II. DE LA CRÉATION DE LA CCEN À LA MISE EN PLACE DU CNEN

Pour endiguer cette « frénésie normative » - même si son impact financier réel est difficile à estimer - dans un contexte de réduction générale des dépenses et de contraintes budgétaires, le Sénat a engagé plusieurs travaux dont le but a été d'apporter une réponse institutionnelle à cette question des normes.

A. LA CCEN : UN OUTIL POUR ENDIGUER LE FLUX DES NORMES

C'est ainsi qu'à l'initiative de notre ancien collègue, M. Alain Lambert, une commission consultative d'évaluation des normes (CCEN), mise en place en septembre 2008, a été créée au sein du comité des finances locales. Dotée d'un large champ de compétence, elle était obligatoirement consultée sur les projets de textes règlementaires applicables aux collectivités territoriales et les propositions de textes communautaires ayant un impact technique et financier sur ces dernières. Ces textes devaient être accompagnés d'un rapport de présentation et d'une fiche d'impact financier mettant en exergue les incidences financières directes ou indirectes des mesures proposées pour les collectivités territoriales. La CCEN disposait d'un délai de cinq semaines, pouvant exceptionnellement être ramené à soixante-douze heures sur demande du Premier ministre, pour rendre son avis sur le texte dont elle était saisie. La commission pouvait également être consultée par le Gouvernement sur tout projet de loi ou d'amendements ayant un impact technique et financier sur les collectivités. Cette consultation était laissée à la discrétion du pouvoir exécutif. Toutefois, les avis de la commission, bien qu'obligatoires, n'étaient pas des avis conformes : le Gouvernement pouvait donc ne pas en tenir compte.

Sous la présidence de M. Alain Lambert, cette commission a su s'inscrire dans le paysage administratif et définir une doctrine solide et reconnue s'imposant aux administrations d'État.

Toutefois, malgré ce bilan positif, le renforcement des pouvoirs de la CCEN était devenu nécessaire. Il s'est en particulier avéré nécessaire d'élargir son champ de compétences, alors limité au flux de normes, c'est-à-dire à celles édictées à l'occasion d'un texte législatif ou règlementaire, au stock de normes constitué par l'ensemble des dispositions normatives, quelle que soit leur date d'entrée en vigueur.

B. LA MISE EN PLACE DU CNEN : UNE INSTANCE AUX POUVOIRS RENFORCÉS

Pour répondre à cette nécessité, une proposition de loi « portant création d'un conseil national d'évaluation des normes applicables aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics » a été rédigée par Mme Jacqueline Gourault, alors présidente de la Délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, et par votre rapporteur, à la suite des états généraux de la démocratie territoriale, organisés sous l'égide du Président du Sénat, notre ancien collègue M. Jean-Pierre Bel, les 4 et 5 octobre 2012. À la suite de son adoption par le Sénat puis par l'Assemblée nationale, celle-ci est devenue la loi n° 2013-921 portant création d'un conseil national d'évaluation des normes applicables aux collectivités et à leurs établissements publics, qui a été promulguée le 17 octobre 2013.

Ce conseil (le CNEN) a succédé à la CCEN et a vu ses pouvoirs sensiblement renforcés. Il a pour mission l'examen de l'impact technique et financier des projets de normes règlementaires, législatives et européennes applicables aux collectivités territoriales et leurs établissements publics. Il est désormais compétent pour évaluer les normes réglementaires en vigueur - le stock de normes - dont il peut se saisir lui-même. Il peut être saisi par les collectivités territoriales ou leur groupement, le Gouvernement, les commissions permanentes des deux assemblées parlementaires, de toute norme règlementaire existante dont l'application entraîne des difficultés.

La proposition de loi initiale était accompagnée d'une proposition de loi organique de Mme Jacqueline Gourault et de votre rapporteur tendant à joindre les avis rendus par le Conseil national d'évaluation des normes aux projets de loi relatifs aux collectivités territoriales et à leurs groupements, à l'instar de ce qui est en vigueur pour les études d'impact. Celle-ci vise à élever au niveau organique l'obligation de communication au Parlement des avis rendus, le cas échéant, par le CNEN. Ils seraient déposés sur le bureau de la première assemblée saisie en même temps que les projets de loi auxquels ils se rapportent et constitueraient ainsi un complément utile destiné à renforcer l'information du Parlement dans le cadre de sa mission législative. Notre collègue, M. Alain Richard, rapporteur de la proposition de loi organique, avait d'ailleurs estimé que « Cette obligation aurait deux conséquences positives pour l'efficacité de la consultation du Conseil national : d'une part, comme le prévoit l'article 39 de la Constitution, la conférence des présidents de la première assemblée parlementaire saisie pourrait écarter l'inscription à l'ordre du jour d'un projet dont l'étude d'impact ne comprendrait pas l'avis du Conseil ; d'autre part, le défaut d'un avis requis par une disposition de niveau organique, relevant du « bloc constitutionnel », pourrait être sanctionné par le Conseil Constitutionnel en cas de saisine fondée sur le non-respect de la procédure législative régulière. » Adoptée par le Sénat le 7 octobre 2013, cette proposition de loi organique a ensuite été examinée par la commission des lois de l'Assemblée nationale le 26 novembre 2013 qui a étendu l'obligation de joindre aux documents rendant compte de l'étude d'impact réalisée sur un projet de loi, au-delà des seuls avis du CNEN, à l'ensemble des avis rendus avant la saisine du Conseil d'État par les instances saisies en application d'une disposition constitutionnelle, organique ou législative, lorsque ces avis ont été rendus par les instances consultées. Votre rapporteur considère que la grande extension de l'obligation initiale à toute une série d'autres documents risque de se traduire par une grande lourdeur et de réduire corrélativement l'impact de la proposition initiale. Il regrette, d'autre part, l'absence d'inscription à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale de cette proposition de loi organique et appelle de ses voeux une inscription rapide de celle-ci.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page