EXAMEN DES ARTICLES

ARTICLE 1er - Instauration d'une taxe sur les émissions d'oxydes d'azote et de particules fines

Commentaire : le présent article propose d'instaurer une taxe additionnelle au malus sur les émissions de dioxyde de carbone, qui serait assise sur les émissions d'oxydes d'azote et de particules fines.

I. LE DROIT EXISTANT

Aux termes de l'article 1011 bis du code général des impôts, une taxe additionnelle, dite « malus CO 2 », à la taxe sur les certificats d'immatriculation des véhicules frappe les véhicules dont le taux d'émission de CO 2 dépasse un certain taux (actuellement 130 grammes par kilomètre).

Le barème de cette taxe est établi en fonction du nombre de grammes de CO 2 émis par kilomètre pour les véhicules qui ont fait l'objet d'une réception communautaire et en fonction de la puissance fiscale pour les véhicules qui n'ont pas fait l'objet d'une telle réception.

Entrent dans le champ de cette taxe :

- d'une part, les voitures particulières 10 ( * ) ;

- d'autre part, les véhicules à usages multiples qui, tout en étant classés dans cette annexe, sont destinés au transport de voyageurs et de leurs bagages ou de leurs biens.

Le barème de la taxe est le suivant.

Barème du malus sur les émissions de CO 2 pour l'année 2014

Taux d'émission de CO 2
(en grammes par kilomètre)

Tarif de la taxe
(en euros)

Taux = 130


0


130 < taux = 135


150


135 < taux = 140


250


140 < taux = 145


500


145 < taux = 150


900


150 < taux = 155


1 600


155 < taux = 175


2 200


175 < taux = 180


3 000


180 < taux = 185


3 600


185 < taux = 190


4 000


190 < taux = 200


6 500


200 < taux


8 000

Source : Article 1011 bis du code général des impôts

La taxe est recouvrée selon les mêmes règles et dans les mêmes conditions que la taxe sur les certificats d'immatriculation.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le I du présent article propose l'instauration d'une taxe additionnelle à la taxe prévue à l'article 1011 bis du code général des impôts, c'est-à-dire au malus sur les émissions de dioxyde de carbone (CO 2 ) 11 ( * ) . Cette nouvelle imposition ne serait pas codifiée.

Comme le malus, elle serait due sur le premier certificat d'immatriculation délivré en France pour un véhicule de tourisme .

Le II du présent article définit l'assiette de la taxe. Deux cas se présenteraient :

- dans le cas où le véhicule a fait l'objet d'une réception communautaire au sens de la directive 2007/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 septembre 2007, sur le nombre de grammes d'oxydes d'azote et de particules fines émis par kilomètre ;

- dans le cas contraire , soit un nombre très limité de véhicules pour lesquels on ne peut connaître cette donnée, sur la puissance administrative.

Cette construction de l'assiette renvoie aux dispositions prévues par l'article 1011 bis du code général des impôts précité. Toutefois, à l'inverse de ce qui est prévu pour le malus CO 2 , aucune exonération n'est prévue pour les véhicules immatriculés dans le genre « Véhicule automoteur spécialisé » ou voiture particulière carrosserie « Handicap », ni pour les véhicules acquis par une personne titulaire de la carte d'invalidité.

Le III du présent article renvoie à un décret la tâche de définir le barème de l'imposition ainsi que les modalités de son application.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Si les objectifs poursuivis par les auteurs de la présente proposition de loi, en termes de santé publique et de préservation de l'environnement, sont louables, le dispositif proposé est néanmoins très contestable.

A. UN NOUVEL ALOURDISSEMENT DE LA FISCALITÉ PESANT SUR LES AUTOMOBILISTES

Tout d'abord, il est proposé d'instaurer une nouvelle taxe, sans d'ailleurs la compenser par une quelconque baisse de la fiscalité. L'adoption de cette proposition conduirait donc à un nouvel alourdissement de la fiscalité et à une nouvelle atteinte au pouvoir d'achat des ménages , ce qui saurait d'autant moins être accepté que ces ménages devraient déjà subir une nouvelle hausse d'imposition sur le gazole, selon les dispositions de l'article 20 du projet de loi de finances pour 2015.

