B. LA REBUDGÉTISATION DU FINANCEMENT DE L'ADEME N'EMPORTE PAS DE RENFORCEMENT DE SES MOYENS

1. Une rebudgétisation nécessaire pour faire face à des difficultés importantes de trésorerie

L'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) est un établissement public à caractère industriel et commercial qui participe à la mise en oeuvre des politiques publiques dans les domaines de l'environnement, de l'énergie et du développement durable.

Depuis 2009, son financement est assuré par l'attribution du produit de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), dont le montant est resté stable, à hauteur de 448,7 millions d'euros, entre 2015 et 2017 10 ( * ) . Outre les recettes de cette taxe affectée, l'agence bénéficie de ressources propres, qui proviennent de subventions contractualisées avec des tiers (Union Européenne, État, collectivités territoriales), des ventes de biens et services (formations, colloques, éditions) et de produits divers de gestion.

Évolution des moyens de l'ADEME en 2016 et 2017

(en millions d'euros)

Source  réponses au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial

Sous l'effet du plafonnement des recettes et des prélèvements opérés successivement (dont 100 millions d'euros en 2016), le montant du fonds de roulement devait être quasiment épuisé à la fin de l'année 2017. Or ce fonds de roulement permet à l'opérateur de faire face au décalage entre les dépenses engagées et la perception des recettes de TGAP, versée par les redevables entre avril et mai .

Évolution du fonds de roulement de l'ADEME entre 2014 et 2017

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial

Compte tenu de l'insuffisance du fonds de roulement en 2017 pour compenser ce décalage, l'ADEME a diminué les avances qu'elle effectue dans le cadre de ses programmes d'aide, afin d'économiser entre 40 et 50 millions d'euros, et a pris d'autres mesures exceptionnelles de trésorerie.

Afin de remédier aux problèmes récurrents de trésorerie de l'ADEME et d'apporter une solution à l'épuisement de son fonds de roulement, l'article 19 du présent projet de loi de finances prévoit la budgétisation totale des ressources de l'ADEME et la suppression de l'affectation de la TGAP à l'ADEME, qui alimenterait dorénavant le budget général de l'État, comme le recommandait d'ailleurs la Cour des comptes 11 ( * ) .

Aussi 612,7 millions d'euros de subvention pour charges de service public pour l'ADEME sont-ils prévus sur le programme 181 « Prévention des risques », soit une ressource supérieure de 36 % au produit de TGAP qui lui était auparavant affecté . Cette rebudgétisation emporte la création d'une nouvelle action (action 12 « ADEME ») sur le programme 181.

Votre rapporteur se félicite de cette rebudgétisation, dès lors que l'affectation de la TGAP n'apparaissait plus en adéquation avec les besoins de l'ADEME. En effet, le rythme de versement de la TGAP cadençait trop fortement la variation de trésorerie, avec des versements concentrés sur la période de mai à novembre. Le versement d'une subvention devrait permettre de répondre à ces contraintes fortes de trésorerie.

En outre, une dotation complémentaire de 164 millions d'euros en autorisation d'engagement et en crédits de paiement est prévue pour 2018 au titre du grand plan d'investissement (GPI) en renfort des fonds de l'ADEME, afin, notamment, de mettre en place un nouveau fonds air et transport mobilité, qui serait doté de 20 millions d'euros en 2018 (cf. infra ). Sur la durée du quinquennat, les fonds de l'ADEME seraient augmentés de 720 millions d'euros par rapport à leur niveau de 2017 .

D'après le président de l'ADEME, Bruno Lechevin, 514 millions d'euros seront décaissés en 2018 pour honorer les engagements passés de l'agence, environ 100 millions d'euros restant ainsi consacrés aux dépenses de fonctionnement de l'agence. À ce titre, l'opérateur contribue à la maîtrise des dépenses publiques à hauteur de 2 % par an s'agissant des frais de fonctionnement.

L'augmentation du budget de l'ADEME, absorbée par le règlement des reste-à-payer issus des engagements, n'emporterait pas de moyens supplémentaires.

S'agissant de l'évolution des effectifs , l'ADEME a plutôt été préservée par rapport aux autres opérateurs. En effet, alors que le triennal 2015-2017 prévoyait une réduction de 19 ETPT par an, cette baisse n'a été que de 7 ETPT en 2015, de 9 ETPT en 2016 (afin notamment de tenir compte du surcroît d'activité lié à la gestion d'enveloppes du programme d'investissements d'avenir) et de 11 ETPT en 2017. Pour l'année 2018, il est demandé à l'ADEME de réduire son plafond d'emploi de 16 ETPT.

Évolution des emplois sous plafond rémunérés par l'ADEME

(en ETPT)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial

En dépit de la communication du Gouvernement, axée sur la hausse de 36 % du budget de l'ADEME, l'agence est confrontée à une stagnation de ses moyens, qui apparaît contradictoire avec la volonté d'accroître les missions et les aides versées par l'agence dans le cadre du développement de la chaleur renouvelable et de la politique de prévention et de valorisation des déchets.

2. Un éloignement des objectifs fixés par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte
a) Le budget consacré au fonds « chaleur » n'est pas à la hauteur des attentes

L'ADEME, à travers le fonds « chaleur », soutient le développement des investissements de production et des réseaux de distribution de chaleur renouvelable pour les besoins de l'habitat collectif, du tertiaire, de l'industrie et de l'agriculture.

Ce fonds finance deux types de projets : les installations de petite et moyenne taille, en complément d'autres aides pouvant être versées (par exemple via l'éco-prêt à taux zéro) ; les installations biomasses de grande taille dans les secteurs agricole et tertiaire, mis en place dans le cadre des appels à projets nationaux annuels « Biomasse Chaleur Industrie Agriculture Tertiaire » (BIACT).

