Rapport général n° 108 (2014-2015) de M. Éric BOCQUET , fait au nom de la commission des finances, déposé le 30 novembre 2014

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N° 108

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2014-2015

Enregistré à la Présidence du Sénat le 20 novembre 2014

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances pour 2015 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. Albéric de MONTGOLFIER,

Sénateur,

Rapporteur général.

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES

ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES

( Seconde partie de la loi de finances )

ANNEXE N° 30

SOLIDARITÉ, INSERTION ET ÉGALITÉ DES CHANCES

Rapporteur spécial : M. Éric BOCQUET

(1) Cette commission est composée de : Mme Michèle André , présidente ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Yvon Collin, Vincent Delahaye, Mmes Fabienne Keller, Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. André Gattolin, Jean Germain, Charles Guené, Francis Delattre, Georges Patient , vice-présidents ; MM. Michel Berson, Philippe Dallier, Dominique de Legge, François Marc , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, François Baroin, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Jean-Claude Boulard, Michel Bouvard, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Carcenac, Jacques Chiron, Serge Dassault, Éric Doligé, Philippe Dominati, Vincent Eblé, Thierry Foucaud, Jacques Genest, Alain Houpert, Jean-François Husson, Mme Teura Iriti, MM. Pierre Jarlier, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Marc Laménie, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Hervé Marseille, François Patriat, Daniel Raoul, Claude Raynal, Jean-Claude Requier, Maurice Vincent, Jean Pierre Vogel, Richard Yung .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 2234, 2260 à 2267 et T.A. 420

Sénat : 107 et 108 à 114 (2014-2015)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Avec 15,7 milliards d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » est la quatrième mission du budget général et la première mission en terme d'intervention de l'Etat. Elle constitue le coeur du financement par l'Etat de la solidarité en faveur des personnes démunies ou vulnérables .

2. Le budget triennal 2015-2017 prévoit la poursuite de l'augmentation des crédits sur la période , pour atteindre environ 16 milliards d'euros en 2017 (hors CAS « Pensions »). Cependant, en raison des forts déterminants à la hausse (augmentation des dépenses de l'allocation aux adultes handicapés et de celles de RSA « activité » du fait de la revalorisation exceptionnelle de 10 % sur la durée du quinquennat, qui représentera à elle seule un surcoût de 230 millions d'euros pour l'Etat entre 2015 et 2017), le plafond de dépenses du triennal pourrait être rapidement dépassé .

3. Dans le cadre du projet de loi finances pour 2015, la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » voit sa maquette et son périmètre évoluer , avec l'intégration de l'ancien programme n° 106 relatif aux familles vulnérables au sein du programme n° 304 relatif à l'inclusion sociale, et à la re-budgétisation du financement du Fonds national des solidarités actives (FNSA), qui augmente d'environ 1,7 milliard d'euros la subvention de l'Etat au titre du RSA « activité ».

4. S'agissant du programme n° 304 « Inclusion sociale, protection des personnes et économie sociale et solidaire », votre rapporteur spécial salue la re-budgétisation du FNSA , qui améliore la lisibilité et la prévisibilité du financement des dépenses de RSA « activité ». Il regrette cependant qu'une affectation exceptionnelle de la contribution de solidarité des fonctionnaires, pour 200 millions d'euros, vienne compenser, de façon non pérenne, la revalorisation, pérenne, du montant du RSA.

5. Votre rapporteur spécial regrette la suppression de l'aide personnalisée pour le retour à l'emploi (APRE) , dont l'utilité pour faciliter un parcours d'insertion avait été soulignée dans le cadre de son rapport de contrôle budgétaire n° 94 (2013-2014).

6. S'agissant du programme n° 157 « Handicap et dépendance », votre rapporteur spécial s'inquiète d'un possible retour à la sous-dotation de la ligne budgétaire relative à l'allocation aux adultes handicapés , en dépit du ralentissement réel de la hausse des dépenses. Les crédits prévus s'élèvent en effet à 8 524 millions d'euros, tandis que la dépense devrait s'établir à 8 750 millions d'euros.

7. Votre rapporteur spécial regrette le faible effort effectué en faveur des établissements et services d'aide par le travail (ESAT) , dont le nombre de places autorisées reste stable à 119 211 en 2015, et pour lesquels l'aide à l'investissement, avec 2 million d'euros, relève davantage d'un saupoudrage que d'un véritable soutien à la modernisation des structures.

8. Le financement des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) par l'Etat n'est stable que dans la mesure où la dotation de l'Etat portée par le programme n° 157 est complétée par un abondement exceptionnel de 10 millions d'euros en provenance de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie .

9. Les crédits du programme n° 137 « Egalité entre les femmes et les hommes » sont stables et permettent de maintenir les financements aux associations, sans toutefois correspondre à l'évolution des coûts. Votre rapporteur spécial regrette l'absence de vision stratégique sur l'emploi de ces dotations.

10. S'agissant du programme n° 124 « Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative » , les crédits sont en légère baisse de près de 1 %. Outre un transfert sortant de crédits, cette baisse est essentiellement permise par la maîtrise des dépenses de personnel dans le cadre de la poursuite de la politique de réduction des effectifs . Ainsi, le projet de loi de finances pour 2015 prévoit la suppression de 253 équivalents temps plein travaillés (ETPT) pour les services centraux et déconcentrés concernés, ainsi que 100 ETPT au sein des agences régionales de santé.

Au 10 octobre 2014, date limite fixée par la LOLF, 40 % des réponses au questionnaire budgétaire (24 sur 60) étaient parvenues à votre rapporteur spécial.

ANALYSE GÉNÉRALE DE LA MISSION

I. UNE MISSION RESSERRÉE ET CLARIFIÉE

La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » est, en termes budgétaires, la première mission du budget général de financement de notre Etat providence . Avec une dotation en 2015 de 15,5 milliards d'euros (hors CAS « Pensions »), la présente mission est la quatrième mission du budget général, après les missions « Enseignement scolaire » (47,4 milliards d'euros), « Défense » (29,1 milliards d'euros) et « Recherche et enseignement supérieur » (25,7 milliards d'euros). Par rapport à ces missions, la présente mission est principalement composée de dépenses d'intervention, et non de dépenses de personnel.

Ainsi, elle constitue le socle du financement par l'Etat de la solidarité nationale à l'égard des personnes vulnérables . Cette orientation est visible à travers les trois principaux postes de dépenses :

- le financement des dépenses de lutte contre la pauvreté , en particulier la partie « activité » du revenu de solidarité active (RSA) pour les travailleurs pauvres, ou encore l'aide alimentaire ;

- le financement des dépenses de l'Etat de solidarité en faveur des personnes handicapées , notamment les établissements et services d'aide par le travail (ESAT) et l'allocation aux adultes handicapés ;

- les dépenses de personnel et de fonctionnement de l'administration d'Etat, centrale et déconcentrée, de soutien aux politiques sanitaires, sociales, de la jeunesse et des sports .

La mission est composée de quatre programmes :

- le programme 304 « Inclusion sociale, protection des personnes et économie sociale et solidaire » (nouvelle dénomination) ;

- le programme 157 « Handicap et dépendance » ;

- le programme n° 137 « Egalité entre les femmes et les hommes » ;

- le programme n° 124 «  Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative ».

La mission connaît deux principales évolutions, l'une de périmètre, l'autre d'architecture générale de la mission :

• Le Fonds national des solidarités actives (FNSA), qui finance notamment la partie « activité » du RSA, voit son financement intégralement rebudgétisé . En effet, il était auparavant principalement financé par une fraction du prélèvement de solidarité sur les revenus du patrimoine et des produits de placement (article 1600-0 S du code général des impôts) ; la subvention de l'Etat portée par la mission « Solidarité », au sein de son programme n° 304, était une simple subvention d'équilibre. Désormais, le prélèvement de solidarité n'abondera plus le FNSA, dont le financement sera intégralement porté par le programme n° 304 1 ( * ) .

• Le programme n° 106 « Action en faveur des familles vulnérables », est supprimé et ses actions intégrées au programme n° 304 , désormais rebaptisé « Inclusion sociale, protection des personnes et économie sociale et solidaire ». Cette évolution s'explique par la réduction progressive des actions portées par le programme n° 106 suite à la disparition de l'ancienne allocation de parent isolé (API) dans le cadre de la création du RSA. Le programme n° 106 se résumait essentiellement, dans la loi de finances pour 2014, au financement par l'Etat des mesures de protection juridique des majeurs (tutelles et curatelles). Elle fait du programme n° 304, dans un souci de simplification et de clarté des politiques publiques conduites, le principal programme de l'Etat en matière de protection des personnes vulnérables (travailleurs pauvres, bénéficiaires de l'aide alimentaire, majeurs sous tutelle, etc.).

Ces deux évolutions, l'une de périmètre (ayant donc un impact sur la norme de dépense de l'Etat) et l'autre d'architecture interne à la mission, conduisent à une augmentation importante de la dotation du programme n° 304 (+ 197 %) , qui reçoit à la fois la rebudgétisation du financement du FNSA et les crédits en provenance de l'ancien programme n° 106.

En outre, la rebudgétisation du financement du FNSA induit une augmentation « virtuelle » significative des crédits totaux de la mission . Aussi est-il nécessaire d'en neutraliser l'effet pour comparer la loi de finances initiale de 2014 avec le projet de loi de finances pour 2015 (cf. tableau ci-dessous).

Évolution des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances »

(en euros)

Autorisations d'engagement

Exécution 2013

LFI 2014

PLF 2015

Variation

Programme 304 - Inclusion sociale, protection des personnes et économie sociale et solidaire

397 194 154

635 620 025

2 631 245 251

197,63%

Programme 106 - Action en faveur des familles vulnérables (fusionnée avec le 304 à partir du PLF 2015)

245 282 460

248 443 427

Programme 157 - Handicap et dépendance

11 203 684 221

11 442 918 986

11 600 499 861

1,38%

Programme 137 - Egalité entre les femmes et les hommes

23 279 199

25 028 478

25 167 624

0,56%

Programme 124 - Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative

1 486 813 058

1 483 275 383

1 497 698 107

0,97%

Total 2015 pour la mission

13 356 253 092

13 835 286 299

15 754 610 843

13,87%

Total 2015 pour la mission (en neutralisant l'impact de la rebudgétisation du FNSA)

13 356 253 092

13 835 286 299

14 018 710 843

1,33%

Crédits de paiement

Exécution 2013

LFI 2014

PLF 2015

Variation

Programme 304 - Inclusion sociale, protection des personnes et économie sociale et solidaire

400 153 773

635 620 025

2 631 245 251

197,63%

Programme 106 - Action en faveur des familles vulnérables (fusionnée avec le 304 à partir du PLF 2015)

245 267 125

248 443 427

Programme 157 - Handicap et dépendance

11 247 124 623

11 442 918 986

11 600 499 861

1,38%

Programme 137 - Egalité entre les femmes et les hommes

23 186 971

25 028 478

25 167 624

0,56%

Programme 124 - Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative

1 508 871 077

1 505 855 383

1 493 596 420

-0,81%

Total 2015 pour la mission

13 424 603 569

13 857 866 299

15 750 509 156

13,66%

Total 2015 pour la mission (en neutralisant l'impact de la rebudgétisation du FNSA)

13 424 603 569

13 857 866 299

14 014 609 156

1,13%

Source : commission des finances, à partir du projet annuel de performances annexé au présent projet de loi de finances

Évolution des crédits par programme

(en euros)

Source : commission des finances, à partir du projet annuel de performances annexé au présent projet de loi de finances

II. VERS UNE STRICTE MISSION « DE GUICHET » ?

A. DES DÉPENSES, MAJORITAIREMENT DE GUICHET, PRÉVUES EN AUGMENTATION DANS LE CADRE DU TRIENNAL

Corollaire de la vocation de solidarité et de redistribution de la présente mission, ses dépenses sont, à plus de 90 %, des dépenses d'intervention du titre 6 . Comme l'illustre le tableau ci-dessous, ce biais est doublement renforcé dans le cadre du PLF 2015, en raison, d'une part, de l'augmentation des dépenses d'intervention dans le cadre de la rebudgétisation du financement du FNSA et de l'augmentation tendancielle des prestations de solidarité (AAH, RSA) et, d'autre part, de la réduction des dépenses de personnel, qui s'inscrivent en baisse de plus de 2 % par rapport à la loi de finances pour 2014.

