II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOS RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. Une sur-exécution des crédits consacrés aux emplois aidés résultant d'une augmentation des enveloppes en cours d'année

La loi de finances pour 2015 prévoyait la prescription de 300 000 nouveaux CUI-CAE, 80 000 CUI-CIE et 65 000 emplois d'avenir, pour un montant de 3,4 milliards d'euros en AE et 3,1 milliards d'euros en CP .

Face à une situation de l'emploi toujours dégradée, le Gouvernement a décidé d'augmenter le nombre de prescriptions de contrats aidés au cours du second semestre 2015 .

La circulaire n° DGEFP/MIP/2015/215 du 19 juin 2015 relative à la programmation des contrats uniques d'insertion et emplois d'avenir au deuxième semestre 2015 a ainsi prévu l'augmentation des enveloppes de contrats aidés à hauteur de 100 000 contrats supplémentaires (dont 70 000 CUI-CAE et 30 000 emplois d'avenir).

Au total, 289 234 CUI-CAE ont ainsi été conclus en 2015 . Il convient cependant de rappeler qu'une mesure de périmètre est intervenue en cours d'exercice, 100 000 contrats ayant été transformés en aides au poste dans le cadre de la réforme du financement de l'insertion par l'activité économique.

À périmètre constant, l'enveloppe initiale de 200 000 CUI-CAE a donc connu un dépassement de plus de 89 000 contrats .

S'agissant des emplois d'avenir , 87 180 nouveaux contrats ont été conclus en 2015, soit un dépassement 22 180 par rapport aux prévisions .

Nombre de prescription et coût des principaux dispositifs d'emplois aidés

Prévision

Exécution

Nombre de prescriptions

AE

(en millions d'euros)

CP

(en millions d'euros)

Nombre de prescriptions

AE

(en millions d'euros)

CP

(en millions d'euros)

CIE

80 000

332,01

206,92

91 895

336,84

178,67

CAE*

300 000

1 634,27

1 577,73

289 234

1 974,28

1 714,45

Emplois d'avenir

65 000

1 411,64

1 300,03

87 180

1 534,08

1 347,80

* 100 000 CAE ont été transformés en aides au poste en cours d'exercice.

Source : commission des finances du Sénat, d'après le rapport annuel de performances 2015

La dépense consacrée aux CUI-CIE est supérieure de près de 5 millions d'euros en AE. Cet écart s'explique par la création du CIE « starter » dans le cadre du Comité interministériel égalité et citoyenneté (CIEC) du 6 mars 2015.

Le CIE « starter »

Le CIE « starter » prend la forme d'un CUI-CIE . Il s'adresse aux jeunes de moins de 30 ans, sans emploi, rencontrant des difficultés particulières d'insertion professionnelle et sociale et présentant au moins l'une des caractéristiques suivantes : résident des quartiers prioritaires de la politique de la ville, bénéficiaire du RSA, demandeur d'emploi de longue durée, travailleur handicapé, avoir été suivi dans le cadre d'un dispositif 2 e chance (garantie jeunes, écoles de la deuxième chance, EPIDE, etc.), avoir bénéficié d'un emploi d'avenir dans le secteur non marchand. L'aide perçue par l'employeur s'élève à 45 % du SMIC et est versée mensuellement pour une durée maximum de six mois .

15 608 CIE « starter » ont été prescrits en 2015 .

En CP, l'écart aux prévisions s'explique par une durée totale des contrats qui s'élève à 8,34 mois en moyenne contre 10,08 mois prévus en budgétisation ainsi qu'un cofinancement en hausse des départements.

Au total, la dépense relative aux contrats aidés s'est élevée à 3,85 milliards d'euros en AE et à 3,24 milliards d'euros en CP , soit un écart de plus de 450 millions d'euros en AE et de plus de 140 millions d'euros en CP par rapport aux prévisions .

D'après le compte général de l'État, les engagements relatifs à l'insertion dans l'emploi au moyen de contrats aidés s'élevaient à 1,89 milliard d'euros au 31 décembre 2015 (- 575 millions par rapport à 2014). Cette diminution résulte en particulier d'une baisse de 673 millions d'euros des crédits consacrés aux emplois d'avenir pour 2016.

2. L'apurement partiel des dettes et des créances entre État et l'Unédic

Des travaux ont été engagés en 2015 afin de procéder à un apurement des dettes et des créances réciproques entre l'État et l'Unédic.

