B. UN REDRESSEMENT DES COMPTES PUBLICS INSUFFISANT POUR AMORCER LE REFLUX DE LA DETTE PUBLIQUE

1. La part de la dette publique dans la richesse nationale continue de croître

En dépit de l'embellie conjoncturelle, qui a permis une réduction significative du déficit public, la part de la dette publique dans la richesse nationale (96,8 % du PIB) continue de croître (+ 0,2 point).

Évolution de l'endettement public de la France
depuis 2007

(en points de PIB)

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Dette publique

64,5

68,8

83,0

85,3

87,8

90,6

93,4

94,9

95,6

96,6

96,8

Variation

- 0,1

4,3

14,2

2,3

2,5

2,8

2,8

1,5

0,7

1,0

0,2

Source: commission des finances du Sénat (d'après les données de l'Insee)

En effet, si le déficit s'est établi à un niveau (2,6 % du PIB) légèrement inférieur au solde stabilisant (2,7 % du PIB) 28 ( * ) , l'ajustement stock-flux 29 ( * ) a pesé sur l'évolution du ratio d'endettement , sous l'effet principalement d'une forte hausse des liquidités (+ 14,6 milliards d'euros en 2017, contre - 5,9 milliards d'euros en 2016) lié au calibrage du programme de financement.

Contribution de l'ajustement stock-flux à l'évolution
du ratio d'endettement

(en points de PIB)

2014

2015

2016

2017

France

- 1,0

- 0,8

- 1,1

+ 0,5

Zone euro

- 0,1

- 0,9

- 0,2

- 0,1

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données de l'Insee pour 2017 et la publication d'Eurostat, « Stock-flow adjustment (SFA) for the Member States, the euro area and the EU28 for the period 2014-2017 », d'avril 2018, pour la période 2014-2016)

2. La divergence avec le reste de la zone euro se confirme

La France est ainsi le seul grand pays de la zone euro à ne pas encore avoir amorcé le reflux de sa dette publique.

Évolution du ratio d'endettement des principaux pays
de la zone euro entre 2016 et 2017

(en points de PIB)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données de l'Insee et de la base AMECO)

La trajectoire d'endettement de la France continue ainsi de diverger de celle de l'Allemagne (qui a entamé sa décrue dès 2011) mais aussi de celle du reste de la zone euro (en reflux depuis 2014).

Comparaison de l'évolution de l'endettement de la France
et de la zone euro

(en points de PIB)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données de l'Insee et de la base AMECO)

Cette divergence est amenée à se poursuivre , dans la mesure où le déficit public de la France (2,6 % du PIB) reste très supérieur à celui du reste de la zone euro (0,4 %).

Déficit public de la France et de la zone euro

(en points de PIB)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données de l'Insee et de la base AMECO)

Si la soutenabilité de la dette française n'est bien évidemment pas en cause, votre rapporteur général tient à rappeler la nécessité de ramener la dette française sur une trajectoire descendante dans les meilleurs délais .

En effet, s'il n'existe pas de « seuil magique » 30 ( * ) au-delà duquel l'endettement exercerait systématiquement un effet négatif sur la croissance, celle-ci tendrait néanmoins à ralentir lorsque la dette publique est élevée et sur une trajectoire ascendante , pour trois principales raisons :

- les économies concernées sont plus vulnérables aux enchaînements autoréalisateurs liés au sentiment de défiance des marchés ;

- elles disposent d'une moindre marge de manoeuvre pour mener une politique budgétaire contracyclique en cas de crise ;

- le renchérissement de la charge d'intérêt est susceptible de grever la croissance en poussant le Gouvernement à avoir recours à des impôts sources de distorsions pour accroître les recettes et à couper les dépenses publiques productives, en particulier en cas de remontée rapide des taux d'intérêt.

Il peut à cet égard être observé que le poids de la charge d'intérêts dans la richesse nationale de la France et de l'Allemagne a d'ores et déjà commencé à diverger : alors qu'il était identique jusqu'en 2010, le différentiel atteint désormais 0,7 point de PIB, soit environ 16 milliards d'euros .

Comparaison de l'évolution de la charge d'intérêts
de la France et de l'Allemagne

(en points de PIB)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données de l'Insee et de la base AMECO)

C'est précisément pour éviter des divergences de ce type que des règles budgétaires ont été fixées dans le cadre du pacte de stabilité et de croissance.


* 28 Le solde stabilisant la dette de l'année n correspond au produit du taux de croissance du PIB en valeur de l'année n et du ratio d'endettement de l'année n-1. En effet, le ratio d'endettement reste constant si le taux de croissance de la dette est égal à celui du PIB en valeur.

* 29 En effet, quand bien même le solde stabilisant la dette serait atteint, une variation de l'endettement non liée au déficit peut survenir. Cet « ajustement stock-flux » tient notamment à l'accumulation d'actifs financiers (sans effet sur le déficit en comptabilité nationale mais avec un impact sur la dette), aux différences constatées entre comptabilité de caisse et comptabilité d'exercice et à l'étalement des primes et décotes à l'émission en comptabilité nationale.

* 30 Voir sur ce point: A. Pescatori, D. Sandri et John Simon, « Debt and Growth: Is There a Magic Threshold ? », IMF Working Paper WP/14/ 34, 2014.

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