Répartition des crédits de la mission par titre

(en milliers d'euros)

Crédits de paiement

Exécution 2013

LFI 2014

PLF 2015

Variation

Titre 6 : intervention

11 916 192

12 360 880

14 257 797

15,35%

Titre 6 (en neutralisant l'impact de la rebudgétisation du FNSA)

13 666 192

14 110 880

14 257 797

1,04%

Autres dépenses :

1 483 496

1 497 787

1 492 712

-0,34%

Titre 3 : fonctionnement

758 475

755 202

765 331

1,34%

Titre 2 : personnel

725 022

742 585

727 381

-2,05%

Titre 5 : investissement

22 915

-

-

-

Total pour la mission

13 399 688

13 858 667

15 750 509

13,65%

Source : commission des finances, à partir du projet annuel de performances annexé au présent projet de loi de finances

Les dépenses d'intervention, soit plus de 14 milliards d'euros en 2015, sont dominées par un nombre faible de dispositifs massifs :

- les allocations aux personnes handicapées ou invalides (allocations aux adultes handicapés, allocation supplémentaire d'invalidité) ;

- le financement des établissements et services d'aide par le travail (ESAT) et des travailleurs handicapés ;

- la partie « activité » du RSA , ainsi que les dépenses afférentes (prime de Noël des bénéficiaires du RSA, RSA « jeunes ») ;

- la protection juridique des majeurs .

Une mission dominée par quatre dispositifs d'intervention
en faveur des personnes vulnérables

(prévisions PLF 2015, en millions d'euros)

Source : commission des finances

Comme l'illustre le graphique précédent, ces quatre postes de dépenses représentent à eux seuls près de 90 % des dépenses de la présente mission . Cette concentration est un élément déterminant pour la construction du budget de la présente mission, qui s'en trouve très contrainte. Dans un contexte de déficit public important et de recherche, par le Gouvernement, d'économies en dépenses pour compenser les allègements d'impôts consentis aux entreprises, les marges de manoeuvre budgétaires laissées par la présente mission sont faibles , d'autant qu'une importante partie des crédits restants est constituée de dépenses de personnels des administrations sociales déconcentrées, relativement rigides à court terme.

Dans ce contexte de dépenses d'intervention contraintes, le plafond triennal prévoit une légère augmentation de la dépense entre 2015, 2016 et 2017 , comme l'illustre le tableau ci-dessous.

Plafonds des crédits de paiement de la programmation pluriannuelle
(hors CAS « Pensions »)

(en millions d'euros)

2014 (format PLF 2015)

2015

2016

2017

Plafond des crédits du triennal 2015-2017

-

15 546

15 804

15 997

Crédits LFI

15 380

15 546 (1)

-

-

(1) 15 750 millions d'euros en comptant les crédits du CAS « Pensions » (soit environ 200 millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après le projet annuel de performances

Évolution des crédits prévus, exécutés et programmés depuis 2011

(en millions d'euros)

NB : tous les montants sont donnés hors contributions au CAS « Pensions » ; à compter de 2015, la re-budgétisation du FNSA (soit 1,7 milliard d'euros) est neutralisée.

Source : commission des finances

Cependant, la progression prévue est relativement faible, puisqu'elle est de seulement 2,9 % sur la période . Or, sur la période 2012-2014, les dépenses de la mission ont augmenté de 7,9 %, à périmètre constant, en particulier sous l'effet du dynamisme de la dépense d'allocation aux adultes handicapés et, secondairement, de celle du RSA « activité ». Or, le dynamisme de la première ne semble pas devoir se réduire, tandis que celui de la seconde devrait, en revanche, significativement augmenter du fait de la revalorisation exceptionnelle du RSA de 10 % sur le quinquennat, qui a été engagée dès 2013. Ainsi, entre 2015 et 2017, la revalorisation devrait représenter un surcoût de 230 millions d'euros pour l'Etat, soit plus de la moitié de l'augmentation des crédits prévue par le triennal (voir infra ).

Les plafonds de dépenses prévus par le triennal sont donc peu réalistes et il est probable que le dynamisme sous-estimé, dans un contexte de crise économique et sociale persistante, de la dépense d'AAH et de RSA, conduise à un dépassement significatif du plafond dès le budget 2016.

B. LA RÉDUCTION CONTINUE DES DÉPENSES PILOTABLES

Dans ce contexte contraint, les dépenses dites « pilotables » sont les principales victimes de la présente programmation budgétaire . Ainsi, le présent projet de loi de finances procède à des réductions de crédits particulièrement douloureuses :

- suppression de l'aide personnalisée de retour à l'emploi (APRE) au sein du FNSA ;

- poursuite de la suspension du plan de création de places en ESAT ;

- réduction des crédits de fonctionnement et de personnel de l'administration , en particulier grâce à la poursuite des suppressions d'effectifs au sein du programme n° 124.

De façon générale, votre rapporteur spécial ne peut que s'interroger sur la pertinence d'une politique publique de solidarité qui, progressivement, se réduit à ses seuls dispositifs de guichet et n'est plus en mesure de proposer des aides ciblées à l'insertion sociale (APRE), ni de fournir l'effort d'investissement nécessaire à la croissance et la modernisation de ses structures (investissement dans les ESAT), ni encore, surtout, d'avoir les moyens humains nécessaires à l'articulation des actions sociales sur l'ensemble du territoire.

C. DES FINANCEMENTS PLUS LARGES À PRENDRE EN COMPTE

1. Des « tuyaux » budgétaires qui réduisent la visibilité sur le financement de certains dispositifs

Au-delà de ces réductions, votre rapporteur spécial s'interroge sur certaines mesures d'affectation de recettes qui réduisent la lisibilité de certains financements . Il en va ainsi, notamment, de l'affectation d'une fraction de la contribution exceptionnelle de solidarité des fonctionnaires qui abondera, à hauteur de 200 millions d'euros en 2015, le Fonds national des solidarités actives pour financer la revalorisation exceptionnelle. De même, la dotation de fonctionnement de l'Etat pour les maisons départementales des personnes handicapées, porté par le programme n° 157, sera complétée par une subvention exceptionnelle de 10 millions d'euros en provenance de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.

Votre rapporteur spécial regrette l'utilisation de ce type de « tuyaux » budgétaires, qui réduisent la clarté de la présentation du budget et limitent la visibilité des parties prenantes sur la pérennité du financement en question .

2. L'absence persistant de pilotage des dépenses fiscales

Avec un montant prévisionnel de 13,4 milliards d'euros en 2015, les dépenses fiscales rattachées à la mission sont particulièrement importantes , mais, moins dynamiques que les dépenses budgétaires, leur niveau est désormais inférieur à celui des crédits de la mission.

Montant, depuis 2012, des dépenses fiscales de la mission

(en millions d'euros)

2012

2013

2014

2015

Montant des dépenses fiscales

13 536

13 515

12 659

13 413

Source : commission des finances, d'après les projets annuels de performances

En particulier, les dépenses fiscales liées au handicap représentent un montant très significatif, de près de huit milliards d'euros d'après le projet annuel de performances , d'autant plus difficile à suivre qu'il concerne à la fois les recettes de l'Etat et des collectivités territoriales, et qu'il s'adresse aux publics des personnes handicapés, âgées et, dans certains cas mêmes, valides. Dans ce contexte, la Cour des comptes a publié en février 2014 un rapport sur la fiscalité du handicap qui souligne un « empilement de mesures sans cohérence » et qui reprend le constat, déjà établi par votre rapporteur spécial, d'une absence de pilotage des dépenses fiscales par le ministère des affaires sociales (voir encadré ci-dessous). Ainsi, dépenses fiscales et dépenses budgétaires, malgré leur quasi-équivalence en termes de montant, ne sont jamais articulées dans la définition de la politique publique du handicap.

Interrogé en ce sens par votre rapporteur spécial, le Gouvernement a indiqué, dans sa réponse au questionnaire budgétaire, qu'« il n'a pas encore été possible été de tirer les conséquences du rapport public visé sur les dépenses fiscales relatives au handicap et leur présentation dans le PAP qui reste extérieure au responsable de programme ».

Les conclusions du rapport public de la Cour des comptes sur la fiscalité du handicap

Les dépenses fiscales relatives au handicap sont éclatées, au sein de la loi de finances, entre différents programmes budgétaires, sans concertation ni coordination. De nombreuses mesures fiscales ne sont pas recensées, alors qu'elles peuvent avoir un impact significatif pour les contribuables concernés. Dans ce contexte, le pilotage de l'ensemble de ces mesures par le responsable du programme 157, qui porte la politique menée en faveur des personnes handicapées, n'est pas assuré . Par ailleurs, les effets de la fiscalité liée au handicap ne sont pas appréhendés ; le coût réel des mesures fiscales n'est pas véritablement connu, pas plus que leurs conséquences sur l'accès aux prestations sociales, le nombre des bénéficiaires, l'incidence sur leur revenu ou le service réellement rendu au regard de leurs besoins en termes d'insertion, de mobilité, de maintien à domicile. Toutefois, en prenant en considération davantage l'origine du handicap que son degré de gravité, et en tenant insuffisamment compte des revenus des personnes concernées, le dispositif fiscal peut introduire, voire renforcer, des inégalités de revenu entre les personnes handicapées elles-mêmes . Il en est ainsi dans de nombreux cas, entre des personnes présentant un degré de handicap comparable, ou entre des handicapés de niveaux de revenu différents.

Enfin, constitué d'un empilement historique de mesures disparates, cet ensemble s'articule mal avec le régime des prestations mises en place pour les personnes handicapées et n'a pas été réexaminé en fonction de leur évolution depuis l'entrée en vigueur de la loi du 11 février 2005 (réévaluation de l'allocation aux adultes handicapés, création de la prestation de compensation du handicap en particulier).

La Cour a déjà formulé, à l'occasion de précédents rapports, des recommandations visant à harmoniser les définitions et les traitements du handicap par les différents régimes, ainsi qu'à limiter l'hétérogénéité des décisions de reconnaissance du handicap, sur lesquelles s'appuie ensuite l'administration pour accorder des avantages fiscaux. Le présent constat la conduit à les renouveler et à ajouter les recommandations suivantes :

1. mieux appréhender le nombre et la situation des personnes handicapées, notamment en améliorant la connaissance de leurs revenus par les enquêtes de l'INSEE et de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques - du ministère chargé des affaires sociales ;

2. rationaliser la présentation des dépenses fiscales participant à la politique en faveur des personnes handicapées, notamment par leur regroupement au sein du programme 157 et une meilleure articulation de leur présentation avec celles des dépenses budgétaires relevant de la même politique ;

3. fiabiliser et compléter les estimations existantes de façon à mesurer l'impact global des mesures fiscales, tant en termes de bénéficiaires que de coût ;

4. actualiser périodiquement les listes de matériels concernés (appareillages, équipements du logement, etc.) selon les évolutions techniques ;

5. procéder à un réexamen d'ensemble des mesures fiscales et sociales dans le but d'améliorer leur articulation - suppression des doublons, incohérences et complexités inutiles ; renforcement des complémentarités ; prise en compte des effets sur les disparités de revenus entre personnes handicapées, en révisant en priorité :

- les mesures portant sur la compensation du handicap : en particulier, la prestation de compensation du handicap, les exonérations de charges et les dépenses fiscales visant le même objectif (majoration du plafond des dépenses pour les emplois à domicile, déduction au titre de l'équipement de la résidence, etc.) ;

- les nombreuses aides à l'accessibilité : fiscales, sociales (prestation de compensation du handicap, notamment) ou autres (prime à l'amélioration des logements locatifs, notamment) ;

- les différentes mesures fiscales relatives à la transmission du patrimoine.

Source : Cour des comptes, « La fiscalité liée au handicap : un empilement de mesures sans cohérence », rapport public annuel, février 2014

ANALYSE PAR PROGRAMME

I. LE PROGRAMME 304 « INCLUSION SOCIALE, PROTECTION DES PERSONNES ET ÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE »

La maquette du programme n° 304 connaît, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015, d'importantes modifications pour tenir compte de l'intégration des deux actions encore actives de l'ancien programme n° 106 , qui disparaît à compter du présent projet de loi de finances.