Dettes État-Unédic par dispositif

(en millions d'euros)

Dispositif

Dette État

Dette Unédic

CAE

16,16

-

Allocation du fonds spécial provisoire -Allocation du fonds transitoire

1,07

-

Allocation d'insertion

18,7

-

Exonération apprentis

72,82

-

Activité partielle

-

108,75

Total

108,75

108,75

Source : ministère du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Le mécanisme d'apurement a donné lieu au recouvrement simultané des dettes anciennes de l'État (108,75 millions d'euros) et du versement du fonds de concours « Activité partielle » en provenance de l'Unédic (108,75 millions d'euros) .

La contribution de l'Unédic ne concerne cependant que la période allant de juillet 2013 à août 2015 . Le montant du fonds de concours dû par l'Unédic au titre de la période allant du 1 er septembre au 31 décembre 2015 est en cours d'évaluation et devra faire l'objet d'un versement via fonds de concours en 2016.

3. La montée en puissance de la Garantie jeunes avant sa généralisation prévue en 2017

Mis en place depuis l'automne 2013, avec une première vague de 10 000 jeunes sur dix territoires, la Garantie jeunes a fait l'objet d'extensions successives en 2014 et 2015. Au 31 décembre 2015, 273 missions locales déployaient la Garantie jeunes dans 72 départements et 42 968 jeunes ont bénéficié de ce dispositif, soit un quasi quintuplement par rapport à l'année précédente .

Parmi eux, 94,3 % n'étaient ni en emploi ni en formation (NEET's), 20,9 % étaient issus de quartiers prioritaires de la politique de la ville et 1,3 % étaient reconnus travailleurs handicapés.

En 2016, la Garantie jeunes sera déployée sur 19 nouveaux départements et 85 missions locales supplémentaires , avant la généralisation du dispositif prévue pour 2017 par le projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s en cours de discussion .

Évolution du nombre de bénéficiaires et du coût de la Garantie jeunes

Exécution 2014

Prévision 2015

Réalisation 2015

Nombre de bénéficiaires

8 660

50 000

42 968

AE (en millions d'euros)

33,65

147,81

111,86

dont accompagnement

17,05

77,43

57,68

dont allocation

16,6

70,38

54,18

CP (en millions d'euros)

29,22

132,75

94,63

dont accompagnement

12,62

58,68

40,44

dont allocation

16,6

74,07

54,18

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Le nombre de bénéficiaires s'est toutefois avéré inférieur aux prévisions , en raison du déploiement tardif du dispositif dans un nombre important de territoires (26 territoires ne sont entrés dans l'expérimentation qu'au mois de septembre 2015). Au total, la dépense relative à la Garantie jeunes s'est élevée à 111,9 millions d'euros en AE (- 36 millions d'euros par rapport aux prévisions) et 94,63 millions d'euros en CP (- 38 millions d'euros par rapport aux prévisions).

4. Une augmentation du nombre d'apprentis confortant la politique mise en oeuvre depuis 2014

Après une diminution du nombre d'entrées en apprentissage en 2014, un rebond peut être constaté en 2015 . Le stock de contrats d'apprentissage atteint ainsi plus de 384 000 à la fin de l'année 2015 contre 360 000 en 2014 .

Par ailleurs, 280 000 contrats d'apprentissage ont été signés en 2015 contre 274 000 l'année précédente .

Évolution du nombre de contrats d'apprentissage

Contrats d'apprentissage signés

Participation au stock fin 2015

2013

282 351

-

2014

274 191

169 077

2015

280 052

215 106

Estimation du stock fin 2015

384 183

Source : rapport annuel de performances 2015

Cette évolution est notamment imputable à la mise en place d'aides en faveur de l'apprentissage .

Créée par la loi de finances pour 2014, la prime à l'apprentissage , qui a remplacé l'indemnité compensatrice forfaitaire, est destinée aux entreprises de moins de onze salariés. D'un montant de 1 000 euros minimum par année de formation , elle est versée par la région (ou la collectivité territoriale de Corse) dans laquelle est situé l'établissement où travaille l'apprenti.

Si 23,5 millions d'euros avaient été inscrits pour 2015 au titre de la prime à l'apprentissage, la loi de finances rectificative pour 2015 a prévu que son montant fasse l'objet d'une compensation par affectation de TICPE. Aucune dépense n'a donc été constatée au titre de ce dispositif en 2015.

L'accompagnement financier des PME revêt une importance cruciale dans le soutien à l'apprentissage dans le mesure où celles-ci représentent plus de la moitié des recrutements d'apprentis. Ainsi, sur les 384 000 apprentis « en stock » au 31 décembre 2015, 211 200 sont embauchés par des entreprises de moins de onze salariés .

Par ailleurs, une seconde aide de 1 000 euros minimum concerne les entreprises employant jusqu'à 249 salariés , qui :

- soit recrutent un premier apprenti (qui n'ont pas employé d'apprenti depuis le 1 er janvier de l'année précédente) ;

- soit embauchent un apprenti supplémentaire, le nombre de contrats en cours après le recrutement de ce nouvel apprenti devant être supérieur au nombre de contrats en cours dans l'établissement au 1 er janvier.

