COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « DÉVELOPPEMENT AGRICOLE ET RURAL » - MM. Alain HOUPERT et Yannick BOTREL, rapporteurs spéciaux

1. Compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural » (Rapporteur spécial : M. Alain Houpert)

La mission « Développement agricole et rural » correspond au compte d'affectation spéciale éponyme, dit « CAS-DAR ». Elle a pour objet le financement d'opérations de développement agricole et rural et repose sur deux programmes 775 « Développement et transfert en agriculture » et 776 « Recherche appliquée et innovation en agriculture ».

Les crédits du programme 775 sont principalement destinés 228 ( * ) aux chambres d'agriculture et aux organismes nationaux à vocation agricole et rurale (ONVAR). Il s'agit de diffuser des bonnes pratiques et des connaissances. Quant au programme 776, davantage orienté vers la recherche appliquée, il finance des recherches réalisées par une pluralité d'acteurs, au premier rang desquels les instituts techniques agricoles et FranceAgriMer. Par ailleurs, le pilotage de la recherche passe aussi pour une proportion de 18 % par la procédure d'appel à projets.

2. Les ressources du compte, des déconvenues par rapport aux prévisions de recettes mais une situation confortable

Le CAS-DAR, alimenté jusqu'en 2015 par une fraction (85 %) du produit de la taxe sur le chiffre d'affaires des exploitants agricoles, prévue à l'article 302 bis MB du code général des impôts en perçoit depuis la totalité.

De ce fait, en 2015, le CAS-DAR a bénéficié de recettes en exécution supérieures à l'exécution 2014 (+ 20 millions d'euros) mais inférieures à la prévision de la loi de finances initiale. Celle-ci s'élevait à 147,5 millions pour une réalisation de 137,1 millions d'euros.

Par ailleurs, le CAS a pu bénéficier de reports de crédits de l'exercice 2014, pour 43,2 millions.

Exécution et prévision des recettes du CAS-DAR

(en millions d'euros)

Année

Recettes LFI

Recettes constatées

Exécution (CP)

Reports N-1

2006

134,46

145,96

99,70

-

2007

98,00

102,05

101,34

21,71

2008

102,50

106,30

98,47

22,41

2009

113,50

110,56

112,34

34,44

2010

114,50

104,89

111,21

41,44

2011

110,50

110,44

108,38

40,30

2012

110,50

116,76

114,35

42,37

2013

110,50

120,58

106,98

57,92

2014

125,50

117,10

132,40

43,20

2015

147,50

137,10

131,30

43,20

Source : commission des finances du Sénat

Les moins-values de recettes en exécution sont expliquées par la dégradation du chiffre d'affaires des exploitants agricoles entre 2013 et 2014.

On rappelle que le paiement de la taxe intervient avec un an de décalage.

Ainsi, les évolutions économiques très défavorables de 2015 ne se sont pas répercutées complètement sur les recettes encaissées. Il faut s'attendre pour l'année 2016 à des variations peu favorables à la bonne exécution du compte.

Dans ces conditions, on peut s'interroger sur les conditions de financement du CAS. Le décalage de paiement peut exercer des effets procycliques sur les trésoreries des exploitations.

Par ailleurs, les effets redistributifs des transferts abrités par le CAS ne sont pas clairement cernés, non plus d'ailleurs que les conditions concrètes des recouvrements de la taxe.

3. Un faible taux de consommation des crédits

Dans ce contexte, la gestion des crédits peut être résumée comme suit pour 2015.

Dépense et gestion des crédits du CAS développement agricole et rural

Source : ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt

Malgré la déconvenue sur l'évolution réelle des recettes, le compte confirme en 2015 le phénomène observé à plusieurs reprises par le passé de soldes positifs en exécution. Les dépenses s'élèvent à 131,3 millions d'euros laissant un excédent de recettes de 5,8 millions d'euros contre une prévision d'équilibre des opérations.

Quant à l'exécution des crédits disponibles, en tenant compte des crédits reportés de 2014, elle conduit à observer que les crédits non consommés atteignent près de 60 millions d'euros . L'écart est particulièrement considérable pour le programme 776 pour lequel le taux de consommation des crédits dépasse à peine 60 %.

