B. AUDITION DE MME EMMANUELLE COSSE, MINISTRE DU LOGEMENT ET DE L'HABITAT DURABLE

M. Jean-Claude Lenoir, président . - Nous poursuivons nos travaux en accueillant cet après-midi Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l'habitat durable.

Le projet de loi comprend deux volets. Mme Dominique Estrosi Sassone est rapporteur du volet relatif au logement. Mme Françoise Gatel est rapporteur de l'ensemble du texte hors le volet logement.

Je rappelle, madame la ministre, que vous défendez le projet de loi « Égalité et citoyenneté » avec M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, et Mme Ericka Bareigts, secrétaire d'État chargée de l'égalité réelle, que nous entendrons la semaine prochaine. Vous êtes la première des trois ministres à être auditionnée.

Vous êtes plus particulièrement chargée du volet logement, dont le nombre d'articles a été multiplié par 4,5. La faute en incombe aux parlementaires ! Il est ainsi passé de 14 articles lors de son dépôt à 63 articles après examen par l'Assemblée nationale.

Ce volet aborde plusieurs sujets, parmi lesquels les attributions de logements sociaux, le dispositif de l'article 55 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite « loi SRU », l'accueil des gens du voyage, le supplément de loyer de solidarité ou encore les relations entre les bailleurs sociaux et les locataires.

Dans un premier temps, pouvez-vous nous présenter, madame la ministre, les principales dispositions de ce volet, ainsi que les modifications apportées par l'Assemblée nationale ?

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l'habitat durable. - Je suis ravie de venir vous présenter aujourd'hui le projet de loi « Égalité et citoyenneté » tel qu'il résulte des travaux de l'Assemblée nationale. Je vous remercie pour votre implication, mesdames, messieurs les sénateurs, dans ce texte important, qui porte sur des sujets extrêmement différents, faisant appel à des compétences variées.

Ce projet de loi n'est pas un texte sur le logement, même s'il comporte un important volet sur ce sujet. Il porte davantage sur la question de la mixité sociale dans l'habitat. C'est la première fois que le Parlement est amené à discuter de mixité sociale, du peuplement de nos quartiers, et de la ségrégation territoriale résultant des politiques de logement. Ce texte a suscité à l'Assemblée nationale des débats très longs et très intéressants, dépassant les clivages politiques caricaturaux.

Il s'inscrit dans le droit fil des textes que vous avez eus à étudier ces dernières années, la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, dite « loi ALUR », et la loi relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social. Il est la suite de la mise en oeuvre de la loi SRU. Il améliore les dispositifs de la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion, dite « loi MOLLE ». Il s'agit de donner aux collectivités les moyens de bien travailler sur ces questions.

Les objectifs de mixité sociale font l'objet des trois chapitres du titre II. Ils portent sur les attributions de logements sociaux, prévoient pour les bailleurs sociaux la possibilité de mettre en place une nouvelle politique de loyers et renforcent les dispositions de la loi SRU en termes de production de logements.

Il est vrai qu'on a beaucoup travaillé en matière de politique de logement sur les questions de production. Aujourd'hui, il s'agit plutôt de s'intéresser aux usages et au peuplement afin de répondre aux problèmes de mixité sociale.

La première grande mesure du texte résulte des travaux menés lors des trois comités interministériels à l'égalité et à la citoyenneté sur les attributions de logements sociaux. Lors du deuxième comité, il a beaucoup été question de la concentration de la pauvreté dans certains territoires. Dès lors, nous nous sommes demandé comment mieux lutter contre la pauvreté d'une part et faire en sorte qu'elle ne soit pas aussi concentrée d'autre part. Nous proposons donc que 25 % des logements sociaux soient attribués aux ménages du premier quartile, ceux ayant les revenus les plus faibles, hors des quartiers prioritaires de la politique de la ville, soit une attribution sur quatre. Il s'agit de réinstaurer un équilibre hors de ces quartiers.

À l'échelon national, 19 % des logements sont attribués aux ménages du premier quartile hors des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Dans certains territoires, ce taux est de 5 %, ce qui signifie, a contrario, que 90 % des logements attribués aux ménages du premier quartile le sont dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Cela étant dit, dans certaines collectivités, ce taux est de 30 %. Les réalités territoriales sont donc très différentes.

Lors de la discussion à l'Assemblée nationale, nous avons modifié le texte afin de confier à l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI), par le biais de la conférence intercommunale du logement, le soin de travailler sur ce pourcentage d'attribution et de discuter de la politique de peuplement.

Un principe simple a été fixé : le taux d'attribution sera de 25 %, mais une adaptation sera possible à l'échelon local en cas d'accord entre la conférence intercommunale du logement, le président de l'EPCI et le préfet. Le taux pourra être révisé tous les trois ans.

La question s'est ensuite posée de savoir s'il était possible de limiter l'entrée de certains ménages dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Sur ce sujet, j'étais en désaccord avec les députés. Je partage le constat que, par facilité, les attributions de logements sociaux, y compris aux ménages les plus en difficulté, sont parfois concentrées dans ces quartiers.

L'Assemblée nationale a proposé de plafonner les attributions aux ménages prioritaires ou aux demandeurs bénéficiant du droit au logement opposable à 50 % dans les quartiers relevant de la politique de la ville. Je m'y suis opposée, car, s'il me semblait possible de défendre l'ouverture d'autres quartiers, il me paraissait compliqué d'expliquer à des ménages en difficulté que, une fois ce quota atteint, ils ne pourraient plus se voir attribuer un logement social. Je rappelle que la loi visant à lutter contre la discrimination à raison de la précarité sociale dit des choses très fortes sur cette question. Enfin, quel signe enverrions-nous aux ménages reconnus comme étant prioritaires pour l'attribution d'un logement - c'est le cas des bénéficiaires du droit au logement opposable - si nous leur disions que leur droit à un accès prioritaire peut être limité ?

Les débats à l'Assemblée nationale ont fait apparaître que le problème est en fait l'absence de discussion locale sur cette question entre maires, membres de l'EPCI, réservataires, bailleurs sociaux et préfets. Nous sommes donc parvenus à un compromis pour éviter un plafonnement. Dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, une commission réunissant réservataires, bailleurs et élus sera chargée de se mettre d'accord sur les candidats à désigner.

Le travail des conférences intercommunales sera d'attribuer des logements sociaux à un certain pourcentage de jeunes actifs, d'étudiants, de familles et de salariés afin d'attirer de nouveaux publics dans les quartiers. La mixité sociale, c'est placer des familles différentes dans les logements sociaux. La conférence intercommunale fixera des objectifs de relogement des publics n'appartenant pas au premier quartile.

Nous avons ensuite eu un long débat sur la liste des publics prioritaires. J'ai très clairement fait part de ma volonté de ne pas l'allonger, les publics concernés étant déjà importants. Ces personnes sont dans des situations assez extrêmes qui justifient un relogement. Certains, souvent avec de très bonnes raisons, ont souhaité intégrer dans cette liste de nombreuses catégories de personnes. Or plus le nombre de gens à reloger augmente, moins ils sont prioritaires.

J'ai repoussé des amendements visant par exemple à intégrer les jeunes dans cette liste. Si je ne mésestime pas les difficultés que rencontrent les jeunes pour se loger, je ne pense pas que l'âge soit un critère de priorité. Sinon, on pourrait considérer que les retraités sont également un public prioritaire. Les critères de priorité sont les situations d'urgence, de grande précarité sociale.

Nous devons être prudents si nous voulons atteindre nos objectifs. Je rappelle que les obligations de relogement des publics prioritaires et des DALO sont très fortes.

J'en viens maintenant à la politique des loyers.

