EXAMEN DES ARTICLES

CHAPITRE IER - CLARIFIER LE RÔLE DE L'ÉTAT, DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DE LEURS GROUPEMENTS
Article 1er (non modifié) (art. 1er et 2 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage, art. L. 3641-1, L. 5214-16, L. 5214-23-1, L. 5215-20, L. 5215-20-1, L. 5216-5, L. 5217-2 et L. 5219-1 du code général des collectivités territoriales, art. L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation) - Contenu et mise en oeuvre du schéma départemental d'accueil des gens du voyage

L'article 1 er de la proposition de loi traite du contenu et de la mise en oeuvre du schéma départemental d'accueil des gens du voyage. Largement vidé de sa substance après l'examen du texte à l'Assemblée nationale, il ne comprend plus guère qu'une clarification de la répartition des compétences entre les communes et leurs groupements à fiscalité propre en la matière.

1. Le contenu du schéma départemental d'accueil des gens du voyage

a) Le cas des communes de 5 000 habitants ou moins

Rappelons qu'en vertu de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000, il est établi dans chaque département, par le préfet et le président du conseil départemental et après consultation des communes et EPCI concernés, un schéma déterminant les secteurs géographiques et les communes où doivent être créés des aires permanentes d'accueil, des terrains familiaux locatifs et des aires de grand passage destinés aux gens du voyage.

La loi impose de faire figurer au schéma toutes les communes de plus de 5 000 habitants - ce qui n'implique pas qu'une aire ou des terrains doivent être créés dans chacune de ces communes, car celles-ci peuvent s'acquitter de leurs obligations en contribuant à la réalisation d'équipements sur le territoire d'autres communes ou en transférant leur compétence à un EPCI à fiscalité propre (voir ci-dessous).

Certes, la loi n'interdit pas que le schéma prévoie la construction d'aires ou de terrains dans de plus petites communes , si le besoin s'en fait sentir. Cependant, au moment de l'adoption de la seconde loi « Besson », une telle éventualité n'était envisagée qu'à l'intérieur d'une agglomération et par le biais de la coopération intercommunale. Il n'était alors question, ni de faire reposer une si lourde charge sur une petite commune isolée, ni d'imposer la construction d'aires d'accueil en pleine campagne, que ce soit dans un cadre intercommunal ou non .

Dans la pratique, il arrive que les schémas départementaux mentionnent des communes de 5 000 habitants ou moins. Cependant, il semble que la réalisation d'aires ou de terrains n'y soit jamais prévue à titre impératif. Le préfet et le président du conseil départemental, constatant d'éventuels besoins y compris dans des communes très rurales, invitent à y créer des places d'accueil ou des terrains familiaux sans en faire une obligation.

L'article 1 er de la proposition de loi, dans sa version initiale, visait à interdire de faire figurer au schéma les communautés de communes ne comportant, parmi leurs membres, aucune commune de plus de 5 000 habitants.

Afin de mettre plus exactement le droit en accord avec la pratique, votre commission, suivie par le Sénat, avait souhaité que le schéma ne puisse prévoir la réalisation à titre obligatoire d'aires ou de terrains sur le territoire d'EPCI à fiscalité propre ne comportant aucune commune de plus de 5 000 habitants .

Cette disposition a été supprimée par l'Assemblée nationale dès l'examen du texte en commission, à l'initiative du groupe La République en Marche. Votre rapporteur ne peut que le déplorer.

b) Un nouveau critère d'occupation des aires et terrains existants

À l'initiative de notre collègue Françoise Gatel, votre commission, en première lecture, avait souhaité que le schéma ne puisse imposer la construction de nouvelles aires d'accueil ou de nouveaux terrains familiaux que si les aires et terrains existants atteignaient un taux d'occupation minimal, fixé par décret . Cette disposition avait été approuvée par le Sénat en séance publique.

