CHAPITRE II - AFFERMIR LE DÉPARTEMENT DANS SA MISSION DE GARANT DE LA SOLIDARITÉ TERRITORIALE

Article 12 (art. L. 1111-10 et L. 1511-2 du code général des collectivités territoriales) - Extension du champ des investissements dans le secteur marchand auxquels peuvent contribuer les départements

L'article 12 de la proposition loi a pour objet d'étendre, de manière tant géographique que sectorielle, le champ des investissements en faveur des entreprises du service marchand auxquels peuvent contribuer les départements.

1. Les investissements limités des départements dans le secteur marchand

1.1. Un secteur très encadré

Les fondements juridiques relatifs à l'intervention économique des collectivités territoriales ont longtemps été jurisprudentiels. Le pouvoir législatif s'est saisi du sujet depuis les années 1980, et encadre désormais strictement les investissements des départements dans le secteur marchand.

• Des fondements jurisprudentiels

Par son arrêt du 30 mai 1930, Chambre syndicale du commerce en détail de Nevers 40 ( * ) , le Conseil d'État avait jugé que les collectivités publiques pouvaient intervenir dans les domaines économiques que si, « en raison des circonstances particulières de temps et de lieu, un intérêt public justifie leur intervention en cette matière » . Cet intérêt public peut notamment résulter d'une carence de l'initiative privée.

Par suite, le Conseil d'État a jugé que les personnes publiques ne peuvent intervenir dans les domaines économiques que si leur intervention n'a pas pour effet de fausser le libre jeu de la concurrence avec les autres opérateurs économiques 41 ( * ) .

Ces principes ont conservé une large portée : le code général des collectivités territoriales encadre de manière restrictive les aides que peuvent accorder les collectivités territoriales au secteur marchand.

• Un encadrement législatif des interventions économiques des départements

Jusqu'à la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite « NOTRe » , le département pouvait, sur la base de l'article L. 3231-3 du code général des collectivités territoriales désormais abrogé, lorsque la protection des intérêts économiques et sociaux de la population départementale l'exigeait, accorder des aides directes et indirectes à des entreprises en difficulté. Les mêmes règles s'appliquaient lorsque l'intervention avait pour but d'assurer le maintien de services nécessaires à la satisfaction des besoins de la population en milieu rural, si l'initiative privée était défaillante ou absente.

Dans le but affiché de clarifier la répartition des compétences entre les collectivités territoriales, la loi « NOTRe » a réduit les possibilités d'intervention du département, dont la fonction est désormais ciblée sur les questions relatives aux solidarités sociales et territoriales. Il n'a plus de compétence économique de droit commun mais conserve des compétences déterminées par la loi pour intervenir sur des objets circonscrits s'inscrivant dans le cadre de la solidarité territoriale.

L'article 1111-10 du code général des collectivités territoriales reconnaît des cas dans lesquels le département peut contribuer au financement de projets économiques :

- le premier alinéa du I indique que le département peut octroyer des financements aux projets dont les communes et leurs groupements sont maîtres d'ouvrage , à leur demande. La contribution du département ne peut cependant avoir pour effet d'apporter indirectement une aide à une entreprise 42 ( * ) ;

- le second alinéa du I définit de manière limitative les cas dans lesquels le département peut contribuer aux financements d'investissements en faveur des entreprises de services marchands . Les conditions nécessaires sont strictes : il doit s'agir d'une opération d'investissement, réalisée « pour des raisons de solidarité territoriale » et lorsque l'initiative privée est « défaillante ou absente ». En outre, seuls deux types de projets sont concernés :

1° les opérations en faveur des entreprises de services marchands nécessaires aux besoins de la population en milieu rural dont la maîtrise d'ouvrage est assurée par des communes ou des EPCI à fiscalité propre ;

2° les opérations en faveur de l'entretien et de l'aménagement de l'espace rural réalisées par les associations syndicales autorisées .

Les associations syndicales de propriétaires (ASP)

Les associations syndicales de propriétaires (ASP) sont des groupements de propriétaires fonciers régis par l'ordonnance n° 2004-632 du 1 er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires et le décret n° 2006-504 du 3 mai 2006 portant application de l'ordonnance précitée.

Les ASP permettent d'effectuer en commun des travaux d'amélioration, d'entretien ou de mise en valeur des biens. Leurs actions ont pour objectif :

- de prévenir les risques naturels ou sanitaires, les pollutions ou les nuisances ;

- de préserver, de restaurer ou d'exploiter des ressources naturelles ;

- d'aménager ou d'entretenir des cours d'eau, lacs ou plans d'eau, voies et réseaux divers ;

- de mettre en valeur des propriétés.

Parmi les ASP, plusieurs régimes sont possibles :

- les associations syndicales libres (ASL) sont des personnes morales de droit privé librement constituées par les propriétaires ;

- les associations syndicales autorisées (ASA) sont des établissements publics à caractère administratif. Elles sont autorisées par le préfet après enquête publique et avis favorable des propriétaires concernés selon un système de double majorité ;

- les associations syndicales constituées d'office (ASCO) sont des établissements publics à caractère administratif constitués par le préfet après enquête publique. Il pèse sur les propriétaires concernés une obligation légale d'entretien.

1.2. Des possibilités réduites ne permettant pas aux départements d'atteindre leurs objectifs législatifs

Depuis l'entrée en vigueur de la loi « NOTRe », le développement économique est une attribution régionale. Les départements n'ont donc plus de compétence en matière économique sauf disposition législative spécifique.

Le département conserve sa capacité d'intervention en faveur de l'équipement rural (article L. 3232-1 du code général des collectivités territoriales) et du maintien des professionnels de santé en milieu rural (article L. 1111-5). D'autres aides, dont l'objet est très particulier, sont également maintenues : elles concernent l'électrification, le spectacle cinématographique, et la défense des forêts contre l'incendie (articles L. 3232-1 et suivants).

En dehors de ces aides spécifiques, le département peut avoir besoin d'intervenir économiquement sur son territoire afin de garantir la solidarité territoriale . Or, en l'état actuel du droit, le champ limité des interventions économique du département restreint fortement ses ambitions, parfois aux dépens de l'objectif plus large d'aménagement et de développement équilibré du territoire.

Votre commission propose d'accroître les possibilités pour le département de faire face aux problématiques de son territoire, en élargissant le champ des investissements possibles dans le secteur marchand en lien avec sa compétence de solidarité territoriale.

