CHAPITRE II - AMÉLIORATION DE L'ACCESSIBILITÉ DES SERVICES À LA POPULATION

Article 25 (art. 26 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995) - Création d'un schéma d'amélioration de l'accessibilité des services au public sur le territoire départemental

Le présent article vise à créer un schéma d'amélioration de l'accessibilité des services au public sur le territoire départemental, élaboré conjointement par l'État et les EPCI à fiscalité propre et soumis à l'avis du conseil régional et du conseil général.

Une préoccupation constante des pouvoirs publics

Les pouvoirs publics se préoccupent depuis plus de trente ans de l'accessibilité et de la qualité des services à la population, et de l'égalité d'accès entre territoires.

Ainsi, le décret n° 79-889 du 16 octobre 1979 relatif à l'organisation administrative en milieu rural avait créé des comités départementaux des services au public en milieu rural, présidés par les préfets. Par la suite, l'article 2 de la loi n° 88-13 du 5 janvier 1988 d'amélioration de la décentralisation a modifié l'article 15 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne afin de créer dans chaque département concerné une « commission départementale d'amélioration de l'organisation des services publics dans les zones de montagne ». Cette commission proposait au préfet et au président du conseil général « les dispositions de nature à améliorer l'organisation des services publics en montagne, notamment en facilitant et en développant leur polyvalence ». L'ancien comité interministériel permanent pour les problèmes d'action régionale et d'aménagement du territoire (CIAT), a étendu, par une décision du 28 novembre 1991, cette commission aux 25 départements éligibles à la dotation de fonctionnement minimal des départements, dits « défavorisés ». Par ailleurs, par une décision du 5 novembre 1990, le CIAT avait invité les ministres de l'Intérieur et de l'aménagement du territoire à préparer des schémas départementaux des services publics en milieu rural. Ces schémas, qui concernaient principalement l'école, la poste ou la gendarmerie, furent étendus aux 25 départements « défavorisés », puis à tous les départements ruraux 98 ( * ) .

La loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, a généralisé, à son article 28, les commissions départementales d'organisation et de modernisation des services publics (CDOMSP). Depuis 1995, ces commissions sont donc permanentes et couvrent l'ensemble du territoire français. Ces commissions ont pour mission de réfléchir à une meilleure organisation et répartition des services publics sur le territoire. Le décret n° 2006-1410 du 21 novembre 2006 relatif à la commission départementale d'organisation et de modernisation des services publics précise leur composition limitée à 28 membres, qui peut comprendre, outre le préfet, des représentants d'élus des collectivités territoriales, d'entreprises ou d'organismes publics en charge d'un service public, des services de l'État présents dans le département, d'associations d'usagers ou encore des personnalités qualifiées.

Jusqu'en 2006, elles avaient pour mission d'établir le schéma départemental d'organisation et d'amélioration des services publics, qui pouvait concerner tant les services de l'État que ceux des collectivités territoriales, des organismes assurant des missions de service public que les services des entreprises nationales. En concertation avec le président du conseil général, le préfet établissait ce schéma qui analysait la situation et les besoins puis définissait les moyens et les éventuelles conventions de partenariat entre les services et les collectivités. Suite au décret du 21 novembre 2006 relatif à la commission départementale et de modernisation des services publics, les schémas départementaux ont disparu même si les CDOMSP ont été maintenues.

Évolutions réglementaires et législatives pour l'accessibilité des services au public

Texte

Entité / Schéma

Décret du 16 octobre 1979 relatif à l'organisation administrative en milieu rural

Comités départementaux des services au public en milieu rural

Article 15 de la loi du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, modifié par l'article 2 de la loi du 5 janvier 1988 d'amélioration de la décentralisation

Commissions départementales d'amélioration de l'organisation des services publics

Schéma d'organisation et d'implantation des services publics

Article 28 de la loi du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire

Décret du 11 octobre 1995 relatif à la commission départementale d'organisation et de modernisation des services publics et au schéma départemental d'organisation et d'améliorations des services publics

Commissions départementales d'organisation et de modernisation des services publics (CDOMSP)
Schéma départemental d'organisation et d'amélioration des services publics

Décret du 21 novembre 2006 relatif à la commission départementale et de modernisation des services publics

Suppression du schéma départemental d'organisation et d'amélioration des services publics

Présent projet de loi

Suppression des commissions

Concertation entre EPCI et État pour l'élaboration d'un schéma départemental d'amélioration de l'accessibilité des services au public

• La nécessité de réaffirmer un objectif d'amélioration de l'accessibilité

En l'état actuel du droit, il existe un principe « d'égal accès au savoir et aux services publics sur l'ensemble du territoire » reconnu à l'article 1 er de la loi du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire.