Ensuite, le fait générateur de cette imposition, à savoir l'achat d'un nouveau véhicule, est susceptible d' inciter les propriétaires des véhicules les plus anciens, et les plus polluants, à les conserver afin de ne pas subir la nouvelle imposition. De ce fait, l'intérêt écologique de la mesure pourrait être relativisé.

B. UNE ASSIETTE DONT LA PERTINENCE SEMBLE MISE EN DOUTE PAR LES AUTEURS DE CE TEXTE

Par ailleurs, les auteurs de la présente proposition de loi demandent, en son article 2 ( cf. commentaire infra ), que le Gouvernement remette un rapport sur « l'indépendance de l'expertise technique relative à la définition et à la méthodologie des mesures des émissions de polluants par les véhicules automobiles ». En d'autres termes, les auteurs du présent texte doutent eux-mêmes des résultats des mesures des émissions de polluants, c'est-à-dire de la pertinence de l'assiette qu'ils proposent pour cette nouvelle imposition . Il ne serait donc pas raisonnable de l'instaurer dans ces conditions.

C. UN DISPOSITIF CONTRAIRE À LA CONSITUTION

Enfin, le dispositif proposé est, sans nul doute, contraire aux dispositions du cinquième alinéa de l'article 34 de la Constitution , qui réserve à la loi la fixation des règles concernant « l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ». En renvoyant à un décret la définition du barème et des modalités d'application de la nouvelle taxe additionnelle, le législateur n'épuiserait pas sa compétence et contreviendrait ainsi au rôle que lui assigne la Constitution.

Pour l'ensemble de ces raisons, vos rapporteurs considèrent qu'il convient de ne pas adopter le présent article . La seule formule qu'il pourrait être intéressant d'étudier afin d'aller dans le sens des préoccupations de ses auteurs serait l'introduction d'une composante « particules » au sein de l'actuel « malus CO 2 » à rendement constant , c'est-à-dire en diminuant le barème CO 2 à due concurrence du poids du barème particules. Cela permettrait d'envoyer un message adéquat sur ce type de pollution sans pénaliser excessivement les consommateurs ou l'industrie.

Décision de votre commission : votre commission n'a pas adopté cet article.

ARTICLE 2 - Rapport sur l'indépendance de l'expertise technique relative à la définition et à la méthodologie des mesures des émissions de polluants par les véhicules automobiles

Commentaire : le présent article propose que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur l'indépendance de l'expertise technique relative à la définition et à la méthodologie des mesures des émissions de polluants par les véhicules automobiles.

I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article est une demande de rapport, que le Gouvernement devrait remettre au Parlement avant le 31 mai 2015.

Ce rapport porterait sur « l'indépendance de l'expertise technique relative à la définition et à la méthodologie des mesures des émissions de polluants par les véhicules automobiles ».

II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Comme indiqué dans le cadre du commentaire de l'article précédent, il peut paraître singulier de constater que, par cette demande, les auteurs de la présente proposition de loi semble remettre en cause l'intégrité des professionnels chargés de définir la méthodologie des mesures des émissions de polluants, et donc, in fine , les résultats de ces mesures, alors même que ces résultats serviraient d'assiette à une nouvelle taxe.

Sur le fond, les méthodes de mesure et les cycles de conduite résultent de travaux européens et internationaux conduits sous la direction des États membres, de la Commission européenne et du groupe mondial de la réglementation des véhicules (ONU). Lorsqu'ils effectuent ces mesures, les laboratoires, comme l'UTAC en France ne font donc qu'appliquer cette réglementation supranationale, sans marge d'appréciation. Il conviendrait donc que les auteurs du présent texte précisent s'ils visent l'indépendance de ces collèges internationaux ou bien des experts français qui, sur cette base, sont chargés de réaliser les mesures.

Néanmoins, la représentativité des essais par rapport aux usages réels n'est pas complètement établie et pourrait sans doute être améliorée. Mais, encore une fois, cela ne saurait se faire au seul niveau français.

En tout état de cause, vos rapporteurs considèrent que, vu que les autres articles de la présente proposition de loi ne devraient pas être adoptés, il serait peu convenable d'envoyer à l'Assemblée nationale une proposition de loi se résumant à une demande de rapport , tandis que le prochain débat au Sénat sur le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte 12 ( * ) , en particulier son titre III « Développer les transports propres pour améliorer la qualité de l'air et protéger la santé », fournira un véhicule adapté à l'examen d'une telle demande.

