Rapport général n° 108 (2014-2015) de M. Albéric de MONTGOLFIER , fait au nom de la commission des finances, déposé le 20 novembre 2014

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N° 108

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2014-2015

Enregistré à la Présidence du Sénat le 20 novembre 2014

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances pour 2015 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. Albéric de MONTGOLFIER,

Sénateur,

Rapporteur général.

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES

ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES

( Seconde partie de la loi de finances )

ANNEXE N° 6

CONSEIL ET CONTRÔLE DE L'ÉTAT

Rapporteur spécial : M. Albéric de MONTGOLFIER

(1) Cette commission est composée de : Mme Michèle André , présidente ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Yvon Collin, Vincent Delahaye, Mmes Fabienne Keller, Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. André Gattolin, Jean Germain, Charles Guené, Francis Delattre, Georges Patient , vice-présidents ; MM. Michel Berson, Philippe Dallier, Dominique de Legge, François Marc , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, François Baroin, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Jean-Claude Boulard, Michel Bouvard, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Carcenac, Jacques Chiron, Serge Dassault, Éric Doligé, Philippe Dominati, Vincent Eblé, Thierry Foucaud, Jacques Genest, Alain Houpert, Jean-François Husson, Mme Teura Iriti, MM. Pierre Jarlier, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Marc Laménie, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Hervé Marseille, François Patriat, Daniel Raoul, Claude Raynal, Jean-Claude Requier, Maurice Vincent, Jean Pierre Vogel, Richard Yung .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 2234, 2260 à 2267 et T.A. 420

Sénat : 107 et 108 à 114 (2014-2015)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL


• La mission « Conseil et contrôle de l'État » comporte quatre programmes de poids très inégaux : si la justice administrative représente 60,2 % du total de la mission , le programme 340 « Haut Conseil des finances publiques » , créé en 2013, ne représente que 0,1 % des crédits de la mission.


Les délais de jugement des juridictions administratives ont atteint un niveau satisfaisant. En particulier, les choix stratégiques opérés depuis le rattachement de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) au programme consacré aux juridictions administratives (modernisation et renforcement des effectifs) semblent être récompensés . Ses délais de jugement reculent et le taux d'annulation de ses décisions diminue .


La réforme des juridictions financières a été menée à son terme. Son coût sur 2015 est faible (0,27 million d'euros). Son coût total a été réévalué à la baisse (6,78 millions d'euros sur la période 2012-2016).


• La démarche volontariste d'économies et de valorisation du patrimoine mise en oeuvre par le Conseil économique social et environnemental (CESE) se traduit par une bonne maîtrise de ses crédits. Il conviendra d'être néanmoins attentif à l'impact du renouvellement de 2015 sur l'équilibre de la caisse de retraites du Conseil.


• Votre rapporteur spécial vous propose d' adopter sans modification les crédits proposés pour la mission.

I. PRÉSENTATION GÉNÉRALE DE LA MISSION

A. UNE MISSION CARACTÉRISÉE PAR UNE FORTE RIGIDITÉ DES CRÉDITS

Depuis la création de la mission, aucun amendement de modification des crédits n'a été adopté. Deux facteurs principaux expliquent cette absence de souplesse dans le pilotage de la mission.

1. Des crédits pour l'essentiel dévolus aux dépenses de personnel

La mission « Conseil et contrôle de l'État » bénéficie de 637 millions d'euros de crédits de paiement (CP) 1 ( * ) , dont 84,4 % 2 ( * ) de dépenses de personnel (titre 2).

Cette spécificité a pour conséquence une forte rigidité des dépenses, contraintes par le plafond d'emplois.

2. Une stricte indépendance des programmes

La présente mission se caractérise par l'indépendance institutionnelle des programmes qui la composent . Chaque programme correspond à une institution et non à la mise en oeuvre d'une politique publique (ce qui explique d'ailleurs les difficultés rencontrées à élaborer des indicateurs permettant de mesurer leur performance).

En outre, cette caractéristique emporte des conséquences sur l'exercice, par les assemblées, de leur droit d'amendement : puisque tout amendement abondant les crédits d'un programme doit être « gagé » par une réduction des crédits d'un ou plusieurs autres programmes de la mission, une telle initiative pourrait être interprétée comme une atteinte à l'institution qui subirait la réduction de ses crédits.

3. Des règles d'exécution budgétaire dérogatoires

La présente mission bénéficie d'un contrôle financier allégé et de règles d'exécution budgétaire dérogatoires en raison des spécificités des institutions qui la composent. À titre d'exemple l'accord préalable du président du CESE est nécessaire pour toute mise en réserve de crédits concernant cette institution, tandis que, depuis la création de la mission, les crédits ouverts à la Cour des comptes et au Conseil d'État ne font pas l'objet d'une mise en réserve 3 ( * ) .

Enfin, l'article 40 du projet de loi de finances pour 2015 autorise les trois principaux programmes de la présente mission à déroger au plafond de reports de crédits de 3 % des crédits initiaux, fixé par l'article 15 de la LOLF, afin de faciliter le pilotage de leurs travaux immobiliers.

B. UNE MISSION COMPOSÉE DE PROGRAMMES DE POIDS INÉGAUX

La mission « Conseil et contrôle de l'État » est aussi caractérisée par l'hétérogénéité de ses quatre programmes du point de vue de leur montant.

1. La justice administrative représente plus de 60 % des crédits de la mission

Les crédits affectés au programme « Conseil d'État et autres juridictions administratives » représentent 60,2 % des crédits de la mission, ceux de la Cour des comptes et des autres juridictions financières 33,7 %, tandis que ceux attribués au Conseil économique, social et environnemental (CESE) n'atteignent que 6 % du total. Le Haut Conseil des finances publiques (HCFP), quant à lui, ne représente qu'une très faible part de ces crédits (0,1 %).

* Hors fonds de concours et attributions de produits
Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 201 5

2. Un quatrième programme à la marge des critères de la LOLF

La loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques a créé le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) qui fait l'objet d'un programme spécifique.

Si l'article 7 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) prévoit qu'un programme « regroupe les crédits destinés à mettre en oeuvre une action ou un ensemble cohérent d'actions relevant d'un même ministère et auquel sont associés des objectifs précis, définis en fonction de finalités d'intérêt général, ainsi que des résultats attendus et faisant l'objet d'une évaluation », le choix du positionnement du HCFP au sein de la présente mission apparaît cohérent.

Cependant, eu égard, d'une part, aux faibles montants des crédits dévolus au programme (0,82 million d'euros pour 2015), structurés selon un schéma mono-action , et, d'autre part, à la mesure de la performance assortie d'un seul objectif , mesuré par un seul indicateur (qui enregistre des performances peu susceptibles d'évolution), le programme « HCFP » peut être considéré comme marginal au vu des critères définis par la LOLF.

C. LA TRAJECTOIRE TRIENNALE 2015-2017

Les plafonds alloués à la présente mission par l'article 13 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, hors contribution directe au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions », sont fixés à 0,5 milliard d'euros en 2015 (plafond identique à celui fixé par la loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017).

Dépassement et respect de la programmation pluriannuelle

(en milliards d'euros)

Plafonds de CP de la programmation 2012-2017*

Plafonds de CP de la programmation 2014-2019*

2012

2013

2014

2015

2014

2015

2016

2017

Programmation pluriannuelle

0,48

0,49

0,50

0,50

0,49

0,50

0,50

0,51

Dépenses exécutées

0,49

0,48

-

-

-

-

-

-

Écart

+ 0,01

- 0,01

-

-

-

-

-

-

*Hors contribution de l'État au CAS « Pensions »

Source : commission des finances, d'après les données issues des rapports annuels de performances 2012 et 2013 de la mission « Conseil et contrôle de l'État » et du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 et 2019

La demande de crédits pour la mission en 2015, s'établit à 637 millions d'euros , dont 137,5 millions d'euros au titre de la contribution d'équilibre au CAS « Pensions » (88,2 millions d'euros pour le programme 165, 2,4 millions d'euros pour le programme 126, 46,8 millions d'euros pour le programme 164 et 0,09 million d'euros pour le programme 340).

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL SUR LE PROGRAMME 165 « CONSEIL D'ÉTAT ET AUTRES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES »

- Les crédits du programme progressent de 2,2 % par rapport à 2014 pour s'établir à 383,3 millions d'euros en CP.

- Le programme bénéficiera en 2015 de 35 ETP supplémentaires, principalement au bénéfice des tribunaux administratifs et du contentieux de l'asile, qui connaissent les besoins les plus préoccupants.

- Les moyens mis en oeuvres de manière récurrente depuis 2010 en faveur de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) semblent porter leurs fruits. Le délai moyen de jugement devant cette Cour a été réduit de moitié par rapport à 2009, pour atteindre, en 2015, le délai incompressible de 6 mois . Cette performance ne s'est, de surcroît, pas opérée au détriment de la qualité des jugements : le taux d'annulation de ses décisions par le Conseil d'État est en constante diminution.

- La performance d'ensemble, en termes de délais de jugement, des autres juridictions administratives est satisfaisante . Cette maîtrise est d'autant plus remarquable qu'on observe une progression des affaires enregistrées dans toutes les juridictions administratives .

Au 10 octobre 2014, date limite, en application de l'article 49 de la LOLF, pour le retour des réponses du Gouvernement au questionnaire budgétaire concernant le présent programme, 100 % des réponses étaient parvenues à votre rapporteur spécial .

LE CONSEIL D'ÉTAT ET LES AUTRES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES EN 2015

II. LE PROGRAMME 165 : « CONSEIL D'ÉTAT ET AUTRES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES »

A. LA FINALITÉ DU PROGRAMME : GARANTIR LA CONFORMITÉ DE L'ACTION ADMINISTRATIVE AU DROIT

Le programme 165 « Conseil d'État et autres juridictions administratives » a pour objet le respect du droit par les administrations , au travers d' activités contentieuses, de conseil ou d'expertise . Il inclut, outre le Conseil d'État, 8 cours administratives d'appel (CAA) et 42 tribunaux administratifs (TA), dont 11 dans les collectivités d'outre-mer.

L'activité consultative du Conseil d'État comporte, notamment, l'examen des propositions et projets de loi, d'ordonnances, de décrets en Conseil d'État, ainsi que des projets d'actes communautaires. Le Conseil d'État peut être saisi par le Gouvernement, et les autres juridictions administratives peuvent l'être par les préfets, de toute difficulté d'ordre juridique ou administratif.

En outre, depuis le 1 er janvier 2009, le programme comprend la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) , notamment compétente pour statuer sur les recours formés contre les décisions de l'Office français pour la protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), accordant ou refusant le droit d'asile, retirant ou mettant fin au bénéfice de ce droit.

Le responsable de ce programme est le vice-président du Conseil d'État, Jean-Marc Sauvé .