Elle comprend ainsi désormais cinq actions :

- action n° 11 : « Revenu de solidarité active », qui porte la subvention de l'État au Fonds national des solidarités actives (FNSA), soit les crédits de la partie « activité » du RSA ;

- action n° 12 « Economie sociale et solidaire », qui finance des actions d'expérimentations en matière d'économie sociale et solidaire ;

- action n° 13 « Autres expérimentations », qui correspond à des expérimentations dans le champ de l'action sociale ;

- action n° 14 « Aide alimentaire », qui comprend les crédits de l'Etat à destination de l'aide alimentaire en complément du fonds européen ;

- action n° 15 « Qualification en travail social » ;

- action n° 16 « Protection juridique des majeurs », qui reprend la principale action de l'action programme n° 106, relatif au financement des mesures de tutelle et de curatelle ;

- action n° 17 « Protection et accompagnement des enfants, des jeunes et des familles vulnérables », qui porte certains crédits de l'Etat à destination d'associations actives en matière de protection des enfants et des familles.

De façon générale, ce programme, avec un total de 2,6 milliards d'euros, constitue le coeur du financement par l'Etat de la protection des personnes vulnérables . Les financements prévus pour les différentes actions sont particulièrement déséquilibrées, deux actions représentant la quasi-totalité des dotations : l'action n° 11 relative au RSA et l'action n° 16 relative aux mesures de protection juridique des majeurs .

Répartition des crédits du programme n° 304 par action

(en millions d'euros)

Source : commission des finances

A. LE RSA : UN FINANCEMENT D'ETAT CLARIFIÉ FACE À UN DYNAMISME IMPORTANT QUI CONDUIT À DES CHOIX BUDGÉTAIRES CONTESTABLES

1. Une action orientée vers le financement de la partie « activité » du RSA, dans l'attente d'une urgente réforme

Principale action du programme n° 304, l'action n° 11 « Revenu de solidarité active » porte uniquement la subvention de l'Etat au Fonds national des solidarités actives (FNSA).

Le revenu de solidarité active se décompose en deux parties :

- le RSA « socle » , qui correspond au revenu minimum, soit un montant forfaitaire, fixé au regard de la configuration familiale conformément au tableau ci-dessous, versé aux personnes sans ressources.

- le RSA « activité » , qui est un complément des revenus du travail pour garantir aux travailleurs la progression de leurs revenus d'activité 2 ( * ) .

Exemples de montant du « RSA socle » au 1 er octobre 2014

Situation

Montant du RSA socle

Personne seule

509,30 euros

Personne seule avec 1 enfant

763,95 euros

Couple avec 2 enfants

1069,53 euros

Le financement du RSA est réparti entre les départements et l'Etat :

- les départements sont responsables, au titre de leur compétence en matière d'insertion sociale, du financement du revenu minimum garanti (« RSA socle ») ;

- l'Etat prend en charge, par le biais du FNSA, le financement de la part du RSA complétant les revenus du travail RSA activité »).

À cet égard, le projet annuel de performances pour 2015 indique que la dépense de RSA « activité » devrait s'établir à 1 951,4 millions d'euros , contre 1 662 millions d'euros dans la loi de finances pour 2014, auxquels il convient d'ajouter 148 millions d'euros au titre du RSA dans les départements d'outre-mer (dont le financement est désormais globalisé avec celui de la métropole). Ainsi, la progression est de 141,4 millions d'euros, soit une augmentation de 7,8 % sur un an .

Dynamique de la dépense du RSA « activité » (y compris RSA « DOM ») depuis 2012

(en millions d'euros)

Source : commission des finances

L'architecture du RSA , composé d'un revenu minimum et d'un complément de revenu à la reprise d'emploi pour les travailleurs pauvres, qui constituait une innovation largement saluée au moment de la création du dispositif en 2009, a fait long feu . L'important taux de non-recours au RSA « activité », qui a été estimé à environ 68 % en 2011, illustre la difficulté d'accès à la prestation , soit par méconnaissance, soit par stigmatisation ou par complexité des démarches. Dès 2012, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2013, votre rapporteur spécial parlait d'une « refonte globale » du dispositif, qui s'est notamment précisée en 2013, à l'occasion de la remise du rapport de notre collègue député Christophe Sirugue, préconisant une fusion avec la prime pour l'emploi dans le cadre d'une « prime d'activité ». Enfin, le Président de la République, lors d'un entretien avec le journal Le Monde, a annoncé le 20 août 2014 son intention de procéder à cette fusion.

Sans doute, le coût potentiel d'une réforme du RSA « activité » qui réduirait le taux de non recours effraie-t-il les responsables ministériels ; interrogé en ce sens par votre rapporteur spécial, le Gouvernement n'a pas été en mesure de fournir de chiffrage sur le coût potentiel d'une réduction à 50 % ou à 25 % du non recours. Il a seulement indiqué que les non-recourants l'étant souvent pour de plus faibles montants ou de plus courtes durées, une telle réduction ne serait pas aussi importante en termes de coûts qu'en termes d'effectifs. Cependant, on peut estimer qu'une réduction à 50 % du non recours au RSA « activité » représenterait déjà une dépense supplémentaire entre 400 et 750 millions d'euros par an.

Pourtant, doit-on, pour des raisons budgétaires, ne pas réformer une prestation qui n'atteint pas les objectifs qui lui avaient été assignés ? Après deux ans d'annonces répétées, de rapports techniques et politiques sur le sujet, il est temps de mettre en oeuvre cette vaste réforme de soutien au revenu des travailleurs pauvres . Votre rapporteur spécial appelle instamment de ses voeux une évolution qui rende la prestation automatique, tout en conservant son caractère familial.

2. La réduction des lignes budgétaires du FNSA : la disparition de l'aide personnalisée de retour à l'emploi

Outre le RSA « activité », le FNSA financera en 2015 trois actions secondaires :

- le RSA « jeunes » , qui, resté confidentiel en raison de l'exigence de ses conditions d'obtention, continuera en 2015 d'être financé dans son intégralité (socle et activité) par le FNSA (voir le commentaire de l'article 60, rattaché à la présente mission), soit un montant stable de 26 millions d'euros de crédits de paiement prévus en 2015 ;

- l'aide exceptionnelle de fin d'année, ou « prime de Noël » , qui est versée à tous les bénéficiaires du RSA, pour un montant individuel de 152,45 euros pour une personne seule, soit une dépense totale de 424,1 millions d'euros. Il convient d'y ajouter l'aide également versée aux bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique (ASS), l'allocation équivalent retraite (AER) et l'allocation transitoire de solidarité (ATS), soit 88,9 millions d'euros. Ainsi, au total, le coût global de la prime de Noël représente une dépense de 513 millions d'euros , soit 37 millions d'euros de plus qu'en 2014 (+ 7,8 %).

- les frais de gestion , versés à la Caisse nationale d'allocations familiales et à la Mutualité sociale agricole en compensation de la gestion du RSA « activité », soit 39,5 millions d'euros. Les frais de gestion représentent ainsi environ 1,5 % de la dépense totale.

Répartition des dépenses du FNSA en LFI 2014 et dans le PLF 2015

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après le projet annuel de performances

Outre la disparition de la ligne spécifique au « RSA DOM », en réalité absorbée par le RSA « activité » de droit commun, le projet de loi de finances pour 2015 se caractérise par la disparition de l'aide personnalisée pour le retour à l'emploi (APRE) .

Cette aide, créée en même temps que le RSA, était conçue comme un « coup de pouce » ponctuel pour faciliter le retour à l'emploi des bénéficiaires du RSA . Ainsi, elle finançait notamment des actions telles qu'un équipement en vue d'un nouveau travail, un permis de conduire, ou encore des billets de transport. Votre rapporteur spécial regrette le choix de supprimer une aide dont il avait préconisé le maintien dans le cadre de son rapport de contrôle budgétaire présenté en 2013 3 ( * ) . De façon prémonitoire, il parlait d'une aide « victime de son originalité » , dont les circuits budgétaires complexes, l'absence de visibilité sur les crédits dépensés et la disparité des utilisations entre les territoires avaient préparé la disparition. Pourtant, il ressortait également de ce travail de contrôle que, lorsqu'elle était utilisée et encadrée, cette aide pouvait constituer un véritable coup d'accélérateur, sinon un moteur, à une reprise de formation ou d'emploi, en l'absence de financement de droit commun .

A cet égard, le Gouvernement indique que les aides de retour à l'emploi des bénéficiaires du RSA seront désormais comprises dans le cadre des aides de droit à commun de Pôle emploi , qui en a rénové récemment la maquette. Cependant, la souplesse propre à l'APRE, ainsi que sa subsidiarité, qui permettait aux gestionnaires départementaux - le plus souvent, les conseils généraux - de financer des besoins qui n'étaient éligibles à aucun autre dispositif, feront défaut dans le parcours d'insertion de nombre de bénéficiaires du RSA.

En tout état de cause, cette suppression est symptomatique d'une politique de solidarité qui, dans un contexte de recherche systématique d'économies budgétaires, en vient à se réduire à ses dépenses de guichet pour laisser de côté les aides ciblées qui permettraient au contraire de structurer et d'animer l'insertion des personnes vulnérables.

3. Un financement sous contrainte, en partie clarifié

a. Le dynamisme de la dépense de RSA dans le cadre de la revalorisation exceptionnelle

La progression significative des dépenses de RSA « activité » (+ 7,8 %), que reflète celle de la prime de Noël, est le résultat de deux phénomènes :

- les effets de la crise économique et sociale persistante , qui conduit un nombre croissant de travailleurs à entrer dans le champ des « travailleurs pauvres » visés par le dispositif du RSA « activité ». Par ailleurs, d'après les informations recueillies par votre rapporteur spécial, l'augmentation du nombre de bénéficiaires constatée depuis deux ans montre que la « montée en charge » attendue depuis 2009 et, partant, une baisse du taux de non recours, évalué à 68 % en 2011, sont sans doute en cours. Au total le projet annuel de performances prévoit ainsi un nombre total de bénéficiaires de 830 000 foyers, contre 700 000 foyers en 2011 ;

- la revalorisation exceptionnelle du RSA , qui, s'appliquant au RSA « socle », augmente également non seulement le montant du RSA « activité » (effet prix) mais également le nombre de personnes pouvant en bénéficier (effet champ).

Cette revalorisation exceptionnelle, décidée dans le cadre du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté en 2013, vise à augmenter la prestation de 10 % sur la durée du quinquennat, par des hausses de 2 % par an, mises en oeuvre par décret au 1 er septembre de chaque année. Ainsi, le RSA a déjà connu, en plus de la revalorisation annuelle sur l'inflation, très faible, deux revalorisations successives de 2 % au 1 er septembre 2013 et au 1 er septembre 2014.

En 2015, la revalorisation exceptionnelle au 1 er septembre représentera un coût de seulement 25 millions d'euros pour l'Etat , mais l'ensemble de la revalorisation déjà mise en oeuvre depuis 2013 représentera un surcoût de 213 millions d'euros. À la fin de la période qui correspond également au triennal, la revalorisation représentera un coût supplémentaire de 443 millions d'euros pour l'Etat , et de 1 341 millions d'euros pour les départements, comme l'indique le tableau ci-dessous. De ce point de vue, votre rapporteur spécial s'étonne que le coût de la revalorisation sur la période 2015-2017, soit 230 millions d'euros, absorbe plus de la moitié de la progression des dépenses de la mission prévue dans le budget triennal , alors que d'autres dépenses, notamment l'allocation aux adultes handicapés, connaissent également un fort dynamisme tendanciel.

Surcoût annuel de la revalorisation exceptionnelle du RSA de 2 % par an
au-delà de l'inflation

(en millions d'euros)

Catégorie d'APU

2013

2014

2015

2016

2017

Départements

86

370

678

1 011

1 341

Etat

21

109

213

327

443

Source : direction du budget, d'après les estimations de la CNAF

Au total, le dynamisme des dépenses de RSA « activité » pèse fortement sur le programme n° 304 et, plus généralement, sur les crédits de la mission . À cet égard, on constate un renversement par rapport aux premières années après la création du RSA, au cours desquelles les prévisions de dépenses du RSA « activité », surestimées, conduisaient à des trésoreries importantes au sein du FNSA, généralement redéployées en gestion au profit de l'allocation aux adultes handicapés. Ainsi, bien que le RSA « activité » n'ait pas connu la montée en charge escomptée, en termes de taux de recours des travailleurs pauvres, la revalorisation du montant individuel - combinée à la montée de la précarité dans le travail - a progressivement tendu, au cours des deux derniers exercices, le budget du FNSA .

b. Une rebudgétisation opportune du financement du FNSA

Dans ce contexte budgétaire tendu, le projet de loi de finances procède à une modification opportune de périmètre, en supprimant l'affectation historique, introduite lors de la création du RSA et du FNSA, d'une fraction du prélèvement de solidarité sur les produits de placement et les revenus du patrimoine .

