N° 307

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2016-2017

Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 janvier 2017

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , autorisant l'approbation de l' accord multilatéral entre autorités compétentes portant sur l' échange des déclarations pays par pays ,

Par M. Éric DOLIGÉ,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Michèle André , présidente ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Yvon Collin, Vincent Delahaye, Mmes Fabienne Keller, Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. André Gattolin, Charles Guené, Francis Delattre, Georges Patient, Richard Yung , vice-présidents ; MM. Michel Berson, Philippe Dallier, Dominique de Legge, François Marc , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, François Baroin, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Jean-Claude Boulard, Michel Bouvard, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Carcenac, Jacques Chiron, Serge Dassault, Bernard Delcros, Éric Doligé, Philippe Dominati, Vincent Éblé, Thierry Foucaud, Jacques Genest, Didier Guillaume, Alain Houpert, Jean-François Husson, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Marc Laménie, Nuihau Laurey, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Hervé Marseille, François Patriat, Daniel Raoul, Claude Raynal, Jean-Claude Requier, Maurice Vincent, Jean Pierre Vogel .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) :

4181 , 4282 et T.A. 875

Sénat :

272 et 308 (2016-2017)

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est saisi du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord multilatéral entre autorités compétentes portant sur l'échange des déclarations pays par pays, signé à Paris le 27 janvier 2016 sous l'égide de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et approuvé par l'Assemblée nationale le 22 décembre 2016.

En soulignant le rôle des juridictions non coopératives à fiscalité privilégiée dans l'essor du système bancaire parallèle, la crise financière de 2008 a favorisé une prise de conscience , exprimée lors du sommet du G20 de Washington en novembre 2008. Elle a ensuite permis une action internationale contre l'opacité fiscale et le secret bancaire , décidée lors des sommets de Londres puis de Pittsburgh en avril et septembre 2009.

La mise sous tension des finances publiques, notamment dans le cadre spécifique de la zone euro, a révélé les coûts de l'évasion fiscale. Selon l'OCDE, les pertes de recettes au titre de l'impôt sur les bénéfices des sociétés imputables aux pratiques d'évitement de l'impôt seraient comprises entre 4 % et 10 % de son produit au niveau mondial, soit entre 100 milliards et 240 milliards de dollars par an 1 ( * ) .

Ces pratiques revêtent un triple enjeu , conjuguant des pertes de recettes reportant la charge fiscale sur d'autres agents économiques, une distorsion de concurrence entre sociétés, et une menace sur la commune contribution aux charges publiques, au fondement du contrat social défini par la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen 2 ( * ) .

Dans ce contexte, les pays du G20 ont mandaté l'OCDE en vue de réfléchir à une réforme de la fiscalité internationale dans une double perspective de transparence, au sein du Forum mondial, et de lutte contre les phénomènes d'évitement de l'impôt. La lutte contre les paradis fiscaux et contre le secret bancaire a étendu les exigences de transparence fiscale. L'accord multilatéral du 29 octobre 2014 concernant l'échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers traduit l'engagement des États signataires à mettre en oeuvre la « norme commune de déclaration » de l'OCDE, détaillant les règles applicables aux institutions financières pour l'échange d'informations 3 ( * ) .

Le sommet du G20 de Saint-Pétersbourg en septembre 2013 a étendu l'action à la lutte contre l'érosion des bases fiscales et le transfert des bénéfices ( Base Erosion and Profit Shifting - « BEPS »). Par rapport aux premières actions portant sur les paradis fiscaux et le secret bancaire, visant l'évasion fiscale, la perspective s'étend aux pratiques d'optimisation fiscale et, partant, à l'utilisation des règles du système fiscal international. L'ambition est renforcée, dans la mesure où il ne s'agit plus seulement d'assurer le respect des normes applicables, mais également de définir leur esprit afin d'en limiter les interstices. Pour autant, l'accord politique entre la soixantaine de pays participant au projet précise expressément que « ces mesures n'ont pas pour objectif direct de modifier les normes internationales existantes relatives à l'attribution des droits d'imposition des bénéfices transnationaux » 4 ( * ) . L'objectif vise à remettre à niveau les normes du système fiscal international, en l'adaptant au paysage actuel de l'économie mondialisée. De surcroît, le cadre multilatéral prévu par BEPS permet d'agréger des pays émergents et en voie de développement au respect d'un système fiscal à l'élaboration initiale duquel ils n'ont pas participé.