B. LA PRÉPONDÉRANCE DE LA FONCTION JURIDICTIONNELLE

Avant ventilation, l'action de soutien, qui regroupe toutes les dépenses de fonctionnement (titre 3) et d'investissement (titre 5) du présent programme, représente plus du quart du programme.

Après ventilation des CP, la fonction juridictionnelle représente plus de 90 % du présent programme (55,1 % à la seule fonction juridictionnelle des TA).

*Après ventilation, 0,8 million d'euros viennent abonder les crédits de la mission en provenance du programme 309 « Entretien des bâtiments de l'État » de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ».

**Y compris fonds de concours et attributions de produits.

Source : projet annuel de performances pour 2015 de la mission « Conseil et contrôle de l'État »

C. DES CRÉDITS EN PROGRESSION : + 2,2 % EN CRÉDITS DE PAIEMENT

Les crédits demandés pour 2015 s'établissent à 387,4 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 383,3 millions d'euros en crédits de paiement (CP) , respectivement en progression de 0,2 % et 2,2 % par rapport à la loi de finances pour 2014.

Cette augmentation modérée des CP s'observe principalement sur les dépenses de personnel (+ 2,8 %) . Hors titre 2, les crédits sont en légère diminution de 0,4 % .

Au sein de cette enveloppe, les dépenses d'investissement (7,6 millions d'euros) régressent de 13,8 %, dans le prolongement de plusieurs années successives de baisse significative (- 22 % en 2014 et - 19,2 % en 2013), conformément aux engagements pris dans le cadre du précédent triennal.

Au titre des investissements à venir, il convient de relever que 7 millions d'euros en AE et 6,8 millions d'euros en CP, sont budgétés en vue de dépenses immobilières de mises aux normes d'accessibilité et de rénovation, notamment dans les tribunaux administratifs (TA) de Nice et Paris. Comme précédemment indiqué, l 'article 40 du projet de loi de finances pour 2015 autorise le présent programme à déroger au plafond fixé par la LOLF de reports de crédits de 3 % des crédits initiaux, afin de tenir compte du report de ces travaux d'accessibilité.

Les dépenses de fonctionnement (titre 3) du programme poursuivent leur progression modérée (+ 2,2 % contre + 1,6 % en projet de loi de finances pour 2014) et s'établissent à 57,1 millions d'euros .

Au sein des dépenses de fonctionnement, l'enveloppe dédiée aux frais de justice administrative (couvrant les frais postaux, les frais de papier et les frais de traduction) s'élève à 12,3 millions d'euros (soit 21,5 % du titre 3), ce qui témoigne d'un effort particulier de maîtrise de ces dépenses (- 13,4 %) après plusieurs années d'augmentation significative (+ 14,1 % en 2013 et + 10,1 % en 2014), grâce à la mise en oeuvre de procédures dématérialisées (application « Télérecours »).

Si plus de la moitié du total des frais de justice est affectée aux TA (6,6 millions d'euros), la part affectée à la CNDA s'élève à 4,2 millions d'euros , en diminution de 19,2 % par rapport à 2014 , qui avait anticipé, d'une part, les effets du plan d'action de la CNDA pour l'amélioration des délais de jugement (entraînant une hausse mécanique des sorties et donc de l'activité de la juridiction) et de celui du déstockage des dossiers de l'OFPRA (supposant une augmentation des recours contre ses décisions) et, d'autre part, une augmentation du recours aux interprètes.

D. LE MAINTIEN DE L'OBJECTIF D'ACCROISSEMENT DE LA CAPACITÉ DE JUGEMENT

S'agissant des TA, la progression continue du contentieux (+ 6 % en moyenne annuelle toutes juridictions confondues depuis près de quarante ans), ainsi que la montée en charge de contentieux de masse (droit au logement opposable, revenu de solidarité active, réforme du contentieux des étrangers et surtout, depuis le 1 er janvier 2014, réforme de la procédure applicable aux contentieux sociaux) expliquent la poursuite de la politique de création d'emplois, initiée par la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice (LOPJ).

Création d'emplois de magistrats administratifs depuis 2009

(en ETP)

2009

2010

2011

2012

2013

2014

PLF 2015

+ 30

+ 20

+ 20

+ 5

+ 17

+ 14

+ 14

Source : Commission des finances, d'après les données issues des projets annuels de performances du programme 165.

Comme celui de 2014, le schéma d'emplois pour 2015 prévoit la création de 35 emplois supplémentaires, dont 14 magistrats administratifs . Si, à l'origine, le budget triennal 2013-2015 prévoyait 40 ETP supplémentaires pour 2015 , dans le cadre de la mise en oeuvre des priorités affichées par le Gouvernement, ce nombre a été réduit de 5.

Le plafond d'autorisation d'emplois pour 2015 s'établit à 3 784 ETPT .

Cet effort de créations s'opère principalement en faveur des tribunaux administratifs et du traitement du contentieux de l'asile (+ 9 ETPT pour la seule CNDA). Il est vrai que l a CNDA , avant son rattachement au présent programme (le 1 er janvier 2009), avait subi une détérioration préoccupante de ses délais de jugement , conséquence de « l'explosion » des demandes d'asile, elle-même résultant du contexte géopolitique international.

Afin de remédier à cette situation, la CNDA a bénéficié d'un plan volontariste de renforcement de ses moyens humains (présidents permanents et rapporteurs). Le tableau ci-dessous présente les créations d'emploi dont elle a bénéficié.

Évolution des effectifs de la CNDA depuis 2009

(en ETPT)

2009

2010

2011

2012

2013

2014

PLF 2015

223

243

294

318

341

349

358

Source : Conseil d'État

Au total, le plafond d'emplois de la Cour est fixé à 358 ETPT pour 2015, contre 349 ETPT en 2014.

Les crédits alloués à la CNDA passent de 22,2 millions d'euros en 2014 à 22,9 millions d'euros en 2015 (+ 2,9 %, taux identique à celui de l'évolution entre 2013 et 2014).

Cette progression des moyens a porté ses fruits : les délais moyens de jugement ont été divisés par deux entre 2009 et 2014 , pour quasiment atteindre le délai, considéré comme incompressible, de 6 mois . Outre les bénéfices humains profitant aux justiciables de la Cour, la compression des délais représentait un enjeu budgétaire majeur : ainsi, nos collègues Jean-Claude Frécon, alors rapporteur spécial de la présente mission, et Pierre Bernard-Reymond, pour la mission « Immigration, asile et intégration », dans leur rapport d'information commun relatif à la CNDA 4 ( * ) , estimaient à environ 16,25 millions d'euros le coût mensuel de la prise en charge sociale des demandeurs d'asile en attente d'une décision de la CNDA , à la charge de la mission « Immigration, asile et intégration ».

E. DES OBJECTIFS DE PERFORMANCE GLOBALEMENT ATTEINTS

L'objectif principal du programme « Conseil d'État et autres juridictions administratives » en matière de performance est la réduction des délais de jugement .

En effet, si l'exigence conventionnelle de « délai raisonnable de jugement », fixée par la Cour européenne des droits de l'homme a inspiré la jurisprudence du Conseil d'État 5 ( * ) , le législateur a imposé l'objectif de ramener le délai de jugement à un an 6 ( * ) . Ce délai, mesuré par l'indicateur le plus représentatif du programme (indicateur 1.1), peut être désormais considéré comme atteint . Le délai prévisible moyen de jugement des affaires en stock) est en effet de :

- 8 mois et 15 jours devant le Conseil d'État en 2014, avec une prévision identique pour 2015 ;

- 11 mois dans les CAA en 2014, avec une prévision de 10 mois pour 2015 ;

- 10 mois dans les TA en 2014, avec une prévision identique pour 2015 ;

- 6 mois et 10 jours à la CNDA en 2014, avec un objectif de 6 mois en 2015.

La maîtrise globale des délais est d'autant plus remarquable que les affaires enregistrées dans toutes les juridictions administratives augmentent (+ 15,6 % au premier semestre 2014 pour les TA et + 6,5 % pour les CAA). En ce qui concerne, par exemple, la charge de travail du Conseil d'État ces dernières années, celle-ci a augmenté avec le traitement des questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) 7 ( * ) , ou plus spécifiquement en 2014, la publication des décrets relatifs au découpage cantonal (2 558 affaires enregistrées) .

Néanmoins, dans la mesure où cet indicateur agrège la totalité des affaires en stock en fin d'année, y compris les affaires réglées par simple ordonnance ou des affaires dont le jugement est contraint par des délais particuliers 8 ( * ) , il ne reflète pas la réalité et, comme le soulignait notre collègue Charles Guené dans son rapport spécial sur les crédits de la présente mission pour le projet de loi de finances 2014 9 ( * ) , il sous-estime considérablement le délai de jugement des affaires « ordinaires », qui peuvent être très longs, comme en matière de contentieux fiscal ou de contentieux des marchés publics. Il est regrettable que l'indicateur qui permettait justement de distinguer ces affaires ordinaires et de mesurer leurs délais de traitement ne figure plus dans le projet annuel de performances pour 2015 .

Cette année encore, la maîtrise des délais de jugement ne s'est pas effectuée au détriment de la qualité des décisions rendues . Ainsi, les taux d'annulation des décisions juridictionnelles sont restés, au cours des dernières années, relativement stables. On observe même une diminution du taux d'annulation :

- par les CAA des jugements rendus par les TA (15 % en 2014, qui constitue le plafond cible) ;

- par le Conseil d'État des décisions de la CNDA (4,7 %, soit un taux conforme à la cible fixée et très nettement amélioré au regard des performances précédemment enregistrées : 5,3 % en 2013 et 6,2 % en 2012).

Si les objectifs de performance du programme ont tous globalement atteint des résultats satisfaisants, la performance de la CNDA en particulier est remarquable . La stratégie de recrutement poursuivie depuis 2009 ainsi que les réels efforts de productivité réalisés par les personnels méritent d'être salués .

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL SUR LE PROGRAMME 126 « CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL »

- Le montant des c rédits de paiement demandés pour le CESE en 2015 est de 38,3 millions d'euros , en diminution de 0,4 % par rapport à 2014 .

- Afin de faire converger ses effectifs théoriques et sa consommation réelle , le CESE poursuit, en 2015, la réduction de son plafond d'emplois qui s'établit désormais à 153 ETPT (- 3 ETPT par rapport à 2014).

- Les recettes de valorisation du Palais d'Iéna devraient atteindre 1,7 million d'euros . L'essentiel de ces recettes doit permettre de financer une partie du programme de travaux de rénovation du Palais.

- Il conviendra d'être attentif aux conséquences budgétaires du renouvellement de 2015 sur le financement de la Caisse de retraites des anciens membres.

- Dans la mesure où la fonction consultative du CESE se prête mal à la logique de performance, les objectifs mesurent davantage une activité qu'une réelle stratégie de performance.