En effet, l'article L. 262-24 du code de l'action sociale et des familles dispose que « les recettes du Fonds national des solidarités actives sont notamment constituées par la part, fixée au 1° du IV de l'article 1600-0 S du code général des impôts, du produit des prélèvements de solidarité mentionnés à ce même article ». Il ajoute que « l'Etat assure l'équilibre du fonds national des solidarités actives en dépenses et en recettes ». Ainsi, la subvention de l'Etat, portée par le programme 304, était conçue comme une subvention d'équilibre .

Cependant, au dynamisme des dépenses du RSA « activité » s'est ajoutée, en 2013 et 2014, la forte volatilité des prélèvements de solidarité . Pour l'année 2014, le Gouvernement a ainsi fait part à votre rapporteur, dans ses réponses au questionnaire budgétaire, d'une « révision des données de la taxe sur les prélèvements de solidarité issue du dernier arbitrage recette de juillet (1 644 M€ contre 1 840 M€ au PAP 2014) », soit une différence de 200 millions d'euros. Au total, le budget du FNSA s'en trouve fragilisé et manque de visibilité sur sa capacité à faire face, en l'absence de mouvements réglementaires de crédits ou d'une loi de finances rectificative, aux prestations des derniers mois de l'année. C'est particulièrement le cas en cette fin d'année 2014, pour laquelle le Gouvernement a d'ores et déjà annoncé à votre rapporteur que « compte tenu des dépenses qui pèsent sur le FNSA, la levée intégrale de la réserve de précaution sera sollicitée et une demande d'ouverture complémentaire de crédits devrait intervenir lors du collectif budgétaire de fin d'année » 4 ( * ) .

Au total, votre rapporteur spécial est donc favorable à ce que le FNSA soit désormais intégralement financé par le budget de l'Etat via le programme n° 304 , dans un souci de clarté de présentation et de visibilité financière. Cependant, il regrette qu'en l'absence d'une modification des articles législatifs relatifs au RSA (article L. 262-24 du code de l'action sociale et des familles ; article 1600-0 S du code général des impôts), cette re-budgétisation soit pour l'heure ponctuelle, et prenne la forme d'une réaffectation non pérenne à la sécurité sociale de la totalité des prélèvements de solidarité concernés. Cependant, votre rapporteur spécial ne peut présenter d'amendement en ce sens, en raison des règles de recevabilité financière qui interdisent à un parlementaire de proposer un transfert de charges de la sécurité sociale vers l'Etat.

c. L'affectation d'une fraction de la contribution de solidarité des fonctionnaires, une « recette de poche » à la pérennité incertaine

Surtout, votre rapporteur spécial déplore qu'en complément de la re-budgétisation du FNSA, le Gouvernement ait décidé d'affecter au FNSA, en 2015, une part de la contribution exceptionnelle de solidarité des fonctionnaires, pour un montant de 200 millions d'euros . Cette contribution de 1 % sur les rémunérations des fonctionnaires et agents publics alimente le Fonds de solidarité, qui finance le régime de solidarité des personnes privés d'emploi ou n'ayant pas droit à l'allocation chômage. En pratique, le Fonds a essentiellement financé, pour 2,6 milliards d'euros, l'ASS, l'AER, la prime forfaitaire de reprise d'activité, et d'autres allocations du même type.

D'après les informations recueillies par votre rapporteur spécial, le Gouvernement souhaite ainsi réorienter des financements stables, qui bénéficient actuellement à des allocations peu dynamiques, vers une allocation qui l'est davantage . Cependant, cette affectation ne correspond pas à l'objectif de la contribution exceptionnelle de solidarité ; à cet égard, la ré-affectation d'une fraction de la contribution exceptionnelle de solidarité contrevient clairement à l'article L. 5423-25 du code du travail , qui prévoit que « le fonds de solidarité reçoit la contribution exceptionnelle de solidarité prévue à l'article L. 5423-26 ainsi que, le cas échéant, une subvention de l'Etat. Le produit de cette contribution ne peut recevoir d'autre emploi ».

Ainsi, l'affectation ponctuelle de 200 millions d'euros au FNSA constitue une « recette de poche » , à la fois en violation des textes législatifs instituant la contribution exceptionnelle de solidarité, et en contradiction avec l'objectif, affirmé par la re-budgétisation du FNSA, d'en clarifier et d'en pérenniser le financement. Votre rapporteur spécial s'interroge ainsi sur l'avenir de cette affectation qui, si elle était reconduite dans le budget 2016, pérenniserait une violation aux dispositions législatives relatives à cette contribution exceptionnelle de solidarité mais qui, si elle ne l'était pas, obligerait le Gouvernement à un rebasage des crédits du programme n° 304 qui conduirait à un dépassement du plafond du budget triennal.

B. DES DÉPENSES D'AIDE AUX PERSONNES FRAGILES RELATIVEMENT STABLES

1. Expérimentations et aide alimentaire : des crédits préservés

Les crédits destinés à l'économie sociale et solidaire (4,7 millions d'euros) et aux autres expérimentations (0,8 million d'euros) sont en très légère baisse ; globalement, les dispositifs qu'ils financent, à savoir les coopératives, mutuelles et autres structures associatives en la matière, ainsi que l'Agence nationale des solidarités actives, sont donc préservés .

S'agissant des crédits de l'aide alimentaire soit 32,6 millions d'euros en AE=CP en 2015 , il convient de souligner qu'ils sont complémentaires de ceux déployés par l'Union européenne, dans le cadre du nouveau Fonds européen d'aide aux plus démunis (FEAD) . Ce fonds est doté de 3,5 milliards d'euros pour la période 2014-2020, soit un milliard d'euros de plus que le montant initialement prévu dans le cadre financier pluriannuel, en raison, notamment, de l'action du Gouvernement français.

Le Gouvernement a indiqué à votre rapporteur que sur cette enveloppe globale, 499 millions d'euros sont réservés à la France pour la période, soit une moyenne d' environ 70 millions d'euros par an . Ce montant doit être complété, à hauteur de 15%, par des crédits nationaux ; ces crédits nationaux sont portés par le présent programme n° 304. Ainsi, d'après le Gouvernement, « en 2015, la part européenne du FEAD sera de 68,502 millions d'euros et la part nationale de 12,088 millions d'euros (cofinancement de 15 %), en augmentation de 2 % par rapport au niveau de 2014 ».

En outre, conformément aux dispositions du règlement européen qui a créé le fonds, ne sont éligibles à ses aides que les denrées qui sont fournies gratuitement aux usagers . Ainsi, le programme n° 304 vise également à financer des dispositifs d'aide alimentaire non éligibles aux financements européens, en particulier les épiceries sociales dont le principe consiste à soutenir une personne en difficulté pour mener à bien un projet ou la résolution d'une difficulté en échange d'une participation financière. Votre rapporteur spécial tient à souligner l'intérêt de ces initiatives, qui permettent aux bénéficiaires, dans la dignité, de développer une nouvelle façon de consommer et de conserver ce lien, nécessaire à l'insertion, avec les achats alimentaires et les contraintes, même allégées, de la gestion d'un budget familial. On peut notamment en voir un exemple, symptomatique des difficultés rencontrées par certains étudiants mais très utile, avec l'antenne étudiante du Secours populaire auprès de l'université de Lille .

Enfin, l'action « aide alimentaire » du programme n° 304 permet également le soutien à des associations locales (via les services déconcentrés) et à des têtes de réseaux associatives nationales, comme l'illustre le tableau ci-dessous reprenant les financements 2014.

Utilisation des crédits du programme n° 304 en faveur de l'aide alimentaire en 2014

(en millions d'euros)

Catégorie

Montant

Co-financement du FEAD

11,85

Services déconcentrés

7,59

Epiceries sociales

7,75

Financement des têtes de réseaux associatives

2,31

Achat de denrées complémentaires

2,28

Total

31,78

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

2. La protection juridique des majeurs : un financement stable

Deux actions sont issues de l'ancien programme n° 106 relatif aux familles vulnérables : la protection juridique des majeurs et la protection de l'enfance.

L'action n° 16 « Protection juridique des majeurs » permet le financement des mesures de tutelle sur les majeurs protégés . Lorsqu'une personne majeure ne peut pourvoir à ses intérêts, en raison d'une altération de ses facultés mentales ou corporelle, elle est confiée par le juge des tutelles soit à sa famille (tutelle familiale), soit à un professionnel (mandataire judiciaire à la protection des majeurs - MJPM), qui sont soit les services mandataires, soit des mandataires individuels, soit des préposés d'établissement. Le financement des MJPM est réparti entre les organismes de sécurité sociale, l'Etat, ou encore les départements, en fonction des prestations sociales perçues par les personnes concernées.

S'agissant du financement par l'Etat prévu par le présent programme, la dotation budgétaire pour l'exercice 2015 s'établit à 241,3 millions d'euros en AE=CP . Ces crédits financent les deux premières catégories de mesures, réparti comme suit :

- 131 452 mesures prises en charge par des services mandataires (210,3 millions d'euros), soit 37 % du total des mesures par services mandataires ;

- 35 791 mesures prises en charge par des mandataires individuels (31 millions d'euros), soit 59,5 % des mesures par mandataires individuels.

Les mesures confiées aux mandataires individuels continuent d'augmenter fortement (+ 7,8 % par rapport à 2014) et votre rapporteur spécial s'étonne que la dotation, qui passe de 30,2 millions d'euros à 31 millions d'euros, ne connaisse pas la même évolution. Une réallocation des crédits, en gestion, depuis les crédits destinés aux services mandataires, sera sans doute nécessaire.

Par ailleurs, les crédits destinés à la protection et l'accompagnement des enfants et des jeunes (action n° 17) sont préservés , à hauteur de 15,3 millions d'euros en AE=CP dans le projet de loi de finances pour 2015, qu'il s'agisse de la subvention pour charges de service public de l'Agence française de l'adoption (AFA), pour 2,9 millions d'euros, du GIP Enfance en danger, pour 2,4 millions d'euros, ou encore des points accueil-écoute des jeunes (PAEJ), pour 5,5 millions d'euros.

De façon générale, votre rapporteur spécial se félicite que ces diverses subventions, qui, malgré leur faible montant, financent un véritable réseau de solidarité et d'aides aux publics jeunes fragiles, soit globalement maintenues dans un contexte budgétaire contraint .

II. LE PROGRAMME 157 « HANDICAP ET DÉPENDANCE »

A. UN PROGRAMME BUDGÉTAIREMENT LOURD, QUI REPRÉSENTE UN PILIER DE LA SOLIDARITÉ NATIONALE

Le programme n° 157 « Handicap et dépendance » est, de loin, le principal programme de la mission en termes budgétaires. Il représente en effet, pour l'année 2015, une dépense totale de 11,6 milliards d'euros, soit 73,7 % des crédits de la mission . Sa maquette, qui est inchangée par rapport à la loi de finances initiale pour 2014, est composée de quatre actions :

- l'action n° 1 « Évaluation et l'orientation personnalisée des personnes handicapées », qui porte la dotation de fonctionnement de l'Etat aux maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) ;

- l'action n° 2 « Incitation à l'activité professionnelle », relative aux crédits des établissements et services d'aide par le travail (ESAT) ;

- l'action n° 3 « Ressources d'existence », qui finance l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et l'allocation supplémentaire d'invalidité (ASI) ;

- l'action n° 4 « Compensation des conséquences du handicap », qui porte essentiellement les dotations de fonctionnement des instituts pour enfants déficients sensoriels ;

- l'action n° 5 « Personnes âgées », qui finance des associations actives dans le domaine de l'accompagnement des personnes âgées dépendantes ;

- l'action n° 6 « Pilotage du programme », qui assure le financement de quelques opérateurs nationaux ou locaux chargés du suivi de la politique du handicap.

