LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

À l'initiative du Gouvernement, avec un avis favorable de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, l'Assemblée nationale a introduit un article 65 rattaché au CAS « Pensions » tendant à supprimer l'Établissement public national de financement des retraites de La Poste (EPNFRLP). Cet article additionnel est commenté ci-dessus, dans la partie relative à l' « Examen des articles rattachés ».

L'Assemblée nationale a adopté sans modification les crédits de la mission « Régime sociaux et de retraite » et du CAS « Pensions ».

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 19 novembre 2014, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Jean-Claude Boulard, rapporteur spécial, sur la mission « Régimes sociaux et de retraite » et le compte d'affectation spéciale « Pensions » (et article 65) .

M. Jean-Claude Boulard , rapporteur spécial . - L'examen des crédits de la mission « Régime sociaux et de retraite » invite à un voyage au coeur du corporatisme français. Les régimes spéciaux ont des sources très anciennes : on peut citer en particulier la création par Colbert en 1673 de l'établissement national des invalides de la marine (ENIM). Les spécificités de ces régimes étaient alors justifiées par les circonstances économiques : c'était le temps de la vapeur et de la voile. Les circonstances ont changé, les droits ont perduré, au nom du droit acquis, principe de base du corporatisme français. Les efforts pour faire évoluer ces régimes n'ont pas toujours abouti - Alain Juppé s'en souvient... J'en appelle donc à la prudence de tous ceux qui auraient des ambitions réformatrices.

Après avoir fortement augmenté entre 2006 et 2012, les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » se stabilisent en 2015 à 6,4 milliards et connaissent même une baisse de 1,5 %, grâce à l'harmonisation progressive des taux de cotisations, à une moindre inflation et à l'allongement de la durée de cotisation. Les déficits sont liés essentiellement aux règles spécifiques de calcul des pensions et à l'âge de départ à la retraite. Certes, le facteur démographique joue dans certains cas : chez les marins, le rapport entre cotisants et retraités est de 0,2 cotisant pour un retraité ; la situation est meilleure à la RATP et à la SNCF, où le nombre de cotisant par retraité se rapproche de 1. La tendance, enfin, est à la stabilisation des subventions d'équilibre versées par l'État entre 2015 et 2017 : la dérive financière semble aujourd'hui maîtrisée et les perspectives assainies grâce à ces réformes partielles.

Les crédits du compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » atteignent 56,8 milliards d'euros en 2015. Ils ont augmenté entre 1990 et 2013 de 18 à plus de 50 milliards d'euros. La progression des dépenses n'est que de 0,6 % en 2015 grâce au décalage de la date de revalorisation du 1 er avril au 1 er octobre, à la baisse de l'indexation et de l'inflation, à l'allongement des durées de cotisations et enfin aux départs différés. Les fonctionnaires utilisent largement la possibilité qui leur est donnée de travailler plus longtemps, à l'exemple d'un certain conseiller d'État qui, lorsque l'âge de la retraite de ce corps a été ramené de 75 à 70 ans, s'est exclamé : « On vient de briser ma carrière ! ».

Ce ralentissement de la hausse des crédits entre 2015 et 2017 permettra de dégager un fonds de roulement plus important. Fixé à 1 milliard d'euros lors de la création du CAS, il s'élèverait à 2,2 milliards d'euros fin 2015, alors même que les aléas seront certainement très réduits. Enfin, malgré l'idée reçue de la dérive du système, les projections font apparaître un excédent de l'ordre de 67 milliards d'euros en 2050. L'inscription des crédits est plus que sincère : excessive. Or on cherche 1 milliard d'euros pour étaler la baisse des dotations de l'État aux collectivités locales...

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Si le régime général semble se stabiliser, ce n'est pas le cas des principaux régimes spéciaux des mines, de la RATP, de la marine et de la SNCF : leur financement nécessitera 137 milliards d'euros en 2050. Les âges moyens de départ posent problème : justifiés sur certains postes particulièrement exposés à la pénibilité, ils ne le sont pas pour les postes administratifs. La secrétaire du président de la RATP doit-elle vraiment prendre sa retraite à 55 ans ?