Au 10 octobre 2014, date limite, en application de l'article 49 de la LOLF, pour le retour des réponses du Gouvernement au questionnaire budgétaire concernant le présent programme, 100 % des réponses étaient parvenues à votre rapporteur spécial.

III. LE PROGRAMME 126 : « CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL » (CESE)

A. LA PRÉSENTATION DU PROGRAMME

Le CESE a connu un enrichissement de ses missions depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la V e République 10 ( * ) .

Par ailleurs, l'année 2015 clôt la mandature issue de la réforme : le renouvellement des membres du CESE aura lieu au dernier trimestre 2015 .

Le responsable du présent programme est Jean-Paul Delevoye, président du CESE.

1. Une institution au service du dialogue social

Les crédits du programme 126 « Conseil économique, social et environnemental » ont pour finalité de permettre au CESE d'exercer les fonctions qui lui sont confiées par le titre XI de la Constitution .

Le CESE est une assemblée consultative placée auprès des pouvoirs publics, chargée de représenter les principales activités du pays et de favoriser leur collaboration ainsi que d'assurer leur participation à la politique économique, sociale et environnementale de la Nation .

Il peut émettre des avis, sur saisine gouvernementale, sur auto-saisine et, depuis la réforme de 2008, par saisine du Parlement ou par voie de pétition , selon des modalités prévues par la loi organique n° 2010-704 du 28 juin 2010 relative au CESE 11 ( * ) .

Le recours à ces facultés demeure cependant marginal : une seule saisine parlementaire a été enregistrée, à l'initiative de l'Assemblée nationale 12 ( * ) , et l'unique pétition citoyenne ayant à ce jour recueilli les 500 000 signatures requises 13 ( * ) a été déclarée irrecevable par le bureau du CESE.

Une première expérience et des incertitudes persistantes :
la pétition citoyenne sur l'ouverture du mariage aux couples de même sexe

Ayant recueilli les 500 000 signatures exigées par la loi organique du 28 juin 2010 précitée, la pétition citoyenne sollicitant l'avis du CESE sur le projet de loi autorisant l'ouverture du mariage aux couples de même sexe a été déposée le 15 février 2013 . Il s'agit de la première (et à ce jour, unique) pétition citoyenne ayant recueilli le nombre de signatures requises.

Réuni le 26 février 2013 , afin d'examiner la recevabilité de cette requête, l e bureau du CESE a conclu que cette pétition sollicitant l'avis du CESE sur un projet de loi n'était pas recevable, au motif qu'en vertu de l'article 69 de la Constitution et de l'article 2 de l'ordonnance du 29 décembre 1958 précitée, « la saisine du CESE pour avis sur un projet de loi relève exclusivement du Premier Ministre. Celle-ci ne saurait ainsi être autorisée par voie de pétition citoyenne . » En outre, le bureau a estimé que le sujet du « mariage pour tous » ne constituait pas une question à caractère économique, social ou environnemental , au sens de l'article du premier alinéa de l'article 4-1 de l'ordonnance précitée, requis pour une saisine du CESE.

Cette pétition a permis au CESE de prendre conscience de certaines difficultés et de relever trois insuffisances de la loi organique du 28 juin 2010 précitée :

- les pétitions doivent être écrites, ce qui exclut le recueil numérique de signatures et se matérialise concrètement par la réception et l'archivage de centaines de cartons (les signatures sont recueillies par liasse de 100) ;

- les pétitions n'ont pas de statut spécifique. Ainsi, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) a-t-elle considéré qu'il s'agissait de fichiers de données privées, ce qui pose la question de leur utilisation ;

- enfin, il s'agit de pétitions « sur l'honneur » , interdisant toute vérification de la véracité de l'identité des signataires.

De tels éléments doivent conduire le législateur à étudier la possibilité de perfectionner la loi organique.

Mais un dernier « rebondissement » juridique est intervenu à l'été 2014 : en effet, le jugement du Tribunal administratif de Paris du 30 juin 2014 a annulé la délibération du bureau du CESE du 26 février 2014 en considérant que, d'une part sur la forme, une décision du bureau du CESE statuant sur la recevabilité d'une pétition citoyenne constituait une décision administrative (sur laquelle le juge administratif est donc compétent), et que, d'autre part, sur le fond, il ne résultait d'aucune disposition constitutionnelle, organique ou législative, qu'une pétition citoyenne ne puisse porter sur un projet de loi, y compris en cours d'examen par le Parlement.

À la lumière des difficultés et des incertitudes rencontrées, il apparaît nécessaire que le législateur clarifie le statut et les modalités de cette nouvelle procédure de pétition citoyenne.

2. La structuration du programme en actions

Le programme se structure en trois actions, les deux premières totalisant 96,9 % des crédits.

- Action 1 : « La représentation des activités économiques et sociales »

Correspondant à la raison d'être du CESE, cette action a pour objet de préciser les moyens nécessaires à l'exercice du mandat de ses membres. Elle comprend les crédits relatifs à leurs indemnités et au financement budgétaire de la Caisse de retraite des anciens membres du CESE, ainsi que ceux nécessaires aux déplacements des membres du Conseil.

Elle représente près de 68,1 % des CP du présent programme .

- Action 2 : « Le fonctionnement de l'institution »

Cette deuxième action a pour but d'assurer le bon fonctionnement humain, logistique et informatique de l'institution, ainsi que l'entretien et la modernisation du Palais d'Iéna, siège du CESE, classé pour partie monument historique.

Elle comprend 25 % des CP du présent programme .

- Action 3 : « La communication et l'international »

Elle recouvre les crédits directement dédiés aux actions de communication (site internet, publications, conférences de presse, colloques et manifestations diverses), aux relations avec les CESR et à l'action internationale, cette dernière ayant été consacrée par la loi organique précitée du 28 juin 2010.

Pour 2015, cette action regroupe 6,8 % des CP du programme , ce qui constitue une augmentation significative par rapport aux précédents exercices (3,1 % en 2014) et témoigne de la volonté du CESE de poursuivre une stratégie de communication volontariste.

3. Une composition qui allie société civile et expertise

La composition du CESE a été modifiée lors du dernier renouvellement afin, notamment d'améliorer sa représentativité 14 ( * ) .

Les 233 membres (ou « conseillers ») du CESE, désignés pour cinq ans, renouvelables une fois, sont répartis en trois pôles : « vie économique et dialogue social » (140 membres), « cohésion sociale et territoriale et vie associative » (60 membres) et « protection de la nature et de l'environnement » (33 membres).

Parmi les groupes de représentation dont sont issus les conseillers, figure celui des 40 personnalités qualifiées, désignées par le Gouvernement 15 ( * ) et réparties au sein de chaque pôle .

Le CESE comprend également 72 personnalités associées 16 ( * ) , désignées par le Gouvernement à raison de leurs qualifications .

L'ensemble des membres du CESE sera renouvelé en fin d'année 2015 .

4. Une gestion budgétaire autonome

Le CESE, en tant qu'institution indépendante, bénéficie d' une forte autonomie de gestion . En effet, son organisation budgétaire et financière est régie par l'ordonnance organique n° 58-1360 du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au CES et le décret n° 59-601 du 5 mai 1959 relatif au régime administratif et financier du CES.

Le budget du CESE comprend :

- en recettes , les fonds budgétaires retirés par ordonnance de paiement et les recettes de valorisation après attributions de produits ;

- en dépenses , le montant des opérations décidées par le Président du CESE et visées par les Questeurs qui effectuent le contrôle d'opportunité et de régularité.

Si, lors de la mise en oeuvre de la LOLF, la spécificité du CESE l'a dispensé de véritable comptabilité analytique, des outils de pilotage ont toutefois été progressivement adoptés .

Les services du CESE ont d'ailleurs mis en place un groupe de travail avec le contrôleur budgétaire et comptable ministériel (CBCM) et le concours de la direction générale des finances publiques (DGFIP) afin de préparer l'intégration exhaustive des opérations du CESE (en dépenses et en recettes) dans la comptabilité générale de l'État, la définition d'un cadre comptable identique à celui de l'État, ainsi que la mise en place d'une politique d'amortissement .

En outre, certains processus administratifs ont été rationalisés ; ainsi, la gestion de la paie des personnels a été transférée de la trésorerie vers la direction des ressources humaines , afin de disposer d'une vision globale des ressources humaines et de développer le contrôle interne au CESE. De même, la future intégration du service informatique et du service des marchés au sein de la direction administrative et financière devrait permettre de professionnaliser la gestion des achats et d'améliorer la transparence et la gestion des risques.

B. DES CRÉDITS DE PAIEMENT EN DIMINUTION DE 0,4 % POUR 2015

Le montant des crédits du programme 126 s'élève à 38,35 millions d'euros en AE et à 38,36 millions d'euros en CP (auxquels s'ajoute 1,7 million d'euros au titre des attributions de produits), soit une diminution de plus de 10 % en AE (- 4,3 millions d'euros) et de 0,4 % en CP (- 140 000 euros) par rapport à la loi de finances pour 2014.

Cette maîtrise des crédits s'observe sur tous les titres.

Ainsi, les crédits de titre 2 (dépenses de personnel), qui regroupent les charges liées aux membres du CESE et au personnel stricto sensu et qui représentent 85,2 % des crédits du programme , diminuent de 0,1 % par rapport à 2014 ( 32,69 millions d'euros ). Au sein de cette enveloppe, un redéploiement apparaît vers l'action de communication, qui bénéficie d'1,43 million d'euros de transfert de titre 2 en provenance des deux autres actions.

L es crédits hors dépenses de personnel diminuent de 1,7 % .

Plus particulièrement, les crédits de titre 3 (dépenses de fonctionnement), qui représentent 12,6 % du total des dépenses , régressent de 1 % (- 50 000 euros) par rapport à 2014, et s'établissent à 4,81 millions d'euros .

Les crédits de titre 5 (dépenses d'investissement) restent stables en CP (850 000 euros) mais diminuent significativement en AE (- 4,15 millions d'euros, soit - 83,1%), l'essentiel des lourdes dépenses immobilières ayant été engagé lors des exercices précédents. Le financement du programme pluriannuel d'investissement immobilier du Palais d'Iéna sera en outre alimenté par 1,25 million d'euros de recettes tirées de sa valorisation .

La maîtrise de ces crédits atteste des efforts réalisés par le CESE afin d'absorber à moyens constants ses nouvelles missions (par exemple, le traitement des pétitions citoyennes s'effectue intégralement par redéploiements internes 17 ( * ) ), de contrôler la dépense de personnel (la rémunération à la présence des personnalités associées 18 ( * ) , bientôt contrôlée au moyen d'un nouveau logiciel, permet de réaliser des économies de l'ordre de 350 000 euros par an par rapport à l'ancien dispositif qui prévoyait un versement forfaitaire) , et, surtout, de redresser le financement de sa Caisse de retraites. Cependant, l'équilibre de ce dernier semble à nouveau précaire en raison de l'impact budgétaire du renouvellement de 2015.

