C. L'ADAPTATION DE LA PROTECTION DES REPRÉSENTANTS DU PERSONNEL CONTRE LE LICENCIEMENT

L'article 2 de l'ordonnance procède à l'adaptation des dispositions du code du travail relatives à la protection contre le licenciement des salariés titulaires d'un mandat de représentation du personnel ou exerçant des responsabilités syndicales afin de tirer les conséquences du remplacement des délégués du personnel, du comité d'entreprise et du CHSCT par le comité social et économique.

Ainsi, le licenciement d'un membre de la délégation du personnel doit être autorisé par l'inspecteur du travail , jusqu'à l'expiration d'un délai de six mois à l'issue de son mandat (art. L. 2411-5). Ce régime est étendu aux représentants de proximité (art. L. 2411-8) et aux membres du comité social et économique interentreprises (art. L. 2411-10). Les candidats à ces fonctions bénéficient de la même protection pendant six mois à compter du dépôt de leur candidature (art. L. 2411-7, L. 2411-9 et L. 2411-11). La rupture anticipée du CDD ou d'une mission de travail temporaire d'un salarié se trouvant dans l'un de ces cas de figure ne peut également intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail, tout comme le transfert de son contrat de travail.

Le droit à la réintégration en cas d'annulation de la décision d'autorisation du licenciement prononcée par l'inspecteur du travail ou, en cas de recours hiérarchique, par le ministre du travail, n'est pas modifié et trouve toujours à s'appliquer dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision en ce sens (art. L. 2422-1) et s'accompagne de l'indemnisation du préjudice subi (art. L. 2422-4).

De même, la sanction pénale du licenciement d'un salarié protégé en méconnaissance de la procédure d'autorisation administrative est inchangée : l'employeur s'expose à une peine d'emprisonnement d'un an et 3 750 euros d'amende (art. L. 2432-1).

Les articles 3 et 4 de l'ordonnance procèdent à diverses coordinations dans le code du travail pour supprimer les références aux délégués du personnel, au comité d'entreprise et au CHSCT et les remplacer par des renvois au comité social et économique.

D. LA REVALORISATION DE L'EXERCICE D'UN MANDAT SYNDICAL

Le cadre fixé par la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d'habilitation
à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social
(article 2, 5°)

« Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances toute mesure relevant du domaine de la loi afin de mettre en place une nouvelle organisation du dialogue social dans l'entreprise et de favoriser les conditions d'implantation syndicale et d'exercice de responsabilités syndicales, applicables aux employeurs et aux salariés mentionnés à l'article L. 2211-1 du code du travail, en :

[...]

5° Renforçant le dialogue social par la possibilité pour le salarié d'apporter au syndicat de son choix des ressources financées en tout ou partie par l'employeur, par le renforcement et la simplification des conditions d'accès à la formation des représentants des salariés, par l'encouragement à l'évolution des conditions d'exercice de responsabilités syndicales ou d'un mandat de représentation et la reconnaissance de ceux-ci dans le déroulement de carrière et les compétences acquises en raison de ces responsabilités, ainsi que par l'amélioration des outils de lutte contre les discriminations syndicales. »

Les articles 5 et 6 de l'ordonnance s'inscrivent dans la volonté du Gouvernement de renforcer le dialogue social dans les entreprises en cherchant à développer les incitations à l'exercice d'un mandat de représentation du personnel et à mieux valoriser , au terme de celui-ci, les compétences acquises dans ces fonctions . Ils n'épuisent toutefois pas le champ de l'habilitation puisqu'ils ne traitent ni du chèque syndical, ni de la lutte contre les discriminations syndicales.

Ils sont en partie inspirés par le rapport remis par Jean-Dominique Simonpoli à la ministre du travail en août 2017 sur la reconnaissance et la valorisation des compétences des représentants du personnel et des mandataires syndicaux , qui a formulé vingt propositions en ce sens. Celui-ci avait notamment insisté sur les efforts à consentir pour maintenir l'employabilité des élus et sur le rôle des branches pour inciter les entreprises à changer de regard sur leurs représentants du personnel.

L'article 5 s'inspire de deux recommandations de ce rapport. Son paragraphe I élargit partiellement le champ de l'entretien professionnel de fin de mandat institué par la loi du 17 août 2015 104 ( * ) . Selon ce texte, lorsque l'entretien professionnel biennal , dont doit bénéficier tout salarié en application de l'article L. 6315-1, a lieu au terme d'un mandat et que ce dernier s'accompagnait d'heures de délégation représentant au moins 30 % de la durée du travail du salarié concerné, il doit être l'occasion de procéder au recensement des compétences acquises dans ces fonctions et de définir les modalités de valorisation de cette expérience . L'article 5 supprime ce seuil de 30 % mais uniquement dans les entreprises d'au moins deux mille salariés , ouvrant donc le bénéfice de cet entretien à tous leurs représentants du personnel dans ces grandes entreprises.

Le rapport Simonpoli avait jugé que la distinction introduite par ce seuil reposant sur le crédit d'heures de délégation était « peu pertinente » 105 ( * ) et appelait à sa suppression dans toutes les entreprises , au motif qu'elle ne tenait pas compte de l'engagement hors du temps de travail (proposition n° 4). Il n'a donc été que partiellement suivi.

De même, son paragraphe II vise à clarifier l'obligation de formation des salariés mis à la disposition des syndicats (proposition n° 2). Un accord de branche étendu ou un accord d'entreprise peut prévoir la mise à disposition de salariés d'une entreprise à une organisation syndicale (art. L. 2135-8). Cet accord devra désormais prévoir des stipulations permettant à l'employeur, dont les obligations sont maintenues durant cette période, de se conformer à son obligation d'adaptation du salarié à son poste de travail et de maintien de sa capacité à occuper un emploi.

Enfin le paragraphe III vise à faciliter la participation des salariés des petites entreprises aux négociations de branche . Celles dont l'effectif est inférieur à un seuil qui doit être déterminé par voie réglementaire 106 ( * ) verront la rémunération des salariés concernés , ainsi que les cotisations et contributions sociales, prises en charge par le fonds paritaire de financement du dialogue social .

L'article 6 réforme quant à lui les règles relatives au maintien de la rémunération des salariés bénéficiant du congé de formation économique, sociale et syndicale . En l'état actuel du droit, celle-ci peut être maintenue partiellement ou dans son intégralité, l'employeur devant être remboursé par l'organisation syndicale dont est membre le salarié. Faute de remboursement, une retenue sur le salaire de la personne concernée peut être effectuée (art. L. 2145-6).

L'ordonnance transforme profondément ce mécanisme. Tout d'abord, le principe d'un maintien total de la rémunération du salarié en congé de formation économique, sociale et syndicale est affirmé . Ensuite, le mécanisme de remboursement de celle-ci par les organisations syndicales est supprimé. En contrepartie, les employeurs peuvent la déduire de leur contribution au fonds paritaire pour le financement du dialogue social .


* 104 Loi n° 2015-994 du 17 août 2015 précitée.

* 105 Jean-Dominique Simonpoli, « La reconnaissance et la valorisation des compétences des représentants du personnel et des mandataires syndicaux », rapport à la ministre du travail, août 2017, p.7.

* 106 Fixé à cinquante salariés par le décret n° 2017-1818 relatif à la prise en charge de la rémunération des salariés participant aux négociations de branche.

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