Les bailleurs sociaux pourront, à masse de loyers constante, modifier la territorialisation de certains logements et s'extraire des règles de financement d'origine des immeubles sociaux. En clair, ils pourront transformer un PLAI - prêt locatif aidé d'intégration - en PLUS - prêt locatif à usage social - ou en PLS - prêt locatif social - ou un PLS en PLUS ou en PLAI, et ce, j'y insiste, à masse de loyers constante. Il s'agit d'une possibilité qui est offerte aux bailleurs, mais en aucun cas il ne s'agit d'une obligation. Elle leur permettra de remettre de la mixité dans des blocs d'immeubles où il n'y en a pas.

La question des surloyers nous a beaucoup occupés. Notre volonté était de renforcer le surloyer, sachant cependant qu'une application trop stricte du surloyer est trop rapide et trop dure pour des personnes dont le salaire a évolué sans pour autant que leur situation soit très confortable.

Il a été décidé de ne pas modifier une bonne partie des conditions d'application du surloyer. La somme du loyer et du surloyer ne pourra pas dépasser 30 % des ressources du ménage. La perte du droit au maintien dans les lieux, qui était le sujet le plus important, visera les ménages dont les ressources dépassent de 150 % les plafonds PLS. Cela redonnera de la marge aux gens en PLAI. Ces locataires, dont les ressources sont très faibles, peuvent se voir un jour appliquer le surloyer à la suite d'une évolution professionnelle positive alors que leurs revenus restent assez bas. Par comparaison, à Paris, un locataire en PLS dont les ressources dépassent de 200 % le plafond gagne plus de 5 000 euros net mensuels. Le surloyer, qui concerne entre 4 000 et 5 000 locataires des logements sociaux, est donc plus durement appliqué aux locataires dont les revenus sont les plus faibles. Telle est la raison pour laquelle nous avons accepté de modifier les surloyers.

Pour finir, le projet de loi renforce les dispositions de la loi SRU. La loi relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social avait déjà fait évoluer les dispositions de la loi SRU.

L'étude d'impact a montré que, si toutes les communes déficitaires et carencées produisaient d'ici à 2025 les logements qu'elles sont tenues de produire, ce sont entre 700 000 et 750 000 logements qui seraient construits, ce qui n'est pas rien. Le texte prévoit donc de donner à l'État des moyens supplémentaires de faire appliquer la loi, notamment dans les communes carencées.

L'Assemblée nationale a adopté la suppression de la dotation de solidarité urbaine pour les communes carencées, bien que je l'aie alertée sur les conséquences très importantes d'une telle mesure d'un point de vue financier.

Enfin, le texte prévoit des mesures de simplification, dont certaines seront prises par voie d'ordonnances.

M. Jean-Claude Lenoir, président . - Nous vous remercions pour votre propos très riche et très précis.

Je vais maintenant donner la parole à nos deux rapporteurs, Mme Dominique Estrosi Sassone et Mme Françoise Gatel.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur . - Madame la ministre, était-il nécessaire de consacrer un important volet du projet de loi à la politique du logement et à la mixité sociale après l'adoption ces dernières années d'un certain nombre de lois - la loi SRU, la loi ALUR, la loi relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social, mais aussi la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République et la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles ? Les modifications législatives et réglementaires dans ce domaine, on le voit, sont incessantes.

À la lecture du projet de loi, nous craignons une complexification, le risque étant, sous prétexte d'accroître la transparence, de créer de véritables usines à gaz, en particulier en matière d'attribution et de mixité sociale. Jusqu'où va la mixité sociale ? Faire habiter les pauvres chez les riches est peut-être faisable, mais faire habiter les riches chez les pauvres semble en revanche particulièrement compliqué.

Le texte contient des mesures extrêmement coercitives et des sanctions pour les élus, plus particulièrement pour les maires, et donne toujours plus la main à l'État et aux préfets, en matière d'attribution et en cas de non-réalisation des objectifs fixés dans la loi SRU. Il traduit une certaine défiance à l'égard des élus et plus particulièrement des maires.

Vous avez évoqué l'attribution de 25 % des logements locatifs sociaux au premier quartile des ménages les plus pauvres hors des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Si ce pourcentage n'était pas atteint ou si le bailleur refusait de signer une convention intercommunale d'attribution, le préfet procèderait aux attributions manquantes sur l'ensemble des contingents. Comment ces dispositions vont-elles s'appliquer en pratique ?

Le projet de loi prévoit que le préfet aura le choix de supprimer ou non la délégation de ses contingents au maire. Quels critères seront retenus pour décider ou non de la suppression de cette délégation au maire ?

Vos propos sur la liste des publics prioritaires me rassurent, car il est vrai que cette liste est déjà longue. Que reste-t-il pour les ménages - les jeunes, les personnes âgées dont la pension est extrêmement faible, les familles de condition modeste - qui ont besoin d'un logement social, mais qui, n'étant pas considérés comme des publics prioritaires, voient continuellement passer devant eux les personnes bénéficiant du droit au logement opposable ou des publics prioritaires ? Il y a là un risque de rupture d'équité.

Le texte supprime la possibilité pour la commune de créer une commission d'attribution, ce qui ne manquera pas d'alarmer les maires. Il donne dans les commissions d'attribution une voix prépondérante au président de l'EPCI, sous certaines conditions, au détriment du maire, qui n'aura plus de voix prépondérante au moins sur le contingent de sa commune. Il prévoit la mise à contribution du contingent du maire en cas d'attributions manquantes. Ces mesures risquent de décourager les maires, y compris ceux d'entre eux qui, même s'ils n'atteignent pas les objectifs de quotas de logements sociaux, font des efforts. Le risque n'est-il pas que les maires n'apportent plus leur garantie dans de telles conditions ? On pourrait les comprendre.

Le conseil général de l'environnement et du développement durable, que j'ai auditionné, a publié un rapport très intéressant sur l'application de la loi SRU. Il s'est interrogé devant moi sur le réalisme des objectifs de rattrapage des communes les plus carencées. Il propose que les préfets puissent ne pas prononcer la carence lorsqu'une certaine progression est constatée dans la commune. Il s'agirait de prendre davantage en considération des objectifs de progression que des objectifs fixes. Pourquoi ne pas avoir pris en compte cette proposition dans le projet de loi ?

Vous avez évoqué la suppression de la DSU pour les communes carencées, je n'y reviens pas.

L'article 33 du projet de loi prévoit pas moins de douze ordonnances. Vos services travaillent-ils déjà à leur rédaction ? Certaines d'entre elles portent sur des sujets assez sensibles, comme l'avenir des plans locaux d'urbanisme, les PLU, et des schémas de cohérence territoriale, les SCOT, dans le contexte de la recomposition de la carte intercommunale. Il s'agit d'adapter le régime des PLU à la situation créée à la suite de la recomposition de cette carte.

En cas de fusion de deux EPCI, dont l'un a déjà la compétence PLU, le nouvel EPCI possèdera automatiquement ladite compétence. Le mécanisme de fusion privera donc les communes du droit de veto sur le transfert automatique de la compétence PLU au niveau intercommunal prévu à l'article 136 de la loi ALUR. Il y a là une antinomie. Il semblerait qu'une période transitoire de cinq ans soit prévue, mais tout cela reste très flou. Le Gouvernement ne donne pas beaucoup d'indications sur le mécanisme qui pourrait être mis en place. Il nous paraît inquiétant, vous le comprendrez, que l'on puisse toucher à un domaine aussi sensible que le droit des sols par ordonnances.

Le texte modifie les dispositions de la loi ALUR sur la commission de contrôle des professionnels de l'immobilier. Cette commission n'a jamais vu le jour. À l'Assemblée nationale, vous avez demandé la fusion de cette commission et du Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières. J'aimerais avoir des précisions sur ce point.

