LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En seconde délibération , à l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a minoré de 800 000 euros les autorisations d'engagement et les crédits de paiement de la mission « Conseil et contrôle de l'État » dans le cadre de la garantie du respect de la norme de dépense en valeur de l'État.

Cette minoration de crédits est répartie comme suit :

- 350 000 euros sur le programme « Conseil d'État et autres juridictions administratives » ;

- 100 000 euros sur le programme « Conseil économique, social et environnemental » ;

- 350 000 euros sur le programme « Cour des comptes et autres juridictions financières ».

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 22 octobre 2014, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial, sur la mission « Conseil et contrôle de l'État ».

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général, rapporteur spécial . - Nous avons déjà eu l'occasion, la semaine dernière, d'aborder le budget de la Cour des comptes et d'évoquer le Haut Conseil des finances publiques, dont nous avons entendu le président, Didier Migaud. Ces deux institutions entrent dans le champ de la présente mission, qui se compose de quatre programmes : le Conseil d'État et les autres juridictions administratives, la Cour des comptes et les autres juridictions financières, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) et, depuis la loi de finances pour 2014, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP).

Cette mission, qui connaît une progression de 1 % de ses crédits par rapport à 2014, représente 637 millions d'euros de crédits de paiement, dont plus de 60 % reviennent aux juridictions administratives. Les juridictions financières représentent 34 % de la mission. Le CESE et le HCFP ne pèsent, respectivement, que 6 % et 0,1 % du total. En raison de leurs spécificités, ces programmes sont préservés des contraintes habituelles de régulation budgétaire.

Les crédits du programme « Conseil d'État et autres juridictions administratives » augmentent de 2,2 %, avec 383,3 millions d'euros en crédits de paiement. En 2015, 35 équivalents temps plein supplémentaires sont prévus, dont 14 postes de magistrats administratifs, dans le cadre de la création des 635 emplois en faveur de la justice. Cet effort portera principalement sur les tribunaux administratifs et le traitement du contentieux de l'asile, afin de poursuivre la réduction des délais de jugements, objectif prioritaire de la stratégie de performance de ces juridictions.

Des délais moyens de dix mois sont ainsi envisagés pour 2015 dans les tribunaux administratifs comme dans les cours administratives d'appel. Cet objectif correspond à une stabilisation pour les premiers, à une diminution d'un mois pour les secondes. Cette ambition est d'autant plus remarquable qu'on observe une progression du nombre des affaires dans toutes les juridictions administratives : hausse de 15,6 % au premier semestre 2014 pour les tribunaux administratifs et de 6,5 % pour les cours administratives d'appel. L'analyse des délais moyens de jugement doit néanmoins être nuancée car des situations tendues persistent, notamment dans les tribunaux administratifs de Nantes ou de Basse-Terre. Les efforts de productivité accomplis ces dernières années dans les juridictions administratives méritent d'être salués.

Les renforts en effectifs accordés depuis 2010 à la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) semblent porter leurs fruits. Le délai moyen de jugement y a été réduit de moitié par rapport à 2009, pour atteindre 6 mois et 10 jours en 2014. L'objectif pour 2015 est de descendre à 6 mois, délai quasi-incompressible. La qualité des jugements n'en a pas été affectée : leur taux d'annulation par le Conseil d'État est en constante diminution.

Le budget du CESE pour 2015 s'établit à 38,4 millions d'euros en crédits de paiement, soit une diminution de 0,4 %. Les dépenses de personnel, qui constituent plus de 85 % des crédits du Conseil, diminuent de 0,1 % et ses autres crédits de 1,7 % (dont 1 % pour les crédits de fonctionnement, qui s'établissent à 4,8 millions d'euros).

Les dépenses d'investissement restent stables. Le financement du programme pluriannuel d'investissement immobilier du palais d'Iéna est assuré en partie par les recettes de valorisation du patrimoine immobilier, issues de la location du palais d'Iéna pour diverses manifestations, qui devraient atteindre 1,7 million d'euros en 2015. Un schéma vertueux s'instaure ainsi entre la valorisation du patrimoine du CESE et son programme d'investissement immobilier.

L'année 2015 verra le renouvellement des membres du Conseil, ce qui devrait affecter l'équilibre déjà précaire de sa caisse de retraites. Il a donc décidé de recourir à l'expertise de la Caisse des dépôts et consignations afin d'élaborer des propositions de réforme pour assurer le financement pérenne de son régime.

