désormais mouvant : annonce de la suppression de la clause de compétence générale avant même l'entrée en vigueur de son rétablissement, modification de la carte des régions, redistribution des compétences entre niveaux de collectivités, suppression puis « dévitalisation » des conseils généraux, ou seulement de certains...

Cette instabilité s'applique également aux finances : réforme de la dotation globale de fonctionnement (DGF), attribution d'une part de cotisation sur la valeur ajoutée (CVAE) supplémentaire aux régions sans précision quant aux collectivités « perdantes », révision générale des valeurs locatives...

Il ne s'agit pas ici de remettre en cause le bienfondé de chacune de ces réformes, mais d' alerter sur une instabilité chronique peu propice à une « modernisation de l'action publique territoriale » pourtant affichée par le Gouvernement .

Décision de votre commission : votre commission a supprimé cet article.

ARTICLE 15 - Réduction des plafonds de certaines impositions de toutes natures affectées à des organismes concourant à une mission de service public

Commentaire : le présent article établit l'objectif de diminution, de 2015 à 2017, du montant total du plafonnement de certaines taxes affectées à des opérateurs de l'État.

I. LE DROIT EXISTANT

A. LE PRINCIPE DE L'ENCADREMENT DES RESSOURCES DES OPÉRATEURS

1. Le champ des opérateurs de l'État

Les opérateurs sont des organismes présentant une grande proximité avec le budget et les missions de l'État. Trois critères principaux sont retenus : une activité de service public, un financement assuré majoritairement par l'État et un contrôle direct par l'État. Il est toutefois possible de qualifier d'opérateur de l'État « des organismes ne répondant pas à tous les critères ci-dessus, mais considérés comme porteurs d'enjeux importants pour l'État 184 ( * ) ».

En dehors de ressources propres (financements européens, privés, produits de vente, redevance...), les opérateurs bénéficient de recettes publiques par deux principaux biais : des crédits budgétaires (82 % du montant total des ressources publiques leur étant attribuées) et des taxes dites « affectées » (17 %) dont tout ou partie du produit leur revient. Ils peuvent également bénéficier de ressources publiques sous la forme de dotations en fonds propres (1 %) : l'État alloue des fonds non consomptibles aux opérateurs qui, en contrepartie du dépôt de ces fonds au Trésor, bénéficient d'un financement censé correspondre à la rémunération des fonds.

Les opérateurs retenus dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014 étaient au nombre de 550 et se rattachaient à 57 programmes . L'effort financier de l'État en faveur des opérateurs (incluant les crédits budgétaires versés par l'État à ses opérateurs ainsi que les recettes fiscales qui leur sont affectées, y compris les taxes non plafonnées) s'élevait au total à 51,1 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 50,3 milliards d'euros en crédits de paiement.

2. La nécessité d'une maîtrise des ressources des opérateurs

Un rapport de l'Inspection générale des finances (IGF), publié en mars 2012 185 ( * ) , a souligné la part importante et croissante occupée par les opérateurs dans le budget de l'État : entre 2007 et 2012 le montant global des crédits du budget général de l'État et des taxes affectées (à hauteur de près de 10 milliards d'euros en 2012) - a progressé de 15 %, soit une croissance quatre fois plus rapide que celle des dépenses du budget général de l'État.

Cette évolution s'explique notamment par le dynamisme des taxes affectées aux opérateurs . Ce dynamisme ne se dément pas sur les dernières années : à périmètre constant, les taxes affectées aux opérateurs ont ainsi augmenté selon le Jaune « Opérateurs » de 660 millions d'euros entre la loi de finances pour 2013 et le projet de loi de finances pour 2014, soit une hausse de près de 9 % .

La participation des opérateurs à l'effort d'assainissement des finances publiques exige donc de maîtriser le dynamisme des taxes affectées . Comme le souligne le Jaune « Opérateurs » annexé au projet de loi de finances pour 2014, trois axes permettent de maîtriser les dépenses des opérateurs : en dehors de la maîtrise des effectifs 186 ( * ) , il s'agit d'une évolution « très modérée » des dotations de l'État d'une part 187 ( * ) , du plafonnement des taxes affectées et de la réduction du plafond d'autre part.

La loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2015 a donc fixé un principe général : l'article 8 dispose que les organismes concourant à une mission de service public, autres que les collectivités territoriales et les organismes de sécurité sociale « contribuent à la réalisation de l'objectif à moyen terme par une réduction progressive du produit des impositions de toutes natures qui leur sont affectées ou par une diminution progressive des crédits qui leur sont attribués ».

B. LA MAÎTRISE DES TAXES AFFECTÉES : PLAFONNEMENT ET RÉDUCTION DU PLAFOND

1. Le plafonnement des taxes

Le principe du plafonnement des taxes affectées a été posé par l'article 46 de la loi de finances initiale pour 2012 188 ( * ) . Des plafonds de ressources ont été fixés ; en cas de dépassement de ces plafonds, il est procédé à un reversement de l'excédent du produit de la taxe au budget général de l'État. Ainsi, le dynamisme d'une taxe plafonnée ne bénéficie plus aux affectataires, au-delà du plafond défini initialement, mais contribue à la réduction du besoin de financement de l'État.

Au regard de l'inflation et de la dynamique spontanée de l'assiette, il est nécessaire d'ajuster régulièrement les plafonds , qui sont exprimés en valeur absolue.

La fixation du plafond dépend pour partie des estimations fournies par les opérateurs eux-mêmes , sur lesquelles la direction des finances publiques a parfois une capacité de contre-expertise limitée en l'absence de communication des données d'assiette et de recouvrement. En l'absence de plafonnement, les opérateurs ont donc intérêt à sous-estimer leurs recettes fiscales à venir afin de bénéficier de dotations budgétaires plus importantes leur permettant d'augmenter leur trésorerie ou de financer de nouvelles dépenses. Au contraire, l'existence d'un plafonnement incite à fournir une estimation élevée du rendement attendu de la taxe afin que le plafond fixé ne conduise pas à un écrêtement trop important du produit final perçu par l'organisme.

2. La réduction du plafond

Fixer un objectif annuel de réduction des plafonds à périmètre constant permet de s'assurer que le plafond joue un rôle contraignant effectif sur les ressources fiscales des opérateurs, ce qui contribue à les inciter à maîtriser leurs dépenses et à développer leurs ressources propres et permet d'accroître progressivement la contribution des ressources fiscales affectées à l'équilibre des finances publiques.

Ainsi la loi de programmation précédente prévoyait déjà, à son article 12, une réduction annuelle des plafonds des taxes affectées à des opérateurs mentionnées au I de l'article 46 de la loi de finances pour 2012 précitée : 191 millions d'euros en 2013, 265 millions d'euros en 2014 et 465 millions d'euros en 2015.

Cette réduction devait s'apprécier une année donnée par rapport au produit prévu au 1 er janvier 2012.

L'absence de précision relative au périmètre (constant ou non) et à la valeur (en euros courants ou constants) rend l'évaluation du respect de l'objectif difficile.

Les informations transmises par le Gouvernement à votre rapporteur font état d'un respect du plafond.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent projet d'article prévoit un rythme de réduction qui décroît progressivement, avec une réduction annuelle des plafonds des taxes affectées mentionnées au I de l'article 46 de la loi de finances pour 2012 précitée qui s'élève à :

- 309 millions d'euros en 2015,

- 120 millions d'euros en 2016

- et 87 millions en 2017.

Au total, sur l'ensemble de la période triennale, la réduction du plafond est plus élevée de 51 millions d'euros dans le présent projet de loi de programmation des finances publiques 2014-2019 que dans la loi de programmation des finances publiques 2012-2017.

La réduction s'apprécie d'une année sur l'autre, et non par comparaison avec un point de départ fixe (au contraire du dispositif prévu dans la précédente loi de programmation).