En pratique, comme l'illustre le tableau suivant, la quasi-totalité des crédits est concentrée sur les actions n° 2 et n° 3 , qui sont les deux seules du programme à connaître une augmentation par rapport à 2014. Leur évolution explique la progression générale des crédits, qui passent de 11,4 milliards d'euros à 11,6 milliards d'euros en 2015 (+ 1,4 %) . L'augmentation programmée est ainsi plus faible que celle constatée les années précédentes, notamment entre 2013 et 2014 (+2,4 %).

Évolution par action des dotations du programme n° 157

(en millions d'euros)

Autorisations d'engagement = crédits de paiement

Exécution 2013

LFI 2014

PLF 2015

Évolution

Action n° 1
« Évaluation et orientation personnalisée des personnes handicapées»

65,5

64,9

56,3

- 13,3 %

Action n° 2
« Incitation à l'activité professionnelle »

2 688,6

2 706,6

2 747,9

+ 1,5 %

Action n° 3
« Ressources d'existence »

8 420,4

8 647,8

8 774,0

+ 1,5 %

Action n° 4
« Compensation des conséquences du handicap »

19,4

16,6

16,1

- 3,0 %

Action n° 5 « Personnes âgées »

6,3

3,1

2,4

- 22,6 %

Action n° 6 « Pilotage du programme »

3,5

4,1

3,8

- 7,3 %

Total programme 157

11 169,2

11 443,1

11 600,5

+ 1,4 %

Source : commission des finances, à partir du projet annuel de performances annexé au présent projet de loi de finances

B. LE FINANCEMENT DES MAISONS DÉPARTEMENTALES : UNE RÉDUCTION QUI MASQUE UN FINANCEMENT EXCEPTIONNEL PAR LA CNSA

L'action n° 1 permet le financement de la participation de l'Etat au fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) . Elle a deux objets :

- la contribution de l'Etat au fonctionnement général des MDPH ;

- la compensation financière des vacances d'emplois au titre des personnels initialement mis à disposition des MDPH par l'Etat et qui n'ont pas été remplacés après leur départ en retraite ou leur réintégration. En effet, il convient de rappeler que la principale contribution de l'Etat au fonctionnement des MDPH, en pratique, n'est pas financière, mais relève de la mise à disposition d'agents de l'Etat au service des maisons départementales.

La dotation prévue par le programme n° 157 pour les MDPH est de 56,3 millions d'euros, soit une réduction de près de 9 millions d'euros par rapport à 2014 (-13 %) . Pourtant, le projet annuel de performances indique que « la participation de l'Etat au fonctionnement des MDPH doit s'élever à 66,3 millions d'euros en 2015, soit une augmentation de 2,98 % par rapport à la LFI 2014 ». En réalité, cette hausse est uniquement portée par une « contribution complémentaire de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) à hauteur de dix millions d'euros ».

Outre le fait que cette contribution vient artificiellement augmenter la dotation globale de l'Etat aux MDPH, elle pose deux principales questions. La première a trait à son impact sur la Caisse, dont la substitution aux financements insuffisants de l'Etat en faveur du fonctionnement des MDPH n'est pas la vocation. La seconde porte sur le point de savoir si cette contribution qui, d'après les informations recueillies par votre rapporteur spécial, sera inscrite dans une ligne spécifique du budget de la CNSA, est exceptionnelle ou si elle a vocation à être pérennisée dans les prochains budgets. Votre rapporteur spécial considère que l'Etat n'a pas à faire assumer ses difficultés budgétaires par des financements exceptionnels en provenance d'une Caisse nationale qui a d'abord vocation à financer les dépenses des établissements médico-sociaux .

Sur le fond du fonctionnement des MDPH, votre rapporteur spécial ne peut que confirmer son analyse développée dans le cadre de son précédent rapport spécial, sur la nécessité d'un « suivi global des parcours de prise en charge des personnes handicapées » . En effet, son contrôle budgétaire en cours sur les ESAT le conduit à penser que la première des priorités réside dans l'amélioration de l'information et du suivi, à destination d'abord des acteurs concernés, sur les orientations décidées par les CDAPH et les places disponibles dans les différents établissements. Dans ce cadre, votre rapporteur spécial appelle à une évaluation rapide et, le cas échéant, à une généralisation de l'expérimentation lancée dans les MDPH du Calvados et du Nord qui, d'après les réponses au questionnaire budgétaire, doivent « améliorer le traitement des demandes de prise en charge du handicap ».

C. L'ALLOCATION AUX ADULTES HANDICAPÉS : LE RETOUR À LA SOUS-DOTATION ?

Instituée en 1975, l'allocation aux adultes handicapés (AAH) bénéficie, sous condition de ressources, aux personnes handicapées ne pouvant prétendre ni à un avantage vieillesse ni à une rente d'accident du travail . Le plafond individuel de ressources est fixé, au 1 er septembre 2014, à 9 605,40 euros par an. Au 1 er septembre 2014, le montant de l'allocation à taux plein est de 800,45 euros par mois .

Le bénéficiaire doit justifier alternativement :

- d'un taux d'incapacité d'au moins 80 % (« AAH 1 ») ;

- d'un taux d'incapacité compris entre 50 % et 80 % et d'une « restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi » (RSDAE) , qui est appréciée et reconnue par la commission départementale des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH, placée au sein des maisons départementales des personnes handicapées), en vertu de l'article L. 821-2 du code de la sécurité sociale (« AAH 2 »).

Les crédits d'AAH, prévus à 8 524,43 millions d'euros pour 2015, sont en augmentation de 123,63 millions d'euros par rapport à 2014 (+ 1,47 %) .

Cette légère augmentation résulte :

- de l'effet-prix lié à la revalorisation annuelle (à la fois l'effet en année pleine de la revalorisation de 1,3 % ayant eu lieu au 1 er septembre 2014, et la revalorisation qui devrait avoir lieu au 1 er septembre 2015) ;

- l'augmentation du nombre de bénéficiaires , sous l'effet de la crise économique et sociale, du report de l'âge légal de départ à la retraite et d'un effet de transfert de publics depuis le RSA vers l'AAH. Ainsi, le nombre de bénéficiaires devrait s'établir en 2015, d'après les informations fournies à votre rapporteur, entre 1 045 000 et 1 064 000 (+1,2 % par rapport aux prévisions actualisées de bénéficiaires 2014).

Cependant, votre rapporteur spécial constate que les estimations du Gouvernement relatives à la décélération de l'augmentation du nombre de bénéficiaires sur le dernier exercice se sont révélées optimistes . La prévision en loi de finances initiale pour 2014 était de 1 028 200 bénéficiaires. Or, d'après les informations recueillies par votre rapporteur spécial, le nombre de bénéficiaires au 31 décembre serait plutôt entre 1 042 000 et 1 051 000. Ce sont en particulier les bénéficiaires du type « AAH 2 », pour lesquels la restriction durable et substantielle à l'emploi est appréciée par la CDAPH, qui connaissent la plus forte augmentation.

S'agissant du niveau de la dépense, la dotation 2014 sera probablement insuffisante . En effet, sur la base des six premiers mois de l'année, la dépense d'AAH devrait s'établir à environ 8 497 000 euros, pour une dotation initiale de 8 400 000 euros . Dans ses réponses au questionnaire budgétaire, le Gouvernement a ainsi indiqué que « compte tenu de la tendance haussière des dépenses, et bien que la décélération constatée en 2013 se poursuive, la levée de la réserve de précaution sera sollicitée comme lors des exercices précédents. Par ailleurs, les travaux de fin de gestion permettront d'identifier d'éventuels besoins complémentaires , qui seront prioritairement traités par redéploiements internes au sein du programme ou à la mission solidarité (principe d'auto-assurance) et, le cas échéant, par une demande d'ouverture de crédits en loi de finances rectificative ».

En pratique, la dotation prévue pour 2015 est à peine supérieure à la dépense réelle vraisemblable de 2014, soit 8 500 millions d'euros . Compte tenu du tendanciel, la dépense d'AAH en 2015 pourrait avoisiner les 8 700 millions d'euros. L'écart entre la dotation 2015 et la dépense probable de 2014 est de seulement 50 millions d'euros. Les simples effets-prix de la pérennisation de la revalorisation ayant eu lieu au 1 er septembre 2014 et de celle à venir du 1 er septembre 2015 représentent un surcoût d'environ 80 millions d'euros. En y ajoutant la progression régulière, quoique légèrement ralentie, du nombre de bénéficiaires, il y a tout lieu de penser que le présent programme présente une sous-dotation de l'ordre de 100 à 200 millions d'euros.

Par ailleurs, l'action n° 3 porte également le financement de l'allocation supplémentaire d'invalidité (ASI) , qui complète les ressources des bénéficiaires d'une pension d'invalidité ou d'un avantage vieillesse jusqu'à l'âge légal de départ à la retraite. Sur la base d'une poursuite de la baisse du nombre de bénéficiaires (-1,5 % entre 2014 et 2015), mais également d'une revalorisation annuelle du montant de la prestation, le projet de loi de finances pour 2015 prévoit une dépense de 249,6 millions d'euros à ce titre, contre 251 millions d'euros en 2014.

D. LE GEL CONTINU DU FINANCEMENT DES ETABLISSEMENTS ET SERVICES D'AIDE PAR LE TRAVAIL (ESAT)

L'action n° 2 « Incitation à l'activité professionnelle » porte les crédits liés aux établissements et services d'aide par le travail (ESAT), à travers deux lignes :

- la dotation globale de fonctionnement aux ESAT, pour un montant de 1 468,7 millions d'euros en 2015 , en augmentation par rapport à 2014 (+ 20 millions d'euros) ;

- la garantie de rémunération des travailleurs handicapés (GRTH), pour un montant de 1 277,3 millions d'euros en 2015 , également en hausse par rapport à l'année précédente (+ 23 millions d'euros).

L'augmentation de la dotation de fonctionnement aux ESAT, plus importante que celle constatée en 2014, vise notamment à tirer les conséquences d'un arrêt du Conseil d'Etat ayant censuré le gel des tarifs plafonds des prestations fournies en ESAT dans le cadre de la convergence tarifaire . En conséquence, certains tarifs plafonds devront être revalorisés en 2015.

En revanche, comme les années précédentes, le plan de création de places continue d'être suspendu . Ainsi, la prévision de dotation aux ESAT est établie sur la base d'un nombre inchangé de 119 211 places. Au total, le plan de création de 10 000 places, lancé en 2008, n'a été réalisé qu'à hauteur de 6 400 places.

Enfin, l'action n° 2 prévoit une dotation de 2 millions d'euros dans le cadre du plan d'aide à l'investissement des ESAT . À cet égard, votre rapporteur spécial constate que cette dotation se caractérise à la fois par sa baisse sensible par rapport à l'an passé (-43 %) et, surtout, par sa faiblesse en valeur absolue . Compte tenu du nombre d'ESAT (1 349 établissements), cela revient à une dotation moyenne de 1 400 euros par établissement . Dès lors, l'objectif poursuivi d'« aide à l'acquisition de l'équipement matériel et mobilier accompagnant une opération de modernisation » et d'« amélioration de l'outil productif » ne peut être que très partiellement atteint.

Dans ce contexte, le contrôle budgétaire auquel votre rapporteur spécial procède actuellement sur la situation des ESAT, et dont les conclusions devraient être publiées au premier semestre 2015, devrait permettre à la fois de dresser le bilan des créations de places depuis 2011 et de leur suspension, ainsi que de présenter les pistes pour en permettre la modernisation et la meilleure adaptation aux besoins des personnes handicapées.

III. LE PROGRAMME 137 « EGALITÉ ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES »

La maquette du programme n° 137 « Égalité entre les femmes et les hommes » , stable par rapport à la loi de finances 2014, est composée de cinq actions qui, chacune dans un domaine différent, portent essentiellement des subventions à des associations nationales ou locales actives dans le domaine de la protection des femmes victimes de violence, de la promotion de l'égalité hommes-femmes, ou encore de la lutte contre la prostitution et la traite des êtres humains .

