G. LE PATRIMOINE IMMOBILIER DES ARMÉES EST DÉGRADÉ : SA REMISE À NIVEAU EST URGENTE

Au cours de la précédente LPM, votre commission n'a cessé de dénoncer la lente dégradation du patrimoine immobilier des armées , faute d'entretien suffisant. Cette réalité , que nous constatons lors de nos déplacements sur le terrain, n'est pas acceptable au regard des efforts demandés à nos soldats. La remise à niveau des infrastructures de vie et l'amélioration des conditions de logement sont aujourd'hui des priorités auxquelles votre commission sera particulièrement attentive . Elle approuve la remontée en puissance de la fonction immobilière que prévoit la LPM, mais s'interroge sur l'échelonnement de cet effort, et sur sa soutenabilité.

1. Un redressement de la fonction « infrastructure » rendu indispensable par des années de sous-investissement

Dans le domaine immobilier, le Sénat a estimé, en 2017, les besoins des armées à 2,5 milliards d'euros supplémentaires sur six ans, dont 1,5 milliard d'euros pour les infrastructures, 800 millions d'euros pour la maintenance et 200 millions d'euros pour des opérations diverses 33 ( * ) .

Comment en est-on arrivé là ?

Pour la moitié d'entre eux, ces besoins étaient déjà connus lors de l'élaboration de la LPM 2014-2019, mais avaient été écartés pour respecter le cadrage financier alors défini.

Par ailleurs, des besoins non anticipés, notamment pour l'accueil du programme Barracuda, et des besoins nouveaux de sécurité et de protection ont dû être financés à enveloppe constante, ce qui a conduit à différer ou annuler des opérations dites « non technico-opérationnelles ». En clair, « les dépenses impératives ont évincé les dépenses urgentes » 34 ( * ) . La répartition de l'effort entre infrastructures opérationnelles et infrastructures de vie a été progressivement modifiée, en cours d'application de la LPM. L'équilibre initial s'est ainsi déformé, sous l'effet de la priorité qu'il a fallu accorder aux infrastructures opérationnelles, faute de crédits suffisants.

Enfin, la remontée en puissance décidée en 2015, avec l'augmentation des effectifs de la force opérationnelle terrestre (+11 000), a également suscité de nouveaux besoins.

En conséquence, le budget consacré à l'entretien du parc immobilier est aujourd'hui notoirement insuffisant. Ce budget est passé, en 10 ans, de 6 à 2 euros au mètre carré . Tandis qu'un bâtiment est en principe construit pour 50 ans, ceux du ministère des armées le sont pour 90 ou 100 ans, ce qui constitue un héritage préoccupant.

Ce sous-investissement a un coût financier, puisque des opérations différées sont généralement plus onéreuses que des opérations réalisées en temps utile. Mais il a surtout un coût humain, que le Haut Comité d'évaluation de la condition militaire (HCECM) 35 ( * ) dénonce de façon récurrente. Le délabrement de certaines installations participe d'une « usure » et d'une baisse du moral des personnels.

Le plan d'action « Condition de vie du personnel » (Condipers), décidé en 2014 et doté de 627 millions d'euros, n'a permis de répondre qu'à une partie des situations les plus urgentes. Ce plan a permis l'identification de 697 « points noirs », dont 84 % avaient été traités à l'été 2017, représentant 44 % des crédits du plan, ce qui signifie que les travaux les plus lourds restaient à réaliser . De nombreux ensembles d'alimentation et d'hébergement ne sont toujours pas aux normes du plan Vivien lancé en... 1996 !

2. L'effort permis par la LPM

Le rapport annexé précise que la LPM doit permettre, « dans un premier temps », de « réparer l'existant », puis, « dans un second temps », « de remettre à niveau » le parc immobilier du ministère. Il s'agira donc d'abord de combler le sous-investissement des précédentes LPM .

D'après les informations fournies par M. Jean-Paul Bodin, secrétaire général de l'administration du ministère des armées, lors de son audition par votre commission le 11 avril 2018, la LPM doit permettre un niveau d'investissement moyen dans les infrastructures de 1,7 milliard d'euros par an sur les années 2019 à 2022, pour atteindre 2 milliards d'euros en 2025. L'effort annuel moyen était de 1,3 milliard d'euros sous la précédente LPM, ce qui représente un effort supplémentaire de +400 millions d'euros.