Néanmoins, ce principe semble aujourd'hui affaibli alors même que la demande sociale est restée très forte. Les CDOMSP se réunissent peu fréquemment. Le rapport de la mission pour l'amélioration de la qualité et de l'accessibilité des services au public dans les territoires fragiles 99 ( * ) de Mme  Carole Delga et M. Pierre Morel-A-L'Huissier précise que ces commissions « sont extrêmement peu identifiées, ne jouant plus qu'un rôle minime, puisqu'elles ont perdu le rôle de préconisation que leur accordait la présence du schéma départemental d'accès aux services» .

Par ailleurs, l'article 2 de cette même loi prévoit que l'État « assure la présence et l'organisation des services publics ». Néanmoins, l'État ne contrôle directement que ses propres services publics ou ceux dont il a la tutelle. Or les attentes des usagers portent aussi sur des services privés. Certes, il existe déjà des outils juridiques pour permettre aux collectivités territoriales de pallier une défaillance privée. Par exemple, selon l'article L. 2251-3 du code général des collectivités territoriales, les communes peuvent allouer des aides pour « assurer le maintien des services nécessaires à la satisfaction des besoins de la population en milieu rural » , en cas de défaillance ou d'absence de l'initiative privée. Ces services nécessaires concernent une grande diversité d'activité, des débits de boissons et tabac aux cabinets médicaux ou dentaires. Néanmoins, cette possibilité reste limitée aux zones rurales.

Parallèlement, de nouveaux besoins de services privés s'expriment, notamment concernant les distributeurs automatiques de billets ou les services d'aides à domicile. Il importe ainsi de sortir de la notion juridiquement très encadrée de « service public » pour adopter une notion plus souple de « service au public 100 ( * ) ».

• Le dispositif prévu par le projet de loi

Le présent article prévoit, par un article 26 rétabli de la loi du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, l'élaboration conjointe par l'État et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre d'un schéma d'amélioration de l'accessibilité des services au public sur le territoire de chaque département . Ce dispositif répond ainsi à la recommandation du rapport précité des députés Mme Carole Delga et M. Pierre Morel-A-L'Huissier pour « l'adoption de schémas départementaux d'accès aux services, opposables à tous les opérateurs ».

Ce nouveau schéma définirait un programme d'actions destiné à renforcer l'offre de services dans les zones présentant un déficit d'accessibilité des services , pour une durée de six ans. Il comprendrait également un plan de développement de la mutualisation des services , c'est-à-dire le regroupement de différents services en un lieu unique. Ces schémas pourraient définir la répartition géographique des maisons de services au public 101 ( * ) .

L'article précise les conditions de l'élaboration du schéma. Sur le fondement d'un diagnostic préalable, le préfet serait à l'initiative d'un projet de schéma, par la suite transmis pour avis aux organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre. À l'issue d'une phase éventuelle de modifications du projet, celui-ci serait soumis pour avis au conseil régional et au conseil général puis arrêté définitivement par le préfet. Un décret en Conseil d'État est prévu pour fixer les modalités d'élaboration des schémas, notamment afin d'encadrer les délais des organes délibérants des collectivités ou des établissements publics de coopération intercommunale consultés pour formuler leur avis. Une circulaire aux préfets est également attendue pour déterminer le contenu et les conditions d'établissement du diagnostic préalable.

Afin de mettre en oeuvre les actions arrêtées par le schéma, des conventions seraient conclues entre la préfecture, « le département, les communes et groupements intéressés ainsi que les organismes publics et privés concernés. » Ainsi, contrairement aux dispositions actuellement en vigueur, ce dispositif prendrait en compte les attentes des usagers en termes de services opérés par des organismes privés, sans qu'ils répondent nécessairement à des obligations de services publics. Ce nouveau schéma prend acte de la diversité de la notion de services au public et entend organiser une présence territoriale plus adaptée aux besoins de la population.

Votre commission a adopté l'article 25 sans modification .

Article 26 (art. 27, 27-2 [nouveau], 30 et 30-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, art. 28, 29 et 29-1 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire et art. 15 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne) - Création des maisons de services au public

Le présent article vise à créer les maisons de services au public en remplacement des actuelles maisons de services publics.