L'équilibre précaire de la Caisse de retraites
à l'épreuve du renouvellement de 2015

Afin de remédier au problème structurel du financement de sa Caisse de retraites et à surmonter les difficultés conjoncturelles liées au renouvellement de 2010 (au cours duquel sont entrées en vigueur la limitation à deux mandats consécutifs et l'exigence de parité ), le CESE a engagé, en 2011, une nécessaire réforme . Son règlement a été profondément modifié pour se rapprocher des règles de la fonction publique . Dernièrement, il a en outre été décidé de calquer la date de liquidation de la pension d'ancien membre du CESE sur celle de la pension principale (et non plus automatiquement à 60 ans), ce qui retarde mécaniquement son versement pour un certain nombre de conseillers.

En 2014, le montant moyen des pensions s'élève à 1 202 euros.

Ces réformes , ainsi que l'apport de financement provenant de la location du Palais d'Iéna, doivent permettre de ramener le déséquilibre de la caisse de 4,5 millions à 1,5 million d'euros en 2025. Dans le cadre de la négociation triennale, la subvention d'équilibre avait d'ailleurs été abondée à hauteur de 1,5 million d'euros par an jusqu'en 2015 pour faire face à cette difficulté.

L' après-renouvellement de 2015 constitue néanmoins, à nouveau, un enjeu important : il devrait permettre au CESE d'avoir une visibilité précise sur le montant des liquidations de ses pensions et donc sur la trajectoire budgétaire de son régime de retraite , puisque le principe de limitation à deux mandats sera pleinement effectif. Selon ses propres estimations, le CESE anticipe une centaine de conseillers non renouvelés , dont 70 % pourraient liquider leur retraite, ce qui impliquerait une dépense supplémentaire, pour 2016, de plus d'1 million d'euros , ainsi  calculée :

70 (nouvelles retraites) x 1 210 € (montant moyen mensuel des retraites) x 12 = 1 016 400 euros .

Dans cette perspective, le CESE a décidé de recourir à l'expertise technique et financière de la Caisse des dépôts et consignations afin d'élaborer des propositions de réforme complémentaire pour préserver l'équilibre de la Caisse de retraites et stabiliser le montant de son fonds de réserve . Ses conclusions devraient être transmises au début du deuxième trimestre 2015.

Au titre des satisfactions, il convient de distinguer tout particulièrement la stratégie de valorisation du Palais d'Iéna , mise en oeuvre depuis plusieurs années, et qui permet d'alimenter les recettes du CESE, à hauteur d' 1,7 million d'euros , soit 4,4 % de son budget (issus pour l'essentiel de divers tournages audiovisuels et de défilés de maison de haute-couture).

L'objectif est de financer en retour le programme d'investissement , à hauteur de 1,25 million d'euros , ce qui constitue, comme le soulignait notre collègue Charles Guené, dans son rapport spécial sur le projet de loi de finances 2014 précité, un véritable « cercle vertueux » entre la valorisation du patrimoine immobilier du CESE et ses investissements. Le reliquat de ces recettes (0,5 million d'euros) est affecté au fonctionnement du CESE.

C. LA MODERNISATION DE LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES

Le plafond d'emplois du CESE n'a connu aucune évolution pendant plus de vingt ans, en dépit de l'enrichissement de ses activités (communication et relations internationales, mais aussi élargissement des attributions suite à la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008). Cette stabilité s'explique par le fait que les effectifs théoriques autorisés en loi de finances sont largement supérieurs aux effectifs réels en poste (à titre d'exemple en 2013, 159 ETPT étaient autorisés pour 136 ETPT réels consommés ).

Afin de faire converger progressivement ses effectifs théoriques vers les effectifs réels, le CESE s'est engagé depuis 2013, à une réduction de 3 ETPT par an jusqu'en 2017 (pour atteindre 147 ETPT).

Pour 2015, le plafond d'emplois est donc en diminution de 3 ETPT par rapport à 2014, soit 153 ETPT .

En ce qui concerne la gestion des moyens humains en poste au CESE, quatre chantiers principaux , initiés l'an dernier, ont permis d'élaborer un « référentiel RH » : le temps de travail , l'organisation des services , la gestion des emplois et des compétences et la politique indemnitaire et sociale . Ce référentiel a déjà permis de réduire de 17,7 % le volume des heures supplémentaires payées.

Enfin, la réflexion, voulue par le président Jean-Paul Delevoye, sur l'adéquation des moyens humains avec le coeur de métier du CESE se poursuit. En conséquence, l'équilibre des emplois doit évoluer vers un renforcement des agents de catégorie A et A + et une diminution des autres catégories (ainsi, en 2015, le départ de 4 agents de catégorie C donnera lieu à un seul remplacement dans cette catégorie et sera compensé par le recrutement d'un agent supplémentaire dans chacune des catégories B, A et A +).

D. DES OBJECTIFS QUI TIENNENT COMPTE DU RENOUVELLEMENT DE 2015

Le présent programme, qui comprend deux objectifs (« Associer les principales organisations de la société civile à l'élaboration de la politique économique et sociale de la Nation » et « Assurer le bon fonctionnement de l'institution ») compte six indicateurs , qui sont surtout des indicateurs d'activité .

En effet, la nature d' assemblée consultative du CESE se prête difficilement à la mesure de la performance . Néanmoins, et comme l'avait indiqué notre collègue Charles Guené dans son rapport précité, le CESE a lancé l'an dernier une importante « étude d'impact » afin de quantifier ses préconisations (plus de 6 300 propositions formulées entre 1999 et 2010 ont été analysées) et leur impact médiatique, civique, politique et juridique, avec pour objectif, à terme, de mettre en place un indicateur . Cela nécessitera cependant de surmonter de nombreuses difficultés du point de vue méthodologique.

Un tel indicateur serait toutefois davantage pertinent que l'indicateur 1.3 « Diffusion des avis du CESE et mention dans la presse de l'institution et de ses travaux » dont le deuxième sous-indicateur mesure les « Retombées presse » (écrites, web et audiovisuelles) et prévoit, en 2015, 6 000 articles mentionnant le CESE, son président, ses membres ou ses travaux 19 ( * ) (contre 7 500 en prévision actualisée 2014). Cette mesure comporte à l'évidence un biais non négligeable, « l'aléa médiatique » (par exemple, les fortes retombées presse de 2014 ne pourraient-elles pas s'expliquer par un effet de la pétition « mariage pour tous » ?). En outre, une fraction des articles mentionnant le CESE pourrait davantage relater des événements qui se déroulent dans ses locaux (expositions par exemple) plutôt qu'évoquer le contenu de ses travaux .

Le fait marquant de l'année 2015 est le renouvellement du CESE, dont l'impact se traduit concrètement sur son activité et donc, sur l'indicateur principal du programme (1.1 « Production intellectuelle du CESE ») qui quantifie le coeur de l'activité du CESE (mais ne traduit pas de performance en tant que telle).

Cet indicateur est subdivisé entre les avis produits (sans distinction des quatre types de saisine : gouvernementale, parlementaire, citoyenne ou auto-saisine) et les études et communications rendues. Pour 2015, il prévoit une stagnation du nombre d'avis produits (20, inférieur à la cible 2017 fixée à 25) et une diminution du nombre d'études et communication (6 contre 9 en prévision actualisée pour 2014). Ces données tiennent en effet compte de la baisse d'activité attendue au dernier trimestre 2015, au cours duquel le CESE sera renouvelé .

Un second événement a une incidence sur les performances attendues pour 2015 : l'important chantier de rénovation des façades de béton du Palais d'Iéna .

C'est le cas pour l'indicateur 1.2 « Activités partenariales », qui se décline en deux sous-indicateurs, mesurant le nombre de colloques ou d'événements institutionnels organisés par le CESE ou en partenariat ainsi que le nombre de personnes ayant participé à ces manifestations. Il s'agit d'une activité à la marge des missions fondamentales du CESE et qui ne témoigne pas d'une performance particulière mais plutôt du niveau de fréquentation du Palais d'Iéna (ce qui participe néanmoins de sa notoriété et de son audience). En 2015, le CESE estime à 60 le nombre de colloques et événements organisés par lui ou en partenariat et à 10 000 le nombre de participants à ces différentes manifestations, montants très inférieurs à la prévision actualisée pour 2014 (respectivement 210 et 70 000). Il est vrai que l'année 2014, avait vu la fréquentation du Palais croître considérablement, en raison de l'exposition consacrée à Auguste Perret, architecte du Palais d'Iéna. La diminution du nombre de manifestations et de visiteurs, pour 2015, résulte des travaux prévus . En conséquence, les recettes de valorisation (indicateur 2.2 « Fonctionnement ») devraient également diminuer et représenter 4,4 % du budget du CESE au lieu de 5 % réalisés en 2013, 2014 et prévus en cible 2017.

Enfin, le seul véritable indicateur de performance du programme, le premier sous-indicateur de l'indicateur 2.2 « Fonctionnement » qui mesure les dépenses de fonctionnement stricto sensu par membre , montre que le coût de fonctionnement du CESE par conseiller diminuerait légèrement pour s'établir à 18 360 euros pour 2015 (contre 19 000 euros en prévision actualisé pour 2014).

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL SUR LE PROGRAMME 164 « COUR DES COMPTES ET AUTRES JURIDICTIONS FINANCIÈRES »

- Le budget de la « Cour des comptes et autres juridictions financières » est en diminution de - 0,9 % en AE et en CP .

- Le plafond d'emplois du programme est stabilisé depuis plusieurs années consécutives à 1 840 ETPT.

- En 2015, la réforme des juridictions financières est achevée , et son impact budgétaire est résiduel ( 0,27 million d'euros uniquement en titre 2 ). Le coût total de la réforme a in fine été réévalué à la baisse : 6,78 millions d'euros .

- Les juridictions financières ont élaboré une mesure précise et pertinente de leur performance. Les résultats enregistrés par les indicateurs sont très satisfaisants .

Au 10 octobre 2014, date limite, en application de l'article 49 de la LOLF, pour le retour des réponses du Gouvernement au questionnaire budgétaire concernant le présent programme, 100 % des réponses étaient parvenues à votre rapporteur spécial.

NES EN 2015

IV. LE PROGRAMME 164 : « COUR DES COMPTES ET AUTRES JURIDICTIONS FINANCIÈRES »

A. LA FINALITÉ DU PROGRAMME : CONTRÔLER, ÉVALUER, INFORMER ET JUGER

Le programme 164 « Cour des comptes et autres juridictions financières englobe la Cour des comptes et les chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC) , soit :

- 20 20 ( * ) chambres régionales des comptes (CRC) au lieu de 27 ( cf. infra ),

- 4 chambres territoriales des comptes (CTC), situées en outre-mer 21 ( * ) .