Je n'ai pas de question à vous poser sur le surloyer, car vous vous êtes attardée sur ce point.

En revanche, vous n'avez pas du tout parlé d'un sujet important, l'accueil des gens du voyage, dont il est question à la fois dans le titre II et dans le titre III. De nombreux maires sont excédés par l'arrivée massive de gens du voyage, notamment lors des grands rassemblements, et par leur intrusion illicite sur des terrains privés ou publics. Comment trouver l'équilibre entre les nouveaux droits accordés aux gens du voyage et les contraintes des collectivités territoriales qui doivent gérer sur le terrain le stationnement des caravanes ?

Telles sont les questions que je souhaitais vous poser, madame la ministre.

Mme Françoise Gatel , rapporteur. - Merci, madame la ministre, de votre présentation.

En tant que rapporteur des titres I et III du projet de loi, mes questions seront complémentaires de celles que vient de poser ma collègue.

En tant que vice-présidente de l'Association des maires de France, je suis un peu préoccupée par la relation de défiance entre les collectivités locales et l'État à laquelle conduit le projet de loi du fait de la recentralisation de la politique et de l'action en matière de logement social. Le rôle des communes est non seulement de loger, mais aussi et surtout d'effectuer l'accompagnement social permettant aux gens de vivre ensemble.

J'évoquerai ensuite la dérogation possible au transfert de la compétence PLU à l'intercommunalité. Une question très concrète s'est posée dans mon département, l'Ille-et-Vilaine, territoire à la fois périurbain et un peu rural, sur le contingent de logements sociaux qui nourrit une partie de la DGF. De nombreuses communes souhaitent favoriser l'accession sociale à la propriété, car cela correspond à la demande des attributaires potentiels. Alors que les actions menées en faveur des acquisitions sociales nécessitent de leur part des efforts financiers significatifs, elles n'entrent pas dans le quota de logements sociaux, ce qui est un véritable problème. Des bailleurs sociaux refusent d'intervenir dans certaines communes et se concentrent dans une partie très métropolitaine.

Mon autre question porte sur les aires d'accueil des gens du voyage. Elle n'est ni politiquement incorrecte ni égoïste, elle est simplement très franche.

Obligation est faite aujourd'hui aux communes de 5 000 habitants d'avoir une aire d'accueil des gens du voyage sur leur territoire. L'Ille-et-Vilaine, où les communes se sont pliées à cette obligation, compte ainsi quarante et une aires d'accueil. J'ai demandé au préfet de me communiquer les statistiques d'occupation de ces aires. En dehors de la métropole, où le taux d'occupation est de 90 %, ce taux ne dépasse pas 42 % ou 50 %, quand il n'est pas de 5 % dans certaines parties du territoire.

Je m'interroge donc sur la pertinence de la non-révision du critère de taille des communes. Autour de ma commune, il existe six aires d'accueil des gens du voyage. S'il est du devoir des collectivités d'établir un schéma d'accueil des gens du voyage, ne pourrait-on pas revenir sur le critère de taille des communes, à l'heure où les dotations de l'État sont en baisse ?

M. Yves Rome . - Madame la ministre, l'objectif d'attribuer 25 % des logements sociaux aux ménages les plus défavorisés hors des quartiers prioritaires de la politique de la ville est une avancée. Cet objectif requiert une plus grande responsabilisation des élus dans les EPCI.

Le supplément de loyer de solidarité est renforcé, ainsi que la perte du droit au maintien dans les lieux. Ne craignez-vous pas que ces mesures aient un effet contre-productif en termes de mixité sociale ?

On peut se féliciter des ajustements apportés à la loi SRU. Les communes situées en zones détendues ou comprenant une part importante de terrains inconstructibles, ou encore celles qui sont mal desservies par les transports en commun pourront sortir du dispositif.

En matière de construction et de mixité sociale, la maîtrise du foncier est nécessaire. Quelle est votre position, madame la ministre, sur la couverture nationale par les établissements publics fonciers locaux et les établissements publics fonciers d'État ?

M. Philippe Dallier . - J'espère que je sortirai du débat que nous aurons en séance en ayant les idées claires sur ce qu'est la mixité sociale et sur la manière dont on la mesure.

En plein milieu de la Seine-Saint-Denis, les critères relatifs aux quartiers prioritaires de la politique de la ville et le taux de 25 % qui a été mentionné ont-ils le même sens qu'à Guéret dans la Creuse ? Je n'en suis pas certain. On continue malheureusement de faire comme si tel était le cas.

L'attribution d'un quart des logements sociaux au quartile des ménages les plus pauvres ne me pose pas de difficulté. En revanche, je sais que le revenu moyen par habitant de certaines villes comptant plus de 25 % de logements sociaux est le double de celui de ma commune. Le débat sur l'article 55 de la loi SRU est tellement caricatural que je n'en peux plus !

Lorsque j'ai été élu maire il y a vingt et un ans, ma commune comptait 6 % de logements sociaux, alors que la ville avait été gérée pendant quatre-vingts ans par le parti socialiste. Aujourd'hui, elle en compte 15 %, sachant que la ville a gagné 30 % de population en vingt ans. Il faut aujourd'hui atteindre le taux de 25 % en neuf ans. Pour les villes les plus éloignées de ce taux, l'objectif devient impossible à atteindre. En outre, ma commune n'est pas éligible à la DSU.

Je le répète, la mixité sociale ne peut pas être envisagée de la même manière au milieu de la Seine-Saint-Denis et ailleurs en province. Ce qui est dramatique dans votre texte, madame la ministre, c'est que vous faites les choses de la même manière partout.

Au début, la loi SRU prévoyait l'obligation pour toutes les communes d'avoir 20 % de logements sociaux, que la commune dispose de terrains ou non. Aujourd'hui, c'est un progrès, la situation est différente dans les zones tendues et dans les autres.

Pourquoi n'inverserait-on pas la logique, madame la ministre ? Pourquoi ne pas envisager un contrat entre une commune et l'État, en fonction de la disponibilité du foncier et des moyens des collectivités ?

Si j'ai pu assumer une augmentation de 30 % de la population dans ma commune, c'est parce que j'avais des capacités d'autofinancement. Tel n'est plus le cas aujourd'hui compte tenu de la baisse des dotations aux collectivités. Il faudrait aujourd'hui que je fasse construire 900 logements sociaux en moins de neuf ans. Avec la meilleure volonté du monde, je n'y arriverai pas. Je serai donc en constat de carence, et ce pour la première fois.

Pour les quelques maires qui déclarent haut et fort qu'ils ne veulent pas de logements sociaux dans leur commune, vous en arrivez à prendre des dispositions ahurissantes pour ceux qui font preuve de bonne volonté.

Mme Françoise Cartron . - Pour ma part, je rappellerai quel est le sens de ce projet de loi en évoquant un sujet qui nous concerne tous, l'école et son fonctionnement.

Aujourd'hui, l'échec scolaire est clairement lié à une non-mixité sociale. Malgré l'argent que l'on déverse dans les établissements très ségrégués, le résultat n'est pas à la hauteur. Dans certains établissements, 90 % des enfants sont issus des milieux les plus défavorisés. Allez voir dans ces établissements qui sont les modèles de ces enfants et vous comprendrez les difficultés que rencontre l'école aujourd'hui.

On ne pourra pas établir de mixité sociale dans les établissements tant qu'il n'y aura pas de mixité dans les logements, les deux étant étroitement liés.

Il faut prendre ce problème à bras le corps afin de restaurer la cohésion sociale et assurer la réussite scolaire de tous les enfants, où qu'ils habitent et quel que soit leur lieu de naissance.

M. Daniel Dubois . - Je souhaite poser quelques questions sur la mise en oeuvre sur le terrain du principe de mixité sociale.