En outre, la réduction est évaluée en euros courants (c'est-à-dire sans révision liée au taux d'inflation prévu ou constaté) et à périmètre constant : les nouvelles taxes affectées plafonnées, par exemple en application de l'article 16 du présent projet de loi, ne sont pas prises en compte dans le calcul, ni celles qui sont sorties du dispositif de plafonnement (par exemple en cas de rebudgétisation).

L'avantage d'une appréciation à périmètre constant consiste à éviter qu'une sortie du périmètre du plafonnement ne soit assimilée à une baisse du plafond . Cependant, dans la mesure où l'article 16 du présent projet de loi prévoit un principe général de plafonnement ou de budgétisation des taxes affectées à horizon 2017 et empêche donc les sorties du périmètre plafonné hors cas de rebudgétisation, une estimation à périmètre courant aurait présenté l'avantage d'encadrer les taxes qui seront intégrées au dispositif de plafonnement en cours de période.

Le graphique ci-dessous permet de comparer le rythme de réduction du plafond prévu par la loi de programmation des finances publiques 2012-2017 d'une part, et le projet de loi de programmation des finances publiques 2014-2019 d'autre part.

La réduction du plafond des taxes affectées par rapport à l'année précédente

en millions d'euros courants

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires.

***

Le présent article a été adopté sans modification par l'Assemblée nationale.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur considère que la maîtrise des recettes publiques des opérateurs est un objectif majeur pour la maîtrise des dépenses publiques : ceux-ci ne doivent pas constituer un point de fuite des dépenses de l'État et nuire à l'efficacité des dispositifs de pilotage et d'évaluation des dépenses publiques.

La réduction des plafonds proposée, couplée au principe d'une alternative entre plafonnement et budgétisation à horizon 2017 posé par l'article 16 du présent projet de loi, permet de s'assurer que les opérateurs bénéficiant de ressources fiscales affectées sont incités à développer leurs ressources propres pour financer leurs dépenses.

Toutefois se pose la question de la fiabilité des estimations de recettes fiscales dans le cas où ce sont les opérateurs qui en bénéficient qui les apprécient . Une stratégie d'optimisation du plafond peut mener à ce que les montants estimés déclarés à l'administration soient significativement sur ou sous-estimés, afin de recevoir une dotation budgétaire supérieure ou d'éviter que le plafond de la taxe ne conduise à un écrêtement trop important.

Pour que l'administration soit en mesure de s'assurer de la fiabilité des estimations fournies, et puisse effectuer un meilleur suivi de l'évolution des recettes fiscales, votre commission a adopté, sur la proposition de votre rapporteur, un amendement créant un article additionnel (après l'article 25) visant à ce que les opérateurs qui recouvrent eux-mêmes les taxes qui leur sont affectées transmettent à la direction générale des finances publiques les données intéressant l'assiette et la liquidation de l'impôt.

Décision de votre commission : votre commission a adopté cet article sans modification.

ARTICLE 16 - Règles encadrant le recours à l'affectation de recettes fiscales à certains organismes concourant à une mission de service public

Commentaire : le présent article prévoit trois mesures pour encadrer le recours aux taxes affectées à des tiers (en dehors des secteurs local et social) : la taxe doit avoir le caractère d'une quasi-redevance, d'un prélèvement sectoriel ou d'une contribution assurantielle, toute nouvelle affectation doit être plafonnée et gagée par une suppression à due concurrence de taxes affectées déjà existantes liées au même ministère et, à horizon 2017, toute taxe affectée devra être soit plafonnée, soit budgétisée.

I. LE DROIT EXISTANT

A. L'AFFECTATION DE RESSOURCES FISCALES, UN DISPOSITIF LARGEMENT UTILISÉ ET PEU ENCADRÉ

1. Près de 35 milliards de taxes affectées à des tiers autres que les collectivités territoriales et les organismes de sécurité sociale

En dehors de ressources propres (financements européens, privés, produits de vente, redevance...), les opérateurs bénéficient de recettes publiques par deux principaux biais : des crédits budgétaires (82 % du montant total des ressources publiques leur étant attribuées 189 ( * ) ) et des taxes dites « affectées » (17 %) dont tout ou partie du produit leur revient. Ils peuvent également bénéficier de ressources publiques sous la forme de dotations en fonds propres (1 %) : l'État alloue des fonds non consomptibles aux opérateurs qui, en contrepartie du dépôt de ces fonds au Trésor, bénéficient d'un financement censé correspondre à la rémunération des fonds.