2. L'extension du champ des investissements des départements dans le secteur marchand

2.1. L'article 12 de la proposition de loi

L'article 12 de la proposition de loi a pour objet de renforcer les possibilités données au département pour garantir la solidarité territoriale.

Les auteurs de la proposition de loi souhaitent que la compétence du département en matière de financement d'opérations d'investissement en faveur des entreprises de services marchands soit étendue dans deux directions :

- elle pourrait désormais s'exercer sur l'ensemble du territoire départemental , et non plus uniquement en milieu rural ;

- elle concernerait l'ensemble des opérations relatives à l'entretien et à l'aménagement de l'espace rural , et non plus les seules opérations réalisées par les associations syndicales autorisées.

Les conditions relatives à l'objectif de solidarité territoriale, à la nécessaire réponse aux besoins de la population et à l'insuffisance de l'initiative privée seraient maintenues.

2.2. La position de votre commission

Votre commission juge nécessaire d'élargir les possibilités d'intervention économique des départements, sans remettre en cause les compétences des autres collectivités territoriales. Pour ce faire, elle a adopté un amendement COM-48 rectifié bis de son rapporteur.

Elle a tout d'abord fait coïncider le périmètre des aides auxquelles peut contribuer le département avec celui des aides que les communes peuvent accorder au titre de l'article L. 2251-3, en l'étendant aux communes comprenant un ou plusieurs quartiers prioritaires de la politique de la ville.

Elle a ensuite étendu les aides du département en faveur de l'entretien et de l'aménagement de l'espace rural aux associations syndicales constituées d'office . La proposition de loi initiale prévoyait d'élargir la compétence des départements pour qu'il puisse contribuer à l'ensemble des opérations relatives à l'aménagement de l'espace rural, et non plus aux seules opérations réalisées par les associations de propriétaires. Cette disposition aurait pour conséquence de porter atteinte à l'équilibre de la loi « NOTRe » en donnant une compétence large aux départements en matière d'interventions économiques. Votre commission a préféré étendre les possibilités actuelles du département aux associations de propriétaires constituées d'office qui sont, comme les associations syndicales autorisées, constituées après enquête publique.

Enfin, votre commission a inclus les départements dans la liste des collectivités auxquelles la région peut déléguer tout ou partie de l'octroi des aides aux entreprises . Il ne s'agit donc pas de rétablir une compétence de plein droit des départements en matière d'aides aux entreprises : la région resterait maîtresse du processus. Ce dispositif est conforme à l'esprit qui a présidé à l'adoption de la loi « NOTRe » (et au texte même du projet de loi initial). Votre commission des lois estimait alors que la faculté générale dont disposent les collectivités de déléguer leurs compétences, prévue à l'article L. 1111-8 du code général des collectivités territoriales, rendait inutile une telle précision. La circulaire d'application de la loi est malheureusement plus restrictive, ce qui justifie le vote d'une nouvelle disposition.

Votre commission a adopté l'article 12 ainsi modifié .

Article 13 (supprimé) (art. L. 3232-1-1 du code général des collectivités territoriales) - Extension du champ de l'ingénierie départementale

L'article 13 de la proposition loi visait à étendre le champ de l'assistance technique offerte par les départements aux communes et établissements publics de coopération intercommunale. Son ambition étant largement satisfaite par le droit en vigueur, il a été supprimé par votre commission.

1. Une assistance technique et juridique pour les petites communes et intercommunalités

Certaines communes et leurs groupements ne disposent pas, du fait de leur taille et de leurs ressources, des moyens humains et financiers nécessaires à l'exercice de leurs compétences. Une assistance leur était historiquement apportée par les services de l'État. Celle-ci se réduit, laissant une place croissante au recours à l'ingénierie du département.

1.1. L'insuffisante mise à disposition de l'ingénierie de l'État

• Un retrait progressif de l'État

Au cours de l'histoire, l'État a été amené à mettre son expertise juridique et technique au service des collectivités locales. Plusieurs périodes peuvent être distinguées.

Dans les années 1960 , l'État, que l'on a pu qualifier d'aménageur , intervenait directement sur les territoires via ses grands corps et la délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (DATAR) afin de structurer les réseaux et les grands équipements.

Avec la décentralisation , l'État se pose d'abord en soutien des collectivités territoriales et de leurs groupements avant de se désengager progressivement.

À partir de 1983 43 ( * ) , les services déconcentrés des ministères de l'équipement, de l'environnement, des transports et de l'agriculture (directions départementales de l'équipement et directions départementales de l'agriculture) assuraient des missions de conseil et d'appui aux collectivités territoriales dans le cadre de leurs compétences d'ingénierie publique. En 2000, près de 22 000 communes ou groupements communaux avaient bénéficié d'environ 30 000 prestations des services de l'État. Les rémunérations versées à l'État par les collectivités territoriales à ce titre atteignaient 237,8 millions par an 44 ( * ) ;

La loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier , dite « MURCEF », soumet ces prestations au droit de la concurrence tout en prévoyant un dispositif d'assistance technique fournie par l'État pour des raisons de solidarité et d'aménagement du territoire (ATESAT) , permettant aux services de l'État d'intervenir sans publicité ni mise en concurrence préalables, pour des prestations d'ingénierie dans les domaines de la voirie, de l'aménagement et de l'habitat, à destination des communes et de leurs groupements ne disposant pas de moyens humains et financiers nécessaires.

Fin 2011, avec la réorganisation des services déconcentrés de l'État (fusion des directions départementales de l'agriculture et de la forêt et des directions départementales de l'équipement au sein des directions départementales des territoires) et le non-remplacement des personnels dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), l'État cesse ses interventions dans le champ de l'ingénierie concurrentielle.

Le dispositif de l'ATESAT est abrogé par l'article 123 de la loi du 29 décembre 2013 de finances pour 2014 .

Toutefois, la loi du 28 mai 2013 45 ( * ) crée un établissement administratif de l'État, le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA) .

• Le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA)

Créé par la loi n° 2013-431 du 28 mai 2013, le CEREMA s'organise autour de neuf champs d'action complémentaires visant à accompagner les acteurs territoriaux dans la réalisation de leurs projets .

Centré sur l'aménagement et le développement durable, ce centre d'étude apporte une expertise scientifique et technique à l'État et aux collectivités territoriales. Son premier président, notre ancien collègue Pierre Jarlier, le décrivait à l'origine comme « un interlocuteur unique pour les collectivités, aux compétences très variées ».

