L'APPLICATION PROVISOIRE DE L'ACCORD ÉCONOMIQUE GLOBAL

Une proposition de décision du Conseil concerne l'application provisoire de l'accord , en application de l'article 218, alinéa 5 du TFUE : « Le Conseil, sur propositions du négociateur » (en l'occurrence la Commission) « adopte une décision autorisant la signature de l'accord et le cas échéant, son application provisoire avant l'entrée en vigueur » . Les auteurs de la proposition de résolution européenne proposent de s'opposer à cette application provisoire qui sera soumise au Conseil le 18 octobre prochain, avant que les parlements nationaux se soient prononcés .

Les dispositions suivantes seraient exclues du champ de l'application provisoire 1 ( * ) :

-  celles sur les services financiers  dans la mesure où elles s'appliquent aux investissements de portefeuille, à la protection des investissements ou au règlement des différends investisseurs-État (ICS). En revanche, ces dispositions s'appliqueront  de manière provisoire en ce qui concerne l'accès au marché des investissements directs étrangers . Il s'agit notamment d'accroître les seuils de participation que les entreprises européennes peuvent atteindre dans le capital des entreprises canadiennes, les conditions fixées par les Canadiens pouvant être relativement restrictives, à l'inverse de celles mises en place par l'UE ;

- sur la propriété intellectuelle : l'article relatif aux sanctions pénales en cas, par exemple, d'enregistrement d'un film projeté dans une salle de cinéma sans l'autorisation du gérant ou du détenteur du droit d'auteur. En effet les sanctions pénales relèvent des législations des États-membres ;

- sur la transparence entre les Parties à l'accord : les dispositions qui font référence à des procédures administratives et à des procédures d'appel qui relèvent des juridictions des États membres ;

- sur les exceptions à certaines dispositions de l'Accord, celle qui renvoie à la procédure de règlement des différends entre investisseurs et État (RDIE/ISDS).

Pour ce qui est des chapitres relatifs au développement durable, travail et environnement , l'application provisoire respectera la répartition des compétences entre l'Union européenne et les États membres .

La décision d'application provisoire ne sera validée qu'après la levée de deux verrous : le premier est celui du Conseil, représentant les États membres, le second est parlementaire avec l'approbation préalable du Parlement européen . Il est donc excessif de parler de déni démocratique.

La mise en oeuvre provisoire des dispositions relevant de la compétence de l'Union Européenne couvre donc un champ très vaste. Il s'agit en effet de dispositions commerciales, sur lesquelles la Commission détient, de par les Traités, une compétence exclusive.

Une définition précise et stable du périmètre de ce qui relève, ou non, de l'application provisoire et qui serait applicable à l'ensemble des accords passés par l'Union européenne, est encore attendue : elle sera précisée par une décision de la Cour de justice, début 2017, qui a été saisie du sujet sur l'accord commercial UE-Singapour. L'application provisoire d'accords conclus par l'Union est habituelle, singulièrement en matière commerciale. Elle permet souvent d'en engranger les premiers effets bénéfiques. Ainsi de l'accord de libre-échange avec la Corée du sud qui, durant son application provisoire a permis de développer les exportations de l'Union vers ce pays à hauteur de 17 milliards d'euros.

Il est difficile aujourd'hui d'affirmer ce qui se passerait si un ou plusieurs parlements nationaux devaient rejeter in fine l'accord avec le Canada. Qu'en serait-il de l'application provisoire ? Le seul précédent juridique comparable est l'accord d'association entre l'Union européenne et l'Ukraine signé en 2014, approuvé par le Parlement européen puis ratifié par 27 États membres. Le volet commercial de cet accord est en application provisoire depuis janvier 2016. Toutefois, le rejet de l'accord par le peuple néerlandais lors du referendum consultatif du 6 avril dernier, s'il retarde la conclusion formelle de l'accord, n'affecte pas pour l'heure la poursuite de son application provisoire.

La juste balance entre signal politique et solidité juridique et démocratique serait en l'espèce délicate à trouver.


* 1 Les dispositions relatives à l'accès aux services de transports maritimes - compétence partagée - seront également exclues de l'application provisoire.

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