Elle a également été supprimée par l'Assemblée nationale, en commission, à l'initiative du groupe La République en Marche. La première raison avancée pour justifier cette suppression - « l'objet d'une aire n'est pas d'être occupée à 100 %, mais bien de permettre un accueil temporaire 4 ( * ) » - est spécieuse : non seulement un taux d'occupation élevé n'est pas incompatible avec la rotation des occupants, mais le Sénat s'en était remis au pouvoir réglementaire pour fixer le taux adéquat. La seconde raison, selon laquelle « le taux d'occupation d'une aire peut également révéler son inadaptation au besoin (accessibilité, défaut d'entretien...) », ne tient pas compte du fait que l'aménagement des aires, leur gestion et leur contrôle sont soumis à des règles fixées par décret. Que le pouvoir réglementaire prenne donc ses responsabilités !

Là encore, votre rapporteur ne peut se satisfaire de la suppression d'une disposition qui semblait frappée au coin du bon sens.

c) La prise en compte des évolutions de la carte intercommunale

L'Assemblée nationale a, en revanche, conservé un ajout issu d'un amendement de notre collègue Jean-François Longeot, adopté par le Sénat en première lecture et en commission, visant à ce que les évolutions du schéma départemental de coopération intercommunale soient prises en compte lors de la révision du schéma d'accueil des gens du voyage 5 ( * ) . C'est bien le moins...

2. La mise en oeuvre du schéma : les obligations respectives des communes et de leurs groupements

Il s'avère également nécessaire de clarifier la portée et la répartition des compétences et des obligations entre les communes et leurs groupements dans la mise en oeuvre du schéma .

Depuis les dernières lois de réforme territoriale, les EPCI à fiscalité propre de toutes catégories sont devenus obligatoirement compétents en matière d'aménagement, d'entretien et de gestion des aires et terrains d'accueil des gens du voyage. Afin de dissiper une incertitude sur la portée de cette compétence, les auteurs de la proposition de loi ont souhaité y inclure explicitement la création de ces aires et terrains . En première lecture, votre commission avait procédé aux coordinations nécessaires au sein de la législation. Cette modification de l'intitulé de la compétence des EPCI à fiscalité propre a ensuite été adoptée sans modification par le Sénat en séance publique, puis par l'Assemblée nationale.

Par ailleurs, le transfert obligatoire de cette compétence au niveau intercommunal justifie de revoir la répartition des rôles entre les communes et leurs groupements dans la mise en oeuvre du schéma départemental, telle qu'elle résulte de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 précitée. Sur ce point, votre commission avait modifié la rédaction initiale de l'article 1 er afin, d'une part, de tenir compte de l'existence de quelques communes isolées, d'autre part, de cantonner strictement les obligations des communes membres d'EPCI à fiscalité propre compétents . En vertu du principe d'exclusivité des compétences transférées, en effet, ces communes ne sauraient apporter aucune contribution directe à la création, l'aménagement, l'entretien et la gestion de ces aires. Leur seule obligation est d'accueillir ces aires sur leur territoire, en y prêtant le cas échéant le concours de leurs propres compétences - celles du conseil municipal et du maire en matière d'urbanisme, notamment. L'Assemblée nationale a également adopté ces dispositions sans modification.

En revanche, elle a supprimé en commission, à l'initiative des groupes La République en Marche et La France insoumise, une disposition introduite par le Sénat par l'adoption en séance publique d'un amendement de notre collègue Dominique Estrosi-Sassone, qui prévoyait que les emplacements en aire permanente d'accueil soient comptabilisés parmi les logements locatifs sociaux au sens de l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation, qui détermine les obligations des communes en la matière. Cet amendement semblait pourtant parfaitement justifié : comme l'expliquait notre collègue, ces aires accueillent des personnes qui sont souvent en situation de précarité et qui y restent parfois plusieurs mois, voire plusieurs années. Leur aménagement et leur entretien coûtent cher aux communes et à leurs groupements ; les décompter des obligations des communes en matière de logement social aurait été une incitation bienvenue. D'ailleurs, les terrains familiaux locatifs sont déjà considérés comme des logements locatifs sociaux au sens de l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation, et les dépenses exposées par les communes et leurs groupements pour construire des aires d'accueil sont déjà déductibles du prélèvement sur les ressources fiscales des communes qui n'ont pas atteint le taux de logements sociaux minimal fixé par la loi.