Le programme « Cour des comptes et autres juridictions financières » est doté de 214,5 millions d'euros en crédits de paiement, soit un budget en légère diminution (0,9 %). Cette baisse s'observe principalement sur ses dépenses de personnel (86,7 % des crédits du programme, en diminution de 1,9 million d'euros pour s'établir à 186 millions), dont je précise, pour lever toute ambiguïté, qu'elles sont très largement dépendantes des variations du taux de contribution au compte d'affectation spéciale « Pensions ». Les dépenses de fonctionnement connaissent, elles aussi, un recul (- 9,6 %).

Le coût de la réforme des juridictions financières, et plus particulièrement du regroupement de sept chambres régionales des comptes (CRC), a été encore revu à la baisse : la Cour des comptes l'estime finalement à 6,8 millions d'euros au total (contre 12 millions d'euros en estimation initiale). Le coût supporté en 2015 est évalué à 270 000 euros, qui correspondent au reliquat des primes versées au personnel concerné par le regroupement. On attend près d'un million d'euros d'économies de fonctionnement, à redéployer au profit des dépenses d'investissement qui connaissent, en 2015, une augmentation importante en raison de la programmation de travaux de réhabilitation et de sécurisation des installations de la Cour des comptes. Celle-ci estime d'ailleurs que les coûts de la réforme, hors dépense de personnel (soit 3,5 millions d'euros), auront été compensés par les économies réalisées d'ici environ quatre ans. Nous ne manquerons pas alors de vérifier si c'est bien le cas.

Le dernier programme, consacré au Haut Conseil des finances publiques, est doté de 0,82 million d'euros, dont 370 000 euros concernent les dépenses de personnel et sont destinés à financer 3 ETPT - les autres postes correspondent à des fonctions non rémunérées. Parmi les dépenses de fonctionnement, 350 000 euros sont inscrits pour les frais d'études et d'expertise.

Je propose donc à la commission d'adopter, sans modification, les crédits proposés pour la mission et chacun de ses programmes.

M. Roger Karoutchi . - Une question iconoclaste : que pensez-vous de l'efficacité du CESE et de l'impact de ses rapports ? Et, en particulier, est-il bien utile d'avoir un Conseil économique, social et environnemental régional (CESER) dans chaque région ? Ils ne figurent pas dans ce programme, mais ils coûtent cher. Voilà vingt ans que je siège au conseil régional d'Ile de France, j'en préside la commission des finances, et sincèrement je n'ai pas été souvent ému par la portée des rapports du Conseil économique et social de la région... Ne pourrait-on pas envisager un regroupement de ces institutions ?

M. Marc Laménie . - Une question analogue au sujet de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes : leur rôle est sans doute important, mais les comptes des collectivités territoriales sont déjà sous le contrôle du préfet et du Trésor public. La mission d'élu de base, souvent difficile, est compliquée par cet empilement de structures et ce surcroît de procédures extrêmement rigoureuses. Le moindre emprunt nous vaut une mise en garde de la préfecture, si ce n'est une convocation. Et la surveillance de la chambre régionale des comptes vient encore s'y ajouter... N'est-ce pas disproportionné par rapport aux budgets de nos collectivités territoriales ?

M. Daniel Raoul . - Le contrôle par les chambres régionales des comptes a son intérêt, si l'on en juge par la situation d'un certain nombre de collectivités locales. En revanche, les chambres régionales des comptes ont parfois tendance à se livrer à un contrôle de l'opportunité des opérations. Or c'est bien au politique qu'il revient de choisir les projets.

M. Philippe Dallier . - Je partage l'interrogation de Roger Karoutchi sur les CESER. Quant aux juridictions financières, leur plafond d'emplois reste le même - 1840 - et l'on nous dit que les dépenses de personnel vont rester stables. Pourtant nous assistons à une requalification des emplois au profit des catégories A et A+, en supprimant des catégories B et C. J'ai du mal à croire que les dépenses de personnel n'augmentent pas en conséquence.

M. Claude Raynal . - La présentation des délais de jugement dans les juridictions administratives est tendancieuse. Je partage tout-à-fait ce qu'écrit le rapporteur général dans sa note, car dix mois, c'est en effet une moyenne entre des contentieux très disparates. Certaines ordonnances sont parfois rendues dans la journée ! D'autres contentieux en un mois. En revanche, les affaires ordinaires, et ce sont elles en réalité qui préoccupent les citoyens, comme le contentieux lié aux travaux publics et les permis de construire, sont traitées bien plus lentement que la moyenne affichée. Les projets sont parfois bloqués quatre ou cinq ans ! Il vaudrait la peine d'interroger le Conseil d'État sur cette question précise pour qu'il définisse et fasse apparaître un délai maximal de jugement des affaires ordinaires, qui sont celles sur lesquelles les citoyens sont en droit d'attendre une réelle efficacité du service public.