Il était initialement doté d'un budget de 250 millions d'euros, et comptait, en 2014, 3 300 agents répartis dans une soixantaine de pôles.

Destiné à apporter une solution à la fin de l'ATESAT, le CEREMA assure une ingénierie dans des domaines exigeant un haut niveau de technicité. Il contribue au développement de technologies innovantes, telles que les routes solaires et, demain, les routes communiquant avec les voitures sans chauffeurs. Cette assistance ne comprend cependant pas l'ingénierie du quotidien, qui était le rôle des services déconcentrés de l'État et dont les départements se sont saisis.

Le CEREMA traverse actuellement une crise qui a abouti en octobre dernier à la démission de son président puis de son directeur général. Les crédits alloués à cet organisme sont en effet en baisse constante, de même que ses effectifs.

1.2. L'assistance technique des départements aux communes

Le département est la collectivité chargée de promouvoir les solidarités et la cohésion territoriale. À ce titre, plus particulièrement dans les territoires ruraux, il peut être amené à apporter une assistance technique aux communes ou aux établissements publics de coopération intercommunale, en vertu des articles L. 5511-1 et L. 3232-1-1 du code général des collectivités territoriales.

• Une compétence historiquement large

La loi n° 82-213 du 2 mars 1982 46 ( * ) avait prévu que « le département apporte aux communes qui le demandent son soutien à l'exercice de leurs compétences ». Cette disposition, codifiée à l'article L. 3233-1 du code général des collectivités territoriales, avait pour objet de permettre aux départements, notamment par la mise à disposition de moyens techniques ou en personnel, de faciliter l'exercice par les communes de leurs compétences. Elle ne fondait pas en droit le financement, par le département, de la section de fonctionnement des communes de son territoire au moyen de subventions non-affectées à l'exercice d'une compétence donnée ou attribuée en vue d'assurer l'équilibre de cette section du budget 47 ( * ) . L'article L. 3233-1 du code général des collectivités territoriales a été abrogé par la loi « NOTRe ».

L'article L. 3232-1-1 du code général des collectivités territoriales détermine quant à lui le champ de l' assistance technique que les départements sont tenus de fournir aux communes et EPCI situés sur leur territoire.

Créé par la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques , cet article définit deux conditions au recours à l'ingénierie des départements :

- les objectifs sont la « solidarité » et « l'aménagement du territoire » ;

- les destinataires de l'aide sont des communes ou des EPCI qui ne bénéficient pas des moyens suffisants pour l'exercice de leurs compétences 48 ( * ) . Ces conditions ont été précisées par voie réglementaire : il s'agit aujourd'hui, sous condition de richesse, des communes de moins de 5 000 habitants ou des EPCI de moins de 15 000 habitants, ainsi que des communes et établissements situés en zone de montagne 49 ( * ) . Votre rapporteur a cependant reçu confirmation, au cours de ses auditions, que le gouvernement réfléchissait à relever les seuils de population en question.

Les domaines d'assistance technique de la part des départements étaient initialement l'assainissement, la protection des ressources en eau, la restauration et l'entretien des milieux aquatiques. Ces matières ont été progressivement élargies :

- la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite « NOTRe » a ajouté les secteurs de la voirie, de l'aménagement et de l'habitat ;

- en 2017 50 ( * ) a été ajouté le domaine de la prévention des inondations.

Seules ces questions peuvent faire l'objet d'une demande d'assistance technique aux départements, dont les modalités sont définies par une convention. Le département peut déléguer les missions d'assistance technique qui lui appartiennent en propre à un syndicat mixte dont il est membre.

Enfin, la loi du 2 mars 1982 précitée a également permis au département de s'associer à des communes et des EPCI pour créer une agence départementale chargée d'apporter aux collectivités territoriales et aux EPCI du département qui le demandent une assistance technique, juridique ou financière (article L. 5511-1 du code général des collectivités territoriales). Contrairement à l'assistance technique obligatoire prévue à l'article L. 3232-1-1 du même code, la création d'une agence départementale est une simple faculté, et le champ de ses interventions n'est pas limité à certaines matières. Selon les informations recueillies par votre rapporteur, il existe aujourd'hui près de 60 agences techniques départementales. Elles oeuvrent principalement dans les domaines du patrimoine, des aides juridiques, des aides aux montages financiers, de la dématérialisation, ou encore du numérique.

Agences techniques départementales et droit de la concurrence

La jurisprudence communautaire a apporté des tempéraments au principe général de soumission au droit de la concurrence. Il ressort de la théorie des prestations dites « in house » définie par la Cour de justice de l'Union européenne dans un arrêt Teckal 51 ( * ) , que les prestations rendues par les agences techniques départementales sont exonérées de l'obligation de mise en concurrence si :

- le contrôle exercé par les collectivités territoriales sur l'agence est analogue à celui exercé sur leurs propres services ;

- l'agence réalise l'essentiel de son activité pour la ou les collectivités qui la détiennent.

La Cour de justice de l'Union européenne a consolidé ces dispositions en indiquant dans son arrêt de grande chambre du 9 juin 2009, Commission c/ Allemagne 52 ( * ) qu'une convention de coopération conclue entre des collectivités territoriales en vue d'assurer en commun leurs missions de service public ne constitue pas un marché public de service, mais une mesure interne de collaboration entre autorités publiques .

2. L'assouplissement des conditions de recours à l'ingénierie des départements

2.1. L'article 13 de la proposition de loi

L'article 13 de la proposition de loi vise à poursuivre l'élargissement progressif des possibilités de recours à l'ingénierie du département afin de conforter ce dernier dans sa mission de garant de la solidarité territoriale.

Pour ce faire, l'article propose de supprimer l'énumération, par essence limitative, des domaines dans lesquels le département est tenu d'apporter une assistance technique aux communes et des EPCI ne bénéficiant pas des moyens suffisants pour l'exercice de leurs compétences (article L. 3232-1-1 du code général des collectivités territoriales). Les objectifs visés resteraient la solidarité et l'aménagement du territoire.