Il est vrai que la gestion des projets soutenus par le CAS implique, tout particulièrement pour ce programme, un dépassement de l'annualité budgétaire. Ils sont conduits sur une durée souvent supérieure à l'année et mobilisent une séquence de versements qui l'excèdent. Dans ce contexte, des reports et des restes à payer interviennent à chaque fin d'exercice.

4. Améliorer les informations sur les performances atteintes et recourir davantage aux appels à projets pour contrer la logique d'abonnement aux aides

La justification au premier euro des deux programmes du CAS-DAR présente, une fois de plus, un caractère lacunaire .

Pour le programme 775 , le RAP ne fournit pas d'information suffisamment détaillée sur l'utilisation des crédits destinés au réseau des chambres d'agriculture , à la fédération des coopératives agricoles et aux ONVAR . L'indicateur utilisé consiste à suivre les effectifs desdits organismes consacrés par eux à atteindre les grands objectifs du programme national de développement agricole et rural. On se doute bien que là est leur pente naturelle et qu'il n'est pas très difficile de fournir au logiciel censé accueillir les déclarations des organismes les données permettant d'extérioriser des résultats probants.

Il résulte de ce manque d'information une impossibilité de savoir si les crédits du programme servent aux projets de développement plus qu'aux structures qui sont censées les porter .

S'agissant du programme 776 , l'information est, là aussi, insuffisante, bien qu'en progrès. Le RAP décrit insuffisamment les projets sélectionnés dans le cadre des procédures d'appel à projets et les actions d'accompagnement thématiques innovantes .

Pour le programme 776 , l'indicateur unique 229 ( * ) se décline en deux sous-indicateurs de moyen : le premier repose sur la « part des financements portant principalement sur des problématiques de développement durable pour la compétitivité de l'agriculture » et le second sur la « part de financements impliquant une unité mixte technologique (UMT) ou un réseau mixte thématique (RMT) » rapportés à l'ensemble des financements du programme. Au regard des cibles, les résultats visés sont atteints en 2015 .

Dans le cadre du programme 776, la préconisation d'accroître la part des dépenses résultant de procédures d'appels à projets , déjà formulée par vos rapporteurs spéciaux et qui fait écho à celle de la Cour des comptes, est progressivement mise en oeuvre année après année. Néanmoins, les appels à projets ne mobilisent encore que moins de 20 % des crédits du programme.

Au total, le dispositif de performance de la mission « Développement agricole et rural » apparaît encore et toujours perfectible . Vos rapporteurs spéciaux regrettent que le projet d'une amélioration profonde et effective des objectifs et des indicateurs de ces deux programmes ne se traduise toujours pas dans les faits .

5. Où en est la recherche agricole et forestière en France ?

Plus généralement, le contenu en recherche des productions agricoles tend, comme dans nombre de secteurs, à revêtir une dimension stratégique. La France possède une longue tradition agricole, des universités et grands écoles de renom, des centres de recherche publique de premier plan. Par ailleurs, les acteurs privés de l'agriculture excellent dans bien des domaines, des semences aux productions finales, qui se diversifient. Comme souvent, le danger encouru par l'action publique en faveur de la recherche tient dans la dispersion, dans le défaut d'évaluation et dans l'éloignement d'avec les acteurs de terrain. Enfin, il faut veiller à valoriser la recherche.

Vos rapporteurs spéciaux considèrent qu'à l'heure où la sollicitation de la biomasse s'accentue, où les préoccupations sanitaires s'aiguisent et où les défis de compétitivité rencontrés par les filières s'alourdissent, il importe tout particulièrement de faire un examen complet des performances des actions publiques conduites pour élever les performances de la recherche agricole et forestière.


* 228 Sur la base du programme national de développement agricole et rural (PNDAR) fixé par l'agence pour le développement agricole et rural (ADAR).

* 229 L'indicateur « Part des financements correspondant aux priorités retenues pour l'évolution quantitative » correspond à la poursuite de l'objectif intitulé « Renforcer l'évolution qualitative des appels à projets et des programmes pluriannuels ».

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page