L'article 47-2 de la Constitution révisée par la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 dispose que « La Cour des comptes assiste le Parlement dans le contrôle de l'action du Gouvernement. Elle assiste le Parlement et le Gouvernement dans le contrôle de l'exécution des lois de finances et de l'application des lois de financement de la sécurité sociale ainsi que dans l'évaluation des politiques publiques ».

Le Premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud , est responsable du présent programme.

À la demande du Sénat, des enquêtes sont réalisées chaque année depuis 2003 dans le cadre de l'article 58-2° de la LOLF (cinq pour la seule commission des finances). À ces enquêtes, s'ajoutent les transmissions des documents administratifs élaborés par la Cour des comptes ( référés et rapports particuliers ) qui donnent lieu, pour certains, à un suivi sous la forme d'auditions publiques.

En outre, la LOLF, en son article 58, a notamment introduit la mission de certification de la régularité, de la sincérité et de la fidélité des comptes de l'État , à laquelle s'est ajoutée la certification des comptes combinés des branches du régime général de la sécurité sociale 22 ( * ) .

Ces missions de certification pourraient encore s'étendre à l'avenir, notamment aux comptes de certaines collectivités territoriales , comme le préconisait notre collègue Aymeri de Montesquiou dans son rapport « Agences de notation : pour une profession règlementée » 23 ( * ) , afin de « garantir la qualité des comptes aux investisseurs, sans passer par le truchement des agences » . L'article 32 du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, déposé au Sénat le 18 juin 2014, prévoit ainsi que la Cour des comptes coordonne pour une durée de cinq ans (trois ans après la publication de ladite loi), une expérimentation de dispositifs destinés à assurer la régularité, la sincérité et la fidélité des comptes de grandes collectivités locales (produits de fonctionnement excédant 200 millions d'euros), sur la base du volontariat.

Enfin, en application de l'article 132-6 du code des juridictions financières, la Cour publie un rapport rendant compte de la qualité des comptes des administrations publiques dont elle n'a pas elle-même certifié les comptes. Ce rapport a été publié pour la première fois le 28 octobre 2013.

B. LA STRUCTURATION DU PROGRAMME

Le présent programme, qui rend compte de manière détaillée des missions des juridictions financières, compte sept actions , de volume inégal.

Sept actions pour sept missions essentielles

L'action 21 (« Examen des comptes publics ») regroupe la certification directe de certains comptes publics (État et Sécurité sociale), l'information du Parlement sur la qualité des comptes d'administrations publiques non certifiées, le contrôle juridictionnel sur les comptes des comptables publics, la vérification de la qualité et de la régularité des comptes des collectivités et organismes publics et l'activité de commissaire aux comptes d'organisations internationales du Premier président de la Cour des comptes.

L'action 22 (« Contrôle des finances publiques ») consiste en l'assistance au Parlement et au Gouvernement dans le contrôle de l'exécution des lois de finances et de financement de la sécurité sociale.

L'action 23 (« Contrôle des gestions publiques »), qui mobilise le plus de moyens (près du tiers des effectifs du programme), recouvre l'ensemble des contrôles sur la régularité et la qualité de la gestion des collectivités et des organismes publics par la Cour des comptes et les CRTC

L'action 24 (« Évaluation des politiques publiques » ) permet d'apprécier l'efficience et l'efficacité des politiques publiques.

L'action 25 (« Information des citoyens » ) recouvre l'activité de publication ainsi que l'activité de représentation de la Cour et des CRTC, assurées par le Premier président, le Procureur général, les présidents de chambre, les présidents de CRTC ou les autres magistrats.

L'action 26 (« Mise en jeu de la responsabilité des comptables publics et des gestionnaires publics ») consiste en l'engagement de procédures juridictionnelles à l'encontre des comptables publics et des gestionnaires de fait, responsables sur leurs deniers personnels. La Cour et les CRTC peuvent en outre saisir la Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF) ou le juge judiciaire à l'encontre des gestionnaires en cas d'irrégularité ou de faute de gestion.

L'action 27 (« Pilotage et soutien des juridictions financières ») regroupe, pour la Cour, le pilotage exercé par le Premier président, le secrétariat général, le parquet général, les présidents de chambres et les missions d'inspection et de contrôle, ainsi que le soutien, qui comprend l'activité de l'ensemble des services administratifs (à l'exception du greffe et de la documentation). Dans les CRTC, la même distinction est opérée.

Si les actions de contrôle des gestions publiques (23) et de pilotage et de soutien (27) bénéficient chacune de plus du quart des CP du programme (respectivement 27,5 % et 24,7 %), l'action de mise en jeu de la responsabilité des comptables et gestionnaires publics représente à peine plus de 2 % des moyens du programme .

Le tableau ci-après présente la part des actions dans le programme, avant et après la ventilation de l'action de pilotage et de soutien :

Répartition des crédits de paiement (CP) par action

(en millions d'euros)

Actions

Avant ventilation

Après ventilation

Crédits de paiement pour 2015**

Part dans le programme

Crédits de paiement pour 2015**

Part dans le programme

21. Examen des comptes publics

40,6

18,9 %

53

24,5 %

22. Contrôle des finances publiques

15,8

7,3 %

21,2

9,8 %

23. Contrôle des gestions publiques

59,3

27,5 %

79,6

36,9 %

24. Évaluation des politiques publiques

34,6

16,1 %

46,3

21,5 %

25. Information des citoyens

7,2

3,3 %

9,5

4,4 %

26. Mise en jeu de la responsabilité des comptables publics et des gestionnaires publics

4,7

2,2 %

6,2

2,9 %

27. Pilotage et soutien des juridictions financières

53,3

24,7 %

-

-

Ensemble

215,4

100,0 %

215,8*

100,0 %

*Après ventilation, 0,4 million d'euros viennent abonder les crédits de la mission en provenance du programme 309 « Entretien des bâtiments de l'État » de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ».

**Y compris fonds de concours et attributions de produits.

Source : projet annuel de performances pour 2015 de la mission « Conseil et contrôle de l'État »

C. UN BUDGET MAÎTRISÉ : - 0,9 % EN AE ET EN CP

Il peut être rappelé qu'eu égard à l'importance accordée aux missions de contrôle, d'évaluation et de jugement des comptes publics, le présent programme n'est pas soumis aux contraintes habituelles de régulation budgétaire .

En outre, comme indiqué précédemment, l'article 40 du projet de loi de finances pour 2015 autorise le présent programme à déroger au plafond de reports de crédits de 3% des crédits initiaux, fixé par l'article 15 de la LOLF, afin de mener à bien les travaux immobiliers inscrits dans le schéma pluriannuel de stratégie immobilière (SPSI) des juridictions financières.

Les crédits alloués au programme représentent 214,47 millions d'euros 24 ( * ) en CP , en diminution de 1,9 million d'euros (- 0,9 %) par rapport au budget accordé pour 2014, et 213,14 millions d'euros en AE (- 1,9 millions d'euros , soit - 0,9 % par rapport à 2014).

Cette diminution est observée sur les deux postes principaux de dépenses :

- les dépenses de personnel (qui représentent 86,7 % des crédits du programme ) diminuent d'1,9 million d'euros, soit - 1%, pour s'établir à 186 millions d'euros ;

- les dépenses de fonctionnement (qui représentent 11,6 % des crédits du programme ) sont réduites de 2,6 millions d'euros (-9,6 %) pour s'établir à 24,8 millions d'euros.

Au sein de ces crédits de titre 3, 10,8 millions d'euros constituent des crédits immobiliers (correspondant aux locations et aux loyers budgétaires, au chauffage, à l'entretien courant et au nettoyage des locaux), en diminution de 1,5 million d'euros par rapport à 2014 . Les économies de fonctionnement sur le poste immobilier, résultant pour l'essentiel de la fermeture des sept sièges des CRC regroupées en 2012 (- 0,95 million d'euros en année pleine) devraient être redéployées au profit des dépenses d'investissement.

Les dépenses d'investissement s'élèvent à 3,58 millions d'euros, en très nette augmentation par rapport au montant demandé en loi de finances initiale pour 2014 (0,7 million d'euros) . Ces dépenses devraient financer, pour près des deux-tiers, des travaux immobiliers structurants inscrits dans le schéma pluriannuel de stratégie immobilière (SPSI), tels que le renforcement des capacités d'accueil du Palais Cambon et la mise aux normes de sécurité de l'alimentation électrique de la Cour contre le risque inondation.

D. DES EFFECTIFS STABLES

Les dépenses de personnel pour 2015 connaissent une diminution (- 1 %) qui résulte d'un ajustement technique de la dotation au titre de la contribution employeur au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » (qui pèse pour un quart des dépenses de personnel du programme). Hors CAS « Pensions », les crédits de titre 2 demeurent stables par rapport à 2014 (soit 139,2 millions d'euros).

L e plafond d'emplois, stabilisé depuis plusieurs années, comprend 1 840 ETPT .

En réalité, on constate un décalage entre les effectifs théoriques et les effectifs réels consommés (en 2013, cet écart représentait 4,6 % du plafond d'emplois autorisé, soit 85 ETPT en moins), ce qui s'explique notamment par le fait que les juridictions financières doivent conserver une marge de postes vacants afin de faire face aux retours, difficilement prévisibles, de magistrats placés en position extérieure. En effet, plus d'un tiers des magistrats exerce en dehors du programme , ce qui rend nécessaire un pilotage et une interprétation prudents de la masse salariale.

Aucun recrutement prévisionnel net n'est envisagé pour 2015.

Les juridictions financières poursuivent la politique de requalification des emplois en faveur des missions de contrôle , entreprise l'an dernier, en concentrant leurs efforts de recrutement sur les catégories A + et A. Cette tendance a été facilitée par les départ d'agents de catégorie B et C intervenus en 2012 et 2013 à la suite du regroupement de 7 CRC dans le cadre de la réforme des juridictions financières .

Le tableau ci-dessous retrace cette requalification au sein du plafond d'emplois du programme :

Répartition des emplois par catégories (Programme 164)

(en ETPT)

Catégorie

Plafond d'emplois 2011

Plafond d'emplois

2012

Plafond d'emplois

2013

Plafond d'emplois

2014

Plafond d'emplois

2015

Catégorie A et A+

1 083

1 087

1 098

1 200

1 263

Catégorie B

345

379

377

350

317

Catégorie C

412

374

365

290

260

Total

1 840

1 840

1 840

1 840

1 840

Source : Cour des comptes

E. UNE RÉFORME DES JURIDICTIONS FINANCIÈRES MENÉE À SON TERME

La restructuration du réseau des CRC

En application de la loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles, le décret n° 2012-255 du 23 février 2012 relatif au siège et au ressort des chambres régionales des comptes a fixé le siège et le ressort des vingt CRC : quatorze en métropole (Arras, Bordeaux, Dijon, Épinal, Lyon, Marseille, Montpellier, Nantes, Noisiel, Orléans, Rennes, Rouen, Strasbourg et Toulouse ), cinq en outre-mer (Guadeloupe, Guyane, Martinique, Réunion et Mayotte) et une en Corse (Bastia) .