Après deux années de réflexion et de négociation, le projet BEPS a défini quinze actions, présentées en octobre 2015 et « endossées » par le G20 au sommet d'Antalya le 16 novembre 2015. Elles s'articulent autour de trois piliers , retracés par le directeur du centre de politique et d'administration fiscales de l'OCDE, Pascal Saint-Amans : « améliorer la cohérence des règles fiscales entre les pays (...), renforcer les exigences relatives à la substance des activités (...) et garantir plus de transparence et de sécurité juridique. » 5 ( * ) Cet ensemble de bonnes pratiques et de recommandations doit désormais être transposé dans les législations nationales et les accords fiscaux internationaux : après la phase de réflexion et de négociation, s'ouvre désormais la phase de mise en oeuvre, avant le réexamen prévu en 2020 . Alors que les différentes préconisations relèvent de traductions juridiques différentes, de formes du droit mou à des accords internationaux, il conviendra de maintenir la volonté politique affirmée lors de la première phase.

L'action 13 traite des prix de transfert, en prévoyant un standard renforcé d'obligations documentaires et en introduisant une déclaration pays par pays pour les groupes d'entreprises multinationales . Retraçant leurs entités et leurs activités pays par pays, ces déclarations permettent de dresser le portrait de chaque groupe en vue de déterminer la concordance entre la substance économique et l'imposition acquittée ; elles participent à la fois de la transparence et de la correction des pratiques d'évitement fiscal.

Si la France appliquait avant BEPS des obligations renforcées en matière de documentation des prix de transfert, une disposition de la loi du 29 décembre 2015 de finances pour 2016 a rapidement introduit la déclaration pays par pays. Réservée à l'administration fiscale , elle diffère du mécanisme de déclaration publique proposé par la Commission européenne le 12 avril 2016. Afin d'accroître les informations réunies, l'action 13 prévoyait un échange automatique des déclarations , pouvant intervenir sur le fondement de trois modèles d'accords, basés respectivement sur la convention concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale 6 ( * ) , les conventions fiscales bilatérales, et les accords d'échange de renseignements fiscaux.

Alors que les États membres de l'Union européenne ont déjà prévu les modalités de l'échange automatique des déclarations pays par pays, en révisant la directive de 2011 le 25 mai 2016, l'accord multilatéral entre autorités compétentes portant sur l'échange des déclarations pays par pays, signé à Paris le 27 janvier 2016, étend le champ de cet échange au-delà des frontières européennes, puisque quarante-neuf États l'ont signé. Sur le modèle de l'accord multilatéral ayant introduit la « norme commune de déclaration », il s'appuie sur la convention concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale, dont il reprend notamment les garanties.

Venant parachever le fonctionnement du mécanisme de déclaration pays par pays à destination des administrations fiscales, l'accord proposé était attendu et est bienvenu. Son entrée en vigueur permettra ainsi de procéder à l'échange automatique des premières déclarations déposées pour l'exercice 2016, à partir du deuxième semestre 2017. Pour autant, il conviendra de veiller à ce que les États parties mettent en oeuvre l'échange des déclaration tel que prévu par l'accord, et respectent les conditions d'utilisation et de confidentialité des données. De plus, il s'agira d'étendre le champ de l'échange automatique aux États non parties à cet accord et disposant de nombreux sièges de groupes d'entreprises multinationales, ainsi que de veiller à une application stricte et proportionnée des déclarations, dans la perspective du réexamen de 2020.