2.2. La position de votre commission

Votre commission approuve la philosophie de cet article, qui consiste à réaffirmer la vocation des départements à assurer la solidarité territoriale. Elle souligne que les conseils généraux ont démontré une réelle utilité dans les territoires tant ruraux que péri-urbains, pour apporter une ingénierie et une expertise aux collectivités communales. Cet apport est essentiel dans un contexte de retrait de l'État en matière d'assistance technique pour des raisons de solidarité et d'aménagement du territoire (ATESAT). La mise à disposition de l'ingénierie départementale est particulièrement nécessaire aux petites communes, dont les services limités n'ont pas les compétences nécessaires à la mise en oeuvre de grands projets. C'est le cas en milieu rural, mais également dans les territoires  « interstitiels » », c'est-à-dire exclus ou éloignés de la dynamique des métropoles. On observe aujourd'hui une contractualisation entre les présidents de conseil départemental et les présidents de métropole pour la mise en oeuvre de projets au sein de ces territoires 53 ( * ) .

Néanmoins, l'élargissement des domaines de l'assistance technique obligatoire des départements constituerait un défi pour ces derniers, qui devront se doter des compétences humaines nécessaires pour répondre à ces demandes. Certes, ces prestations sont rendues dans le cadre d'une convention et à titre onéreux, ce qui pourrait permettre au département de rentrer dans ses frais. Mais votre commission a estimé que, si les départements souhaitaient intervenir hors des domaines limitativement énumérés à l'article L. 3232-1-1 du code général des collectivités territoriales, le plus expédient était de créer une agence départementale, de concert avec les communes et EPCI intéressés, puisqu'une telle agence n'est soumise à aucune limitation sectorielle. Elle a, par conséquent, adopté l' amendement COM-49 de suppression de son rapporteur.

Votre commission a supprimé l'article 13.

Article 14 (art. L. 3231-7 du code général des collectivités territoriales) - Participations des départements au capital des sociétés d'économie mixte et des sociétés publiques locales exerçant des activités d'aménagement

L'article 14 de la proposition loi vise à autoriser les départements à détenir des participations au capital des sociétés d'économie mixte (SEM) et des sociétés publiques locales (SPL) exerçant des activités d'aménagement.

1. Une non-participation de principe des départements au capital des sociétés commerciales malgré une compétence en matière d'aménagement du territoire

1.1. Un principe fermement établi de non-participation des départements au capital des sociétés commerciales

• La possibilité pour les collectivités territoriales de créer ou de participer à des sociétés d'économie mixte locales

Le département peut, comme les autres collectivités territoriales, créer des sociétés d'économie mixte locales (SEML) dans le cadre des compétences qui lui sont reconnues par la loi, en association avec des personnes privées et éventuellement publiques, pour réaliser des opérations d'aménagement ou de construction, pour exploiter des services publics à caractère industriel ou commercial, ou pour toute autre activité d'intérêt général (article L. 1521-1 du code général des collectivités territoriales).

Concernant plus particulièrement l'aménagement , le juge administratif, conformément à la définition large donnée par l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, admet la création de SEML pour les opérations traditionnelles mais aussi pour les opérations en dehors de toute procédure opérationnelle, comme une opération de restructuration des espaces publics accompagnée de la construction ou de la réhabilitation de bâtiments afin de permettre le maintien ou l'extension d'une entreprise sur le territoire de la commune 54 ( * ) .

Les collectivités territoriales peuvent, dans le cadre de leurs compétences, détenir des participations au capital de sociétés d'économie mixte locales sous des conditions restrictives (article L. 1522-1 du code général des collectivités territoriales) :

- la société revêt la forme d'une société anonyme ;

- les collectivités territoriales et leurs groupements détiennent plus de la moitié du capital et des voix dans les organes délibérants.

Sauf disposition législative spécifique ou autorisation donnée par décret en Conseil d'État, toute participation d'une collectivité locale à une société commerciale ne respectant pas ces conditions est illégale 55 ( * ) .

• La non-participation de principe du département au capital des sociétés commerciales

Le code général des collectivités territoriales règle les interventions du département en matière économique et sociale, qui doivent, de manière générale, respecter la liberté du commerce et de l'industrie ainsi que le principe d'égalité des citoyens devant la loi (article L. 3231-1 du code général des collectivités territoriales).

Concernant les participations au capital de sociétés, l'article L. 3231-6 même code pose le principe selon lequel, sauf autorisation prévue par décret en Conseil d'État , les départements ne peuvent détenir des participations dans le capital d'une société commerciale ou de tout autre organisme à but lucratif « n'ayant pas pour objet d'exploiter les services départementaux ou des activités d'intérêt général » , dans des conditions analogues à celles s'appliquant aux communes.

La seule dérogation 56 ( * ) concerne les sociétés dont l'objet social est la production d'énergies renouvelables par des installations situées sur le territoire du département ou sur des territoires situés à proximité et participant à l'approvisionnement énergétique.

Abrogé par la loi « NOTRe » 57 ( * ) , l'ancien article L. 3231-7 du même code prévoyait, par dérogation à l'article L. 3231-6, la possibilité pour les départements de participer au capital d'un établissement de crédit ou d'une société de financement ayant pour objet exclusif de garantir les concours financiers accordés à des entreprises privées.

• Depuis 2015, une obligation de cession des participations difficile à mettre en oeuvre

À la suite de la nouvelle répartition des compétences par blocs entre les collectivités territoriales, les départements ont perdu toute attribution en matière d'interventions économiques de droit commun, celles-ci revenant désormais aux régions. L'article 133 de la loi « NOTRe » a cependant prévu diverses exceptions et dispositions transitoires.

Les départements peuvent conserver, sans limite de temps, les participations qu'ils détiennent dans les sociétés de garantie au sens de l'ancien article L. 3231-7 du code général des collectivités territoriales. Ils ne peuvent prendre de nouvelles participations.

Concernant les sociétés d'économie mixte locales (SEML) et les sociétés publiques locales d'aménagement (SPLA) dont l'objet social s'inscrit dans le cadre d'une compétence que la loi attribue à un autre niveau de collectivités ou à un groupement de collectivités territoriales, les départements peuvent continuer à participer à leur capital mais ont dû céder aux collectivités désormais attributaires des compétences en question, avant le 31 décembre 2016, plus des deux tiers des actions détenues dans ces sociétés .

Comme le précise la circulaire du Gouvernement relative à la nouvelle répartition des compétences en matière économique entre les collectivités territoriales à la suite de la loi « NOTRe » 58 ( * ) , la cession, dans le silence des textes, est réputée être à titre onéreux.