M. Michel Bouvard . - Pour répondre à nos collègues, les chambres régionales des comptes ne contrôlent pas uniquement les collectivités territoriales, mais aussi les sociétés d'économie mixtes et autres organismes. Elles sont en outre appelées, depuis la réforme des juridictions financières, que nous avons votée, à participer à des enquêtes transversales, ce qui est très important pour disposer d'analyses et d'évaluations plus fines. Cela a été le cas par exemple cette année avec l'enquête sur les Maisons départementales des personnes handicapées, qui a permis notamment d'évaluer l'efficacité de la dépense publique en faveur de ces dispositifs, dont on sait qu'ils suscitent des interrogations au sein de nos collectivités. Les CRC ne sont pas des « pères fouettards ». Leur regroupement répond d'ailleurs aux objections de nombreux élus sur le niveau d'expertise des contrôles locaux. Se posera ensuite la question de la certification des comptes des grandes collectivités. Si elle avait été en vigueur lorsque certaines ont contracté des emprunts toxiques, nous aurions sans doute évité beaucoup de déboires...

M. Thierry Carcenac . - L'article 37 du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, texte qui sera prochainement examiné au Sénat, prévoit que, dans le cadre du transfert de compétences et de moyens, les commissions locales pour l'évaluation des charges et des ressources transférées, seront présidées par des présidents de CRC. Je m'interroge : Y aura-t-il assez de personnel pour cela, notamment dans le cas de fusion de régions et de transferts de compétences en provenance des départements ?

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général, rapporteur spécial . - Nombre de ces questions dépassent mes qualités de rapporteur spécial, et même de rapporteur général ! Celle de Roger Karoutchi sur le CESE, par exemple : avons-nous dans cette enceinte une majorité de trois cinquièmes pour réviser le titre XI de la Constitution ? Je partage en revanche, à titre personnel, son avis sur les CESER.

Michel Bouvard a déjà largement répondu à la question de Marc Laménie : les chambres régionales des comptes ne jugent pas seulement les comptes des collectivités. Reste la question de Daniel Raoul : doivent-elles juger en droit ou en opportunité ? Ce débat dépasse évidemment le cadre budgétaire. Je me contenterai de rappeler ce que nous disait le Premier président de la Cour des comptes : au regard de la dépense publique en France, nous consacrons des sommes très modestes au contrôle des comptes de nos collectivités, de l'État et des organismes parapublics, a fortiori si l'on compare notre pays avec ses voisins.

Philippe Dallier remarque avec raison que le plafond d'emplois des juridictions financières reste inchangé, mais il faut considérer avec prudence les effectifs théoriques des juridictions financières par rapport aux effectifs réels, puisqu'un tiers environ des magistrats financiers exercent en dehors du programme. Il faut souligner que globalement, les juridictions financières réalisent des économies de fonctionnement (950 000 euros en année pleine, dont 770 000 sur les loyers) grâce à la fusion des sept chambres régionales des comptes.

Je suis pleinement d'accord avec Claude Raynal : certains contentieux administratifs sont contraints par des délais très brefs, comme les référés ou le contentieux électoral, tandis que d'autres dérivent, alors qu'ils portent sur des questions très sensibles, comme l'urbanisme, ou encore les déclarations d'utilité publiques, qui intéressent tout le monde, sur le tracé des lignes à grandes vitesse par exemple... Ces projets sont systématiquement attaqués et peuvent être compromis par la lenteur des procédures alors même qu'ils représentent un enjeu majeur pour notre pays. Il convient donc de considérer cet indicateur de délai moyen avec beaucoup de recul.

Michel Bouvard a raison de remarquer que si la certification des comptes des collectivités avait existé à l'époque, les intéressées n'auraient peut-être pas souscrit toutes sortes d'emprunts risqués et il n'y aurait peut-être pas eu d'affaire Dexia. L'appui des juridictions financières leur sera plus que jamais nécessaire dans un contexte difficile de réduction de leurs dotations.

Reste la question des moyens dont disposeront les chambres régionales des comptes pour arbitrer les commissions locales pour l'évaluation des charges et des ressources... La discussion du projet de loi de réforme territoriale promet en tout état de cause de longs débats.

Je constate en tout cas que vous semblez d'accord pour accompagner l'effort de réduction des délais de jugement des juridictions administratives et adopter sans modification les crédits de la présente mission.

À l'issue de ce débat, la commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption sans modification des crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État ».

Réunie à nouveau le jeudi 20 novembre 2014, sous la présidence de Mme Michèle André, la commission a confirmé sa position, après avoir pris acte des modifications apportées par l'Assemblée nationale.

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