• Le cadre législatif et réglementaire existant des maisons de services publics

Introduite par l'article 27 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, la notion juridique de « maisons de services publics » a permis l'instauration d'un cadre législatif et réglementaire 102 ( * ) pour des structures mutualisées d'accueil de services aux usagers.

Depuis les années 1990, de multiples initiatives locales avaient tenté de regrouper sous forme de guichet unique, mais dans des formes très diverses, plusieurs services publics. Ainsi, la loi n° 98-1163 du 18 décembre 1998 relative à l'accès au droit et à la résolution amiable des conflits a créé les maisons de justice et du droit (MJD), lieu d'information qui assure une présence judiciaire de proximité et facilite l'accès au droit. Les maisons de l'emploi ont également été créées par le législateur par la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale.

Les dispositions de la loi du 12 avril 2000 ont permis une sécurisation des dispositifs par la création d'un statut de maisons de services publics (MSP) . L'article 27 permet à l'État, aux collectivités territoriales, à leurs établissements publics, aux organismes de sécurité sociales et aux autres organismes chargés d'une mission de service public de constituer des MSP par convention, soumise à l'avis de la commission départementale d'organisation et de modernisation des services publics (CDOMSP), ou de contribuer à leur financement. Les MSP peuvent alors se voir confier la réalisation d'une mission de service public ou signer des conventions, d'une durée minimale de trois ans, établissant des obligations entre les parties.

Par la suite, la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux a assoupli les règles relatives aux MSP notamment vis-à-vis des organismes privés. L'article 107 de cette loi a permis d'associer les organismes privés à la création d'une MSP mais aussi de leur confier, dans le respect des règles de la concurrence, l'exécution d'un service qui ne relève pas d'une mission de service public. En conséquence, le décret n° 2006-362 du 21 mars 2006 a modifié le décret du 6 juin 2001 relatif aux maisons des services publics pour permettre l'offre de services privés, effaçant ainsi une séparation trop rigide entre service public et service privé . De même, le décret a mis fin à l'autorisation préalable du préfet sur les conventions de MSP. Ce dernier n'est signataire de la convention que si un service de l'État participe à la MSP.

Afin de soutenir une dynamique de création de ces MSP, le gouvernement a lancé plusieurs initiatives de relance.

À la suite de la signature, le 23 août 2006, de la charte sur l'organisation de l'offre des services publics et au public en milieu rural, une circulaire du 2 aout 2006 a créé le label « Relais Services Publics » (RSP), accordé par le préfet de département aux maisons de services publics répondant à des standards de qualité 103 ( * ) . Ce label permet aussi de bénéficier d'un financement de l'État à hauteur de 10 000 euros chaque année pendant au moins trois ans, somme éventuellement contractualisée au titre du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT) dans un contrat de plan État-Région.

Pour élargir l'offre de services disponibles dans ces relais et créer de nouveaux guichets multiservices interadministrations, l'État a signé en octobre 2010 un protocole d'accord national intitulé « + de services au public » pour une expérimentation dans 22 départements avec neuf opérateurs de services (La Poste, la SNCF, GDF Suez, EDF, la MSA, la CNAMTS, la CNAF, la CNAV et Pôle emploi) . Les opérateurs se sont engagés à participer au financement et aux investissements de ces maisons. Cette opération est appuyée par la Caisse des dépôts et des consignations et l'Union nationale des points information médiation multiservices (PIMMS) 104 ( * ) . L'expérimentation lancée en 2013 concerne des projets de création ou de renforcement de structures mutualisées de services au public mais aussi l'installation d'équipements mutualisés comme les bornes interactives ou le développement de services via internet.

• Les maisons de services publics répondent insuffisamment à l'hétérogénéité des besoins de la population

En 2013, on relève l'existence de 317 maisons de services publics labellisées « RSP ». 105 ( * ) Pourtant, les maisons de services publics ne sont qu'une fraction de l'ensemble des lieux de mutualisation des services au public. On recense une grande diversité de formes des mutualisations de services aux administrés. Ceux-ci peuvent être gérés tant par une structure publique que privée 106 ( * ) . L'hétérogénéité des besoins des populations oblige en effet à une certaine souplesse des dispositifs.

Aussi, il convient d'assouplir le dispositif existant pour faciliter les contractualisations ou les partenariats . Aujourd'hui, ces structures n'impliquent pas nécessairement des services de l'État. Dès lors, l'approbation par le préfet des conventions, prévue à l'actuel article 27 de la loi précitée du 12 avril 2000, permettant la création de ces dispositifs n'est plus justifiée, d'autant plus qu'il existe des maisons de l'État.