Votre rapporteur regrette que les dispositions les plus substantielles de cet article aient été supprimées par nos collègues députés, pour des motifs qui peinent à convaincre .

Souhaitant néanmoins que la navette parlementaire arrive à son terme sans plus tarder, elle n'a pas proposé de les réintroduire.

Votre commission a adopté l'article 1 er sans modification .

Article 2 (suppression maintenue) (art. 3 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage) - Suppression de la procédure de consignation de fonds à l'encontre des communes et EPCI défaillants

L'article 2 de la proposition de loi, supprimé par l'Assemblée nationale, avait pour objet de supprimer la procédure de consignation de fonds mise en oeuvre par l'État à l'encontre des communes et EPCI n'ayant pas rempli les obligations mises à leur charge par le schéma départemental d'accueil des gens du voyage .

La loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 précitée avait, dès l'origine, permis à l'État de se substituer à une commune ou à un EPCI resté défaillant deux ans après la publication du schéma. Cependant, la procédure de substitution n'avait jamais été précisément définie, non plus que les circuits de financement qu'elle impliquait - aucune ligne budgétaire ne permettait à l'État de faire l'avance des fonds nécessaires à la réalisation des aires et terrains prévus par le schéma.

Face à ce constat, la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté a, en premier lieu, précisé les pouvoirs dévolus au préfet en cas de substitution aux communes et EPCI défaillants, afin de lui permettre de prendre l'ensemble des actes nécessaires à la réalisation des équipements. Ces dispositions ont alors recueilli l'assentiment des deux assemblées, et ne sont remises en cause par personne.

En second lieu, la même loi a permis au préfet, en cas de défaillance persistante, d'ordonner à une commune ou à un EPCI de consigner entre les mains d'un comptable public les sommes nécessaires à la réalisation des aires et terrains prévus par le schéma. En cas de mise en demeure restée infructueuse, le préfet peut employer les sommes consignées pour faire réaliser les travaux en se substituant à la commune ou à l'EPCI.

C'est cette procédure de consignation, fortement attentatoire à la libre administration des collectivités territoriales et d'ailleurs sans précédent dans notre droit, que les auteurs de la proposition de loi entendaient supprimer.

En première lecture, le Sénat avait adopté ces dispositions moyennant l'adoption, en commission, d'un amendement de votre rapporteur apportant diverses précisions à la procédure de substitution et levant certaines ambiguïtés rédactionnelles.

L'article 2 a été supprimé par l'Assemblée nationale en première lecture, par l'adoption en commission d'amendements identiques déposés, l'un, par notre collègue député Hervé Saulignac et plusieurs de ses collègues, l'autre, par le groupe La République en Marche.

Votre rapporteur regrette que la majorité gouvernementale ait ainsi donné un nouveau témoignage du peu de cas qu'elle fait des libertés locales. Plutôt que d'imposer aux élus une procédure inutilement vexatoire - qui n'a d'ailleurs jamais été appliquée - l'État ferait mieux de prendre sa juste part à l'amélioration des conditions d'accueil des gens du voyage . Rappelons que le montant des subventions qu'il verse pour la création des aires et terrains est passé de 46 millions d'euros en 2008 à 5,3 millions en 2018...

Pour les raisons déjà exposées, cependant, votre rapporteur n'a pas proposé de rétablir cet article.

Votre commission a maintenu la suppression de l'article 2.