D'après l'annexe « Voies et moyens » au projet de loi de finances pour 2015, les taxes affectées à des tiers n'appartenant ni au secteur local ni au secteur social s'élèvent à près de 35 milliards d'euros en 2015 190 ( * ) .

Le tableau ci-dessous présente la répartition des différentes taxes affectées selon le destinataire, et précise l'évolution totale entre 2013 et 2015.

Montant (recettes nettes), évolution et répartition des ressources fiscales affectées à des tiers, en millions d'euros

Organismes

Exécution 2013

Prévision 2014

Prévision 2015

Part de chaque catégorie dans la prévision 2015

Évolution entre 2013 et 2015

Organismes d'administration centrale

15 616

15 579

14 252

5,5%

-8,7%

- Opérateurs de l'État

5 251

5 244

6 153

2,4%

17,2%

- Autres

10 365

10 335

8 099

3,1%

-21,9%

Secteur social

152 945

154 721

169 276

65,2%

10,7%

Secteur local

54 504

55 665

55 898

21,5%

2,6%

Divers

19 671

20 870

20 283

7,8%

3,1%

- Emploi et formation professionnelle

10 592

10 735

8 780

3,4%

-17,1%

- Industrie, recherche, commerce et artisanat

574

574

552

0,2%

-3,8%

- Équipement, logement, transports et urbanisme

3 083

3 153

3 296

1,3%

6,9%

- Agriculture

17

17

9

0,0%

-47,1%

- Environnement

5 354

6 379

7 603

2,9%

42,0%

- Divers

51

12

43

0,0%

-15,7%

Total

242 736

246 835

259 709

100,0%

7,0%

Total hors secteurs local et social

35 287

36 449

34 535

13,3%

-2,1%

Source : commission des finances du Sénat, d'après l'annexe « Voies et moyens » du projet de loi de finances pour 2015

Le choix entre crédits budgétaires et affectation fiscale n'est pas neutre en termes budgétaires, comme l'a montré l'étude prévue à l'article 21 de la loi de programmation 2012-2017 réalisée par le Conseil des prélèvements obligatoires en 2013 191 ( * ) . L'affectation d'impositions de toutes natures présente en effet un double inconvénient : d'une part, elle conduit à ce que ce financement public échappe au contrôle du Parlement lors de l'examen du projet de loi de finances. Au surplus, l'affectation déroge au principe d'universalité budgétaire posé par l'article 6 de la loi organique relative aux lois de finances : « le budget décrit, pour une année, l'ensemble des recettes et des dépenses budgétaires de l'État ». D'autre part, si les taxes affectées connaissent une évolution dynamique, elles entraînent alors une progression de la dépense des organismes concernés à un rythme plus soutenu que celle des organismes financés sur subvention budgétaire incluse dans la norme de dépense de l'État. Ainsi, entre 2013 et 2015 192 ( * ) , les taxes affectées ont crû de 7 % alors que les recettes fiscales nettes de l'État ont diminué, sur la même période, d'environ 2 %.

2. Un faible encadrement des conditions de création et de maintien des taxes

Il n'existe pas de doctrine fixant précisément la répartition du financement des organismes entre crédit budgétaire et affectation fiscale .

La loi n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) dispose seulement que « les impositions de toute nature ne peuvent être directement affectées à un tiers qu'à raison des missions de service public confiées à lui 193 ( * ) » et que l'affectation à une autre personne morale d'une ressource établie au profit de l'État doit être autorisée dans la loi de finances 194 ( * ) .