M. Dominique de Legge . - Les dépenses liées aux départs à la retraite des militaires auraient apparemment tendance à diminuer. Or le budget des armées, que j'aurai l'honneur de rapporter cet après-midi, prévoit une réduction d'effectifs de 7 500 en 2105, « dont une proportion importante d'officiers qui feront valoir leurs droits à la retraite » affirme le ministère de la défense. Cela ne contredit-il pas ce que notre collègue indique du comportement des fonctionnaires en fin de carrière ?

M. Éric Bocquet . - Les départs plus tardifs dans la fonction publique ne résultent-ils pas de l'effet dissuasif des décotes ? Il y a de plus en plus de retraités pauvres en France. Si les conditions de travail de certaines corporations ont évolué, de nouvelles catégories exposées apparaissent : ainsi dans le bâtiment et les travaux publics ou le hard discount , qui impose aux salariés une polyvalence absolue sur des horaires très étendus. Nous devrons bien, dans les années à venir, consacrer une plus grande part de la richesse produite à notre système de retraite.

M. Marc Laménie . - Le rapporteur spécial dispose-t-il d'une projection de la masse financière représentée par les retraites de la SNCF dans les années à venir ?

M. Jean Germain . - La tentative de réforme des régimes spéciaux en 2007 n'a pas fait économiser grand-chose : l'alignement sur la durée de cotisation du régime général a été compensé par la concession d'un échelon d'ancienneté supplémentaire, l'élargissement de l'assiette du salaire liquidable, l'intégration de la prime de travail à la prime de fin d'année, et, excusez du peu, l'extension aux hommes des droits à la retraite anticipée au titre de trois enfants. Or, qui a fait cette réforme ? Un ministre laxiste de gauche ? Non : le responsable de ces mesures est Xavier Bertrand.

M. Jean-Claude Boulard , rapporteur spécial . - Des réformes courageuses ont été conduites depuis, et nous bénéficierons bientôt de leurs effets. Les crédits nécessaires à la SNCF baissent de 4,4 % en 2015 ; l'âge de départ des agents administratifs de la RATP passe de 60 à 62 ans : les régimes spéciaux évoluent donc bel et bien même si des écarts importants demeurent. Quant à aller plus loin, la prudence me semble partagée, au-delà des clivages politiques.

M. Jean-Claude Requier . - Le rapport mentionne un certain nombre de régimes de retraite éteints, comme le régime des chemins de fer franco-éthiopiens ou celui des ministres du culte en Alsace-Moselle. Le Concordat y est encore en vigueur. Ces personnes sont rémunérées par l'État mais doivent-elles s'acquitter de leurs cotisations pour la pension ?

M. Jean-Claude Boulard , rapporteur spécial . - Il y a aussi le régime des anciens marins du métro, ou celui des marines de guerre, célèbre dans l'entre-deux guerres.

M. Gérard Longuet . - Au moment du retour de l'Alsace et de la Moselle à la France, en 1918, le Concordat a été maintenu. L'État paye les salaires des ministres du culte, qui sont curieusement alignés sur ceux de la hiérarchie militaire. Un évêque perçoit un traitement équivalent à celui du colonel. C'est un budget du ministère de l'Intérieur. Le régime de retraites des ministres du culte concerne les anciens d'avant 1918, aujourd'hui disparus. Comme ils n'ont pas de veuves, il n'y a pas lieu de le maintenir.

M. Jean-Claude Boulard , rapporteur spécial . - On comptait en 2013 871 bénéficiaires du régime des ministres du culte d'Alsace-Moselle. Il n'existe pas de cotisations patronales ou salariales ; leur régime étant entièrement subventionné par l'État. Quant aux veuves des marines de guerre, c'est une association qui a été créée entre les deux guerres pour lutter contre la suppression de la pension aux veuves lorsqu'elles se remariaient - ce qui favorisait le concubinage. Voilà pourquoi cette pension a été maintenue. Je pourrais vous en dire beaucoup sur l'établissement national de la marine dont j'ai assuré la gestion, au cours de ma carrière.

À l'issue de ce débat, la commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption sans modification des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale « Pensions ».

Elle a également décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 65.

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Réunie à nouveau le jeudi 20 novembre 2014, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a décidé de confirmer sa décision de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale « Pensions » ainsi que l'adoption, sans modification, de l'article 65.

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