Article 3 bis (suppression maintenue) (art. 1013 du code général des impôts) - Taxe sur les résidences mobiles terrestres occupées à titre d'habitat principal

Introduit par le Sénat en séance publique par l'adoption d'un amendement de nos collègues Sophie Primas et Dominique Estrosi-Sassone, avec l'avis favorable de votre commission, l'article 3 bis de la proposition de loi visait à porter de 150 à 200 euros par an le montant de la taxe sur les résidences mobiles terrestres occupées à titre d'habitat principal . Il prévoyait également que le récépissé délivré par l'administration fiscale lors de l'acquittement de la taxe prendrait la forme d' une vignette obligatoirement apposée sur le véhicule .

Votre rapporteur, tout en s'interrogeant sur l'utilité d'une telle vignette pour renforcer le contrôle de l'acquittement de la taxe - vu la difficulté pour un agent verbalisateur de vérifier qu'un véhicule est effectivement occupé à titre d'habitat principal - avait approuvé le relèvement du montant de celle-ci. Le produit annuel de la taxe étant réparti entre les collectivités territoriales et leurs groupements au prorata des dépenses engagées pour accueillir les gens du voyage, ce surplus de recettes aurait facilité la construction d'aires et de terrains d'accueil et compensé le désengagement financier de l'État .

En outre, le régime de cette taxe tient compte de la capacité contributive des personnes concernées et de la valeur du bien taxé . En sont ainsi totalement exonérés :

- les propriétaires de résidences mobiles terrestres vieilles de plus de quinze ans (lorsque le véhicule a entre dix et quinze ans, le tarif de la taxe est ramené à 100 euros) ;

- les titulaires de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) ou de l'allocation supplémentaire d'invalidité (ASI) ;

- les titulaires de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) dont le revenu fiscal de référence n'excède pas 10 815 euros, majorés de 2 888 euros pour chaque demi-part supplémentaire ;

- les personnes atteintes d'une infirmité ou d'une invalidité les empêchant de subvenir à leurs besoins, sous la même condition de revenu 6 ( * ) .

L'Assemblée nationale a supprimé l'article 3 bis par l'adoption en commission d'un amendement du groupe La République en Marche.

Si l'on peut comprendre, au moment où la taxe d'habitation est appelée à disparaître, qu'il puisse sembler inopportun de relever le montant de la taxe sur les résidences mobiles terrestres - souvent présentée comme son pendant - votre rapporteur appelle cependant le Gouvernement à tenir compte des difficultés financières rencontrées par les communes et leurs groupements pour financer les aires et terrains d'accueil. Si l'État leur refuse un surplus de recettes fiscales, qu'il leur accorde d'autres moyens.

Votre commission a maintenu la suppression de l'article 3 bis .

CHAPITRE II - MODERNISER LES PROCÉDURES D'ÉVACUATION DES STATIONNEMENTS ILLICITES
Article 4 (non modifié) (art. 9 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage) - Police spéciale du stationnement des résidences mobiles

L'article 4 de la proposition de loi traite du pouvoir de police spéciale dont disposent les maires ou, le cas échéant, les présidents d'EPCI à fiscalité propre pour interdire le stationnement des résidences mobiles en dehors des aires d'accueil et terrains prévus à cet effet. Il a pour principal objet d'étendre cette faculté au maire de toute commune dotée d'une aire d'accueil, même dans le cas où l'EPCI à fiscalité propre auquel elle appartient n'a pas rempli toutes ses obligations en la matière.

1. Le droit en vigueur

Afin d'inciter à la réalisation d'aires d'accueil et de garantir un juste équilibre des droits et des devoirs, la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 7 ( * ) a reconnu aux maires des communes qui, seules ou à plusieurs, se sont dotées d'une telle aire la faculté d'interdire le stationnement des résidences mobiles de gens du voyage sur le reste du territoire communal.

En l'état actuel du droit, ce pouvoir appartient aux maires des communes qui remplissent l'une des conditions suivantes :

1°  la commune remplit les obligations qui lui incombent en application du schéma départemental d'accueil et d'habitat des gens du voyage ;

2°  la commune ne s'est pas acquittée de ses obligations, mais bénéficie du délai supplémentaire légal de deux ans, ou dispose d'un emplacement provisoire agréé par le préfet ;

3°  la commune, sans y être obligée par le schéma, s'est dotée d'une aire d'accueil ou a décidé de contribuer au financement d'une telle aire ;

4°  la commune appartient à un EPCI compétent pour mettre en oeuvre le schéma départemental.