Le délai fixé par le législateur avait pour objet d'inciter les collectivités et groupements concernés à mettre rapidement en cohérence l'actionnariat des SEML avec la nouvelle répartition des compétences. Néanmoins, selon les informations recueillies par votre rapporteur, la cession des participations a été et reste difficile à mettre en oeuvre. La région a parfois refusé de reprendre les parts des départements dans les sociétés, pour lesquelles le département n'a plus de compétence. Ces cessions ont de plus abouti à un désengagement du département du tissu économique local.

1.2. L'aménagement du territoire : une compétence répartie entre les différents niveaux de collectivités territoriales

La politique d'aménagement du territoire est partagée entre l'État et les collectivités territoriales. Concernant ces dernières, la région a vu son rôle renforcé à la suite des lois « MAPTAM » et « NOTRe » . Cependant, les autres collectivités territoriales et plus particulièrement le département sont également amenés à agir sur le sujet.

• La compétence de cheffe de file de la région et le schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (STRADDET)

La loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles , dite « MAPTAM » , a fait de la région la cheffe de file en matière « d'aménagement et de développement durable du territoire », cette compétence demeurant partagée entre les différents niveaux de collectivités (article L. 1111-9 du code général des collectivités territoriales). Cette disposition ne fait que consacrer le rôle déjà ancien de la région dans les domaines de l'aménagement du territoire et du développement économique, prévu dès la création des régions en tant qu'établissements publics en 1972 et confirmé en 1982 lors de leur transformation en collectivités territoriales.

Depuis la loi « NOTRe », la région élabore un schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (STRADDET) , régi par les articles L. 4251-1 à L. 4251-11 du code général des collectivités territoriales. Ce schéma fixe les objectifs de moyen et long termes sur le territoire de la région en matière d'équilibre et d'égalité des territoires, d'implantation des différentes infrastructures d'intérêt régional, de désenclavement des territoires ruraux, d'habitat, de gestion de l'espace, de transports, d'énergie, de lutte contre le changement climatique, de biodiversité ainsi que de prévention et de gestion des déchets.

Il remplace le schéma régional d'aménagement et de développement du territoire (SRADT) issu de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 59 ( * ) et absorbe divers schémas sectoriels dont :

- le schéma régional des infrastructures et des transports (SRIT) ;

- le schéma régional de l'intermodalité (SRI) ;

- le schéma régional du climat, de l'air et de l'énergie (SRCAE) ;

- le plan régional de prévention et de gestion des déchets (PRPGD).

Élaboré en association avec notamment l'État et les autres collectivités territoriales du territoire, ce schéma est un document prescriptif de planification, qui doit donc être pris en compte par les autres collectivités.

• Les compétences des autres collectivités territoriales

Le partage des compétences en matière d'aménagement est consacré par l'article L. 1111-2 du code général des collectivités territoriales qui dispose que les communes, les départements et les régions « concourent avec l'État à l'administration et à l'aménagement du territoire, au développement économique [...] ainsi qu'à la protection de l'environnement » . Dans le même sens, l'article L. 101-1 du code de l'urbanisme affirme que « le territoire français est le patrimoine commun de la Nation . Les collectivités publiques en sont les gestionnaires et les garantes dans le cadre de leurs compétences ».

De manière plus spécifique, la loi « MAPTAM » a donné au bloc communal le rôle de chef de file en matière d'« aménagement de l'espace », le département étant quant à lui consacré en tant que chef de file en matière de « solidarité des territoires » (article L. 1111-9 du code général des collectivités territoriales).

S'agissant des départements, ils ne peuvent intervenir en matière d'aménagement du territoire que dans le cadre des compétences qui leur sont attribuées par la loi (voirie départementale, gestion des ports maritimes qui n'ont pas été transférés à une autre collectivité...), de compétences demeurant partagées (tourisme, infrastructures numériques) ou en soutien à d'autres collectivités territoriales (contribution financière aux projets dont la maîtrise d'ouvrage est assurée par les communes et leurs groupements, délégation éventuelle par ces derniers aux départements des aides à l'immobilier d'entreprise, etc. ).

En dehors de ces champs d'intervention limités, il est interdit aux départements de prendre ou de conserver des participation au capital des sociétés publiques locales et des sociétés d'économie mixte exerçant des activités d'aménagement, ainsi que des sociétés publiques d'aménagement ou de sociétés publiques locales d'aménagement d'intérêt national mentionnées à l'article L. 327-1 du code de l'urbanisme.

Le partage des compétences de l'État et des collectivités territoriales
en matière d'aménagement

État

Régions

Départements

Communes

La politique d'aménagement du territoire est déterminée au niveau national par l'État après consultation des collectivités territoriales et de leurs groupements

Article L. 1111-2 du CGCT :

« Les communes, les départements et les régions règlent par leurs délibérations les affaires de leur compétence.

Ils concourent avec l'État à l'administration et à l'aménagement du territoire, (...) et à l'amélioration du cadre de vie. (...) »

Cheffes de file aménagement et développement durable du territoire

Chefs de file solidarité des territoires

Cheffes de file aménagement de l'espace

Schéma des services collectifs ;

Contrats de projets État-Région (CPER) ;

Schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires [association à l'élaboration].

Approbation du contrat de projet État-région (CPER) ;

Élaboration des schémas interrégionaux du littoral et de massif ;

Exercice de tout ou partie des compétences des missions interministérielles d'aménagement ;

Schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires [élaboration].

Établissement d'un programme d'aide à l'équipement rural ;

Schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires [association à l'élaboration sur les thématiques voirie et infrastructure numérique].

Élaboration et approbation des chartes intercommunales d'aménagement ;

Schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires [association à l'élaboration].

Source : Instruction du Gouvernement relative aux incidences de la suppression de la clause de compétence
générale des départements et des régions sur l'exercice des compétences des collectivités territoriales ,
NOR RDFB1520836N, 22 décembre 2015

2. Autoriser le département à détenir des participations au capital de sociétés exerçant des activités d'aménagement

2. 1. L'article 14 de la proposition de loi

L'article 14 de la proposition de loi vise à introduire une nouvelle exception au principe selon lequel les départements ne peuvent détenir des participations dans le capital d'une société commerciale ou de tout autre organisme à but lucratif « n'ayant pas pour objet d'exploiter les services départementaux ou des activités d'intérêt général ».