En conséquence, 7 CRC ont fait l'objet d'un regroupement.

Dans les réponses au questionnaire budgétaire adressées par la Cour à votre rapporteur spécial, le bilan du coût de la réforme a été réévalué à la baisse par rapport aux estimations anticipées l'an dernier (et très significativement par rapport au chiffrage initial de 12 millions d'euros retenu en 2012), puisqu'il s'établit désormais à 6,78 millions d'euros en CP cumulés de 2012 à 2016 , comme le détaille le tableau ci-après.

Impact budgétaire de la réforme des CRC

(en million d'euros)

Titre 2

Hors titre 2

TOTAL

2012

1,57

1,47

3,04

2013

0,90

1,77

2,67

2014

(prévisionnel)

0,27

0,26

0,53

2015

(prévisionnel)

0,27

0

0,27

2016

(prévisionnel)

0,27

0

0,27

TOTAL

(prévisionnel)

3,28

3,50

6,78

Source : Cour des comptes

L'impact de la réforme et plus particulièrement de la restructuration de la cartographie des juridictions financières sur le budget de 2015 est donc résiduel (0,27 million d'euros en titre 2 25 ( * ) ) , l'essentiel des dépenses ayant été supporté sur les exercices 2012 et 2013 et financé par redéploiements.

Sur le hors titre 2, les dépenses ont avant tout porté sur des travaux immobiliers du fait du regroupement des 7 CRC (aménagement et mises aux normes des locaux des CRC regroupées). Mais ce regroupement a permis, sur le titre 3, une économie globale de 0,95 million d'euros en crédits immobiliers (dont 0,77 million d'euros en loyers), entièrement redéployée sur les crédits d'investissements. La Cour estime ainsi que le coût budgétaire de la réforme, hors titre 2, (3,5 millions d'euros) pourrait être absorbé en un peu moins de quatre ans.

F. UNE MESURE DE LA PERFORMANCE QUI AFFICHE DES RÉSULTATS SATISFAISANTS

Le projet annuel de performances (PAP) du présent programme comporte six objectifs, qui reflètent l'étendue des missions stratégiques essentielles des juridictions financières, et dix indicateurs .

Une mesure de la performance exigeante

Les six objectifs couvrent la totalité du champ d'action de la Cour des comptes et des chambres régionales et territoriales des comptes.

Objectif 1 : garantir la qualité des comptes publics.

Il vise à mesurer les activités de certification et de jugement des comptes des comptables publics.

Objectif 2 : Contribuer à l'amélioration de la gestion publique et des politiques publiques.

Il apprécie l'efficacité de l'examen de la gestion des collectivités publiques et des organismes nationaux ainsi que de l'évaluation des politiques publiques.

Objectif 3 : Assister les pouvoirs publics.

Cet objectif, qui concerne la seule Cour des comptes, mesure les travaux d'assistance au Parlement et au Gouvernement pour le contrôle de l'exécution des lois de finances et de financement de la sécurité sociale ainsi que l'évaluation des politiques publiques (y compris enquêtes demandées par les commissions des finances en vertu de l'article 58-2° de la LOLF).

Objectif 4 : Informer les citoyens.

Cet objectif vise à assurer la publicité des travaux des juridictions financières.

Objectif 5 : Sanctionner les irrégularités et la mauvaise gestion.

Cet objectif concerne la mise en jeu de la responsabilité pécuniaire et personnelle des comptables publics par la Cour des comptes et les CRTC ainsi que l'engagement de la responsabilité des ordonnateurs et autres gestionnaires publics par la CDBF.

Objectif 6 : Améliorer le fonctionnement des juridictions financières.

Il mesure l'efficacité de la fonction de pilotage et de soutien.

Au regard de la diversité des finalités du présent programme et de l'importance de l'aspect qualitatif des missions des juridictions financières, mesurer les performances de la Cour des comptes et des CRTC s'avère délicat. Néanmoins, celles-ci ont toujours veillé à respecter les exigences fixées par la LOLF .

Pour 2015, à l'instar de 2014, tous les indicateurs affichent des prévisions de performance très satisfaisantes, avec des résultats attendus stables ou en progression.

C'est le cas, par exemple, de tous les indicateurs mesurant un délai de réalisation des travaux :

-  la réalisation des travaux demandés par les pouvoirs publics dans les délais (3.1) est stabilisée à 95 % ;

-  les délais des travaux d'examen de la gestion (2.2) sont fixés en 2015 à « 16-18 mois » pour la Cour et à « 13-15 mois » pour les CRTC, valeur identique à la réalisation 2014 et à la cible poursuivie ;

-  les délais de jugement (5.1), déclinés pour la Cour des comptes (prévision de 11 mois en 2015), les CRTC (prévision de 8 mois en 2015) et la Cour de discipline budgétaire et financière (prévision de 36 mois en 2015), devraient encore s'améliorer d'un mois pour la Cour des comptes et les CRTC par rapport à 2014.

Le maintien ou l'amélioration de la performance concernent également les indicateurs d'efficacité , exprimés en pourcentage :

- la part contrôlée des comptes tenus par les comptables publics (en masse financière) (indicateur 1.1) a respecté le taux de 15 % à 25 % tant pour la Cour des comptes que pour les CRTC depuis deux exercices. La prévision pour 2015 est identique, de même que la cible 2017 ;

- l'indicateur mesurant les suites données aux recommandations des juridictions financières (2.1), qui est l'indicateur représentatif du programme , est stabilisé à 75 % pour 2015, correspondant, selon la Cour des comptes, à un juste milieu recherché entre des recommandations peu ambitieuses (plus de 80 % de réalisation) et des recommandations qui le seraient trop (taux de réalisation inférieur à 50 %) ;

- les effets sur les comptes des travaux de certification (1.2), exprimés par le taux de prise en compte des corrections proposées par la Cour des comptes, sont revus à la hausse et prévus à 75 % pour 2015 (avec une cible de 78 % en 2017) ;

Seule l'efficience de la gestion des ressources humaines (6.1), exprimée par le ratio nombre de gestionnaires/effectifs gérés connait une très légère détérioration avec une prévision à 2,5 % en 2015 , contre 2,43 % en prévision actualisée 2014. La cible fixée l'an dernier de 2,29 % n'a donc pas été atteinte, en raison de l'augmentation des effectifs gérés et de la reconfiguration de la direction des ressources humaines. L'indicateur prévoit une nouvelle cible de 2,23 % en 2015 , en anticipant des gains de productivité du fait de réorganisations.

Enfin, l'indicateur mesurant les retombées presse (4.1) qui recense, pour la Cour des comptes et les CRTC, les articles de presse écrite, les émissions radiotélévisées ainsi que les sites Internet d'organes de presse et les blogs, citant la Cour des comptes et le Premier président ou une CRTC (au cours d'une année civile) prévoit des valeurs stables par rapport à 2014 : 16 000 retombées sont prévues pour la Cour des comptes et 3 300 pour les CRTC.

Votre rapporteur spécial ne peut qu'observer cependant que l'interprétation de cet indicateur est sujette à « l'aléa médiatique », puisque la médiatisation des travaux d'une institution dépend directement de la sensibilité du sujet traité, de son impact sur l'opinion publique à un moment donné et non de la qualité intrinsèque des travaux réalisés .

Par ailleurs, autant il peut paraître légitime, pour le CESE, de rechercher à améliorer la notoriété de ses travaux, autant l'enjeu paraît moins évident pour la Cour des comptes dont les productions sont, depuis longtemps, largement relayées dans les différents médias.

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL SUR LE PROGRAMME 340 « HAUT CONSEIL DES FINANCES PUBLIQUES »

- Le programme 340 « Haut Conseil des finances publiques » a été créé pour assurer l'autonomie budgétaire et stratégique du Haut Conseil, en application de l'article 22 de la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques afin d'éclairer les choix du Gouvernement et du Parlement et de veiller à la cohérence de la trajectoire de retour à l'équilibre des finances publiques avec les engagements européens de la France .

- Le budget alloué au Haut Conseil est marginal au sein de la présente mission : 0,82 million d'euros .

- Le plafond d'emplois du programme s'établit à 3 ETPT.

Au 10 octobre 2014, date limite, en application de l'article 49 de la LOLF, pour le retour des réponses du Gouvernement au questionnaire budgétaire concernant le présent programme, 100 % des réponses étaient parvenues à votre rapporteur spécial.

LE HAUT CONSEIL DES FINANCES PUBLIQUES EN 2015

V. LE PROGRAMME 340 : « HAUT CONSEIL DES FINANCES PUBLIQUES »

Créé par la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) est un organisme indépendant de la Cour des comptes, bien que placé auprès d'elle. En application de l'article 22 de la loi organique précitée, il fait l'objet d'un programme ad hoc au sein de la présente mission.

Le responsable du programme est Didier Migaud, en sa qualité de président du HCFP.

A. UN NOUVEL ORGANISME AU SERVICE DE LA BONNE GOUVERNANCE DES FINANCES PUBLIQUES

Le HCFP est régi par le chapitre III (articles 11 à 22) de la loi organique du 17 décembre 2012 précitée, qui transpose en droit français les stipulations du traité européen sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), signé le 2 mars 2012 et ratifié en octobre 2012 par la France.

1. Des experts indépendants

Outre son président, qui est le Premier président de la Cour des comptes, il comprend dix membres, non rémunérés et répondant à une exigence de parité :

- quatre magistrats de la Cour des comptes ;

- cinq personnalités qualifiées nommées, respectivement, par le président de l'Assemblée nationale, le président du Sénat, les présidents des commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat, et le président du CESE ;

- le directeur général de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE).

Le mandat des membres du HCFP est de cinq ans, renouvelable une fois pour les magistrats de la Cour. Il n'est pas renouvelable pour les personnalités qualifiées. Le collège est renouvelé par moitié tous les trente mois.

2. Une double mission

Le HCFP répond à la double mission d'éclairer les choix du Gouvernement et du Parlement et de veiller à la cohérence de la trajectoire de retour à l'équilibre des finances publiques avec les engagements européens de la France.