I. LE CONTEXTE : L'ACTION 13 DU PROJET BEPS PRÉVOIT L'ÉCHANGE AUTOMATIQUE DE DÉCLARATIONS PAYS PAR PAYS

A. L'ACTION 13 DE BEPS VISE À ADAPTER L'APPRÉHENSION DES PRIX DE TRANSFERT À L'ÉCONOMIE GLOBALISÉE

1. L'objectif : connaître et contrôler les prix de transfert

L'évaluation des prix de transfert figurait parmi les axes principaux définis dans le Plan d'action concernant l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices en 2013. L'objectif visait à élaborer des « règles applicables à la documentation des prix de transfert afin d'accroître la transparence pour l'administration fiscale, en tenant compte des coûts de discipline pour les entreprises . On pourra notamment imposer aux multinationales de communiquer à tous les pouvoirs publics concernés les informations requises sur leur répartition mondiale du revenu, de l'activité économique et des impôts payés dans les différents pays, conformément à un modèle commun. » 7 ( * )

Le recours aux prix de transfert fait partie intégrante de la gestion normale des entreprises multinationales. Selon l'OCDE, les prix de transfert correspondent aux « prix auxquels une entreprise transfère des biens corporels, des actifs incorporels, ou rend des services à des entreprises associées » situées dans des pays différents. Les prix de transfert sont donc les prix des transactions entre sociétés d'un même groupe et résidentes d'États différents : ils supposent des transactions intragroupes et le passage d'une frontière.

Les transactions ainsi facturées entre deux entreprises associées ont pour conséquence de réduire le résultat de la première et d'augmenter celui de la seconde . L'objectif est, ainsi, de déterminer l'impôt dû dans chaque pays suivant le principe selon lequel toute activité est imposée sur le territoire où elle est réalisée.

Cependant, dans la mesure où la pratique des prix de transfert confère à un groupe d'entreprises une certaine maîtrise de la localisation de ses résultats - et ce notamment dans un contexte marqué par l'importance des échanges intragroupes 8 ( * ) -, un contrôle particulier a été introduit.

Afin d'éviter les délocalisations injustifiées de bénéfices dans les pays à fiscalité réduite, les prix de transfert sont supposés être fixés selon le principe de pleine concurrence posé par l'OCDE 9 ( * ) ; celui-ci veut que le prix de transfert pratiqué soit le même que si les deux sociétés en cause étaient deux entreprises indépendantes et ne faisaient pas partie du même groupe . Aussi les prix de transfert doivent-ils être arrêtés comme s'ils l'avaient été sur un marché concurrentiel.

Dans une double perspective d'accroître le champ et le contenu des informations transmises à l'administration fiscale sur la détermination des prix de transfert, le rapport final sur l'action 13 a remplacé les précédents principes applicables, adoptés dans leur version initiale en 1995. Si le principe de pleine concurrence dans la fixation des prix de transfert a été très rapidement défini par l'OCDE 10 ( * ) , les principes élaborés en 1995 traduisent une vision encore embryonnaire du rôle des prix de transfert au sein des groupes d'entreprises multinationales. En particulier, aucune liste de pièces à fournir dans le cadre d'une documentation des prix de transfert n'était prévue.

Afin de procurer aux administrations fiscales des informations globales et détaillées leur permettant d'appréhender les risques liés aux prix de transfert, de mieux cibler les contrôles et de disposer des éléments nécessaires aux vérifications, l'action 13 retient trois outils :

- un « fichier principal » , contenant des informations générales concernant l'activité des entreprises multinationales et leur politique de prix de transfert à l'échelle mondiale, mis à la disposition de toutes les administrations fiscales des pays concernés ;

- un « fichier local » , précisant la détermination des prix de transfert sous un angle transactionnel, spécifique à chaque pays ;

- une déclaration pays par pays , déposée chaque année par les grandes entreprises multinationales, décrivant pour chacune des juridictions fiscales où elles exercent des activités, des éléments comptables, de marché et la liste de chacune des entités du groupe.