Lorsqu'une commune est membre d'un EPCI compétent en matière d'aménagement, d'entretien et de gestion des aires et terrains destinés aux gens du voyage, ce qui est aujourd'hui le cas de la quasi-totalité des communes, ce pouvoir de police spéciale est transféré de plein droit au président de l'EPCI, sauf opposition du maire 8 ( * ) .

Par ailleurs, lorsqu'une commune appartient à un EPCI compétent, le stationnement des résidences mobiles de gens du voyage ne peut être interdit sur tout ou partie du territoire de l'EPCI qu'à la condition que celui-ci remplisse l'intégralité des obligations qui lui incombent en application du schéma départemental. Telle est du moins l'interprétation que l'administration fait de la loi 9 ( * ) et qui, semble-t-il, n'a jamais été confirmée par la jurisprudence.

2. Une clarification et un assouplissement bienvenus

Dans sa rédaction initiale, l'article 4 de la proposition de loi visait d'abord à prendre en compte, dans l'attribution de ce pouvoir de police spéciale, le transfert obligatoire aux EPCI à fiscalité propre de la compétence d'aménagement, d'entretien et de gestion des aires d'accueil de gens du voyage . Il était proposé que, dès lors qu'un EPCI remplit les obligations qui lui incombent en application du schéma départemental, son président, le maire de la commune concernée ou, à Paris, le préfet de police disposent concurremment du pouvoir d'interdire le stationnement des résidences mobiles hors des aires aménagées.

Surtout, il était prévu d' attribuer le même pouvoir aux maires des « communes qui remplissent, à leur échelle, les obligations qui leur incombent » en application du schéma départemental, même si l'EPCI auquel elles appartiennent n'a pas rempli l'ensemble de ses obligations.

Cette dernière proposition correspond à une attente ancienne des maires , qui ne comprennent pas d'être privés de ce pouvoir de police alors qu'une aire existe sur le territoire de leur commune - souvent construite aux frais de celle-ci avant le transfert de compétence à un EPCI à fiscalité propre - et qu'ils ne sont en rien responsables des manquements constatés sur le reste du territoire intercommunal.

En première lecture, le Sénat avait donc approuvé les orientations générales de cet article tout en y apportant, en commission, plusieurs modifications :

- il était apparu nécessaire de clarifier le droit applicable au cas, désormais presque général, où une commune a transféré à un groupement à fiscalité propre la compétence d'aménagement, d'entretien et de gestion des aires et terrains d'accueil , en transposant aux EPCI compétents les différents cas de figure envisagés par la loi pour les communes 10 ( * ) ;

- il n'avait pas paru envisageable de confier le même pouvoir de police spéciale à deux autorités différentes : le président de l'EPCI et le maire ou, à Paris, le préfet de police. Votre commission avait donc préféré s'en tenir au droit en vigueur : un transfert de plein droit du pouvoir de police spéciale au président de l'EPCI, sauf opposition du maire ;

- enfin, votre commission avait précisé la rédaction de la principale innovation prévue à cet article, en prévoyant d'attribuer ce même pouvoir de police au maire d'une commune « dotée d'une aire permanente d'accueil, de terrains familiaux locatifs ou d'une aire de grand passage conformes aux prescriptions du schéma départemental, bien que l'établissement public de coopération intercommunale auquel elle appartient n'ait pas satisfait à l'ensemble de ses obligations ».

En séance publique, le Sénat avait adopté cet article sans modification. Au cours de la discussion, Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur, avait déclaré pouvoir « entendre l'incompréhension des élus de terrain » face à la « situation un peu délicate des communes qui disposent d'une aire d'accueil, mais qui sont situées dans un EPCI ne remplissant pas ses obligations ». On ne peut que se féliciter de ce témoignage d'ouverture et de pragmatisme, trop rare de la part du Gouvernement actuel.

