EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est saisi en premier lieu du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude n° 385 (2017-2018), déposé le 28 mars 2018, avec engagement de la procédure accélérée.

Le présent projet de loi tel que déposé au Sénat comportait initialement onze articles, répartis en deux titres. Le premier, qui comprend les articles 1 er à 4, vise à renforcer les moyens alloués à la lutte contre la fraude fiscale, sociale et douanière. Le second, qui intègre les articles 5 à 11, porte sur le renforcement des sanctions encourues au titre de ces mêmes fraudes.

Pour préparer l'examen du projet de loi, quatre auditions ont été organisées en commission, et complétées par celles du rapporteur, auxquelles les membres du groupe de suivi sur la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales étaient également conviés 1 ( * ) .

La commission des finances, saisie du texte, a délégué l'examen des articles 1 er , 8 et 9 à la commission des lois, laquelle s'est également saisie pour avis de l'article 5.

I. LA LUTTE CONTRE LA FRAUDE : CE QUI A ÉTÉ FAIT, CE QUI RESTE À FAIRE

La crise de 2008 a marqué une rupture dans la prise de conscience des enjeux liés à la fraude et l'évasion fiscales, et conduit à une mobilisation durable des citoyens comme des pouvoirs publics sur le sujet.

De fait, bien plus d'avancées ont été réalisées depuis cette date qu'au cours des trois ou quatre décennies précédentes .

A. DES PROGRÈS DANS LA LUTTE CONTRE L'OPTIMISATION FISCALE, QUI SE JOUENT ESSENTIELLEMENT AU NIVEAU INTERNATIONAL ET EUROPÉEN

S'agissant de la lutte contre l'optimisation fiscale, c'est d'abord au niveau international que ces progrès se sont joués . À l'occasion du sommet de Saint-Pétersbourg en septembre 2013, les dirigeants du G20 ont ainsi mandaté l'Organisation de coopération et de développement économiques ( OCDE ) afin de mener à bien des travaux permettant une mise à niveau du système fiscal international.

Ceux-ci se sont concrétisés dans le plan « BEPS » de lutte contre l'érosion de la base d'imposition et les transferts de bénéfices ( Base Erosion and Profit Shifting ), « endossé » par le G20 d'Antalya en novembre 2015 2 ( * ) . Constitué d'un ensemble de quinze actions, celui-ci porte en particulier sur la neutralisation des dispositifs hybrides (action 2), sur les mesures visant à éviter artificiellement le statut d'établissement stable (action 7) ou encore sur les prix de transfert (actions 8 à 10). C'est dans ce cadre que s'inscrivent notamment la mise en oeuvre les déclarations d'activité pays par pays 3 ( * ) et la ratification de l'instrument multilatéral modifiant les conventions fiscales bilatérales 4 ( * ) , dont le législateur a eu à connaître lors des procédures de ratification.

L'Union européenne s'est également saisie de ces questions . La directive du 12 juillet 2016 sur la lutte contre l'évasion fiscale 5 ( * ) , dite « ATAD », intègre plusieurs recommandations du « paquet BEPS » dans le droit de l'Union européenne. La Commission européenne a également fait des propositions tendant à relancer le projet d' assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés (ACCIS) en 2016 6 ( * ) , et à assurer la juste imposition des activités numériques sur le territoire européen , par l'évolution des règles applicables à la détermination des bénéfices et, à court terme, par l'institution d'une taxe de 3 % sur le chiffre d'affaires 7 ( * ) .

En outre, le 5 décembre 2017, les ministres des finances des États membres de l'Union européenne ont approuvé la première version de la liste d'États et territoires non coopératifs (ETNC), comprenant 17 juridictions sur la « liste noire » et 47 autres juridictions sur la « liste grise » , ces dernières s'étant engagées à combler leurs lacunes et à respecter les critères requis 8 ( * ) . Mise à jour pour la troisième fois le 25 mai dernier, la « liste noire » ne comprend toutefois plus que sept juridictions .

Enfin, le 25 mai dernier, le Conseil des ministres des affaires économiques et financières de l'Union européenne a adopté 9 ( * ) une proposition de directive 10 ( * ) afin de contraindre les intermédiaires fiscaux à déclarer les dispositifs de planification fiscale qu'ils conçoivent ou vendent pour leurs clients lorsque ces dispositifs ont un caractère potentiellement agressif et une dimension transfrontalière au sein de l'Union européenne.


* 1 Voir la liste des personnes entendues en annexe du présent rapport.

* 2 Voir le communiqué publié à l'issue du G20 d'Antalya de novembre 2015.

* 3 Voir le rapport n° 307 (2016-2017) de M. Éric Doligé, fait au nom de la commission des finances, déposé le 18 janvier 2017.

* 4 Voir le rapport n° 410 (2017-2018) de M. Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances, déposé le 11 avril 2018.

* 5 Directive (UE) 2016/1164 du Conseil du 12 juillet 2016 établissant des règles pour lutter contre les pratiques d'évasion fiscale qui ont une incidence directe sur le fonctionnement du marché intérieur.

* 6 Voir la proposition de résolution du 27 décembre 2016 de M. Albéric de Montgolfier sur les propositions de directives du Conseil COM (2016) 683 final concernant une assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés (Accis) et COM (2016) 685 final concernant une assiette commune pour l'impôt sur les sociétés.

* 7 Voir la proposition de résolution du 22 mai 2018 de M. Albéric de Montgolfier sur les propositions de directives du Conseil de l'Union européenne COM (2018) 147 établissant les règles d'imposition des sociétés ayant une présence numérique significative et COM (2018) 148 concernant le système commun de taxe sur les services numériques applicable aux produits tirés de la fourniture de certains services numériques.

* 8 Le délai prévu s'étend jusqu'à fin 2018 pour les pays développés et jusqu'à fin 2019 pour les pays en développement qui ne disposent pas de centres financiers.

* 9 Le texte est désormais soumis au Parlement européen et au Comité économique et social européen pour consultation, puis au Conseil pour son adoption définitive.

* 10 Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l'objet d'une déclaration.

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