Depuis sa création en 2009, le fonds « chaleur » a permis de soutenir un nombre important de projets : entre 2009 et 2016, 1,7 milliard d'euros ont été engagés pour soutenir plus de 4 000 opérations d'investissements (dont 46 % de projets de production de chaleur à partir de la biomasse).

Évolution des montants engagés par le fonds « chaleur » de l'ADEME

(en millions d'euros)

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

Total

Fonds « chaleur »

169

264

249

231

206

165

216

213

1 713

Source : réponses au questionnaire de votre rapporteur spécial

Les aides apportées par le fonds s'inscrivent pleinement dans l'objectif fixé par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte de porter la part des énergies renouvelables à 38 % de la consommation finale de chaleur d'ici 2030 et de multiplier par cinq la quantité de renouvelable et de récupération livrée par les réseaux de chaleur et de froid. Le décret relatif à la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) fixe par ailleurs des objectifs intermédiaires en 2018 et 2023 ambitieux 12 ( * ) .

En outre, le plan « Climat » précise que « la chaleur d'origine renouvelable est une énergie compétitive en matière de soutien public, qui réduit les émissions de gaz à effet de serre en se substituant aux combustibles fossiles (gaz ou charbon). Elle constitue donc un vecteur essentiel pour l'atteinte de nos objectifs climatiques et énergétiques ». Force est toutefois de constater que le budget consacré au fonds « chaleur » n'est pas à la hauteur des attentes.

Si le soutien à la chaleur renouvelable constitue cette année encore le principal poste de dépense de l'ADEME, le budget qui y est alloué apparaît cependant en diminution de 10 % par rapport à 2017 , et s'élèverait à 200 millions d'euros en 2018 .

Principaux postes de dépense de l'ADEME en 2018

Source : commission des finances du Sénat d'après le projet annuel de performances annexé à la mission

Or ce fonds paraît sous-dimensionné au regard des objectifs fixés. Ainsi, le Président de la République s'est engagé à doubler le fonds « chaleur » d'ici la fin du quinquennat. L'annonce du doublement du budget du fonds « chaleur » par le précédent Gouvernement n'avait connu aucune traduction budgétaire. Au regard des crédits prévus à ce titre pour 2018, votre rapporteur spécial craint un nouvel « effet d'annonce » non traduit en actes.

Pourtant, d'après les informations communiquées, le portefeuille de projets identifiés par l'ADEME pour 2018 dépasse les 350 millions d'euros d'aide, la dynamique de hausse de la « composante carbone » proposée par l'article 9 du présent projet de loi de finances devant conduire à une augmentation significative du prix des combustibles fossiles, qui améliorerait la compétitivité des projets de chaleur renouvelable 13 ( * ) .

Alors même que l'accélération du déploiement des énergies renouvelables constitue un des axes du Plan « Climat », le triplement, voire le quadruplement du volume de projets aidés par le fonds chaleur nécessaire pour atteindre les objectifs fixés implique le doublement du fonds chaleur, que votre rapporteur appelle de ses voeux.

b) Une nouvelle réduction des moyens alloués au fonds « déchets »

L'ADEME a également pour mission d'accompagner la politique « déchets » de l'État.

La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LETCV) a, là aussi, fixé des objectifs ambitieux de diminution de 10 % des déchets ménagers et assimilés par habitant par an d'ici 2020, d'atteinte de 55 % de valorisation de l'ensemble des déchets non dangereux ménagers et industriels d'ici 2020 et de division par deux du recours à la mise en décharge entre 2010 et 2025.

Évolution des montants engagés par le fonds « déchets » de l'ADEME

(en millions d'euros)

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

(prévision)

2018

(prévision)

Fonds « déchets »

103

153

218

203

185

177

191

186

194, réduit à 166

155

Source : réponses au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial

L'ADEME intervient au travers des crédits du fonds « déchets », qui constituent son deuxième poste de dépenses après la chaleur renouvelable, en soutenant les collectivités territoriales dans la définition et la mise en place de leurs plans et programmes locaux de prévention, en apportant des aides à l'investissement au recyclage des déchets ménagers, industriels et du BTP.

Or le budget prévu initialement pour 2017 a fait l'objet d'une réduction sensible en octobre 2017, conduisant à reporter le financement de projets en cours d'instruction sur 2018. Dans le sillage de cette réduction, le budget prévisionnel pour 2018 diminue de 39 millions d'euros, pour atteindre 155 millions d'euros, ce qui impliquera une sélectivité accrue des projets.

Là encore, l'adoption de la LTECV n'a pas conduit à une augmentation des moyens alloués à l'ADEME pour permettre d'accompagner les opérations de prévention et de valorisation des déchets .

À la suite de la réforme a minima de la TGAP « déchets », opérée par l'article 52 de la loi de finances rectificative pour 2016 14 ( * ) , votre rapporteur spécial appelle de ses voeux un approfondissement du caractère incitatif de la TGAP « déchets », et suivra avec attention les mesures qui seront proposées en matière de fiscalité des déchets dans le cadre de la « feuille de route » relative à l'économie circulaire en cours d'élaboration.


* 10 Depuis 2015, l'ADEME ne bénéficie plus de subvention pour charges de service public.

* 11 Rapport particulier « Comptes et gestion de l'ADEME, exercices 2009 à 2014, actualisation à 2015 pour la gestion », Cour des comptes, mars 2017.

* 12 Voir le décret n° 2016-1442 du 27 octobre 2016 relatif à la programmation pluriannuelle de l'énergie.

* 13 L'aide du fonds chaleur est calculée en fonction du différentiel de compétitivité entre la production de chaleur renouvelable et une solution gaz de référence.

* 14 Loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016.

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