Répartition des crédits du programme n° 137 par action

(en millions d'euros)

Autorisations d'engagement = Crédits de paiement

Exécution 2013

LFI 2014

PLF 2015

Évolution

Action n° 11 « Égalité entre les femmes et les hommes dans la vie professionnelle, économique, politique et sociale »

2,2

2,2

1,9

- 13,6 %

Action n° 12 « Promotion des droits, prévention et lutte contre les violences sexistes »

16,1

14,6

15,0

+ 2,7 %

Action n° 13 « Soutien du programme égalité entre les femmes et les hommes »

0,4

1,5

1,4

- 6,7 %

Action n° 14 « Actions de soutien, d'expérimentation en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes » (nouveau)

4,6

4,4

4,4

-

Action n° 15 « Prévention et lutte contre la prostitution et la traite des êtres humains »

-

2,4

2,4

-

Total programme n° 137

23,3

25,1

25,1

-

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2015

Les crédits prévus pour 2015 sont, sur l'ensemble du programme, stables par rapport à 2014, à 25,1 millions d'euros en AE=CP . Il convient à cet égard de souligner que les dotations définitives sont généralement légèrement supérieures au projet de loi de finances, du fait de l'inscription de crédits dans le cadre de la réserve parlementaire.

De façon générale, votre rapporteur spécial, tout en saluant l'action des associations financées par ce programme, regrette à la fois la faiblesse des crédits au regard de l'enjeu politique et l'absence de vision stratégique du programme . De façon symptomatique, interrogé par votre rapporteur spécial sur les priorités stratégiques du présent programme dans le cadre du questionnaire budgétaire annuel, le ministère des affaires sociales s'est contenté de reproduire la description, ligne par ligne, des dotations aux différentes associations.

Le tableau ci-dessous retrace les dix associations recevant les subventions les plus importantes au titre du présent programme. Ces associations, qui bénéficient toutes d'une convention pluriannuelle d'objectifs, ont vu leurs dotations respectives gelées depuis 2013, ce qui correspond, en pratique, à une diminution des moyens alloués par l'Etat au regard de l'évolution de leurs coûts .

Répartition des dix plus importantes subventions aux associations par le programme n° 137

(en euros)

Association

Subvention 2013

Subvention 2014

Subvention prévue pour 2015

Objet du financement

Centre national d'information sur les droits des femmes et des familles (CNIDFF)

1 320 00

1 320 000

1 320 000

Accès aux droits et lutte contre les violences faites aux femmes

Collectif féministe contre le viol (CFCV)

312 500

312 500

312 500

Soutien aux femmes victimes de viols et d'agressions sexuelles (notamment permanence téléphonique)

Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT)

235 000

235 000

235 000

Soutien aux femmes victimes de discriminations ou violences sexistes au travail

Mouvement français pour le planning familial

213 000

213 000

213 000

Mise en place d'un réseau national de lutte contre le mariage forcé

Accompagnement lieu d'accueil

178 000

170 000

170 000

Favoriser l'accueil et la protection de victimes de la traite des êtres humains

Mouvement du nid

80 000

80 000

80 000

Prévention et lutte contre la prostitution

Comité contre l'esclavage moderne

60 000

60 000

60 000

Aide aux jeunes femmes victimes d'esclavage domestique

Centre Hubertine Auclert

50 000

50 000

50 000

Promotion de l'égalité femmes-hommes

Groupe femmes pour l'abolition des mutilations sexuelles (GAMS)

42 000

42 000

42 000

Sensibilisation sur l'excision et les mariages forcés

Amicale du nid

35 000

35 000

35 000

Prévention des risques prostitutionnels auprès des jeunes et des élèves

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

IV. LE PROGRAMME 124 « CONDUITE ET SOUTIEN DES POLITIQUES SANITAIRES, SOCIALES, DU SPORT, DE LA JEUNESSE ET DE LA VIE ASSOCIATIVE »

A. UNE BAISSE DES CRÉDITS NOTAMMENT ALIMENTÉE PAR LA RÉDUCTION DES EFFECTIFS

Le programme n° 124 « Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative » porte l'ensemble des crédits de soutien de ces politiques. Il englobe en particulier les charges liées aux directions centrales, régionales et départementales de la cohésion sociale, de la jeunesse et des sports, ainsi que la contribution de l'Etat au fonctionnement des agences régionales de santé (ARS).

Comme lors du projet de loi de finances pour 2014, le présent programme est le seul de la mission à connaître une baisse de ses crédits, qui passent de 1 505,9 millions d'euros en 2014 à 1 493,6 millions d'euros en 2015 (-0,8 %) . Cette diminution est cependant plus faible si l'on tient compte de l'effet de la mesure de transfert des certifications de formation (ancienne action n° 13, désormais sans objet) vers le programme n° 304.

S'agissant des dépenses de fonctionnement, la plupart des lignes budgétaires sont stables . Deux évolutions sont toutefois à noter :

• Les dépenses d'informatique connaissent une augmentation notable (+9,6 %). En effet, le projet annuel de performances indique que, suite à la création d'une direction des systèmes d'information par fusion de plusieurs sous-directions préexistantes, l'année 2015 sera « marquée par la poursuite des renouvellements des serveurs et des logiciels obsolètes ainsi que par la mise en place de solutions nouvelles de messagerie et de travail collaboratif ». En effet, la directrice générale de la cohésion sociale, Sabine Fourcade, a souligné devant votre rapporteur spécial que le ministère des affaires sociales était un ministère traditionnellement « sous-informatisé » , avec un important retard à rattraper en la matière. Ce constat alarmant fait écho à celui déjà établi concernant la remontée d'informations sur les décisions prises par les MDPH et leur suivi.

• S'agissant des dépenses immobilières , les autorisations d'engagement sont significativement plus importantes pour 2015 qu'en 2014 (78 millions d'euros, contre 52,3 millions d'euros) du fait du renouvellement de certains baux pluriannuels . Il convient de souligner que deux grandes opérations immobilières ont pris fin en 2013 et 2014 pour les sites parisiens du ministère : le site Duquesne a été intégralement restructuré, tandis que les services ont été rassemblés sur le Montparnasse Sud-Pont. D'après le projet annuel de performance, ces opérations ont permis une baisse des crédits locatifs de 11,4 milliards d'euros sur la période 2013-2015 (baisse portée par le programme n° 124 et par le programme n° 155 « conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi » de la mission « Travail et emploi »).

Répartition des crédits du programme 124 par action

(en millions d'euros)

Maquette PLF 2013

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Variation des CP

LFI 2014

PLF 2015

LFI 2014

PLF 2015

Action n° 10 « Fonctionnement des services »

19,7

20,3

19,7

20,3

+3,0 %

Action n° 11 « Systèmes d'information »

24,9

27,3

24,9

27,3

+9,6 %

Action n° 12 « Affaires immobilières »

52,3

78,0

74,9

73,9

-1,3 %

Action n° 13 « Certification des formations »

7,5

-

7,5

-

-

Action n° 14 « Communication »

6,1

5,7

6,1

5,7

-6,6 %

Action n° 15 « Affaires européennes et internationales »

6,9

6,8

6,9

6,8

-1,4 %

Action n° 16 « Statistiques, études et recherches »

10,6

10,1

10,6

10,1

-4,7 %

Action n° 17 « Financement des agences régionales de santé »

589,6

600,0

589,6

600,0

+1,8 %

Action n° 18 « Personnels mettant en oeuvre les politiques sociales et de la santé »

258,7

245,8

258,7

245,8

-5,0 %

Action n° 19 « Personnels mettant en oeuvre les politiques du sport, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative »

295,6

298,3

295,7

298,3

+0,9 %

Action n° 20 « Personnels mettant en oeuvre les politiques pour les droits des femmes »

11,2

14,0

11,2

14,0

+ 25 %

Action n° 21 « Personnel mettant en oeuvre les politiques de la ville, du logement et de l'hébergement »

42,8

43,6

42,8

43,6

+1,9 %

Action n° 22 « Personnels transversaux et de soutien »

134,2

125,7

134,2

125,7

-6,3 %

Action n° 23 « Autres dépenses de personnel »

23,1

22,1

23,1

22,1

-4,3 %

Total du programme n° 124

1 483,2

1 497,7

1 505,9

1 493,6

-0,8 %

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2015

Les dépenses de personnel (titre 2) représentent près de 50 % des dépenses du programme . De plus, les dépenses inscrites en titre 3 recouvrent en partie des dépenses de personnel, à travers la subvention pour charges de service public versée aux agences régionales de santé. Les emplois portés par le présent programme, à la fois directement en titre 2 et à travers la subvention pour charges de service public des ARS, représente près de 1 % de l'emploi public total (22 057 ETPT sur un total de 2 304 131 ETPT).

La gestion des effectifs constitue donc un déterminant important de la dépense, mais aussi de la qualité de l'action publique menée dans les territoires.

Or, le projet de loi de finances pour 2015 poursuit la politique de réduction des effectifs entamée depuis 2010 . Ainsi, il prévoit la réduction du plafond d'emplois de 253 équivalents temps plein travaillé (ETPT) , résultant de l'incidence du schéma d'emploi 2015 (-150 ETPT) et de l'extension en année pleine du schéma d'emploi 2014 (-135). Au total, sur la période 2010-2015, le programme n° 124 a connu la suppression de 803 emplois (sur un total de 9 591 en 2010, soit une diminution de 8,4 % des effectifs en cinq ans). Cela se traduit par une légère baisse des dépenses de deux actions portant des crédits de personnel du programme (action n° 18 : -5 % ; action n° 22 : -6,3 %), et par une maîtrise des dépenses des deux autres actions portant des crédits de personnel (action n° 19 : +0,9 % ; action n° 21 : +1,9 %).

Au-delà des conséquences de ces réductions sur la qualité de la politique menée, votre rapporteur spécial constate que la baisse est intégralement portée par les agents de catégories B et C , alors que les catégories A sont préservées. Ainsi, l'échelle continue de se déformer en faveur des catégories A , qui représentent désormais 58 % des effectifs financés par le programme (hors ARS).

Évolution du plafond d'emploi depuis 2012 et dans le triennal 2015-2017

(en ETPT)

LFI 2012

LFI 2013

LFI 2014

PLF 2015

Plafond 2016

Plafond 2017

Plafond d'emplois

11 283

11 157

10 558

10 305

10 160

10 010

Suppression d'effectifs

-126

-599 (1)

-253

-145

-150

Évolution annuelle

-1,1 %

-5,7 %

-2,5 %

-1,4 %

-1,5 %

(1) Dont 389 ETPT liés à un transfert sortant (délégués des préfets et secrétariat général du comité interministériel à la ville).

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

B. LE FINANCEMENT DES AGENCES RÉGIONALES DE SANTÉ

Mises en place en 2010, les 26 agences régionales de santé (ARS) regroupent des services déconcentrés de l'Etat (partie sanitaire des DDASS et des DRASS), l'agence de l'hospitalisation, le groupement régional de santé publique, l'union régionale des caisses d'assurance maladie, la mission régionale de santé, ainsi qu'une partie des personnels des caisses régionales d'assurance maladie, du régime social des indépendants, de la mutualité sociale agricole et de la direction régionale du service médical.

Les ARS sont financées de la manière suivante :

- une subvention de fonctionnement (subvention pour charges de service public) portée par le présent programme n° 124, pour 600 millions d'euros en 2015 ; cette subvention est complétée par des crédits de l'assurance-maladie ;

- des crédits d'intervention , issus de l'assurance-maladie (par exemple pour le financement des établissements médico-sociaux), de la CNSA et de l'Etat, pour 417 millions d'euros en 2015 5 ( * ) .

La dotation du programme n° 124, soit 600 millions d'euros, est en légère augmentation (+10 millions d'euros) par rapport à 2014, car les effets à la hausse liés au glissement vieillesse technicité (GVT) positif, aux mesures catégorielles et aux mesures de titularisation, pour un total de 18,5 millions d'euros, sont plus importants que les effets à la baisse liés à la réduction du schéma d'emplois et à la baisse des dépenses de fonctionnement courant, pour un total de -9 millions d'euros.

Les ARS sont ainsi soumises à la même politique de réduction des effectifs, avec une baisse de leur plafond d'emplois de 100 ETPT en 2015 (80 ETPT sur le plafond relevant de l'Etat et 20 sur celui relevant de l'assurance-maladie). Là encore, votre rapporteur spécial s'interroge sur la capacité de toutes ces administrations, dont les missions sont de la première importance pour garantir le suivi sanitaire et social et, plus largement, la cohésion de la société dans une situation de crise économique, à accomplir leurs tâches dans un contexte de réorganisation permanente du fait des suppressions d'effectifs .