Madame la ministre, vous raisonnez en flux et non pas en stock, c'est-à-dire que vous ne prenez pas en compte ce que sont les organismes d'HLM aujourd'hui, le risque étant que ces organismes deviennent des ghettos à la place des quartiers.

Les personnes cumulant des difficultés financières et des problèmes d'insertion sociale deviennent des publics prioritaires. Or cette problématique est très difficile à gérer pour les organismes d'HLM, en particulier dans les résidences collectives. L'État assumait jusqu'à présent une partie des responsabilités financières à cet égard. Qu'en sera-t-il désormais ?

Les organismes d'HLM seront tenus de mettre en oeuvre des politiques afin d'assurer la mixité sociale. Devront-ils faire l'école, la police, remplacer les services publics ? Que devront-ils faire exactement ?

Enfin, les personnes « expulsables » seront prioritaires, ce que je comprends. Toutefois, comment cela sera-t-il perçu par les habitants ?

Enfin, vous dites qu'il faut de la transparence sur les logements vacants. Ce faisant, vous allez stigmatiser les quartiers prioritaires de la politique de la ville, où sont situés 90 % des logements vacants.

Mme Evelyne Yonnet . - Madame la ministre, vous le savez, les questions d'accès au logement me tiennent particulièrement à coeur. La semaine dernière, Jean-Pierre Sueur et moi avons déposé une proposition de loi relative à la lutte contre les marchands de sommeil et l'habitat indigne, proposition de loi que vous soutenez, madame la ministre.

Cette démarche nous paraît complémentaire du volet logement du présent texte. Nous tentons actuellement de l'inscrire à l'ordre du jour.

La lutte contre l'habitat indigne et les marchands de sommeil est indissociable d'une augmentation sensible de l'offre d'hébergement transitoire. C'est pourquoi nous proposons d'intégrer dans le projet de loi « Égalité et citoyenneté » le rééquilibrage territorial de l'effort d'hébergement.

L'article L. 312-5-3 du code de l'action sociale et des familles prévoit que le « plan local d'action pour le logement et l'hébergement des personnes défavorisées définit, de manière territorialisée, les mesures destinées à répondre aux besoins en logement et en hébergement des personnes prises en charge par le dispositif d'accueil, d'hébergement et d'accompagnement vers l'insertion et le logement. »

Nous proposerons, par voie d'amendement, de fixer des objectifs : une place minimum d'hébergement par tranche de 2 000 habitants pour les communes membres d'un établissement public de coopération intercommunale dont la population est supérieure à 50 000 habitants, ainsi que pour les communes dont la population est au moins égale à 3 500 habitants et qui sont comprises dans une agglomération de plus de 50 000 habitants comprenant eux-mêmes au moins une commune de plus de 15 000 habitants.

Cet objectif est porté à une place par tranche de 1 000 habitants dans les communes comprises dans une agglomération de plus de 100 000 habitants.Très concrètement, il s'agit d'appliquer la logique de la loi SRU en matière d'équilibrage du logement social sur tout le territoire à la répartition des places d'hébergement d'urgence, et des places d'hébergement transitoires.

M. Jean-Pierre Sueur . - Excellent !

M. Alain Vasselle . - J'aurai trois questions assez rapides, pardonnez-moi si elles sont en décalage par rapport à votre exposé. Préalablement, je précise que je fais miennes les remarques et questions des deux rapporteurs et que j'adhère à ce qu'a dit notre collègue Daniel Dubois.

Ma première question résulte de mon expérience dans mon département, qui m'a amené à présider, pendant près de 40 ans, une société anonyme d'HLM. Lorsque Mme Boutin était ministre du logement, elle a instauré un dispositif qui a conduit à ne plus permettre la construction de logements sociaux que dans le sud de mon département, dans les territoires à dominante urbaine. Le nord du territoire, plus rural, n'avait plus que les miettes. Les dispositions de votre projet de loi permettront-elles que l'on puisse construire du logement social sur l'ensemble du territoire d'un département, afin qu'il n'y ait plus de secteurs privilégiés ?

Ma deuxième question a trait à l'attribution du logement. Vous êtes en train de donner un rôle majeur aux intercommunalités, mais quelle sera la sanction financière infligée au président de l'intercommunalité qui aura attribué un logement à une famille insolvable ? L'intercommunalité financera-t-elle le loyer en lieu et place de cette famille ? Aujourd'hui, lorsque le préfet refuse une expulsion, c'est l'État qui prend en charge la compensation financière. Il faut responsabiliser ceux qui attribuent les logements, car, si les familles ne paient pas, il faudra tout de même que l'organisme d'HLM perçoive les loyers.

Enfin, troisième question, à propos du quota de 20 % ou 25 % de logement social, le périmètre évolue-t-il ? Reste-t-on dans un périmètre communal ou évolue-t-on vers un périmètre intercommunal ?

M. Yannick Vaugrenard . - Je vais commencer par une remarque générale. Quand on a l'ambition d'améliorer la mixité et le logement sociaux, il n'est pas inintéressant de tempérer cette ambition par une forme de réalisme territorial et historique. En effet, le logement social seul ne permettra pas la mixité sociale, il faut également l'éducation, Françoise Cartron l'a fort bien dit, ou encore la culture. Le logement est certes très important, mais il n'y suffit pas.

Par ailleurs, il ne peut pas y avoir de limite dans l'application pleine et entière de la loi DALO. S'il faut, pour cela, dépasser le seuil de 25 %, nous le ferons. Sans cela, vous l'avez dit, madame la ministre, cela signifierait que nous n'acceptons pas la mise en oeuvre du critère de discrimination pour cause de précarité sociale. La priorité des priorités, c'est le logement des personnes relevant du DALO.

Cela étant dit, trop de priorités tuent la priorité. Ce sont plutôt les personnes en situation délicate, vivant dans une extrême pauvreté, qu'il faut prioriser, et peut-être favoriser aussi une forme de mixité intergénérationnelle, qui me paraît importante.

En ce qui concerne les surloyers, faisons preuve de prudence. Une personne peut connaître une évolution professionnelle justifiant un surloyer, mais c'est faire preuve de sagesse et de réalisme que de l'appliquer avec modération.

Enfin, pour ce qui concerne la suppression de la dotation de solidarité urbaine - DSU - des communes carencées, le rôle du préfet doit être reconnu et s'imposer à tous. Mais s'imposent aussi au préfet les directives de l'État, qui ne doivent pas seulement prendre la forme d'un pourcentage ou d'une donnée mathématique.

C'est là que l'ambition doit être tempérée par le réalisme ; des communes font manifestement des efforts, mais peuvent être objectivement bloquées par le foncier, par une demande insuffisante, notamment en milieu rural, ou parce qu'il y a un risque, s'agissant de petites entités, que les offices HLM n'investissent pas. Aussi, autant je suis d'accord pour que le préfet applique rigoureusement la règle en cas de mauvaise volonté manifeste - on sait dans quels secteurs cela peut exister -, autant il doit faire preuve de sagesse et de réalisme dans leur application, ce qui demande du temps, des contacts, des échanges avec les collectivités territoriales et avec les élus locaux. Il faut donc tenir les deux bouts du manche.

M. Francis Delattre . - L'État a toujours eu du mal à décentraliser la gestion du logement, cela ne date pas d'aujourd'hui. Cela dit, quand on constate que ce sont les collectivités territoriales qui dépensent le plus, et de très loin, mais que l'on est dans une crise permanente du logement, avec des coûts supérieurs de 50 % aux coûts allemands, on peut sérieusement se poser des questions.

Je veux relever deux contradictions, madame la ministre. Nous recevons actuellement par dizaines, par vingtaines, des décisions d'expulsions de la part du préfet. Les personnes expulsées arrivent alors dans nos communes ; que devons-nous faire ? Ne serait-il pas un peu plus utile que l'État trouve des solutions en amont ?