Décision de votre commission : votre commission n'a pas adopté cet article.

ARTICLE 3 - Mise en place d'un certificat de diagnostic d'éco-entretien lors de la cession de véhicules diesel d'occasion de plus de quatre ans

Commentaire : le présent article propose la mise en place d'un certificat de diagnostic d'éco-entretien lors de la cession de véhicules diesel d'occasion de plus de quatre ans.

I. LE DROIT EXISTANT

Le vendeur d'un véhicule d'occasion se voit assigner plusieurs obligations, en vertu d'un décret en date du 4 octobre 1978 13 ( * ) :

- l'apposition d'un étiquetage sur le véhicule comportant la dénomination de vente et le kilométrage total parcouru, ainsi qu'un document de vente écrit obligatoire ;

- et, pour tout véhicule de plus de quatre ans, la remise à l'acheteur d'un rapport de « visite technique » - c'est-à-dire de contrôle technique datant de moins de six mois , et, le cas échéant, du procès-verbal de la contre-visite.

À ce jour, aucune obligation n'existe donc, en la matière, pour ce qui concerne un diagnostic de performance écologique du véhicule au moment de la revente.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article vise à la mise en place, à compter du 1 er janvier 2016, d' une nouvelle obligation pour les vendeurs de véhicules diesel d'occasion de plus de quatre ans .

Ces vendeurs devraient fournir aux acquéreurs, lors de la cession, un diagnostic d'éco-entretien datant de moins d'un an. Il est précisé que ce diagnostic d'éco-entretien porterait sur l'ensemble des émissions polluantes du véhicule.

Les modalités d'application de ces dispositions sont renvoyées à un décret.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Là encore, les dispositions proposées ne relèvent pas du champ de compétence direct de la commission des finances.

La portée de cette nouvelle obligation et la charge qu'elle représenterait pour les vendeurs de véhicules d'occasion n'apparaissent cependant pas clairement , le texte proposé étant peu précis et renvoyant, en fait, la définition complète du diagnostic d'éco-entretien à un décret.

En tout état de cause, l'Assemblée nationale a introduit au sein du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte , qui devrait être examiné par le Sénat au début de l'année 2015, un article 17 bis propre à satisfaire les auteurs de la présente proposition de loi . L'encadré suivant en reproduit le texte in extenso .

Texte de l'article 17 bis du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, adopté par l'Assemblée nationale

« Préalablement à la vente d'un véhicule particulier ou utilitaire léger de quatre ans ou plus, le vendeur fait effectuer par un professionnel de l'automobile un diagnostic thermodynamique du moteur et de ses émissions des gaz suivants : monoxyde de carbone, hydrocarbures imbrûlés, oxydes d'azote, dioxyde de carbone et oxygène.

« Le vendeur remet à l'acheteur potentiel un rapport détaillé indiquant les résultats des mesures effectuées.

« Le rapport ne doit pas être antérieur de plus de trois mois à la date de la vente.

« Les modalités d'application du présent article sont précisées par décret avant le 1 er janvier 2016. »

L'objectif visé par le présent article est donc rempli par ces dispositions, qui définissent d'ailleurs plus précisément les obligations incombant aux vendeurs. Au vu de l'existence de ce véhicule législatif, sur lequel le Sénat se prononcera prochainement, il n'est pas nécessaire d'adopter le présent article , qui ferait « double emploi » avec le texte en navette.

Décision de votre commission : votre commission n'a pas adopté cet article.


* 10 Au sens du 1 du C de l'annexe II à la directive 2007/46/CE du Parlement européen et du Conseil.

* 11 Ce malus est déjà lui-même défini comme une taxe additionnelle à la taxe sur les certificats d'immatriculation des véhicules.

* 12 Texte Sénat n° 16 (2014-2015).

* 13 Décret n° 78-993 du 4 octobre 1978 pris pour l'application de la loi du 1 er août (1905) sur les fraudes et falsifications en matière de produits ou de services en ce qui concerne les véhicules automobiles

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