Les modalités retenues par l'accord BEPS s'agissant du dépôt de ces trois documents varient : il est prévu que les deux fichiers soient directement transmis auprès des administrations fiscales locales, tandis que les déclarations pays par pays seraient déposées dans la juridiction de résidence fiscale de l'entité mère ultime du groupe, puis fassent l'objet d'un échange automatique entre administrations fiscales concernées . L'échange à la demande, éventuellement prévu dans le cadre d'accords bilatéraux, resterait applicable aux informations contenues dans le fichier local.

Bénéficiant du soutien politique du G20, l'OCDE tient une place centrale dans la mise en oeuvre de ces dispositifs :

- d'une part, dans l'ouverture du champ de BEPS à l'ensemble des pays volontaires, placés sur un pied d'égalité, d'abord pour la négociation, puis pour l'application et le suivi des mesures préconisées. Il s'agit désormais de concevoir un cadre inclusif de suivi et d'évaluation, sur le modèle du Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements à des fins fiscales, qui a notamment permis de diffuser un standard minimum en matière d'échange d'informations bancaires ;

- d'autre part, dans la définition de modèles communs de législations internes et d'accords internationaux, afin de faciliter la mise en oeuvre des nouvelles normes d'information.

De fait, le projet BEPS doit être analysé comme une double actualisation du système fiscal international, s'agissant :

- de ses règles, pour mieux prendre en compte la dimension globalisée des échanges économiques, l'essor des services et du commerce intragroupe ;

- de ses acteurs, avec l'affirmation de pays n'ayant pas participé à la définition initiale du cadre fiscal international et qui n'en reconnaissent pas toujours l'autorité. Leur participation aux travaux de BEPS vise aussi à les intégrer au sein de ce corpus normatif.

2. L'innovation principale réside dans l'introduction d'une déclaration pays par pays faisant l'objet d'un échange automatique

Les outils préconisés par l'action 13 de BEPS s'inscrivent précisément dans ce double objectif : si de nombreux pays, dont la France, appliquent déjà des règles concernant la documentation des prix de transfert 11 ( * ) , la déclaration pays par pays constitue une réelle innovation.

Dans l'analyse par l'administration fiscale des prix de transfert, la déclaration pays par pays 12 ( * ) intervient en amont des deux fichiers global et local, en dressant un portrait du groupe d'entreprises multinationales et de ses différentes entités, ainsi qu'une cartographie géographique et sectorielle des activités exercées. Elles visent à évaluer les risques liés aux prix de transfert afin de centrer les contrôles approfondis sur les plus gros enjeux identifiés préalablement . De fait, elles ne se substituent pas à une analyse approfondie des prix de transfert, effectuée par la suite au moyen des obligations documentaires complémentaires. Y seront assujetties les entreprises dont le chiffre d'affaires annuel dépasse 750 millions d'euros . Il est prévu que ce seuil fasse l'objet d'une conversion initiale dans la monnaie nationale, reconduite jusqu'au réexamen en 2020. Selon l'OCDE, il assure un certain équilibre entre la charge déclarative et l'objectif visé : s'il exclut près de 90 % des groupes d'entreprises multinationales, les groupes soumis à l'obligation représentent environ 90 % du chiffre d'affaires agrégé des sociétés mondiales. En France, quelques 200 sociétés mères et 1 200 filiales seraient concernées 13 ( * ) .

Une seule exception à l'obligation déclarative vise les groupes d'entreprises multinationales dont les revenus sont tirés d'activités de transport international ou de transport par voies navigables intérieures. Relevant de dispositions conventionnelles spécifiques, en vertu desquelles les droits d'imposition sont attribués exclusivement à une juridiction, ces groupes ne doivent effectuer la déclaration qu'à l'intention de la juridiction destinatrice des droits d'imposition.