Deuxièmement, la mixité sociale fait-elle défaut en-deçà de 25 % de logement social ou à 50 %, 60 % ou 80 % de logements sociaux ? L'égalité, la citoyenneté, c'est très intéressant, mais il s'agit en réalité d'un texte de recentralisation. Le ministère a l'ambition de gérer les cages d'escalier ! C'est le mal français...

Par ailleurs, une campagne publicitaire nous explique, sans aucun fondement sérieux, que les maires ne construisent pas assez. Nous le savons tous, il y a un lobby puissant dans ce pays, celui des promoteurs, associé à celui des constructeurs de logements sociaux. (Marie-Noëlle Lienemann proteste.) Alors, il faut construire...

Le président de l'EPCI, qui a moins de proximité que le maire, semble être, pour l'instant, l'homme idoine.

Tout cela n'a rien à voir avec la citoyenneté ni avec l'égalité, c'est un discours dont les finalités ne nous échappent pas et je doute que l'on arrive à un accord.

M. Christian Favier . - Sur le fond, je ne suis pas convaincu que l'absence de mixité soit principalement liée au mode d'attribution des logements ; il s'agit bien davantage d'une question de précarité, de faiblesse des revenus, de coût du logement et du nombre insuffisant de logements sociaux.

Ne valait-il pas mieux, pour favoriser la mixité, orienter prioritairement les personnes relevant du DALO vers les villes qui, sciemment, n'appliquent pas la loi SRU ? Je ne pense pas à celle de notre collègue Philippe Dallier, mais à celles qui refusent systématiquement la construction de logements sociaux.

Deuxièmement, en ce qui concerne le surloyer, je constate pour ma part que, dans mon département, non seulement cela ne règle rien à la question des demandes de logements sociaux, qui continuent d'augmenter, mais que cela accélère la ghettoïsation des quartiers. En effet, les personnes de condition moyenne qui n'ont pas pu rester dans le logement social sont parties, ce qui a entraîné des déséquilibres très forts. Ce n'est donc pas la solution.

Enfin, en région parisienne, la réalisation du Grand Paris va faire exploser le nombre de gares à construire. J'ai déposé une proposition de loi pour qu'il y ait au moins 30 % de logement social autour de ces gares, dans toutes les constructions nouvelles.

Le risque est que la spéculation immobilière autour de ces gares chasse les plus modestes au lieu de faire en sorte que tous les salariés puissent bénéficier de l'amélioration des transports, à laquelle ils auront contribué au travers de leurs impôts.

Mme Sophie Primas . - Je suis parfaitement d'accord avec les propos de Philippe Dallier.

Madame la ministre, vous voulez attribuer à des familles du premier quartile 25 % des logements situés en dehors des QPV - les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Ma question porte sur les quartiers qui viennent de sortir de ce périmètre. C'est le cas de ma ville, Aubergenville, qui a 42 % de logement social et dont le niveau moyen de salaire est parmi les plus faibles des Yvelines. Je ne sais pas pourquoi ma ville est sortie du champ de cette politique, car elle est confrontée à de nombreux problèmes sociaux. En outre, elle est coincée entre deux villes qui ont plus de 40 % de logement social, mais qui sont restées des QPV.

C'est donc probablement dans ma ville que, pour des raisons de proximité familiale, arriveront les familles de ce premier quartile. Or je ne saurai pas les prendre en charge, du point de vue de l'accompagnement social, de la prévention à l'égard des jeunes et des adolescents ou encore de l'accompagnement scolaire.

Ma seconde question concerne une autre ville des Yvelines, qui dépasse déjà 30 % de logement social, mais à qui le préfet envoie beaucoup de réfugiés et de personnes relevant du DALO. On empile donc toutes les difficultés sur des communes qui sont déjà dans une situation financière complexe.

M. Alain Vasselle . - On en fait des ghettos !

Mme Sophie Primas . - Je me battrai pour que le rôle des maires soit reconnu, car ils sont les seuls à connaître une à une les cages d'escalier de leur ville.

M. Alain Vasselle . - Très bien !

Mme Françoise Laborde . - Ma question concerne la répartition entre zones rurales, périurbaines et urbaines. Certes, en ville, les concentrations sont importantes, on peut sans doute parler de ghettos, mais l'éloignement des logements par rapport à la ville est aussi un problème, et si l'on n'aide pas les municipalités à créer des réseaux de transports, on créera une autre forme de ghettos. Il faudra donc trouver un équilibre entre les taux appliqués en zone urbaine, périurbaine ou rurale. Ce problème se pose aussi en matière intergénérationnelle, avec les personnes très âgées ayant des difficultés à se déplacer.

En outre, les Bâtiments de France interdisent que les HLM soient près des villages, donc on les cache derrière les fermes ou les bâtiments agricoles pour ne gêner personne...

M. Alain Vasselle . - C'est pour des questions architecturales.

Mme Marie-Noëlle Lienemann . - Madame la ministre, pouvez-vous nous en dire plus sur les informations qui seront mises à la disposition des intercommunalités pour éclairer leurs attributions de logement social ? Les collectivités locales ont besoin de connaître la réalité de leur territoire pour conduire leur politique de logement ; en effet, ce n'est pas parce que l'on connaît les gens que l'on sait exactement leur niveau de revenu. Par exemple, il peut être intéressant de connaître le taux de bénéficiaires de l'aide personnalisée au logement, l'APL, dans une résidence avant d'y envoyer un nouvel allocataire de cette aide.

Deuxièmement, la mixité sociale ne passe pas par une seule solution, c'est un long combat d'une société qui doit revenir sur une politique datant des années 1960. C'est un long chemin que la France doit suivre, mais elle doit le faire avec détermination. Cela dit, si la situation sociale ne s'améliore pas, c'est une course difficile à gagner.

Ma dernière remarque a trait au niveau des loyers. Indépendamment des communes qui ne veulent pas de pauvres chez eux et qui doivent être sanctionnées, les loyers pratiqués dans certains secteurs ne sont pas accessibles aux populations modestes. Pouvez-vous donc nous préciser, madame la ministre, les modalités d'accompagnement de l'État pour favoriser le rééquilibrage des loyers entre les différents secteurs ?

M. Jean-Claude Lenoir, président . - Nous avons entendu, madame la ministre, 15 intervenants, en plus des deux rapporteurs.

Vous avez la parole pour leur répondre, madame la ministre.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre . - Je tâcherai de répondre à vos questions, bien que certaines d'entre elles ne relèvent pas du texte de loi mais plutôt du débat budgétaire.

En entendant certaines questions, il m'a semblé m'être mal exprimée. Je ne prétends pas que la mixité sociale ne passe que par le logement, je ne l'ai jamais pensé. Cela passe par le logement, mais aussi par bien d'autres choses, notamment par les établissements scolaires, les lieux de consommation et les lieux culturels. Nous sommes plusieurs ici à venir de l'Île-de-France et nous savons ce que la ségrégation territoriale, en plus de la pauvreté, représente. La mixité sociale consiste justement à créer des endroits où vivent des personnes dont les revenus et les histoires diffèrent.

Par ailleurs, je ne pense pas non plus que la mixité sociale se résume à des questions de richesse ou de pauvreté. L'un des sujets qui justifient la politique de la ville est la concentration de l'extrême pauvreté et de l'extrême richesse. On parle beaucoup des ghettos de pauvres mais, soyons clairs, nos territoires comptent aussi des ghettos de riches, dans lesquels on ne peut pas entrer, en raison notamment du prix du logement privé.