EXAMEN DE L'ARTICLE RATTACHÉ
ARTICLE 60

Financement par le Fonds national des solidarités (FNSA) de la partie socle du revenu de solidarité active en faveur des jeunes actifs

Commentaire : le présent article a pour objet de mettre à la charge du Fonds national des solidarités actives (FNSA) l'intégralité des dépenses relatives au « RSA jeunes » pour la seule année 2015.

I. LE DROIT EXISTANT

L'article 135 de la loi de finances pour 2010 a instauré le « RSA jeunes » qui permet, par exception au droit commun, à des jeunes de moins de 25 ans d'être éligibles au RSA . Ils doivent, pour cela, avoir travaillé au moins deux ans sur les trois dernières années .

Depuis sa création, par dérogation à l'article L. 262-24 du code de l'action sociale et des familles qui prévoit la répartition des charges entre départements et Etat, le « RSA jeunes » est intégralement pris en charge par l'Etat à travers le Fonds national des solidarités actives (FNSA) .

Comme en 2014, la dotation inscrite à ce titre dans le budget prévisionnel du FNSA pour 2015 est de 26 millions d'euros , dont environ 18 millions d'euros pour la partie « socle » et 8 millions d'euros pour la partie « activité ».

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article prévoit la reconduction, pour 2015, du financement du « RSA jeunes » dans toutes ses composantes (socle et activité) par le FNSA .

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Le financement du « RSA jeunes » par le FNSA est un financement dérogatoire, qui avait été mis en place dès sa création en 2010 et prolongé depuis lors, dans l'attente de la montée en charge du dispositif . En effet, il s'agissait de connaître précisément le coût de la prestation pour les conseils généraux, afin d'en prévoir précisément la compensation par l'Etat.

Loin de monter en charge, le dispositif reflue depuis 2011 . Ainsi, alors qu'il bénéficiait à 10 246 foyers en juin 2011, le « RSA jeunes » ne bénéficie plus qu'à 7 882 foyers en mars 2014 . Sur la base de l'évolution des deux dernières années, le ministère des affaires sociales estime le nombre d'allocataires moyen en 2015 à environ 7 000 . Ce chiffre est à comparer à l'estimation initiale du nombre d'allocataires potentiel, qui était de 160 000 personnes. L'écart s'explique notamment par la rigueur des conditions d'éligibilité et la complexité des démarches que l'obtention du RSA jeunes suppose d'effectuer.

Au total, la baisse progressive du nombre de bénéficiaires compense la hausse du coût individuel lié à la revalorisation du montant du RSA. Dès lors, la subvention au titre du RSA jeunes, inscrite dans le budget prévisionnel 2015 du FNSA, est stable par rapport à 2014, soit 26 millions d'euros 6 ( * )

Votre rapporteur spécial considère que le financement dérogatoire du RSA jeunes, « dans l'attente d'une éventuelle réforme du RSA » selon les termes du projet annuel de performances, est de plus en plus difficile à justifier .

D'une part, la montée en charge n'a - définitivement - pas eu lieu , si bien que le montant de la compensation pour les départements peut être facilement estimé.

D'autre part, le « RSA jeunes » représente, en quelque sorte, le symptôme ou le symbole de l'urgence d'une réforme d'un dispositif de RSA qui, en raison de la complexité des démarches qu'il suppose, n'a atteint qu'une infime proportion de son public potentiel. Certes, comme le souligne le Gouvernement dans ses réponses au questionnaire budgétaire, d'autres dispositifs sont mis en place en faveur des jeunes très éloignés de l'emploi, notamment celui de la « garantie jeunes » expérimentée dans dix départements et qui permet de bénéficier d'un accompagnement personnalisé complété d'une allocation équivalente au montant forfaitaire du RSA. Cependant, ces initiatives ne doivent pas éluder ou reporter la grande réforme du RSA, en particulier pour ses volets « activité » et « jeunes » . En conséquence, afin de donner le signal politique de l'urgence de la réforme du RSA activité et du RSA jeunes, votre rapporteur spécial vous préconise de ne pas adopter l'article rattaché.

En conséquence, suivant votre rapporteur spécial, la commission avait décidé de proposer au Sénat de ne pas adopter cet article.

Lors de la réunion de la commission des finances du 20 novembre 2014 d'examen définitif des crédits, son rapporteur général a souligné que la réforme du RSA « activité » et du RSA « jeunes » avait été lancée par le Gouvernement à travers la proposition de supprimer la prime pour l'emploi. Il a également fait remarquer qu'en l'absence d'un tel article, le RSA « jeunes », dans sa partie socle, serait financé par les départements.

En conséquence, votre commission des finances préconise au Sénat d'adopter cet article sans modification.

Décision de la commission : votre commission des finances vous propose d'adopter cet article sans modification .

LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En première délibération, l'Assemblée nationale a adopté les crédits de la mission sans modification.

En seconde délibération, elle a adopté, à l'initiative du Gouvernement et dans le cadre des économies budgétaires, un amendement visant à réduire de 15,1 millions d'euros en AE=CP les dotations de la mission . Cette réduction se décompose comme suit :

- 2,9 millions d'euros sur le programme 304, permise par une « rationalisation des dépenses d'intervention » ;

- 10 millions d'euros sur le programme 157, permise grâce à un « pilotage accru » ;

- 0,5 million d'euros sur le programme 137, grâce à des « économies sur les dépenses de fonctionnement et d'intervention du programme » ;

- 1,7 million d'euros sur le programme 124, dans le cadre d'un « effort accru sur les dépenses de fonctionnement du ministère ».

Votre rapporteur spécial constate que la réduction de 10 millions d'euros des crédits dédiés au financement du handicap, en particulier à l'allocation aux adultes handicapés, ne fait qu' aggraver la situation de sous-budgétisation dénoncée précédemment. A cet égard, l'amélioration du pilotage ne pourra que difficilement permettre une réduction de dépenses essentiellement contraintes, et dont le principal déterminant (l'ouverture de droits par les commissions départementales) n'est pas géré directement par l'Etat.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le jeudi 30 octobre 2014, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Éric Bocquet, rapporteur spécial, sur la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » (et article 60).

Mme Michèle André , présidente . - Nous entendons notre collègue Éric Bocquet, rapporteur spécial, sur la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » et l'article 60, en présence de Philippe Mouiller, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.

M. Éric Bocquet , rapporteur spécial . - Avec 15,7 milliards d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » est la quatrième du budget général, et la première en termes d'intervention de l'État auprès des ménages. Constituant le coeur du financement par l'État de la solidarité en faveur des personnes vulnérables, elle est concentrée sur quelques dispositifs d'intervention coûteux, mais fondamentaux pour notre cohésion sociale, particulièrement en ces temps difficiles : l'allocation aux adultes handicapés (AAH), les établissements et services d'aide par le travail pour les travailleurs handicapés, le revenu de solidarité active (RSA) « activité » et la protection juridique des majeurs.

Le budget triennal 2015-2017 prévoit la poursuite de l'augmentation des crédits, qui atteindront environ 16 milliards d'euros en 2017 - hors compte d'affectation spéciale « Pensions ». Il s'agit d'une augmentation d'environ 500 millions d'euros en deux ans. Cette hausse résulte principalement de l'évolution de deux dépenses : l'AAH, qui coûtera 8,5 milliards d'euros en 2015, et la partie « activité » du RSA, qui représente plus de 1,9 milliard d'euros. Si nous nous référons aux années passées, il est à craindre que l'augmentation de 500 millions d'euros programmée soit insuffisante. Le Gouvernement a engagé en 2013 une revalorisation du montant du RSA de 2 % par an sur la durée du quinquennat, engagée en 2013. Elle absorbera à elle seule la moitié de la hausse de 500 millions d'euros. Si l'on y ajoute la hausse de l'AAH, les mesures de protection juridique des majeurs et d'autres prestations obligatoires prévues par la mission, il n'y a guère de doute que le plafond sera dépassé.

Le programme n° 304, le principal pour l'inclusion sociale, porte essentiellement les dépenses de RSA « activité » et de protection juridique des majeurs. Ses crédits augmentent fortement car son périmètre change. Il accueille deux actions jusqu'alors portées par le programme n° 106, qui disparaît. Cette simplification de la maquette est bienvenue. Par ailleurs, le Fonds national des solidarités actives (FNSA) était jusqu'en 2014 financé par une ressource propre, issue du prélèvement de solidarité sur les revenus du capital, complétée par une subvention d'équilibre de l'État, qui était portée par le programme n° 304. Pour des raisons de clarté et de prévisibilité des recettes, le Gouvernement a décidé de faire porter l'intégralité du financement du FNSA par la subvention de l'État du programme n° 304, qui augmente donc de 1,7 milliard d'euros. Cette re-budgétisation était souhaitable en raison de la volatilité de la recette affectée.

Malheureusement, cette clarification est mise à mal par une affectation exceptionnelle de 200 millions d'euros en provenance du FNSA, opérée, qui plus est, en violation de l'article de loi créant la contribution de solidarité des fonctionnaires. La tuyauterie budgétaire doit respecter les utilisations prévues pour chaque contribution.

La dépense de RSA « activité » va augmenter fortement, en raison du contexte économique difficile et de la revalorisation exceptionnelle, pour atteindre 1,9 milliard d'euros en 2015.

Le Gouvernement supprime l'aide personnalisée pour le retour à l'emploi (APRE), coup de pouce à l'insertion des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA), dont j'avais souligné l'utilité l'an passé dans mon rapport de contrôle budgétaire. Je regrette que, sous l'effet de la contrainte budgétaire, la mission « solidarité » se réduise à ses seuls dispositifs de guichet et que disparaissent ou soient réduites les interventions plus ciblées ou les subventions aux associations, qui animent sur le terrain la politique de solidarité.

Le programme n° 304 comporte également d'autres dispositifs d'intervention, dont l'aide alimentaire, qui nous tient particulièrement à coeur, et à laquelle 32 millions d'euros sont alloués en 2015, en complément de quelque 70 millions d'euros provenant d'un fonds européen. Cette somme finance notamment les épiceries solidaires et sociales, initiative très intéressante qui aide les plus démunis tout en leur permettant de conserver, ou de retrouver, la dignité et l'estime de soi dans l'acte de consommer.

Au programme n° 157, le plus important de la mission, les crédits de l'AAH augmentent légèrement pour atteindre 8,524 milliards d'euros. Par rapport à la prévision de dépense actualisée de 2014, cette augmentation n'est que de 50 millions d'euros. Or, la seule revalorisation annuelle normale liée à l'inflation représente 80 millions d'euros. Si l'on y ajoute la progression continue, quoique légèrement ralentie, du nombre de bénéficiaires, il est très probable que cette ligne budgétaire soit sous-dotée et qu'un abondement en cours de gestion soit nécessaire.

Je regrette la faiblesse de l'effort programmé pour les établissements et services d'aide par le travail (ESAT), qui font travailler des personnes handicapées, notamment des handicapés mentaux : aucune nouvelle place n'est construite et l'aide à la modernisation se limite à 2 millions d'euros, alors que les premières conclusions de mon contrôle en cours sur ce sujet montrent des besoins criants en la matière.

Le programme porte également les crédits de fonctionnement de l'État pour les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). La baisse de 10 millions d'euros est compensée par une contribution exceptionnelle de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. Cette tuyauterie budgétaire, destinée à compenser provisoirement la raréfaction des ressources de l'État, est regrettable.

Le programme n° 137 « Égalité entre les femmes et les hommes » est le plus faible de tout le budget général, avec seulement 25 millions d'euros. Il comporte essentiellement des subventions à des associations, globalement stables depuis trois ans - c'est-à-dire qu'en tenant compte de l'inflation, elles diminuent.