60 millions d'euros avaient été inscrits en loi de finances pour 2015. Au total, la dépense au titre de cette seconde aide s'est élevée à 36,3 millions d'euros. Au 31 décembre 2015, cette aide avait bénéficié à 36 345 contrats .

L'année 2015 a également vu la mise en place de l'aide « TPE-jeune apprenti » . Créée par le décret n° 2015-773 du 26 juin 2015 dans le cadre du plan de mobilisation pour l'apprentissage, cette aide vise à soutenir les entrées en apprentissage dans les très petites entreprises (TPE) en permettant de couvrir l'ensemble de la rémunération et des cotisations sociales pendant la première année de contrat . Elle concerne les contrats conclus à partir du 1 er juin 2015.

Si la dépense liée à cette aide est restée modeste en 2015 compte tenu de sa date de mise en oeuvre ( 1,75 million d'euros en AE comme en CP ), sa montée en charge semble témoigner de son utilité. Ainsi, au 31 décembre 2015, environ 31 000 demandes d'aide ont été validées, dont 66 % à destination d'entreprises de moins de six salariés .

5. Des dépenses de personnel en diminution traduisant l'effort de maîtrise des effectifs du ministère

Les dépenses de titre 2 (personnel) se sont élevées à 624,1 millions d'euros en AE comme en CP, soit une diminution de plus de 6 millions d'euros par rapport à 2014 et un écart aux prévisions de près de - 4,5 millions d'euros .

Cette sous-exécution des crédits en 2015 s'explique par une sous-consommation du schéma d'emplois à hauteur de - 23 ETP (cf. tableau infra ) en raison d'un nombre de sorties supérieur aux prévisions (625 ETP contre 556 ETP prévus en loi de finances initiale).

Schéma d'emplois 2015

(en ETP)

Sorties

dont départs en retraite

Entrées

dont primo recrutements

Schéma d'emplois

Schéma d'emplois

Réalisation

Prévision PAP

625

347

452

186

- 173

- 150

Source : rapport annuel de performances 2015

Au total, le plafond d'emplois de la mission « Travail et emploi » qui avait été fixé à 9 759 ETPT en loi de finances pour 2015 (dont 9 ETPT transférés du programme 147 « Politique de la ville » au titre du remboursement de la mise à disposition par le ministère du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social d'agents contribuant à la mise en oeuvre de la politique de la ville dans le cadre du dispositif des délégués du préfet), n'a été consommé qu'à hauteur de 9 663 ETPT .

6. Une maquette de la performance perfectible

Parmi les objectifs « les plus représentatifs de la mission », seul l'objectif « Dynamiser la négociation collective et améliorer les conditions du dialogue social » est maintenu en 2015.

Les objectifs « Mobiliser au mieux les outils d'insertion professionnelle au bénéfice des personnes les plus éloignées » et « Faciliter l'insertion dans l'emploi par le développement de l'alternance, l'accès aux compétences-clefs et la validation des acquis de l'expérience », ainsi que leurs indicateurs respectifs « Taux d'insertion dans l'emploi à l'issue du contrat d'apprentissage » et « Taux d'insertion dans l'emploi six mois après la sortie d'un contrat unique d'insertion » sont remplacés par l'objectif « Mobiliser aux mieux les outils d'insertion professionnelle au bénéfice des jeunes » et son indicateur « Part des jeunes chômeurs dans le population des 15-24 ans ». Vos rapporteurs spéciaux s'interrogent sur la pertinence des objectifs retenus dans la mesure où ceux-ci ne permettent d'appréhender la performance que d'un champ limité de dispositifs financés par la mission « Travail et emploi ».

Par ailleurs, le taux de renseignement des indicateurs « les plus représentatifs de la mission » apparait particulièrement faible. Ainsi, parmi les cinq sous-indicateurs que comptent ces deux indicateurs, quatre sont inexploitables faute de réalisation renseignée pour 2015 .

De même, vos rapporteurs spéciaux regrettent que certains indicateurs, en particulier celui mesurant les « taux d'insertion dans l'emploi six mois après la sortie d'un contrat aidé », ne soient pas renseignés, alors que ces dispositifs représentent un montant très élevé de dépense (3,85 milliards d'euros en AE et 3,24 milliards d'euros en CP).

Enfin, certains dispositifs tels que la Garantie jeunes, l'ÉPIDE ou les Écoles de la deuxième chance pourraient faire l'objet d'indicateurs permettant de mesurer leur performance respective .

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page