Serait ainsi établie la possibilité pour les départements de détenir des participations au capital de toute société d'économie mixte (SEM) et société publique locale (SPL) exerçant des activités d'aménagement au sens de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme 60 ( * ) . De la même manière, le département pourrait détenir des participations au capital de sociétés publiques locales d'aménagement 61 ( * ) ou de sociétés publiques locales d'aménagement d'intérêt national 62 ( * ) mentionnées à l'article L. 327-1 du même code.

2.2. La position de votre commission

Votre commission a approuvé cet assouplissement qui permettra aux départements de continuer à intervenir dans des projets d'aménagement locaux, qui contribuent à la vitalité des territoires, sans être obligés de jouer d'artifices pour rattacher leurs interventions à l'une de leurs compétences légales. Cette innovation contribuera à donner corps à la compétence départementale de solidarité territoriale, tout en répondant aux difficultés immédiates liées à la cession des participations qu'ils détiennent.

Votre commission a adopté un amendement COM-22 rectifié , présenté par notre collègue Didier Marie et les membres du groupe socialiste et républicain, visant à instaurer la possibilité pour les départements d'adhérer à des syndicats mixtes.

Votre commission a adopté l'article 14 ainsi modifié .

Article 15 (art. L. 3232-1-2 du code général des collectivités territoriales) - Élargissement de la compétence des départements en matière d'aides aux filières agricoles, forestières et halieutiques

L'article 15 de la proposition loi vise à élargir la compétence des départements en matière d'aides aux filières agricoles, forestières et halieutiques. Celles-ci ne seraient plus nécessairement accordées en complément des aides des régions, et leurs objets ne seraient plus limitativement énumérés.

1. Les aides des départements aux filières agricoles, forestières et halieutiques : un encadrement strict

Depuis la loi « NOTRe » 63 ( * ) , la région est seule compétente pour définir les régimes d'aides et pour décider de l'octroi des aides aux entreprises sur son territoire (article L. 1511-2 du code général des collectivités territoriales - CGCT).

Par dérogation à cet article, l'article L. 3232-1-2 du CGCT dispose que le département peut, par convention avec la région et en complément de celle-ci , participer au financement d'aides accordées par la région en faveur d'organisations de producteurs exerçant une activité de production, de commercialisation et de transformation de produits agricoles, de produits de la forêt ou de produits de la pêche.

Les objets possibles de ces aides sont limitativement énumérés :

- acquisition, modernisation, amélioration de l'équipement nécessaire à la production, à la transformation, au stockage ou à la commercialisation de leurs produits ;

- mise en oeuvre des mesures en faveur de l'environnement.

L'article L. 3232-1-2 précise également que les aides en question s'inscrivent dans un programme de développement rural et régional ou dans un régime d'aides existant au sens du droit européen. Elles ne peuvent donc pas être ad hoc .

Comme le précise la circulaire du Gouvernement relative à la nouvelle répartition des compétences en matière économique entre les collectivités territoriales à la suite de la loi « NOTRe » 64 ( * ) , la seule forme que peut prendre la participation du département dans le cadre décrit à cet article est la subvention .

Selon les informations recueillies par votre rapporteur, ces dispositions ont soulevé de nombreuses difficultés de mise en oeuvre . En cas de crise, les conditions limitatives actuellement en vigueur ne permettent pas aux conseils départementaux de venir en aide aux agriculteurs et producteurs de leur territoire.

De plus, l'interprétation actuellement donnée de
l'article L. 3232-1-2 limite les interventions du département dans le domaine de la pêche,
considérant qu'ils ne peuvent :

- ni cofinancer les organisations professionnelles des pêches maritimes et des élevages marins (définies aux articles L. 912-1 et L. 912-6 du code rural et de la pêche maritime) ;

- ni cofinancer les mesures d'aides dans le cadre du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP).

2. L'élargissement de la compétence des départements en matière d'aides aux filières agricoles, forestières et halieutiques

2.1. L'article 15 de la proposition de loi

L'article 15 de la proposition de loi vise à élargir la compétence des départements en matière d'aides agricoles, forestières et halieutiques, pour que :

- leurs aides ne soient plus nécessairement accordées en complément de celles des régions. Elles s'inscriraient néanmoins toujours dans le cadre d'une convention conclue avec la région ;

- leur objet ne se limite plus à l'acquisition, la modernisation ou l'amélioration de l'équipement nécessaire à la production, à la transformation, au stockage ou à la commercialisation des produits ou la mise en oeuvre de mesures en faveur de l'environnement.

Cela leur permettrait de venir en aide aux agriculteurs de leur territoire en cas de crise.

2.2. La position de votre commission

Répondant à une demande tant des départements que des régions, le dispositif proposé permettrait aux départements d'agir plus efficacement en faveur des producteurs de leur territoire. Il apparaît équilibré, en ce qu'il conserve le principe d'un accord entre le département et la région pour le versement des aides, ainsi que l'inscription de celles-ci dans un programme existant de développement rural et régional ou dans un régime d'aide existant au sens du droit européen.

Votre commission a également souhaité répondre aux préoccupations actuelles relatives aux aides à la pêche. Elle a donc élargi la rédaction de l'article L. 3232-1-2 du code général de collectivités territoriales afin que ce secteur entre dans le champ des aides du département.

Néanmoins, la seule forme d'aide possible restait dans le texte originel la subvention, excluant d'autres possibilités telles les aides matérielles ou humaines comme la mise à disposition gratuite d'experts auprès d'organisations, les prestations d'assistance à maitrise d'ouvrage ou de conseil. Or, ces aides peuvent être tout aussi efficaces qu'une subvention pour venir en aide aux producteurs de biens agricoles, de la forêt ou de la pêche. Votre commission a donc supprimé la mention relative à la forme d'aide, élargissant de ce fait les types d'aides à la disposition des conseils départementaux ( amendement COM-51 du rapporteur).

Votre commission a adopté l'article 15 ainsi modifié .

Article 16 (art. L. 3211-1-1 du code général des collectivités territoriales) - Schéma départemental de la solidarité territoriale

L'article 16 de la proposition de loi prévoit l'élaboration par le conseil départemental, en concertation avec les communes et leurs groupements à fiscalité propre situés sur son territoire, d'un schéma départemental de la solidarité territoriale qui serait mis en oeuvre, le cas échéant, par convention.