Le programme n° 124 est le grand programme support des politiques sociales, sanitaires, de la jeunesse et des sports. Il contient les crédits de fonctionnement et de personnel de ces administrations, au niveau central et au niveau déconcentré. En hausse de 10 %, les dépenses informatiques s'établissent à 27 millions d'euros, afin de combler ce que la directrice générale de la cohésion sociale, Sabine Fourcade, a qualifié de « sous-informatisation » du ministère. Par exemple, les décisions d'orientation des personnes handicapées ne sont pas suivies. Le plafond d'emploi des directions est réduit de 253 équivalents temps plein travaillé (ETPT) - uniquement dans les catégories C et B. Celui des agences régionales de santé (ARS) est réduit de 100 ETPT. Au total, depuis 2011, les administrations sociales ont perdu plus de 800 postes, soit près de 10 % du total, ce qui est considérable. Peut-on continuer ainsi sans remettre en cause les missions qui leur sont confiées ?

Ainsi, malgré l'importance de cette mission pour la cohésion sociale dans notre pays, je propose, en raison de ces baisses continues d'effectifs dans l'administration, de la suppression des dispositifs d'intervention ciblés comme l'aide personnalisée de retour à l'emploi (APRE), comme de la probable sous-dotation de l'AAH, de ne pas adopter les crédits de la mission.

Mme Michèle André , présidente . - Je vous propose de présenter sans attendre l'article 60.

M. Éric Bocquet , rapporteur spécial . - Comme chaque année depuis 2011, cet article rattaché à la mission prolonge le financement dérogatoire du RSA « jeunes » par le FNSA, c'est-à-dire par l'État.

Le RSA « jeunes » bénéficie aux jeunes de moins de 25 ans qui ont travaillé pendant au moins deux ans. Comme le RSA, il devait être financé par les départements pour la partie « socle », et par l'État pour la partie « activité ». Dans l'attente de la montée en charge du dispositif, il a été prévu de façon dérogatoire que l'État, via le FNSA, le financerait en totalité. La montée en charge n'a pas eu lieu : pis, le dispositif reflue puisqu'il ne bénéficie qu'à environ 8 000 personnes, contre 10 000 en 2011. Trop complexe, il n'a pas trouvé son public.

Cette année encore, le Gouvernement sollicite une reconduite du financement dérogatoire du RSA « jeunes » par le Fonds national des solidarités actives (FNSA), dans l'attente de la réforme globale du RSA « activité » promise depuis trois ans. Bien que le Président de la République ait renouvelé récemment cette promesse, nous ne voyons venir aucun texte. Il n'est plus possible de reconduire, année après année, des dispositifs dérogatoires dans l'attente d'une réforme qui n'arrive jamais. C'est pourquoi, pour marquer notre volonté d'y procéder de façon urgente, je vous propose de ne pas adopter cet article. Certes, cela signifie que la partie « socle » du RSA « jeunes » sera financée par les départements. Mais la dépense est faible, étant donné l'échec du dispositif : 18 millions d'euros, à répartir entre tous les départements. Et il s'agira d'un signal politique important, pour amener le Gouvernement à se saisir de cette réforme du RSA, dont le RSA « jeunes » devra faire partie.

M. Philippe Mouiller, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. - Merci pour votre invitation, et bravo au rapporteur spécial pour la qualité de son travail. La commission des affaires sociales donnera son avis d'ici trois semaines après qu'elle aura auditionné les principaux acteurs. Les crédits prévus suffiront-ils dans la situation économique et sociale actuelle ? Pour le RSA, on constate un décalage entre l'objectif affiché en termes de nombre de bénéficiaires et la réalité. La répartition du financement entre État et départements ne va pas de soi, non plus que l'évolution du RSA « jeunes ». Le rapprochement entre la prime pour l'emploi (PPE) et le RSA a aussi été évoqué par le Gouvernement.

Les principaux risques de dépassement du budget concernent l'AAH, dont le nombre de bénéficiaires potentiels augmente fortement, et qui a été revalorisée. Le nombre de places en ESAT est figé, alors que les besoins augmentent. Le vieillissement des personnes handicapées doit être anticipé : au-delà d'un certain âge, il n'y a plus de structure adaptée. Le fonctionnement des MDPH varie selon les départements. Parfois, les lourdeurs administratives sont fortes et les délais de traitement nuisent à la qualité du service...

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Je connais cette mission pour en avoir été le rapporteur spécial. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, la sous-dotation de l'AAH se renouvelle d'année en année. J'avais constaté une grande variation de la dépense d'un département à l'autre, laquelle a d'autres causes que le nombre de places en établissement. Par ailleurs, il est problématique que la revalorisation du RSA soit décidée unilatéralement par l'État, dès lors qu'elle pèse aussi sur les départements...

M. Marc Laménie . - Vous nous avez présenté ces masses financières très importantes avec beaucoup de pédagogie. Le RSA est un dispositif complexe, qu'il s'agisse de ses bénéficiaires ou de son financement, partagé entre l'État et les départements. Quelles seront les compensations financières pour ceux-ci ?

Le programme n° 157 représente 11,6 milliards d'euros. Comme le rapporteur, je regrette le manque de moyens des ESAT qui, au-delà de leur aspect humain, participent à la vie économique au travers de partenariats avec des entreprises. Les associations qui les portent regroupent des salariés mais aussi des bénévoles.

L'action 5 finance des associations actives dans le domaine de l'accompagnement des personnes âgées dépendantes. La somme en jeu est infime, pourtant elle baisse de 22 %. Pourriez-vous nous éclairer sur ce point ?

M. François Marc . - Malgré la clarté de votre exposé, je ne suivrai pas votre préconisation. J'ai souligné ici même, devant Christian Eckert, et cela avait fait sourire certains, que dans un contexte budgétaire difficile, ce budget avait du coeur, car il préserve la solidarité envers les personnes les plus en difficulté : l'augmentation des crédits se poursuit sur le triennal, pour atteindre 16 milliards d'euros en 2017. Le 1 er septembre 2015, le RSA augmentera exceptionnellement de 2 %, au-delà de l'inflation, en application d'un engagement pris en janvier 2013 à l'issue de la conférence nationale de lutte contre la pauvreté. L'AAH sera aussi revalorisée de 1,30 %. Bref, certaines de nos préoccupations concernant les plus défavorisés sont prises en considération.

La re-budgétisation du FNSA améliore la prévisibilité de son financement, ce qui est bienvenu. Cependant, le RSA « activité », lancé à grand renfort de communication sous la mandature précédente, a des résultats contestables : en 2011, seuls 32 % de ses bénéficiaires potentiels le sollicitaient. Votre rapport évoque des pistes pour faire monter cette proportion à 50 %. Bien sûr, cela accroîtra la dépense. Fusionner le RSA avec la PPE, pourquoi pas ? Mais il faut trancher au plus vite.

Pouvez-vous préciser en quoi vous considérez que la ligne budgétaire consacrée à l'AAH est insuffisante ? Je ne regrette pas la suppression de l'APRE. Des programmes inopérants ou inefficaces doivent être réformés, pour que les aides soient mieux ciblées.

M. Vincent Delahaye . - Je suivrai l'avis du rapporteur, quoique ce soit pour des motifs différents des siens. Il manque 226 millions d'euros au budget de l'AAH. Ne pas les avoir inscrits dans la loi de finances initiale manque de sincérité. Comment l'augmentation de 13,87 % prévue pour le FNSA sera-t-elle financée ? Je suis défavorable à la revalorisation exceptionnelle de 2 % du RSA, parce que nous n'en avons pas les moyens : en 2015, cela coûtera 512 millions d'euros, financés par de la dette que les générations futures auront à rembourser. Notre système social est déjà généreux, surtout en comparaison avec d'autres pays d'Europe.

J'ignorais que l'État finançait les épiceries sociales et solidaires. Comment celle que j'ai créée peut-elle bénéficier de l'aide de l'État ?

M. Éric Bocquet , rapporteur spécial . - Le vieillissement des personnes handicapées est en effet un enjeu croissant. Je travaille actuellement à un rapport particulier sur la situation des ESAT. Des pistes existent : dispositif de préretraite, transition vers des foyers de vie, etc.

Oui, monsieur le rapporteur général, les différences entre départements persistent en ce qui concerne l'AAH, surtout dans la deuxième catégorie, qui concerne les personnes ayant entre 50 % et 80 % d'incapacité. Il faut continuer à harmoniser les critères, mais dans les MDPH, les commissions sont souveraines.

L'action n° 5 concerne essentiellement les associations qui luttent contre la maltraitance. Il s'agit de la mise en place d'une plate-forme nationale d'accueil téléphonique et d'antennes de proximité pour recueillir les signalements effectués par les familles, les associations ou les élus.

Dans mon département, nous dépensons mille euros par minute pour financer le RSA. C'est dire qu'il ne reste pas grand-chose pour le reste... Auparavant, une fraction du prélèvement de solidarité sur les revenus du capital, de 1,7 milliard d'euros, alimentait directement le FNSA. Les évolutions du marché des titres rendaient cette ressource volatile, ce qui posait aux gestionnaires un problème de prévisibilité. La subvention de l'État ne présente pas cet inconvénient.

M. Vincent Delahaye . - La fraction du prélèvement de solidarité est-elle versée directement au budget de la sécurité sociale ?

M. Éric Bocquet , rapporteur spécial . - Oui, avant d'être, jusqu'en 2014, reversée au FNSA. Les épiceries sociales et solidaires commencent à connaître un certain succès, tant mieux. Les subventions passent par les structures régionales.

La dotation prévue pour 2015 est à peine supérieure à la dépense vraisemblable pour 2014, qui est de 8,5 milliards d'euros. Or la dépense d'AAH en 2015 pourrait avoisiner les 8,7 milliards d'euros. Les revalorisations du 1 er septembre 2014 et du 1 er septembre 2015 coûteront à elles seules environ 80 millions d'euros.

M. François Marc . - Sur les 200 millions d'euros de coût supplémentaire, seuls 50 millions ont été prévus...

M. Éric Bocquet , rapporteur spécial . - C'est cela.

M. Vincent Delahaye . - La modification du financement du FNSA aboutit à un gonflement simultané des dépenses et des recettes de 1,7 milliard.

M. Éric Bocquet , rapporteur spécial . - Il ne s'agit que d'un changement dans la tuyauterie budgétaire.

M. Vincent Delahaye . - Pourquoi les crédits de paiement augmentent-t-ils de 13,66 %, pour passer de 13,8 milliards d'euros à 15,7 milliards d'euros ?

M. Éric Bocquet , rapporteur spécial . - La subvention augmente en effet, mais pas les dépenses du FNSA. Nous vous ferons parvenir une note détaillée sur ce point.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Je partage la préconisation de notre rapporteur spécial et vous propose de rejeter les crédits de cette mission.

À l'issue de ce débat, la commission a décidé de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » et de ne pas adopter l'article 60 du projet de loi de finances pour 2015.

*

* *

Réunie le jeudi 20 novembre 2014, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a procédé à l'examen définitif des crédits de la mission et de l'article 60.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Rejeté lors de notre réunion du 30 octobre, suivant l'avis du rapporteur spécial, l'article 60 prévoit que l'État finance, comme tous les ans, le RSA-jeunes via le Fonds national des solidarités actives. S'il n'est pas possible de prévoir des financements dérogatoires dans l'attente d'une réforme dont le calendrier n'est pas connu, la suppression de cet article conduirait à un accroissement de la charge pour les départements, qui devraient alors payer le RSA-socle pour les jeunes de moins de 25 ans. Je vous propose donc de l'adopter sans modification.

La commission a confirmé sa décision de ne pas adopter les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » et a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 60.


* 1 A l'exception d'une affectation de la contribution exceptionnelle de solidarité des fonctionnaires, à hauteur de 200 millions d'euros (voir infra).

* 2 Le montant de RSA est calculé en cumulant le montant du RSA socle et 62 % des revenus d'activité du travailleur, diminué de ses revenus d'activité.

* 3 « L'aide personnalisée de retour à l'emploi : un coup de pouce victime de son originalité », rapport d'information, fait au nom de la commission des finances n° 94 (2013-2014), 23 octobre 2013.

* 4 La situation budgétaire 2014 du FNSA est d'autant plus critique qu'un report de charges de 147 millions d'euros de 2013 sur 2014 a été constaté, augmentant d'autant les dépenses du FNSA en 2014.

* 5 Ces crédits sont en forte réduction par rapport à 2014, car la subvention de l'Etat portée par le programme n° 204, pour les dépenses liées à la formation médicale, sera désormais assurée par l'assurance-maladie.

* 6 23 millions d'euros d'après les informations fournies dans les réponses au questionnaire budgétaire.

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