Par ailleurs, sur un total de 13,6 milliards d'euros d'investissements, 7,4 milliards d'euros seront consacrés au financement de l'adaptation des infrastructures dites « capacitaires », dont 3,5 milliards d'euros pour les programmes d'infrastructures majeurs d'accueil et 3,9 milliards d'euros pour la remise à niveau des installations portuaires et aéroportuaires, l'accompagnement de la remontée en puissance de la force opérationnelle terrestre, ainsi que les autres grands chantiers.

Investissements dans le domaine des infrastructures (2019-2025)

M€ courants

Total 2019-2025

Adaptation capacitaire
des forces et plans ministériels (CONDIPERS, plan famille, SECPRO...)

7 400

Maintenance (ML +MC)

3 284

Entretien et loyers (FAS)

1 844

Opérations MINARM (DRSD, La Rochelle, Hao, ...)

665

Adaptation capacitaire
hors forces

406

Total

13 600

M. Jean-Paul Bodin, secrétaire général pour l'administration du ministère des armées, a apporté les précisions suivantes, conformes aux éléments figurant dans le rapport annexé à la présente LPM : « Outre l'hébergement et le logement déjà évoqués, la LPM portera un effort sur les infrastructures de vie courante afin de les mettre aux standards modernes. Un plan relatif aux infrastructures des lycées militaires de la défense d'une centaine de millions d'euros, sera mis en oeuvre en début de LPM, en vue de remettre à niveau les bâtiments et de renforcer les capacités d'accueil des lycées. Nous pensons investir une centaine de milliers d'euros sur ces derniers. La période sera consacrée au renforcement des capacités de maintenance et de maintien en condition. 3,2 milliards d'euros seront ainsi consacrés à la maintenance, soit le double de l'investissement programmé par la précédente LPM. Certains pourraient penser qu'il s'agit d'un effort insuffisant. Mais il nous faut doser la répartition des efforts. »

La LPM prévoit la réalisation des infrastructures d'accueil et de soutien des équipements militaires, en particulier pour les programmes Barracuda, frégates multi-missions (FREMM), Rafale, A400M et MRTT ( multirole tanker transport ), Scorpion, ainsi que la poursuite des investissements de remise à niveau et de sécurité-protection des installations existantes.

Cette LPM permet, en outre, de consolider le plan Familles, décidé en 2017. Ce plan représente une enveloppe financière supplémentaire de près de 530 millions d'euros sur la période 2019-2025.

D'après les informations fournies à votre commission par le ministère des armées :

- le volet « infrastructure » du plan Familles prévoit, s'agissant du logement familial en métropole, une augmentation nette de l'offre de logement de 660 unités. De nouveaux logements domaniaux doivent être construits outre-mer, notamment à Mayotte (24 unités), en Guyane (65 unités).

- En région parisienne, le parc de logements doit être augmenté de 400 unités d'ici à 2022. En outre, le ministère récupèrera à titre gratuit 50 des 250 logements sociaux qui seront construits par la ville de Paris sur la fraction du site de l'îlot Saint-Germain qu'elle devrait acquérir, où d'autres réservations (payantes) sont possibles. Par ailleurs, l'offre d'hébergement en Ile-de-France pour les cadres (sous-officiers) célibataires doit augmenter de 410 unités. Outre l'Ile-de-France, le plan Familles cible la base de défense de Toulon, autre zone de fortes tensions locatives. L'objectif est, à terme, d'atteindre des taux globaux de satisfaction des demandes de logement de 70 % en Ile de France et de 65 % à Toulon.

Votre commission présentera des amendements sur le volet immobilier de la LPM, insuffisant.


* 33 Chiffres donnés par votre commission dans le rapport « 2 % du PIB : les moyens de la défense nationale » de M. Jean-Pierre Raffarin et M. Daniel Reiner, n° 562 (2016-2017).

* 34 « Exécution de la programmation militaire 2014-2019 : une LPM sur le fil », rapport d'information n° 718 de M. François André et M. Joaquim Pueyo, députés, au nom de la commission de la défense de l'Assemblée nationale (février 2018).

* 35 11 ème rapport du HCECM (septembre 2017)

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