1. La solidarité territoriale, une compétence départementale à consolider

Si le conseil départemental exerce, de longue date, des missions visant à assurer la solidarité entre les habitants et les territoires du département, cette compétence de solidarité territoriale n'a été consacrée que récemment par la loi en tant que telle . Pour l'essentiel, cette consécration législative date de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles , dite « MAPTAM », qui, tout en rétablissant la compétence générale des départements (de nouveau supprimée ensuite par la loi « NOTRe »), a entendu délimiter un « champ irréductible d'action 65 ( * ) » des départements. Le principe a été inscrit à l'article L. 3211-1 du code général des collectivités territoriales selon lequel le conseil départemental « a compétence pour promouvoir les solidarités et la cohésion territoriale sur le territoire départemental, dans le respect de l'intégrité, de l'autonomie et des attributions des régions et des communes ». La loi « MAPTAM » a également fait de la « solidarité des territoires » l'une des compétences partagées entre collectivités territoriales pour lesquelles le conseil départemental exerce le rôle de « chef de file », en application de l'article L. 1111-9 du même code.

Les contours exacts de cette compétence restent à préciser , dans un contexte marqué par l'entrée en vigueur de la loi « NOTRe », qui a profondément réorganisé la répartition des compétences entre les niveaux de collectivités, de même que ses modalités d'exercice . C'est à quoi s'attache le chapitre II du titre II de la proposition de loi, et notamment son article 16.

Pour l'heure, la compétence de solidarité territoriale des départements consiste principalement en :

1° des aides aux communes et intercommunalités , à savoir :

- des aides financières : le I de l'article L. 1111-10 du code général des collectivités territoriales dispose que « le département peut contribuer au financement des projets dont la maîtrise d'ouvrage est assurée par les communes ou leurs groupements, à leur demande » ; l'article L. 3232-1 du même code donne également compétence au département pour établir « un programme d'aide à l'équipement rural » 66 ( * ) ;

- un soutien en ingénierie : en vertu de l'article L. 3232-1-1 du même code, « pour des raisons de solidarité et d'aménagement du territoire, le département met à la disposition des communes ou des établissements publics de coopération intercommunale qui ne bénéficient pas des moyens suffisants pour l'exercice de leurs compétences dans le domaine de l'assainissement, de la protection de la ressource en eau, de la restauration et de l'entretien des milieux aquatiques, de la prévention des inondations, de la voirie, de l'aménagement et de l'habitat une assistance technique dans des conditions déterminées par convention » ; une agence départementale peut également être créée aux mêmes fins, sous la forme d'un établissement public associant le département, des communes et des EPCI, sans que le champ de ses interventions soit limité 67 ( * ) ;

2° des aides aux entreprises , dans des conditions restrictives :

• des aides au maintien de services nécessaires à la satisfaction des besoins de la population , notamment en milieu rural , mais ces aides sont nécessairement apportées en complément d'une intervention des communes et de leurs groupements :

o selon l'article L. 1111-10 du même code, le département « peut, pour des raisons de solidarité territoriale et lorsque l'initiative privée est défaillante ou absente, contribuer au financement des opérations d'investissement en faveur des entreprises de services marchands nécessaires aux besoins de la population en milieu rural, dont la maîtrise d'ouvrage est assurée par des communes ou des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre , ainsi qu'en faveur de l'entretien et de l'aménagement de l'espace rural réalisés par les associations syndicales autorisées » ;

o par ailleurs, l'article L. 2251-3 du même code n'ayant pas été modifié par la loi « NOTRe », le département peut toujours apporter un complément, financier ou non, aux aides attribuées par les communes et leurs groupements à la création ou au maintien de services nécessaires à la population en milieu rural ou dans les communes comprenant un quartier prioritaire de la politique de la ville ;

- des aides financières aux organisations de producteurs et aux entreprises des secteurs de l'agriculture, de la pêche et de la forêt, par convention avec la région et en complément de celle-ci , en application de l'article L. 3232-1-2 du même code 68 ( * ) ; en revanche, le département n'est plus compétent pour participer au financement de tout autre aide ou régime d'aides mis en place par la région, et ne peut plus se voir déléguer l'octroi de telles aides 69 ( * ) ;

- des aides à l'installation ou au maintien de professionnels de santé dans les zones déficitaires mentionnées à l'article L. 1511-8 du même code, ainsi que des aides financières aux structures participant à la permanence des soins ;

- des aides à l'exploitation de salles de cinéma , en application de l'article L. 3232-4 du même code ;

- des garanties d'emprunt , dans les conditions très limitées fixées par les articles L. 3231-4 et suivants du même code ;

- des aides à l'immobilier d'entreprise , lorsque cette compétence lui est déléguée par une commune ou un groupement de communes en application de l'article L. 1511-3 du même code ;

3° le financement de toute opération figurant dans le contrat de plan État-région ou (en outre-mer) le contrat de convergence , ou de toute opération dont la maîtrise d'ouvrage relève de l'État ou de ses établissements publics , par dérogation au droit commun 70 ( * ) ;

4° la gestion (directe ou déléguée) de certains services qui relèvent de la solidarité territoriale , tels que :

- des services de communications électroniques , y compris la fourniture de services aux utilisateurs finaux en cas d'insuffisance de l'initiative privée, dans les conditions prévues à l'article L. 1425-1 du même code, ce qui concourt à l'aménagement numérique du territoire ;

- la participation à la gestion des milieux aquatiques et à la prévention des inondations , compétence du bloc communal, dans les conditions prévues au I de l'article 59 de la loi « MAPTAM » 71 ( * ) .

2. Pour une programmation concertée de l'exercice de la compétence de solidarité territoriale

L'article 16 de la proposition de loi prévoit l'établissement, par le département, d'un schéma sexennal de la solidarité territoriale , définissant « un programme d'actions destiné à permettre un développement équilibré du territoire départemental et une répartition des équipements de proximité ».

Un projet de schéma, élaboré par le président du conseil départemental, serait soumis pour avis aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre du département, avant son adoption par le conseil départemental. Il pourrait être révisé sur proposition du conseil départemental ou de son président. Dans les six mois suivant le renouvellement général du conseil départemental, son président présenterait à celui-ci un bilan de la mise en oeuvre du schéma, après quoi le conseil départemental pourrait décider de maintenir le schéma en vigueur ou de le réviser en tout ou partie.

Il est également précisé que « la mise en oeuvre des actions inscrites au schéma donne lieu à une convention conclue entre le département, les communes et groupements de collectivités territoriales intéressés ainsi que les organismes publics et privés et les associations d'usagers des services au public dans le département », chacune des parties s'engageant à les mettre en oeuvre « dans la limite de ses compétences ».