Les maisons de l'État

À la différence des maisons des services publics définis par la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, les maisons de l'État ne relèvent pas d'un fondement législatif. Le troisième comité interministériel pour la modernisation de l'action publique a décidé de développer ces lieux afin de garantir la continuité de la présence de l'État à un niveau infra-départemental 107 ( * ) . En ce sens, un cahier des charges a récemment été défini par le Premier ministre 108 ( * ) .

Espace de mutualisation permettant une meilleure présence territoriale de l'État, les maisons de l'État rassemblent presque exclusivement des services de l'État. Sans exclure nécessairement la fourniture d'une offre de services pour les administrés, elles regroupent en priorité des services étatiques intervenant auprès des collectivités territoriales. Ces lieux visent ainsi une rationalisation des implantations immobilières de l'État.

À ce titre, elles sont créées par arrêté préfectoral du préfet de département, sur la base d'une convention locale signée par les autorités compétentes. Elles peuvent rassembler ainsi une sous-préfecture avec plusieurs administrations déconcentrées (par exemple une direction départementale des finances publiques ou une direction interrégionale de la mer) ou un groupement de gendarmerie. Dans une logique d'optimisation, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent aussi rejoindre le projet de mutualisation.

On recense actuellement 19 maisons de l'État, dont la moitié est de création récente.

Les dispositifs existants reposent sur une approche traditionnelle de la mutualisation de services publics. Or les besoins des citoyens ont évolué.

En premier lieu, on relève toujours plus de demandes des usagers pour l'installation de services privés tels que les distributeurs automatiques de billets ou des commerces alimentaires. Cette attente n'est que partiellement satisfaite par le dispositif existant qui permet simplement l'association de « services privés associés ».

En second lieu, la présence territoriale de l'État ne se conçoit plus seulement à travers une politique immobilière. Des formes d'accès dématérialisés à des services permettent d'offrir une alternative à l'installation de structures physiques coûteuses. Ainsi, le service au public se conçoit également avec le développement de services en ligne, de plateformes personnalisées de mobilité ou l'installation de bornes interactives ou de visio-guichets.

En somme, il s'agit de faire évoluer la notion de maisons de services publics vers un cadre légal plus large et plus souple permettant l'organisation de réponses territoriales diverses pour une adaptation optimale aux besoins diversifiés des populations.

Enfin, les MSP sont confrontées au problème de leur financement alors qu'elles sont majoritairement financées par les collectivités territoriales. Il convient de clarifier ces dispositions pour un rééquilibrage des financements.

• Le dispositif prévu par l'article

Le I du présent article définit les maisons de services au public (MSAP), dans la loi du 12 avril 2000 en remplacement des MSP.

Par une rédaction simplifiée de l'article 27 de la loi du 12 avril 2000, le présent article reprend les principes essentiels au fondement des maisons de services publics. Ainsi, les nouvelles MSAP pourraient rassembler tant des services publics que des services privés et associer de manière partenariale l'État, les collectivités territoriales ou des services privés - sans qu'il soit nécessaire qu'ils exercent une mission de service public.

Les MSAP seraient également organisées selon une convention cadre qui préciserait le cadre géographique, les missions et les prestations délivrées par l'entité. Cette convention prévoirait les conditions de financement et les conditions dans lesquels les personnels relevant des personnes morales pourraient y exercer leurs fonctions.

Afin de permettre une certaine souplesse du dispositif, l'article 27 de la loi du 12 avril 2000 serait complété par un quatrième alinéa qui autoriserait une offre de services organisée de manière itinérante ou selon des modes d'accès dématérialisés. Ce dispositif permettrait de sécuriser certaines expérimentations telles que la création d'espace informatique itinérant 109 ( * ) .

Une expérimentation anticipée mais un financement incertain

Le CIMAP du 17 juillet 2013 110 ( * ) a décidé de la transformation des maisons de services publics en maisons de services au public et de la généralisation de celles-ci sur l'ensemble du territoire avec un objectif de 1 000 maisons d'ici 2017.

L'animation et la communication autour de ces préfigurations de MSAP a été confiée par un arrêté du 5 mars 2014 111 ( * ) de la ministre de l'égalité des territoires et du logement à la Caisse des dépôts, en particulier " la gestion du programme de création et d'animation du réseau des maisons de services au public ". Une convention pour une durée de quatre ans sera conclue avec la Caisse des dépôts.