Or ce texte de loi repose aussi sur ce constat. Les programmes de renouvellement urbain ne se fondent pas uniquement sur le désir de telle ou telle politique, mais répondent à des désordres urbains réels. D'ailleurs, nous poursuivons cette politique puisqu'il y a 200 quartiers en renouvellement urbain en France. Toutefois, il est long, très long, de défaire ce qui a été construit pendant 30 ans, mais le vivre-ensemble implique une certaine durée et un certain investissement. Je suis donc très modeste quant au contenu de mon texte, qui, s'il permet objectivement, me semble-t-il, d'améliorer la mixité sociale, ne suffira pas en lui-même.

Dans les ménages appartenant au premier quartile, il n'y a pas que des personnes extrêmement pauvres, il y a aussi des personnes qui travaillent par intermittence ou à temps partiel, ou qui traversent des périodes de chômage. Il faut donc regarder en face le niveau de revenu de nos concitoyens. Les Français qui ont des problèmes de logement sont nombreux, surtout dans les zones tendues, car, lorsque l'on est pauvre, que l'on est peu mobile, que l'on n'a pas un emploi à temps complet ou permanent, on a beaucoup de mal à se loger correctement. La bataille du logement abordable est donc essentielle.

La bataille du logement privé est également importante. Monsieur Dallier parlait de sa ville, Les Pavillons-sous-Bois, et des villes avoisinantes, qui ont un taux important de population sous le seuil de pauvreté, et où le parc privé et le parc social ne sont pas très différents en ce qui concerne les difficultés sociales. D'où l'engagement financier destiné à favoriser un logement privé abordable.

Mon combat ne consiste pas à rendre attractifs les appartements de standing en France par rapport aux autres pays européens, mais à loger les Français, dont le revenu médian n'est pas très élevé. Ainsi, dans beaucoup de territoires, nos concitoyens dépensent jusqu'à 50 % de leur revenu pour se loger et, qui plus est, pour se loger mal.

Ne faisons donc pas de faux procès. Il y a d'une part les personnes ne disposant d'aucun revenu, qui relèvent des politiques d'hébergement, et, d'autre part, les personnes modestes, qui sont incluses dans le premier quartile et qui ne bénéficient pas du logement social autant qu'elles le devraient. Pour l'heure, on ne dispose pas des informations nécessaires qui permettraient de mieux connaître la situation.

Après ces quelques propos, je vous propose de répondre aux questions des orateurs. Madame Estrosi Sassone, on peut avoir des désaccords, mais le projet de loi ne vise pas à sanctionner les maires. L'évolution du texte entre le projet initial du Gouvernement et la version émanant de l'Assemblée nationale montre que j'ai cherché à impliquer totalement les territoires. Or, aujourd'hui, en matière de logement, le territoire pertinent est l'EPCI, même si c'est le maire qui accorde le permis de construire. Cela résulte de différentes lois et cela correspond au mouvement général.

En revanche, en ce qui concerne les communes carencées en logement social et qui n'ont pas la volonté d'améliorer la situation - cela concerne peu de communes, mais elles existent -, le préfet récupérera l'intégralité des pouvoirs du maire. Peut-être cela ne concernera-t-il que 20 ou 30 communes, souhaitons que ce nombre soit le plus bas possible.

Un certain nombre de dispositions de la loi SRU, renforcées en 2013, comme la possibilité d'accorder des permis de construire ou d'agir sur les signatures de contrats de mixité sociale, ont porté leurs fruits. Beaucoup de communes se sont engagées sur la voie du respect de la loi SRU. Monsieur Dallier soulève un autre sujet : le problème des communes ayant des volumes importants de population et des constructions nombreuses.

Cela étant dit, les communes qui n'ont rien fait pendant 15 ans éprouvent forcément des difficultés. J'ai ainsi été mise en cause par la députée-maire d'une commune qui stagne à 7 % de logement social 15 ans après l'adoption de la loi, mais qui a délivré 1 000 permis de construire au cours des 10 dernières années...

Les modifications de la loi SRU visent plusieurs objectifs : renforcer les pouvoirs de l'État quand la loi n'est pas du tout appliquée, notamment parce que les parlementaires nous reprochent notre manque de fermeté à cet égard, et tenir compte des communes dont le marché du logement est détendu, qui sont soumises à la loi SRU alors qu'il n'y a pas de demande de logement social. Ainsi, il y a de fortes vacances de logement social dans le département de la Loire, dont les communes doivent pourtant respecter la loi SRU.

Nous avons donc préféré nous fonder sur la notion de taux de pression pour mettre en adéquation l'offre de logement social à la demande, et tenir compte des communes non desservies par les transports en commun. Nous tenons également compte des communes qui sont en périphérie des intercommunalités. Ainsi, dans l'agglomération de Valence, qui compte de toutes petites communes soumises à la loi SRU, la question n'est pas tant celle du logement social que celle des transports.

Par ailleurs, le projet de loi responsabilise les élus, car il est étonnant que ce soit le ministre du logement qui décide d'intégrer ou d'exclure telle ou telle commune du champ d'application de la loi SRU. Nous avons donc instauré la délibération de l'EPCI, ce qui forcera les intercommunalités à avoir un débat politique pour décider si une commune doit sortir du périmètre d'application de la loi SRU.

En revanche, là où il ne se passe rien, après 15 ans d'application de la loi SRU, il faut maintenant que l'État tienne compte de la réalité et joue son rôle.

Mme Marie-Noëlle Lienemann . - Bien sûr !

Mme Emmanuelle Cosse, ministre . - Pour ce qui concerne les contingents préfectoraux, ceux-ci pouvaient être délégués aux communes par le représentant de l'État. Je le dis d'emblée, cela ne concerne que peu de cas, quelques départements, alors que bien des communes pensent, à tort, bénéficier de cette délégation.

Nous proposons de supprimer, après avis du comité régional de l'habitat et de l'hébergement, ces délégations du contingent préfectoral parce que nous avons constaté que, lorsque le contingent est délégué, les quotas de logement des publics prioritaires et des personnes relevant du DALO ne sont pas du tout acceptables.

Aussi, nous reprendrons les contingents préfectoraux, après discussion devant les comités régionaux de l'habitat et de l'hébergement - cela permettra d'ailleurs de communiquer à ces comités en toute transparence les taux de relogement de ces contingents -, car on somme par ailleurs le ministre de reloger les publics prioritaires en vertu de la loi DALO.

M. Alain Vasselle . - Et qui paie le loyer ?

Mme Emmanuelle Cosse, ministre . - Nous payons d'ailleurs chaque année des astreintes d'un niveau élevé, de l'ordre de 45 millions d'euros en 2015, me semble-t-il. Le contingent préfectoral doit donc être exploité dans toutes ses dimensions.

En ce qui concerne les publics prioritaires, j'ai refusé tous les élargissements qui ont été proposés, sauf celui qui vise les personnes sortant d'un centre de rééducation thérapeutique. Cela ne concerne que peu de personnes, mais nous avons réalisé que celles-ci souffrent de blocages importants.

En ce qui concerne la commission d'attribution des logements, une voix prépondérante est en effet accordée au président de l'EPCI, au détriment du maire.

En ce qui concerne les ordonnances, certaines d'entre elles sont très techniques
- la transposition d'une directive concernant les ascenseurs, par exemple - et d'autres le sont moins. L'une d'entre elles nous semble très importante, celle qui concerne la nouvelle carte des intercommunalités et les plans locaux d'urbanisme intercommunaux, les PLUI. Initialement, nous ne souhaitions pas intervenir dans ce domaine, mais les nouveaux calendriers applicables aux PLUI nous ont contraints à prévoir des dispositions transitoires en raison des difficultés qui peuvent se présenter.