Pour cela, il est amené à rendre des avis :

- sur le réalisme des prévisions macroéconomiques (notamment les prévisions de croissance) utilisées par le Gouvernement pour préparer les principaux textes qui régissent les finances publiques, avant leur présentation au Parlement (projets de loi de programmation des finances publiques, projets de loi de finances, projets de loi de financement de la sécurité sociale, projets de loi de finances rectificative et projets de programme de stabilité et de croissance transmis chaque année à la Commission européenne et au Conseil de l'Union européenne). Si le Gouvernement est conduit à modifier ses prévisions au cours des débats parlementaires, il en informe le HCFP qui doit également rendre un avis ;

- sur la cohérence des objectifs annuels avec les objectifs pluriannuels de finances publiques . Le HCFP veille à la cohérence de la trajectoire de retour à l'équilibre des finances publiques (État, collectivités territoriales, sécurité sociale) avec les engagements européens de la France. Le HCFP est saisi de l'ensemble des textes financiers et s es avis interviennent avant la présentation de ces textes au Parlement.

Le président du HCFP est entendu par les commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat à leur demande.

À ce jour, le HCFP a rendu neuf avis : quatre en 2013 et cinq en 2014. 26 ( * )

B. UN BUDGET DE FAIBLE MONTANT : 0,82 MILLION D'EUROS EN AE ET CP

Le présent programme ne comprend qu'une seule action , intitulée « Haut Conseil des finances publiques », qui recouvre la totalité des crédits dévolus au présent programme, soit 0,82 million d'euros (en AE et en CP), en légère diminution par rapport à 2014 (- 0,3 %).

Ces crédits sont ainsi répartis :

- 0,45 million d'euros de dépenses de fonctionnement , recouvrant les expertises externes, les frais de déplacement, les dépenses de matériel informatique et celles liées au fonctionnement courant ;

- 0,37 million d'euros de dépenses de personnel , au titre de la rémunération d'activité, des cotisations sociales et des allocations diverses des 3 emplois affectés au programme.

Le HCFP se réunit dans les locaux de la Cour des comptes, où une salle dédiée a été aménagée. Ces travaux d'installation ont été financés par le décret d'avance n° 2013-398 du 13 mai 2013 , qui avait ouvert 0,78 million d'euros en AE et en CP (gagés par des annulations de crédits à due concurrence sur le programme « Cour des comptes et autres juridictions financières » pour couvrir le restant de l'année 2013), dont 75 000 euros étaient précisément dévolus aux locaux.

Ce budget, certes modeste à l'échelle de la mission, devrait pour autant se révéler largement « surcalibré », puisque construit sur le même socle que la demande pour 2014. Or, le projet de décret d'avance examiné par votre commission des finances le 24 novembre 2014, annule, pour l'exercice 2014, 0,37 million d'euros en AE et en CP sur les dépenses de fonctionnement du présent programme (soit 82 % des dépenses de fonctionnement et 45 % du total des crédits ).

C. UN PLAFOND D'EMPLOIS LIMITÉ À 3 ETPT

Le plafond d'emplois du présent programme, pour 2015 comme en 2014, est fixé à 3 ETPT , composé de magistrats de la Cour des comptes : le rapporteur général , en charge du secrétariat permanent du HCFP, et deux rapporteurs généraux adjoints .

D. UNE ABSENCE DE MESURE DE LA PERFORMANCE

Un objectif unique est assigné au présent programme (« Contribuer à la qualité de l'élaboration des projets de texte financier ») assorti lui-même d'un seul indicateur mesurant les « Avis rendus dans les délais ».

Pour 2015, la prévision est à nouveau fixée à 100 % , ce qui correspond à l'obligation imposée au HCFP par la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, précitée, de rendre son avis à temps afin qu'il soit joint aux projets de loi lors de leur transmission au Conseil d'État . Ce délai est fixé à une semaine ou moins par la loi organique.

Compte tenu du faible montant des crédits dévolus au présent programme (de surcroît assez significativement surévalués en 2014), de sa structure mono-action et de l'absence de réelle mesure de la performance, le présent programme est marginal au sein de la mission.

LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En seconde délibération , à l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a minoré de 800 000 euros les autorisations d'engagement et les crédits de paiement de la mission « Conseil et contrôle de l'État » dans le cadre de la garantie du respect de la norme de dépense en valeur de l'État.

Cette minoration de crédits est répartie comme suit :

- 350 000 euros sur le programme « Conseil d'État et autres juridictions administratives » ;

- 100 000 euros sur le programme « Conseil économique, social et environnemental » ;

- 350 000 euros sur le programme « Cour des comptes et autres juridictions financières ».

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 22 octobre 2014, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial, sur la mission « Conseil et contrôle de l'État ».

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général, rapporteur spécial . - Nous avons déjà eu l'occasion, la semaine dernière, d'aborder le budget de la Cour des comptes et d'évoquer le Haut Conseil des finances publiques, dont nous avons entendu le président, Didier Migaud. Ces deux institutions entrent dans le champ de la présente mission, qui se compose de quatre programmes : le Conseil d'État et les autres juridictions administratives, la Cour des comptes et les autres juridictions financières, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) et, depuis la loi de finances pour 2014, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP).

Cette mission, qui connaît une progression de 1 % de ses crédits par rapport à 2014, représente 637 millions d'euros de crédits de paiement, dont plus de 60 % reviennent aux juridictions administratives. Les juridictions financières représentent 34 % de la mission. Le CESE et le HCFP ne pèsent, respectivement, que 6 % et 0,1 % du total. En raison de leurs spécificités, ces programmes sont préservés des contraintes habituelles de régulation budgétaire.

Les crédits du programme « Conseil d'État et autres juridictions administratives » augmentent de 2,2 %, avec 383,3 millions d'euros en crédits de paiement. En 2015, 35 équivalents temps plein supplémentaires sont prévus, dont 14 postes de magistrats administratifs, dans le cadre de la création des 635 emplois en faveur de la justice. Cet effort portera principalement sur les tribunaux administratifs et le traitement du contentieux de l'asile, afin de poursuivre la réduction des délais de jugements, objectif prioritaire de la stratégie de performance de ces juridictions.

Des délais moyens de dix mois sont ainsi envisagés pour 2015 dans les tribunaux administratifs comme dans les cours administratives d'appel. Cet objectif correspond à une stabilisation pour les premiers, à une diminution d'un mois pour les secondes. Cette ambition est d'autant plus remarquable qu'on observe une progression du nombre des affaires dans toutes les juridictions administratives : hausse de 15,6 % au premier semestre 2014 pour les tribunaux administratifs et de 6,5 % pour les cours administratives d'appel. L'analyse des délais moyens de jugement doit néanmoins être nuancée car des situations tendues persistent, notamment dans les tribunaux administratifs de Nantes ou de Basse-Terre. Les efforts de productivité accomplis ces dernières années dans les juridictions administratives méritent d'être salués.

Les renforts en effectifs accordés depuis 2010 à la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) semblent porter leurs fruits. Le délai moyen de jugement y a été réduit de moitié par rapport à 2009, pour atteindre 6 mois et 10 jours en 2014. L'objectif pour 2015 est de descendre à 6 mois, délai quasi-incompressible. La qualité des jugements n'en a pas été affectée : leur taux d'annulation par le Conseil d'État est en constante diminution.

Le budget du CESE pour 2015 s'établit à 38,4 millions d'euros en crédits de paiement, soit une diminution de 0,4 %. Les dépenses de personnel, qui constituent plus de 85 % des crédits du Conseil, diminuent de 0,1 % et ses autres crédits de 1,7 % (dont 1 % pour les crédits de fonctionnement, qui s'établissent à 4,8 millions d'euros).

Les dépenses d'investissement restent stables. Le financement du programme pluriannuel d'investissement immobilier du palais d'Iéna est assuré en partie par les recettes de valorisation du patrimoine immobilier, issues de la location du palais d'Iéna pour diverses manifestations, qui devraient atteindre 1,7 million d'euros en 2015. Un schéma vertueux s'instaure ainsi entre la valorisation du patrimoine du CESE et son programme d'investissement immobilier.

L'année 2015 verra le renouvellement des membres du Conseil, ce qui devrait affecter l'équilibre déjà précaire de sa caisse de retraites. Il a donc décidé de recourir à l'expertise de la Caisse des dépôts et consignations afin d'élaborer des propositions de réforme pour assurer le financement pérenne de son régime.

Le programme « Cour des comptes et autres juridictions financières » est doté de 214,5 millions d'euros en crédits de paiement, soit un budget en légère diminution (0,9 %). Cette baisse s'observe principalement sur ses dépenses de personnel (86,7 % des crédits du programme, en diminution de 1,9 million d'euros pour s'établir à 186 millions), dont je précise, pour lever toute ambiguïté, qu'elles sont très largement dépendantes des variations du taux de contribution au compte d'affectation spéciale « Pensions ». Les dépenses de fonctionnement connaissent, elles aussi, un recul (- 9,6 %).

Le coût de la réforme des juridictions financières, et plus particulièrement du regroupement de sept chambres régionales des comptes (CRC), a été encore revu à la baisse : la Cour des comptes l'estime finalement à 6,8 millions d'euros au total (contre 12 millions d'euros en estimation initiale). Le coût supporté en 2015 est évalué à 270 000 euros, qui correspondent au reliquat des primes versées au personnel concerné par le regroupement. On attend près d'un million d'euros d'économies de fonctionnement, à redéployer au profit des dépenses d'investissement qui connaissent, en 2015, une augmentation importante en raison de la programmation de travaux de réhabilitation et de sécurisation des installations de la Cour des comptes. Celle-ci estime d'ailleurs que les coûts de la réforme, hors dépense de personnel (soit 3,5 millions d'euros), auront été compensés par les économies réalisées d'ici environ quatre ans. Nous ne manquerons pas alors de vérifier si c'est bien le cas.

Le dernier programme, consacré au Haut Conseil des finances publiques, est doté de 0,82 million d'euros, dont 370 000 euros concernent les dépenses de personnel et sont destinés à financer 3 ETPT - les autres postes correspondent à des fonctions non rémunérées. Parmi les dépenses de fonctionnement, 350 000 euros sont inscrits pour les frais d'études et d'expertise.

Je propose donc à la commission d'adopter, sans modification, les crédits proposés pour la mission et chacun de ses programmes.

M. Roger Karoutchi . - Une question iconoclaste : que pensez-vous de l'efficacité du CESE et de l'impact de ses rapports ? Et, en particulier, est-il bien utile d'avoir un Conseil économique, social et environnemental régional (CESER) dans chaque région ? Ils ne figurent pas dans ce programme, mais ils coûtent cher. Voilà vingt ans que je siège au conseil régional d'Ile de France, j'en préside la commission des finances, et sincèrement je n'ai pas été souvent ému par la portée des rapports du Conseil économique et social de la région... Ne pourrait-on pas envisager un regroupement de ces institutions ?