Lors de son audition par la commission du développement durable du Sénat en novembre 2013 112 ( * ) , la ministre de l'égalité des territoires et du logement considérait que « les maisons de services au public sont un outil remarquable de reconquête de la présence des services publics sur les territoires. (...) d'ici 2017, 1 000 maisons de services au public - contre 320 aujourd'hui - seront financées de façon pérenne, l'État et ses opérateurs intervenant en complément des collectivités. Douze millions d'euros y seront consacrés en 2014 afin d'amorcer la montée en charge. Un fonds sera créé en 2014, doté à terme de 35 millions d'euros par an, pour financer 50 % des coûts de fonctionnement du réseau

9,2 millions d'euros sont prévus dans le projet de loi de finances pour 2015 pour financer la cellule d'animation nationale, les diagnostics territoriaux d'accessibilité ainsi que les coûts de fonctionnement des MSAP. Le projet annuel de performances du programme n° 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » prévoit le déploiement de 627 MSAP en 2015, puis de 840 en 2016. 9,2 millions d'euros semblent insuffisants pour permettre un rééquilibrage des MSAP par l'État. On estime aujourd'hui le coût des MSAP à 35 millions d'euros dont 87 % sont financés par les collectivités territoriales, 8 % par l'État et 4 % par les opérateurs. Le doublement des MSAP et donc de leur coût serait financé, selon l'étude d'impact du présent projet de loi, par l'augmentation de 16 millions d'euros de la participation des opérateurs nationaux. Cette recette supplémentaire incertaine et précaire ne suffirait néanmoins pas à réduire à « 50 % » la participation des collectivités territoriales. Vos rapporteurs resteront vigilants à l'abondement du fonds national de développement des MSAP ainsi qu'au poids des charges supportées par les collectivités territoriales.

Le I du présent article insère également un nouvel article 27-2 à la loi du 12 avril 2000 afin de mieux répondre aux besoins en services privés des populations.

Ce nouvel article 27-2 s'inscrit dans les règles juridiques de l'Union européenne. Dans un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 24 juillet 2003, Altmark Trans GmbH , le juge européen a considéré compatible avec l'interdiction des aides d'État - posée à l'article 107 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne - le financement d'obligations de service public. Cette jurisprudence impose en premier lieu la définition d'obligations de service public « clairement définies », la définition d'une base de calcul de la compensation « objective et transparente », une compensation inférieure ou égale aux coûts effectivement engendrés ainsi qu'au « bénéfice raisonnable » pour l'exécution de ces obligations et une détermination de la compensation fondée sur une analyse des coûts supportés par une « entreprise moyenne, bien gérée ». Le paquet « Alumnia » 113 ( * ) , adopté en décembre 2011 a repris ces principes jurisprudentiels tout en encadrant strictement les montants : ainsi, seules les compensations inférieures au seuil de 500 000 euros versés sur trois exercices fiscaux permettent une application simplifiée des règles de la concurrence.

En conséquence, le nouvel article 27-2 prévoit une définition claire des obligations de service public qui feraient l'objet d'une compensation, ainsi qu'une attribution à la suite d'un appel d'offres. Les modalités régissant cet appel d'offres et les critères de sélection seraient fixées par un décret en Conseil d'État. En l'état actuel, une disposition de l'article 27 de la loi du 12 avril 2000 conditionnait simplement la participation de personnes morales privées au « respect des règles applicables, notamment en matière de concurrence».

Il convient de noter que la création de ces obligations de services publics ne résultent plus d'une carence de l'initiative privée, définie à l'article L. 2251-3 du code général des collectivités territoriales, mais d'une inadaptation de l'offre privée . Cette nouvelle notion permet une appréciation plus qualitative de l'offre de services privés et offre donc une plus grande souplesse qu'une appréciation quantitative.

Le II du présent article tire les conséquences de la création de ces MSAP en modifiant les dispositions connexes au MSP figurant dans la loi du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire.

Les dispositions nouvelles de l'article 29 de cette loi permettraient à l'État de fixer, non plus des objectifs d'aménagement du territoire, mais des objectifs de présence territoriale . Ce mécanisme reprend les termes de l'article 2 la loi du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales. Une convention définit ainsi les obligations de présence territoriale de La Poste, assurées directement via ses points de contact (à savoir les bureaux de poste) ou, indirectement, à travers des relais ou des guichets mutualisés. Comme pour La Poste, ces obligations seraient fixées par conventions.