Cette ordonnance n'est pas encore écrite, mais nous pourrons détailler davantage cette question lors de nos débats, à la rentrée. En outre, il ne s'agit pas de réécrire la loi ALUR, mais de répondre à deux questions. D'une part, quand un PLUI existe dans un territoire, on le maintient et, si ce territoire fusionne avec une collectivité qui n'en est pas dotée, celle-ci doit travailler à son plan. D'autre part, en ce qui concerne les très grandes intercommunalités - je pense en particulier à celle du Pays basque, qui compte plus de 150 communes -, le texte permettra à l'EPCI de partager les PLUI pour ne pas défaire le travail réalisé ni casser la dynamique existante.

Ces dispositions transitoires, qui permettent de répondre aux demandes des associations d'élus, doivent être prêtes pour le 1 er janvier 2017.

Les ordonnances traitent aussi la fusion du Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières, le CNTGI, et de la Commission de contrôle des professions immobilières, à la suite d'une concertation avec les professionnels. Ce débat avait déjà eu lieu lors de la discussion de la loi ALUR, qui faisait fortement évoluer les professions immobilières, avec notamment l'instauration d'un code de déontologie et de formations obligatoires.

Nous avons décidé de fusionner ces deux organes tout en conservant la représentation des professionnels et des consommateurs. En effet, nous sollicitons le CNTGI pour faire évoluer des décrets ou répondre à des questions du législateur. La nouvelle organisation conservera l'équilibre de cette représentation, car les professionnels souhaitent garder le contact et le dialogue avec les associations de consommateurs.

J'ai également entendu des remarques à propos de la volonté prétendue de recentralisation de la politique du logement. Il me semble plutôt que ce texte s'inscrit dans la continuité des précédents en donnant aux territoires les moyens de mettre en oeuvre leur politique, y compris en ce qui concerne l'attribution des logements sociaux.

Plutôt que de préciser l'objectif et les modalités d'attribution de logements sociaux, on permet aux territoires de moduler le taux de 25 % de logement social, après une discussion avec l'État, pour tenir compte de la situation locale. En effet, la situation peut varier considérablement d'un territoire à l'autre, du point de vue de la précarité, de la tension sur le marché du logement ou de la nature des besoins en matière de relogement.

M. Alain Vasselle . - Quel sera le périmètre d'application ?

Mme Emmanuelle Cosse, ministre . - Ainsi, on voit apparaître des besoins de relogement de personnes partant en retraite, ce que l'on ne voyait pas autrefois ; au contraire, dans certains territoires, des logements sociaux sont vacants. D'où cette politique, qui doit être mise en place en lien avec les conférences intercommunales et le préfet.

Par ailleurs, en ce qui concerne la définition du logement social, je le répète, il ne s'agit pas d'ouvrir le décompte SRU à l'accession sociale à la propriété. Si le prêt social location-accession, le PSLA, permettait de loger des personnes éligibles au logement social, cela n'accroîtrait pas le contingent de la commune ou de l'État.

Aujourd'hui, 70 % des Français sont éligibles au logement social. Le PSLA est un modèle très intéressant d'accession à la propriété, parce qu'il sécurise des ménages modestes, mais il reste un système d'accession à propriété, ce n'est pas du logement locatif. Nous ne voulons pas modifier l'esprit de la loi SRU à cet égard.

En ce qui concerne les gens du voyage, ce projet de loi instaure un équilibre entre la fin des discriminations liées au statut des gens du voyage, l'application des règles de construction des aires d'accueil ou de passage et l'obligation de respecter la loi, notamment en matière d'occupations illégales. Ce texte renforce le pouvoir de police en la matière, en reprenant les dispositions de la proposition de loi de Dominique Raimbourg.

Vous l'indiquiez, madame Gatel, certains départements ont rempli leurs obligations tandis que d'autres éprouvent des difficultés parce qu'ils ne disposent pas d'aires de grand passage, ce qui reporte les difficultés sur les petites communes. En outre, les taux d'occupation varient beaucoup d'un territoire à l'autre, mais aussi d'une année sur l'autre.

Nous pourrons revenir à cette question un peu plus tard si vous le souhaitez, mais j'entends votre interrogation sur l'opportunité de réviser les dispositions relatives aux aires d'accueil. Aujourd'hui, notre principal combat consiste à inciter les territoires à se doter des schémas départementaux des aires d'accueil, car le problème principal réside dans le manque d'aires de grand passage.

Mme Françoise Gatel . - Absolument !

Mme Emmanuelle Cosse, ministre . - Une question portait sur les établissements publics fonciers, locaux ou d'État. Lorsque les nouvelles régions ont été instaurées, j'ai demandé aux préfets de me préciser quels territoires en étaient dépourvus ou en avaient plusieurs, pour rationaliser l'action des uns et des autres.

Cela peut passer par une fusion des établissements, mais ce n'est pas une nécessité, car il peut y avoir une certaine pertinence à conserver plusieurs établissements publics fonciers. Le problème se posera pour les territoires qui n'ont pas d'établissement, car je souhaite donner à l'ensemble des territoires un outil, dont les communes se saisiront ou non. En effet, nous sommes confrontés à des problèmes de restructuration foncière, d'installation d'activités économiques ou de logements, et de pollution d'anciens terrains industriels.

Nous avons demandé ce diagnostic, nous en disposerons à la rentrée. Ensuite, j'instaurerai une discussion avec les collectivités territoriales concernées pour élaborer la solution optimale.

Se pose également la question de l'harmonisation des taxes spéciales d'équipement, ou TSE. Nous tenterons de les fractionner au travers du projet de loi de finances.

Le texte de loi prévoit également que les plans locaux de l'habitat, les PLH, comportent un volet foncier. Il s'agit ainsi de relayer une demande de nombreux élus, qui souhaitent que l'on puisse identifier, dès la rédaction des PLH, la territorialisation des logements à construire.

J'en viens à la question sur les expulsions - cela est d'actualité, puisque, après les questions d'actualité au Gouvernement, j'animerai un comité de pilotage à ce sujet. En 2014, 11 000 expulsions ont été exécutées sur 120 000 dossiers déposés. Dans de nombreux dossiers, on intervient trop tard, on ne tient pas compte suffisamment tôt de la situation de la personne à expulser, malgré les impayés récurrents. Les impayés représentent la cause la plus importante des expulsions, mais ce n'est pas la seule. Le logement social et le logement privé se répartissent de manière à peu près égale au sein de ces dossiers.

Nous devons engager un travail important pour éviter les troubles liés aux expulsions, car celles-ci ne sont bénéfiques pour personne, l'État prenant en charge l'hébergement des intéressés. Bien sûr, il faut tout de même être très clair pour ce qui concerne les occupations illégales d'un logement, qui peuvent justifier l'expulsion.

Cette question est certes importante, mais les expulsés ne constituent pas l'essentiel du public prioritaire, composé essentiellement de personnes vivant dans un habitat insalubre ou indigne, de familles en situation de précarité très forte, de personnes handicapées et dont le logement ne peut être adapté, ainsi que de personnes concernées par des violences conjugales ou par des séparations difficiles.

On a aussi posé deux questions sur le financement du logement social, qui n'est pas abordé dans le texte, notamment sur la possibilité d'affecter l'aide à la pierre aux territoires détendus et ruraux. C'est un débat que nous avons déjà eu à plusieurs reprises. Je partage votre souci à cet égard, je pense que cette question sera abordée lors du débat au sein du Fonds national des aides à la pierre, qui vient d'être créé. Ce Fonds sera le lieu de discussions sur la répartition régionale des aides à la pierre. Comment faire, en effet, pour que les aides à la pierre ne soient pas affectées uniquement aux métropoles ?