Les apports concrets de la déclaration pays par pays

Dans la situation actuelle, les différentes administrations fiscales des juridictions de résidence des entités d'un groupe d'entreprises multinationales n'ont pas accès aux informations relatives au groupe dans son ensemble. Les informations dont elles disposent se limitent à l'entité présente sur leur territoire, de sorte qu'elles ne peuvent pas appréhender l'intégralité du groupe et peuvent de facto ignorer où les profits sont déclarés. Cette situation complexifie toute évaluation des prix de transfert sur les transactions intragroupe . Dans le schéma ci-dessous, l'administration fiscale brésilienne ne connaît que l'entité B, sans disposer de renseignements sur les autres entités du groupe espagnol en Turquie ou au Panama, ni sur les activités qu'elles y exercent - recherche et développement, production, etc.

L'objectif est que chaque entité du groupe d'entreprise multinationale dépose auprès de son administration fiscale de résidence une déclaration contenant huit informations retraçant ses caractéristiques financières et ses activités. Ensuite, à l'appui d'un accord d'échange entre États, chaque juridiction dans laquelle le groupe est implanté procèderait à un échange automatique des déclarations, permettant ainsi d'appréhender les différentes entités du groupe et de confronter l'activité exercée et les impôts acquittés. Dans le schéma ci-dessous, l'administration fiscale brésilienne pourrait ainsi connaître des activités de l'entité du groupe en Turquie, ainsi qu'en Espagne .

Source : commission des finances du Sénat, à partir de la vidéo de l'OCDE, « Improving transparency with Country-by-Country Reporting ».

Pour permettre une mise en oeuvre rapide et cohérente du mécanisme, l'OCDE a défini un modèle de législation imposant la déclaration pays par pays . Il précise le contenu de la déclaration, au moyen d'un modèle de déclaration annexé au rapport. La déclaration comprend trois tableaux :

- le premier dresse une vue d'ensemble de la répartition des bénéfices, des impôts et des activités du groupe par juridiction fiscale, en retraçant huit données relatives : au chiffre d'affaires, au bénéfice ou à la perte avant impôts, aux impôts sur les bénéfices réellement acquittés, aux impôts sur les bénéfices dus pour l'année en cours, au capital social, aux bénéfices non distribués, au nombre d'employés, ainsi qu'aux actifs corporels hors trésorerie et équivalents de trésorerie ;

- le deuxième dresse la liste toutes les entités constitutives du groupe réparties par juridiction fiscale, en présentant les principales activités qu'elles exercent parmi treize propositions ;

- le troisième permet au groupe de fournir des informations complémentaires facilitant la compréhension des deux premiers tableaux.

Les premières déclarations devraient porter sur l'exercice fiscal 2016 ; un délai d'un an à compter de la clôture des comptes de l'année est recommandé pour le dépôt de la déclaration, de sorte que les premières déclarations sont attendues à la fin 2017.

S'agissant des modalités de dépôt de la déclaration, trois modalités doivent être distingués :

- le mécanisme principal prévoit que les sociétés mères ultimes des groupes d'entreprises multinationales doivent y procéder auprès de l'administration fiscale de leur juridiction. Les administrations fiscales des différentes juridictions d'implantation du groupe procèderont ensuite à l'échange automatique de la déclaration, sur le fondement d'un accord international ;

- le mécanisme subsidiaire s'applique si la société mère se situe dans un État ou territoire qui n'a pas adopté une législation conforme au standard : elle pourra confier le soin de remplir cette obligation déclarative à une de ses filiales située dans un pays qui en dispose, et ce dernier assurera les échanges. De plus, à titre transitoire, un dépôt volontaire par l'entité mère ultime établie dans un État n'ayant pas encore adopté de législation sur la déclaration pays par pays, si celui-ci la reçoit et en assure la transmission auprès des autres administrations fiscales concernées, est reconnu par l'OCDE comme une application du mécanisme subsidiaire ;

- le mécanisme secondaire prévoit qu'en l'absence de désignation d'une entité subsidiaire, chaque entité peut être requise par l'État où elle est située de souscrire localement la déclaration pays par pays pour l'ensemble du groupe auquel elle appartient.