Votre commission s'est interrogée sur l'utilité d'un tel schéma, dépourvu de valeur prescriptive, et qui pourrait être redondant avec le schéma départemental d'amélioration de l'accessibilité des services au public institué par la loi « NOTRe » 72 ( * ) , bien que sa portée soit plus large. Elle a toutefois considéré que son élaboration serait l'occasion, pour le département, de programmer pour la durée d'une mandature ses interventions de divers ordres au titre de la solidarité territoriale et d'en avoir une vision d'ensemble . Qui plus est, ce programme sera établi sur la base d'un diagnostic des besoins existants, en concertation avec les communes, leurs groupements et l'ensemble des parties intéressées. Rien n'interdira d'ailleurs au département d'engager une action non prévue au schéma et relevant de ses compétences si la nécessité s'en fait sentir.

Sur proposition de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement COM-52 assouplissant les conditions de mise en oeuvre du schéma et supprimant un renvoi inutile au décret.

Votre commission a adopté l'article 16 ainsi modifié .


* 40 CE, 30 mai 1930, n° 06781, Chambre syndicale du commerce en détail de Nevers .

* 41 CE, Ass., 31 mai 2006, n° 275531, Ordre des avocats au barreau de Paris .

* 42 Ce point a été confirmé par la jurisprudence : voir CE, 12 mai 2017, n° 397364 et CE, 12 mai 2017, n° 397366, Assemblée des départements de France et autres ; CE, 11 octobre 2017, n° 407347, Département des Yvelines et autres .

* 43 L'article 12 de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l'État autorisait les services de l'État, les départements et les régions à apporter leur concours technique aux communes qui le demandaient pour l'exercice de leurs compétences.

* 44 Rapport d'information n° 666 (2010-2011), « La RGPP, un défi pour les collectivités territoriales et les territoires », Dominique de Legge, déposé au Sénat le 22 juin 2011. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/notice-rapport/2010/r10-666-2-notice.html

* 45 Loi n° 2013-431 du 28 mai 2013 portant diverses dispositions en matière d'infrastructures et de services de transports .

* 46 Loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions.

* 47 CE, 27 octobre 2008, Département de la Haute-Corse, n° 292396.

* 48 Les communes et EPCI susceptibles d'être considérés comme ne bénéficiant pas des moyens suffisants pour l'exercice de leurs compétences au sens de l'article L. 3232-1-1 en question et les conditions de mise en oeuvre du recours à l'ingénierie du département sont définies par les articles R. 3232-1 à R. 3232-1-4 du code général des collectivités territoriales.

* 49 L'ajout des communes et EPCI situées dans les territoires de montagne résulte de l'article 24 de la loi n° 2016-1888 du 28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne .

* 50 Loi n° 2017-1838 du 30 décembre 2017 relative à l'exercice des compétences des collectivités territoriales dans le domaine de la gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations .

* 51 CJCE, 18 novembre 1999, Teckal, affaire C-107/98.

* 52 CJUE, 9 juin 2009, Commission c/ Allemagne, affaire C-480/06.

* 53 Selon les informations recueillies par votre rapporteur et nos collègues René Vandierendonck, Pierre-Yves Collombat et Michel Mercier lors de la mission de suivi et de contrôle des dernières lois de réforme des collectivités territoriales.

* 54 CE, 22 février 1991, SIDEC c/ Commune d'Aubervilliers , n° 97312.

* 55 CE, 24 novembre 1989, Commune d'Iffendic , n° 68439.

* 56 Introduite par l'article 109 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

* 57 Loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République .

* 58 Instruction du Gouvernement du 22/12/2015 NOR RDFB1520836N relative aux incidences de la suppression de la clause de compétence générale des départements et des régions sur l'exercice des compétences des collectivités territoriales, mise en ligne le 1 er janvier 2016.

* 59 Loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'État, dite « Defferre ».

* 60 L'article L. 300-1 du code de l'urbanisme définit l'aménagement comme « l'ensemble des actes des collectivités locales ou des établissements publics de coopération intercommunale qui visent, dans le cadre de leurs compétences, d'une part, à conduire ou à autoriser des actions ou des opérations définies dans l'alinéa précédent et, d'autre part, à assurer l'harmonisation de ces actions ou de ces opérations ».

* 61 Selon l'article L. 327-2 du code de l'urbanisme, « ces sociétés sont compétentes pour réaliser toute opération ou action d'aménagement » au sens de l'article L. 300-1.

* 62 Selon l'article L. 327-3, ce type de société « est compétent pour organiser, réaliser ou contrôler toute opération ou action d'aménagement (...) relevant de la compétence de l'État ou de l'un de ses établissements publics (...) ou de la compétence d'une collectivité territoriale ou d'un groupement de collectivités territoriales actionnaire ».

* 63 Loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République.

* 64 Instruction du Gouvernement du 22/12/2015 NOR RDFB1520836N relative aux incidences de la suppression de la clause de compétence générale des départements et des régions sur l'exercice des compétences des collectivités territoriales, mise en ligne le 1er janvier 2016.

* 65 Voir l'exposé des motifs de l'amendement CL 525 de notre ancienne collègue députée Nathalie Appéré et des membres du groupe socialiste, écologique et républicain, adopté par l'Assemblée nationale en première lecture, en commission.

* 66 Selon l'instruction du Gouvernement du 22 décembre 2015 relative à la nouvelle répartition des compétences en matière d'interventions économiques des collectivités territoriales et de leurs groupements issue de l'application de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) (NOR INTB1531125J), « dans le nouveau contexte issu de la loi du 7 août 2015, cette disposition ne peut plus s'interpréter comme autorisant le département à accorder des aides aux entreprises ».

* 67 Voir, pour plus de précisions, le commentaire de l'article 13.

* 68 Voir, pour plus de précisions, le commentaire de l'article 15.

* 69 Article L. 1511-2 du code général des collectivités territoriales.

* 70 IV de l'article L. 1111-10 du même code.

* 71 La loi n° 2017-1838 du 30 décembre 2017 relative à l'exercice des compétences des collectivités territoriales dans le domaine de la gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations a permis aux départements comme aux régions de continuer à oeuvrer dans ce domaine au-delà de 2020, sous réserve de passer une convention avec la commune ou l'EPCI à fiscalité propre compétent.

* 72 Article 26 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire , dans sa rédaction issue de l'article 98 de la loi « NOTRe ».

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