Elle prévoit également une annexe explicative jointe au projet de loi de finances de l'année « comportant la liste et l'évaluation, par bénéficiaire ou catégorie de bénéficiaires, des impositions de toute nature affectées à des personnes morales autres que l'État 195 ( * ) ». Cette annexe est intégrée au tome I des évaluations des voies et moyens, qui récapitule les évaluations de recettes.

B. UN PLAFONNEMENT DES TAXES AFFECTÉES DE PLUS EN PLUS ÉTENDU MAIS TOUJOURS INCOMPLET

1. Le principe du plafonnement

Le principe du plafonnement des taxes affectées a été posé par l'article 46 de la loi de finances initiale pour 2012 196 ( * ) . Des plafonds de ressources ont été fixés ; en cas de dépassement de ces plafonds, il est procédé à un reversement de l'excédent du produit de la taxe au budget général de l'État. Ainsi, le dynamisme d'une taxe plafonnée ne bénéficie plus aux affectataires, au-delà du plafond défini initialement, mais permet de réduire le besoin de financement de l'État.

Comme le souligne le Gouvernement dans la présentation des taxes affectées qui figure au tome I de l'annexe « Voies et moyens » 197 ( * ) , l'objectif est triple : renforcer le suivi et le contrôle du niveau d'ensemble des taxes affectées, ajuster chaque année les ressources des opérateurs à leurs besoins réels et faire contribuer les opérateurs à la maîtrise de la dépense publique, puisque le fait de limiter leurs ressources contraint leurs dépenses.

2. L'extension du plafonnement et son intégration à la norme de dépenses

Le plafonnement des taxes affectées a connu un mouvement d'extension quasi-continu depuis 2012 : le nombre de taxes affectées est passé de 46 en 2012 à 64 dans le projet de loi de finances pour 2015. Sur la même période, le volume total a évolué de 3 milliards d'euros à près de 6 milliards d'euros en 2015 198 ( * ) , soit une hausse proche d'un doublement.

En outre, à partir de la loi de programmation pour les années 2012 à 2017, a été pris en compte dans la norme de dépenses le stock (et non plus seulement le flux) des contributions et taxes affectées à des tiers et faisant l'objet d'un plafonnement limitatif à l'article 46 de la loi du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 pour un montant de 4,5 milliards d'euros en 2013.

3. Une couverture incomplète : 22 milliards de taxes affectées non plafonnées

D'après l'estimation du Conseil des prélèvements obligatoires, le champ des taxes affectées excluant les impôts « sociaux » (CSG, CRDS et forfait social) et les taxes bénéficiant aux collectivités territoriales comprend, pour 2013, 214 taxes affectées à 453 organismes bénéficiaires pour un rendement total de 28 milliards d'euros. Même en supposant que ce périmètre n'a pas été amené à augmenter, ce qui est pourtant probable au regard du dynamisme des taxes concernées, le montant de taxes affectées non plafonnées s'élève à 22 milliards d'euros.

Bien qu'en extension, le dispositif actuel de plafonnement est ainsi loin de couvrir l'ensemble du champ des taxes affectées , surtout si l'on prend en compte les secteurs social et local qui représentent respectivement 65 % et 22 % du total des recettes fiscales affectées 199 ( * ) .

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A. DES CRITÈRES DE CRÉATION ET DE MAINTIEN RELATIFS À LA NATURE DE LA TAXE OU À L'OBJET QU'ELLE FINANCE

Le présent article propose que les cas dans lesquels le recours à une affectation de recettes fiscales est justifié soient définis par trois critères alternatifs , que le rapport annexé au présent projet de loi précise et explicite.