L'accord final de BEPS précise en outre les conditions d'obtention et d'utilisation des déclarations pays par pays . Est en particulier visée la protection de la confidentialité des renseignements transmis, qui doit être d'une mesure « au moins équivalente à [celle] qui s'appliquerai[t] si ces renseignements étaient communiqués au pays en vertu des dispositions de la Convention multilatérale concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale, d'un accord d'échange de renseignements fiscaux ou d'une convention fiscale satisfaisant à la norme internationalement convenue d'échange de renseignements sur demande (...). Ces protections comprennent les limitations concernant l'utilisation de l'information, les règles relatives aux personnes auxquelles les informations peuvent être communiquées, l'ordre public, etc. » 14 ( * ) De même, l'usage des renseignements collectés est limitativement ouvert à deux possibilités : l'évaluation générale des risques liés aux prix de transfert et à d'autres risques relatifs à l'érosion de la base d'imposition, ainsi que l'utilisation à des fins statistiques. En particulier, ils ne doivent pas servir de base à des ajustements sur les revenus d'une entreprise.

Par ailleurs, l'OCDE a publié des instructions relatives à la mise en oeuvre des déclarations pays par pays le 29 juin 2016, actualisées le 5 décembre 2016 ; un guide de l'utilisateur et un schéma de transmission électronique sécurisée sont également prévus.


* 1 « Action 11 : Measuring and monitoring BEPS », Rapports finaux de 2015, page 79.

* 2 L'article 13 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 dispose : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. »

* 3 Rapport n° 59 (2015-2016) d'Éric Doligé, fait au nom de la commission des finances, déposé le 14 octobre 2015, sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord multilatéral entre autorités compétentes concernant l'échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers.

* 4 « Plan d'action concernant l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices », 2013, page 11.

* 5 « Le projet BEPS et la longue marche en direction d'une fiscalité globale pour l'économie du XXI e siècle », Pascal Saint-Amans et Éric Robert, Revue de droit fiscal n° 49, 3 décembre 2015.

* 6 Convention concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale, élaborée conjointement par l'OCDE et le Conseil de l'Europe, signée à Strasbourg le 25 janvier 1988, entrée en vigueur le 1 er avril 1995 et amendée par le Protocole du 27 mai 2010.

* 7 « Plan d'action concernant l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices », 2013, page 25.

* 8 Les échanges intragroupes représentent environ 50 % des échanges commerciaux dans le monde. En outre, selon l'INSEE, les groupes contribuent à près de 75 % des échanges internationaux réalisés par les entreprises françaises.

* 9 Cf. Les principes de l'OCDE applicables en matière de prix de transfert à l'intention des entreprises multinationales et des administrations fiscales, publiés en 1995 et régulièrement modifiés depuis.

* 10 Le principe de pleine concurrence, « arm's length principle » , veut que le prix de transfert pratiqué soit le même que si les deux sociétés en cause étaient deux entreprises indépendantes et ne faisaient pas partie du même groupe. Le prix de transfert doit donc être arrêté comme s'il l'avait été sur un marché concurrentiel.

* 11 Par exemple, la résolution du Conseil et des représentants des gouvernements des États membres, réunis au sein du Conseil du 27 juin 2006, concernant le code de conduite relatif à la documentation des prix de transfert pour les entreprises associées au sein de l'Union européenne prévoit pour les groupes d'entreprises multinationales une manière de fournir aux autorités fiscales des informations sur l'ensemble des activités économiques et les politiques de fixation des prix de transfert, ainsi que des informations relatives aux transactions concrètes de l'entité locale.

* 12 La déclaration pays par pays ou « Country by Country Reporting » est communément désignée par l'acronyme CBCR.

* 13 Étude d'impact annexée au présent projet de loi, page 3.

* 14 « Documentation des prix de transfert et déclaration pays par pays », Rapport final 2015 sur l'action 13 de BEPS, OCDE 2015, page 25.

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