M. Marc Laménie . - Une question analogue au sujet de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes : leur rôle est sans doute important, mais les comptes des collectivités territoriales sont déjà sous le contrôle du préfet et du Trésor public. La mission d'élu de base, souvent difficile, est compliquée par cet empilement de structures et ce surcroît de procédures extrêmement rigoureuses. Le moindre emprunt nous vaut une mise en garde de la préfecture, si ce n'est une convocation. Et la surveillance de la chambre régionale des comptes vient encore s'y ajouter... N'est-ce pas disproportionné par rapport aux budgets de nos collectivités territoriales ?

M. Daniel Raoul . - Le contrôle par les chambres régionales des comptes a son intérêt, si l'on en juge par la situation d'un certain nombre de collectivités locales. En revanche, les chambres régionales des comptes ont parfois tendance à se livrer à un contrôle de l'opportunité des opérations. Or c'est bien au politique qu'il revient de choisir les projets.

M. Philippe Dallier . - Je partage l'interrogation de Roger Karoutchi sur les CESER. Quant aux juridictions financières, leur plafond d'emplois reste le même - 1840 - et l'on nous dit que les dépenses de personnel vont rester stables. Pourtant nous assistons à une requalification des emplois au profit des catégories A et A+, en supprimant des catégories B et C. J'ai du mal à croire que les dépenses de personnel n'augmentent pas en conséquence.

M. Claude Raynal . - La présentation des délais de jugement dans les juridictions administratives est tendancieuse. Je partage tout-à-fait ce qu'écrit le rapporteur général dans sa note, car dix mois, c'est en effet une moyenne entre des contentieux très disparates. Certaines ordonnances sont parfois rendues dans la journée ! D'autres contentieux en un mois. En revanche, les affaires ordinaires, et ce sont elles en réalité qui préoccupent les citoyens, comme le contentieux lié aux travaux publics et les permis de construire, sont traitées bien plus lentement que la moyenne affichée. Les projets sont parfois bloqués quatre ou cinq ans ! Il vaudrait la peine d'interroger le Conseil d'État sur cette question précise pour qu'il définisse et fasse apparaître un délai maximal de jugement des affaires ordinaires, qui sont celles sur lesquelles les citoyens sont en droit d'attendre une réelle efficacité du service public.

M. Michel Bouvard . - Pour répondre à nos collègues, les chambres régionales des comptes ne contrôlent pas uniquement les collectivités territoriales, mais aussi les sociétés d'économie mixtes et autres organismes. Elles sont en outre appelées, depuis la réforme des juridictions financières, que nous avons votée, à participer à des enquêtes transversales, ce qui est très important pour disposer d'analyses et d'évaluations plus fines. Cela a été le cas par exemple cette année avec l'enquête sur les Maisons départementales des personnes handicapées, qui a permis notamment d'évaluer l'efficacité de la dépense publique en faveur de ces dispositifs, dont on sait qu'ils suscitent des interrogations au sein de nos collectivités. Les CRC ne sont pas des « pères fouettards ». Leur regroupement répond d'ailleurs aux objections de nombreux élus sur le niveau d'expertise des contrôles locaux. Se posera ensuite la question de la certification des comptes des grandes collectivités. Si elle avait été en vigueur lorsque certaines ont contracté des emprunts toxiques, nous aurions sans doute évité beaucoup de déboires...

M. Thierry Carcenac . - L'article 37 du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, texte qui sera prochainement examiné au Sénat, prévoit que, dans le cadre du transfert de compétences et de moyens, les commissions locales pour l'évaluation des charges et des ressources transférées, seront présidées par des présidents de CRC. Je m'interroge : Y aura-t-il assez de personnel pour cela, notamment dans le cas de fusion de régions et de transferts de compétences en provenance des départements ?

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général, rapporteur spécial . - Nombre de ces questions dépassent mes qualités de rapporteur spécial, et même de rapporteur général ! Celle de Roger Karoutchi sur le CESE, par exemple : avons-nous dans cette enceinte une majorité de trois cinquièmes pour réviser le titre XI de la Constitution ? Je partage en revanche, à titre personnel, son avis sur les CESER.

Michel Bouvard a déjà largement répondu à la question de Marc Laménie : les chambres régionales des comptes ne jugent pas seulement les comptes des collectivités. Reste la question de Daniel Raoul : doivent-elles juger en droit ou en opportunité ? Ce débat dépasse évidemment le cadre budgétaire. Je me contenterai de rappeler ce que nous disait le Premier président de la Cour des comptes : au regard de la dépense publique en France, nous consacrons des sommes très modestes au contrôle des comptes de nos collectivités, de l'État et des organismes parapublics, a fortiori si l'on compare notre pays avec ses voisins.

Philippe Dallier remarque avec raison que le plafond d'emplois des juridictions financières reste inchangé, mais il faut considérer avec prudence les effectifs théoriques des juridictions financières par rapport aux effectifs réels, puisqu'un tiers environ des magistrats financiers exercent en dehors du programme. Il faut souligner que globalement, les juridictions financières réalisent des économies de fonctionnement (950 000 euros en année pleine, dont 770 000 sur les loyers) grâce à la fusion des sept chambres régionales des comptes.

Je suis pleinement d'accord avec Claude Raynal : certains contentieux administratifs sont contraints par des délais très brefs, comme les référés ou le contentieux électoral, tandis que d'autres dérivent, alors qu'ils portent sur des questions très sensibles, comme l'urbanisme, ou encore les déclarations d'utilité publiques, qui intéressent tout le monde, sur le tracé des lignes à grandes vitesse par exemple... Ces projets sont systématiquement attaqués et peuvent être compromis par la lenteur des procédures alors même qu'ils représentent un enjeu majeur pour notre pays. Il convient donc de considérer cet indicateur de délai moyen avec beaucoup de recul.

Michel Bouvard a raison de remarquer que si la certification des comptes des collectivités avait existé à l'époque, les intéressées n'auraient peut-être pas souscrit toutes sortes d'emprunts risqués et il n'y aurait peut-être pas eu d'affaire Dexia. L'appui des juridictions financières leur sera plus que jamais nécessaire dans un contexte difficile de réduction de leurs dotations.

Reste la question des moyens dont disposeront les chambres régionales des comptes pour arbitrer les commissions locales pour l'évaluation des charges et des ressources... La discussion du projet de loi de réforme territoriale promet en tout état de cause de longs débats.

Je constate en tout cas que vous semblez d'accord pour accompagner l'effort de réduction des délais de jugement des juridictions administratives et adopter sans modification les crédits de la présente mission.

À l'issue de ce débat, la commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption sans modification des crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État ».

Réunie à nouveau le jeudi 20 novembre 2014, sous la présidence de Mme Michèle André, la commission a confirmé sa position, après avoir pris acte des modifications apportées par l'Assemblée nationale.


* 1 Y compris fonds de concours attendus.

* 2 Programme 165 : 83,1 % ; programme 126 : 85,2 % ; programme 164 : 86,7 % ; programme 340 : 44,9 %.

* 3 Dérogation notifiée par courrier du Premier ministre en date du 25 mai 2005.

* 4 « La Cour nationale du droit d'asile (CNDA) : une juridiction neuve, confrontée à des problèmes récurrents ». Sénat, rapport d'information n° 9 (2010-2011), page 44.

* 5 Arrêt « Magiera » du 28 juin 2002, qui reconnait la responsabilité pour faute simple de l'État du fait du fonctionnement défectueux du service public de la justice administrative.

* 6 Loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice (LOPJ).

* 7 La QPC a été introduite par la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008. Lorsqu'une QPC est soulevée, au cours d'un procès, le juge doit procéder à un premier « filtrage » avant de transmettre la question au juge suprême de l'ordre juridictionnel dont il relève (Conseil d'État ou Cour de cassation) qui procède à un second filtrage avant de la renvoyer au Conseil constitutionnel. En ce qui concerne le Conseil d'État, le juge dispose de trois mois pour se prononcer sur la QPC.

* 8 Comme les référés, les contentieux des reconduites à la frontière ou les contentieux des refus de titres de séjour accompagnés d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF).

* 9 Sénat, rapport n° 156 (2013-2014) Tome III, Annexe 6

* 10 Loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008.

* 11 Cette loi a profondément modifié l'ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958 régissant l'organisation, le fonctionnement et les attributions du Conseil.

* 12 Le 12 octobre 2011, Bernard Accoyer, alors président de l'Assemblée nationale, a saisi le CESE sur « le coût économique et social de l'autisme ». L'avis de Mme Christel Prado a été adopté et publié le 9 octobre 2012.

* 13 Il s'agit de la pétition demandant l'avis du CESE sur l'ouverture du mariage aux couples de même sexe, déposée le 15 février 2013.

* 14 À titre d'exemple, l'obligation de parité entre les hommes et les femmes, exigée par la loi organique précitée, a été presque atteinte puisque, 45 % des membres sont des femmes.

* 15 Pour la mandature 2010-2015, les personnalités qualifiées ont été nommées par le décret du 28 octobre 2010 portant nomination au CESE.

* 16 Au nombre de 8 par section, ces personnalités sont nommées pour deux ans.

* 17 À l'exception d'un montant de 4 000 euros, destiné à rémunérer un huissier chargé du contrôle des opérations de vérification des signatures.

* 18 Leur indemnité a été fixée à 284 euros bruts par présence en réunion de section (soit un montant maximal de 11 366,28 euros annuels) par le décret n° 2012-288 du 29 février 2012 relatif aux indemnités des personnalités associées qui fixe, en outre, une indemnité de 454,41 euros pour chaque rapport remis.

* 19 Ce comptage s'effectue avec l'aide d'un partenaire presse et de Google Analytics (solution d'analyse d'audience internet).

* 20 Le décret n° 2012-255 du 23 février 2012 relatif au siège et au ressort des CRTC a fixé le siège et le ressort des vingt CRC, en application de la loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles. Quatorze ont leur siège en métropole, cinq en outre-mer et une en Corse (cf. infra).

* 21 Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, Saint-Barthélemy et Saint-Martin ainsi que Saint-Pierre et Miquelon.

* 22 Article 12 de la loi organique n° 2005-881 du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale.

* 23 Rapport d'information n° 598 (tome I) au nom de la mission commune d'information sur les agences de notation présidée par Frédérique Espagnac (Sénat, 2011-2012, p.111), déposé le 18 juin 2012.

* 24 Somme à laquelle il convient d'ajouter 0,9 million d'euros au titre des fonds de concours.

* 25 Ce montant annuel, pour la période 2014-2016, finance l'indemnité d'accompagnement à la mobilité qui permet le maintien du niveau de rémunération pendant trois ans aux agents ayant rejoint une autre administration, suite à la fermeture de sièges de CRC.

* 26 Votre commission des finances a entendu Didier Migaud sur les avis relatifs au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 et aux projets de loi de finances pour 2015 et de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, le 15 octobre 2014.

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