La ressource devrait :

- soit pouvoir s'assimiler à une quasi-redevance , c'est-à-dire être « en relation avec le service rendu par l'affectataire à un usager » et d'un montant qui « doit pouvoir s'apprécier sur des bases objectives », comme par exemple le droit de timbre sur les passeports sécurisés dont l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) est la bénéficiaire 200 ( * ) , ou encore le droit sur les produits bénéficiant d'une appellation d'origine ou d'une indication géographique protégée (INAO) dont bénéficie l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO) 201 ( * ) ;

- soit revêtir le caractère d'un prélèvement sectoriel et financer des actions d'intérêt commun au sein d'un secteur d'activité ou d'une profession, comme la taxe sur les spectacles , qui est versée à l'association pour le soutien du théâtre privé 202 ( * ) ou la cotisation versée par les organismes d'habitations à loyer modéré (HLM) et les sociétés d'économie mixte (SEM) qui finance la caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) 203 ( * ) ;

- soit se rapprocher d'une contribution assurantielle , en alimentant des fonds qui nécessitent la constitution régulière de réserves financières, comme les différentes taxes sur les contrats d'assurance qui sont versées au Fonds national de garantie des risques agricoles 204 ( * ) , au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages 205 ( * ) ou au Fonds de garantie des victimes d'actes terroristes et autres infractions 206 ( * ) .

D'après les informations transmises par le Gouvernement à votre rapporteur, sur un champ de 214 taxes d'un rendement de 28 milliards d'euros bénéficiant aux agences de l'État, aux organismes consulaires, aux organismes professionnels et aux dispositifs de solidarité, le conseil des prélèvements obligatoires (CPO), qui avait les mêmes critères de justification des taxes affectées, a établi dans son rapport 207 ( * ) que :

- 75 taxes, d'un rendement de 16,1 milliards d'euros, avaient vocation à être remplacées par des dotations budgétaires ;

- 5 taxes d'un montant de 6,2 milliards d'euros devaient être affectées à un compte spécial.

B. L'OBLIGATION DE PLAFONNEMENT ET DE GAGE POUR TOUTE NOUVELLE AFFECTATION DE TAXE

Toute nouvelle affectation devrait d'une part être plafonnée , d'autre part s'accompagner de la suppression d'une ou plusieurs impositions affectées d'un rendement équivalent à celui de la taxe dont l'affectation est prévue.

Cette règle de gage s'appliquerait au sein du champ ministériel de l'imposition nouvellement affectée.

C. UNE ALTERNATIVE ENTRE PLAFONNEMENT ET BUDGÉTISATION À HORIZON 2017

Les taxes affectées seraient toutes plafonnées à compter du 1 er janvier 2016. Celles qui ne le seraient pas au 1 er janvier 2017 se verraient alors budgétisées.

Les dérogations au principe devraient faire l'objet d'une justification dans une annexe 208 ( * ) du projet de loi de finances de l'année.

L'alternative entre plafonnement et budgétisation pour les taxes affectées à horizon 2017

Plafonnement

Plafonnement

La taxe répond aux critères fixés par la LPFP

Affection d'une taxe à un tiers autre qu'ASSO ou APUL

La taxe ne répond pas aux critères

À partir du 1 er janvier 2016

Budgétisation

La taxe n'est pas plafonnée

Éventuelle exception : justification en annexe au PLF

À partir du 1 er janvier 2017

Budgétisation

Source : commission des finances du Sénat, à partir du présent projet de LPFP

***

Le présent article a été adopté sans modification autre que rédactionnelle par l'Assemblée nationale .

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur se félicite que l'affectation de recettes fiscales fasse l'objet d'un encadrement croissant et que le mouvement amorcé par la loi de finances pour 2012, qui a posé le principe du plafonnement des taxes affectées, trouve un prolongement dans le dispositif prévu par le présent projet de loi.

Le présent article devrait permettre de restituer sa cohérence au financement par affectation de ressources fiscales , qui en tant que tel n'est pas un obstacle à la bonne gouvernance des finances publiques dès lors que le produit de l'affectation et son périmètre font l'objet d'ajustements réguliers, en lien avec les besoins des opérateurs et de façon à les inciter à la maîtrise de leurs dépenses et au développement de leurs ressources propres.

Le dispositif est cependant ambitieux et nécessitera un travail approfondi tout au long de l'année 2015 pour analyser les différents cas d'affectation de ressources fiscales - le Conseil des prélèvements obligatoires, en 2013, avait identifié 214 taxes affectées à plus de 450 organismes 209 ( * ) - et en intégrer les conséquences budgétaires et fiscales, le cas échéant, dans le projet de loi de finances pour 2016.