Les modifications prévues à l'article 29-1 de la loi du 4 février 1995 devraient permettre une plus grande souplesse dans la mise à disposition de locaux ou de fonctionnaires au fonctionnement des maisons de services au public. Toute collectivité territoriale, signataire ou non de la convention d'une MSAP, pourrait y participer par la mise à disposition de locaux, de fonctionnaires, mais aussi d'agents non titulaires. Des dérogations au régime de la mise à disposition des personnels territoriaux seraient fixées par décret en Conseil d'État.

Le III du présent article abroge les commissions départementales d'amélioration de l'organisation des services publics dans les zones de montagne. La généralisation à tous les territoires du schéma d'amélioration de l'accessibilité des services publics rend superflu le maintien d'une telle commission.

Votre commission a adopté plusieurs amendements rédactionnels de ses rapporteurs .

Sur proposition de ses rapporteurs, votre commission a adopté l'article ainsi modifié.


* 98 Circulaire du Premier ministre du 10 mai 1993.

* 99 Mission pour l'amélioration de la qualité et de l'accessibilité des services au public dans les territoires fragiles, rapport des députés Mme Carole Delga et M. Pierre Morel-A-L'Huissier (octobre 2013), page 15.

* 100 V oir infra - commentaire de l'article 26.

* 101 Voir infra - commentaire de l'article 26.

* 102 Décret du 6 juin 2001 pris pour l'application des articles 27 et 29 de la loi du 12 avril 2000 et relatif aux maisons de service publics.

* 103 Circulaire du 2 août 2006 sur la labellisation de Relais Services Publics. NOR : INTK0600073C.

* 104 Cette association loi 1901, créée en 1998, est propriétaire du concept « Point Information Médiation Multi Services (PIMMS) », lieu d'accueil mutualisant plusieurs services publics ou privés.

* 105 Mission pour l'amélioration de la qualité et de l'accessibilité des services au public dans les territoires fragiles, rapport des députés Madame Carole Delga et Monsieur Pierre Morel-A-L'Huissier (octobre 2013), page 27.

* 106 Selon le rapport de la mission pour l'amélioration de la qualité et de l'accessibilité des services au public dans les territoires fragiles des députés Madame Carole Delga et Monsieur Pierre Morel-A-L'Huissier, on dénombre près de 450 espaces mutualisés en 2008, dont les maisons de l'emploi, les maisons de la justice et du droit ou encore les points d'information médiation multi services (PIMMS).

* 107 Décision n°38 du relevé de décisions du comité interministériel pour la modernisation de l'action publique du 17 juillet 2013.

* 108 Circulaire relative à la création de Maisons de l'État du Premier ministre du 15 octobre 2014.

* 109 Ainsi, « Picardie en Ligne » est une initiative de la Région Picardie qui permet la mise en place d'espaces publics numériques. Ces espaces sont implantés physiquement mais aussi à travers un réseau itinérant.

* 110 3 ème comité interministériel pour la modernisation de l'action publique. Le relevé de décisions du 17 juillet 2013 est disponible ici : http://www.modernisation.gouv.fr/sites/default/files/fichiers-attaches/releve_de_decisions_cimap3_17_juillet_2013.pdf

* 111 Arrêté du 5 mars 2014 confiant la gestion d'une mission à la Caisse des dépôts et consignation, publié au JORF n° 0068 du 21 mars 2014.

* 112 Audition du 5 novembre 2013 de Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement sur les crédits de la mission « Politique des territoires », par la commission du développement durable.

Le compte-rendu de l'audition est disponible ici :

http://www.senat.fr/rap/a13-161-7/a13-161-722.html

* 113 Le Paquet dit Alumnia comprend quatre textes : la décision de la Commission du 20 décembre 2011 relative à l'application de l'article 106, paragraphe 2, du TFUE aux aides d'État sous forme de compensations de service public octroyées à certaines entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général ; le règlement (UE) n° 360/2012 de la Commission du 25 avril 2012 relatif à l'application des articles 107 et 108 du TFUE aux aides de minimis accordées à des entreprises fournissant des services d'intérêt économique général ; la communication relative à l'encadrement de l'Union européenne applicable aux aides d'État sous forme de compensations de service public et la communication de la Commission relative à l'application des règles de l'Union européenne en matière d'aides d'État aux compensations octroyées pour la prestation de services d'intérêt économique général.

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