Il est vrai que certains opérateurs sociaux hésitent à agir dans des territoires où on leur demande de construire peu de logements ; certains le font néanmoins, notamment la Fédération nationale des sociétés coopératives d'HLM. Lors du prochain congrès HLM, j'insisterai sur ce point. Il faut faire du logement social, y compris dans les territoires qui ne sont pas les plus tendus.

M. Alain Vasselle . - Il faut le dire aux préfets !

Mme Emmanuelle Cosse, ministre . - Par ailleurs, l'intermédiation locative permet de disposer de logements sociaux dans des territoires détendus, grâce à la reprise de logements réhabilités. Des programmes d'intermédiation locative existent aujourd'hui et sont conduits par des opérateurs qui reprennent des logements municipaux. Nous allons développer cette démarche, notamment dans les territoires détendus.

En outre, beaucoup de communes rurales, pas nécessairement petites, cherchent à mutualiser leurs actions pour construire des logements en petit nombre. D'anciens logements municipaux peuvent en effet constituer de futurs lieux d'accueil de logement social. Nous souhaitons mener une expérimentation sur ces territoires.

Pour l'instant, il n'est pas prévu de sanction financière en cas de non-respect par les EPCI des principes d'attribution des logements sociaux mais, si vous souhaitez le faire, je vous laisse en discuter lors de l'examen du texte. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

En ce qui concerne la suppression de la DSU, je ne suis pas allée au bout de mon explication, ce qui a suscité des questions. Entre l'examen en commission à l'Assemblée nationale et la séance plénière, les députés ont tout de même réalisé qu'ils avaient eu la main un peu lourde.

M. Philippe Dallier . - Ah, tout de même !

Mme Emmanuelle Cosse, ministre . - Toutefois, ils attendent la seconde lecture pour trouver un système moins fort.

Je veux dire quelques mots sur la genèse de cette discussion, que je n'ai pas sollicitée. Certaines communes carencées en logement social perçoivent aujourd'hui la DSU, dans des proportions parfois importantes, et s'est alors posée la question de l'opportunité de conserver les aides destinées à ces territoires malgré leur refus de respecter leurs obligations triennales. Néanmoins, la suppression totale de la dotation aurait un impact financier très important, qu'il conviendra, me semble-t-il, de modérer.

Un autre débat important a eu lieu à l'Assemblée nationale à propos de l'exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties, la TFPB. Cette exonération pose des difficultés réelles. J'en ai discuté avec Christian Eckert il y a peu, et, d'ici à l'examen du projet de loi de finances, nous organiserons sur ce sujet une réunion de travail avec les parlementaires qui le souhaiteront. Il nous semble en effet qu'il s'agit là de quelque chose qui ne fonctionne pas, ce qui explique d'ailleurs les amendements déposés régulièrement sur cette question.

M. Philippe Dallier . - Tous les ans...

Mme Emmanuelle Cosse, ministre . - D'ailleurs, on n'arrive même pas à évaluer d'un point de vue financier l'ampleur de ces questions.

Nous détaillerons plus tard la question du surloyer ; comme l'a indiqué un orateur, ce projet de loi se veut prudent. La version initiale du Gouvernement était beaucoup plus dure mais, après discussion avec les associations de locataires et les élus, qui veulent renforcer le dispositif, nous devons d'abord estimer plus précisément son impact.

Nous avons conservé les exemptions du surloyer dans quelques territoires ; toutefois, le sujet demeure : le logement social doit-il avoir un plafond de ressources ? Est-il normal que des personnes dont les revenus dépassent largement les plafonds puissent garder un logement social quand tant de personnes souhaitent en bénéficier ?

M. Alain Vasselle . - C'est un facteur de mixité !

Mme Emmanuelle Cosse, ministre . - C'est un débat politique, voire philosophique. Nous avons voulu maintenir le principe du surloyer tout en le modérant. Cette mesure représente aujourd'hui un revenu d'un million d'euros par an pour les bailleurs sociaux et il concerne 4 500 personnes principalement situées dans les grandes métropoles.

Christian Favier a évoqué sa proposition de loi sur le Grand Paris. Je partage son avis selon lequel nous devons nous assurer qu'il y ait autour des grands axes de transport des logements abordables, mais s'agit-il réellement de logement social ? En effet, il faut considérer la localisation de ces gares. Beaucoup de ces gares du Grand Paris se situeront en plein QPV ou dans des quartiers de projet de rénovation urbaine.

Aussi, la question est moins celle du quota de logement social autour des gares que celle des prix de sortie en locatif privé ou social et en accession à la propriété. L'idée est qu'il y ait une vraie mixité de l'offre et qu'il n'y a pas que du logement de standing ou de bureau. La réponse dépendra des quartiers. À Aulnay-sous-Bois, par exemple, le problème n'est pas tant celui du logement social autour de la gare que celui de la création d'un parc locatif privé répondant aux besoins. D'où l'attention que nous devons porter aux cahiers des charges des logements à construire autour de ces gares.

Cette discussion émergera également pour les autres métropoles, lorsque de grands projets de développement économique s'y feront jour. Il faut faire attention aux effets d'éviction des salariés aux revenus intermédiaires. C'est un sujet à la fois législatif, mais aussi politique et contractuel.

J'en arrive à la question de Mme Sophie Primas concernant les territoires sortant des QPV. On doit raisonner à l'échelle des EPCI mais, pour des territoires comme le vôtre, il faudrait réfléchir à l'échelle du département, voire de la région. Votre département connaît des concentrations très fortes dans certaines villes et des retards importants dans d'autres. Ces discussions doivent avoir lieu dans les conférences intercommunales.

Marie-Noëlle Lienemann posait la question des données sur l'occupation du logement social. Aujourd'hui, le projet de loi prévoit l'anonymisation par l'État des données d'occupation, en lien avec l'Union sociale pour l'habitat, pour les fournir aux territoires. C'est le groupement d'intérêt public du système national d'enregistrement, le SNE, qui réalisera les cartographies. Les collectivités disposeront également des données des caisses d'allocation familiale. Nous avons eu un débat sur le type de données que l'on peut fournir, notamment pour ce qui touche au secret fiscal. Cette question n'est pas tranchée, nous poursuivons la discussion.

Enfin, le projet de loi instaure une nouvelle politique en matière de baisses de loyer. En effet, des conventionnements de prêt locatif social ont été signés dans certains territoires, mais les loyers y sont demeurés trop élevés par rapport au marché, d'où des vacances de logements.

L'année dernière, la baisse du taux de commissionnement des banques a été décidée, permettant d'engranger 170 millions d'euros qui seront dévolus aux organismes HLM afin de les aider dans leur politique de baisse de loyer. Nous annoncerons les modalités du dispositif lors du congrès HLM. Ce sujet est en dehors du texte de loi, mais il s'agit d'outils supplémentaires qui seront mis à disposition des bailleurs dans les mois qui viennent.

Voilà ce que, en quelques mots, je pouvais dire pour répondre aux questions. Je n'ai pas pu répondre à toutes celles qui m'ont été posées, mais nous pourrons les approfondir lors des débats qui auront lieu au cours des prochains mois.

M. Jean-Claude Lenoir, président . - Nous aurons en effet, madame la ministre, l'occasion d'échanger au cours de l'examen du texte, qui devrait débuter début octobre, c'est-à-dire plus tard que prévu. La conférence des présidents de ce soir devrait fixer l'ordre du jour. Ce texte devrait être examiné à partir du 4 octobre prochain.

Je vous remercie, madame la ministre, au nom de l'ensemble des membres de cette commission spéciale. La quasi-totalité d'entre eux était présents lors de cette audition et ont manifesté leur intérêt pour votre texte par le grand nombre de leurs questions. Nous en débattrons en séance publique, nous prendrons le temps nécessaire pour le faire, conformément à une tradition bien ancrée au Sénat, pour agir en faveur de l'intérêt général.

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