Votre rapporteur note par ailleurs, en accord avec le Conseil des prélèvements obligatoires, qu'« il serait utile que des travaux ultérieurs puissent être conduits dans les sphères locales et sociales, ainsi que parmi les contributions sui generis, dans la mesure où ces ensembles constituent l'essentiel du périmètre de la fiscalité affectée 210 ( * ) ».

Décision de votre commission : votre commission a adopté cet article sans modification.


* 175 Tels que présentés dans le projet de LPFP 2014-2019.

* 176 Loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017.

* 177 La norme de dépenses en valeur inclut les dépenses du budget général, hors dette et pensions, prélèvements sur recettes et plafond des recettes affectées aux opérateurs. Cf. commentaire de l'article 8 du présent projet de loi.

* 178 Loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017.

* 179 Loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014.

* 180 Soit la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP), la dotation de garantie des reversements des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP) et la dotation de compensation des produits syndicaux fiscalisés.

* 181 Article 132 de la loi n°2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014.

* 182 La banque postale, note de conjoncture « Les finances locales, tendances 2014 et perspectives », octobre 2014.

* 183 Communiqué de presse du 22 octobre 2014.

* 184 Jaune « Opérateurs » annexé au projet de loi de finances pour 2014, l'annexe pour 2015 n'étant pas disponible au 29 octobre.

* 185 Inspection générale des finances (IGF), L'État et ses agences , rapport n° 2011-M-044-01, mars 2012.

* 186 La stabilisation du plafond d'emploi des opérateurs est prévue à l'article 9 du présent projet de loi.

* 187 Les crédits budgétaires destinés aux opérateurs de l'État sont intégrés à la norme de dépenses prévue à l'article 8 du présent projet de loi.

* 188 Loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012.

* 189 D'après le « Jaune Opérateurs » annexé au projet de loi de finances pour 2014, l'annexe pour 2015 n'étant pas disponible au 29 octobre.

* 190 Tome I de l'annexe « Voies et moyens » annexée au PLF 2015, p. 150.

* 191 Conseil des prélèvements obligatoires, « La fiscalité affectée : constats, enjeux et réformes », juillet 2013.

* 192 Tome I de l'annexe « Voies et moyens » annexée au PLF 2015, p. 17 et p. 150.

* 193 Article 2 de la loi n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

* 194 I de l'article 34 de la LOLF.

* 195 Article 51 de la LOLF.

* 196 Loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012.

* 197 Annexe « Voies et moyens » jointe au PLF 2015, p. 141.

* 198 Annexe « Voies et moyens » jointe au PLF 2015, p. 143.

* 199 Annexe « Voies et moyens » jointe au PLF 2015, p. 150.

* 200 I de l'article 953 du code général des impôts.

* 201 Article L. 642-13 du code rural et de la pêche maritime.

* 202 Article 77 de la loi de finances rectificative n°2003-1312 du 30 décembre 2003.

* 203 Article L. 452-4 du code de la construction et de l'habitation.

* 204 Article 1635 bis A et 1635 bis AA du code général des impôts, articles L. 361-5 et L. 362-1 du code rural et de la pêche maritime.

* 205 Article L. 421-1 à L. 421-7 du code des assurances.

* 206 Article R. 422-4 du code des assurances.

* 207 Conseil des prélèvements obligatoires, « La fiscalité affectée : constats, enjeux et réformes », juillet 2013, p. 164.

* 208 Le présent projet d'article précise simplement qu'elles devront être « spécialement justifiées », tandis que le rapport annexé fait référence à une annexe du PLF et que l'évaluation préalable renvoie, de façon plus précise, au tome I de l'annexe « Voies et moyens ».

* 209 Conseil des prélèvements obligatoires, « La fiscalité affectée : constats, enjeux et réformes », juillet 2013.

* 210 Idem.

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