L'Assemblée nationale n'a modifié cet article, en commission, que pour y ajouter des coordinations manquantes.

Votre commission a adopté l'article 4 sans modification .

Article 5 (suppression maintenue) (art. 9, 9-1, 9-2 [nouveau] et 9-3 [nouveau] de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage) - Évacuation des campements illicites

L'article 5 de la proposition de loi, supprimé par l'Assemblée nationale, visait à renforcer l'efficacité des procédures d'évacuation des campements illicites, tant par la voie administrative que par la voie juridictionnelle.

1. Les procédures d'évacuation en vigueur

Pour faire évacuer des résidences mobiles irrégulièrement stationnées, il existe plusieurs voies de droit .

Ce sont, d'abord, des procédures juridictionnelles :

- devant le juge administratif, en cas d'occupation d'une dépendance du domaine public non routier d'une personne publique ;

- devant le juge civil, en cas d'occupation d'une propriété privée ou d'une dépendance du domaine public routier 11 ( * ) ;

- devant le juge pénal, dans la mesure où le stationnement non autorisé est constitutif du délit prévu à l'article 322-4-1 du code pénal.

Dans certains cas, cependant, l'autorité administrative peut agir d'office et faire évacuer un campement sans décision juridictionnelle .

En vertu de son pouvoir de police générale, le maire dispose de cette faculté sur le territoire de sa commune, en cas de trouble grave pour l'ordre public et si l'urgence le justifie.

Il existe par ailleurs, depuis 2007 12 ( * ) , une procédure spéciale d'évacuation d'office des résidences mobiles de gens du voyage, sur décision du préfet , qui n'est applicable que sur le territoire des communes et EPCI à fiscalité propre qui respectent les obligations mises à leur charge par le schéma départemental d'accueil des gens du voyage ou qui ne sont pas assujetties à de telles obligations 13 ( * ) . Cette procédure prend la forme suivante :

- à la demande du maire, du propriétaire du terrain occupé ou du titulaire d'un droit d'usage, le préfet a la faculté de mettre en demeure les occupants de quitter les lieux, la mise en demeure étant assortie d'un délai d'exécution qui ne peut être inférieur à vingt-quatre heures ; cette mise en demeure reste applicable si, dans un délai de sept jours suivant sa notification, la résidence mobile se retrouve à nouveau en stationnement illicite sur le territoire de la commune ou de l'EPCI ;

- lorsque la mise en demeure n'a pas été suivie d'effet dans le délai imparti et n'a pas fait l'objet d'un recours, le préfet peut procéder à l'évacuation forcée des résidences mobiles, sauf opposition du propriétaire du terrain ou du titulaire d'un droit d'usage ;

- les destinataires de la mise en demeure, ainsi que le propriétaire ou le titulaire d'un droit d'usage, peuvent demander son annulation au tribunal administratif, dans un délai de recours égal au délai d'exécution. Le recours suspend l'exécution de la mise en demeure. Le président du tribunal administratif ou son délégué statue dans un délai de quarante-huit heures.

2. La proposition de loi et la position du Sénat en première lecture

L'article 5 de la proposition de loi n° 557 (2016-2017) de notre ancien collègue Jean-Claude Carle visait principalement, dans sa rédaction initiale, à renforcer l'efficacité de la procédure spéciale d'évacuation d'office décrite ci-dessus :

- il prévoyait d'abord d'ouvrir de nouveaux cas de recours à cette procédure. Elle aurait ainsi pu être engagée, même en l'absence de trouble à l'ordre public, si le préfet avait proposé aux occupants un nombre suffisant d'emplacements sur une aire ou un terrain d'accueil situé à moins de cinquante kilomètres, ou en cas d'occupation d'un terrain affecté à une activité économique, y compris agricole ;

- le délai de recours contre la mise en demeure du préfet aurait été réduit à quarante-huit heures ;

- dans le cas où les mêmes personnes auraient déjà fait l'objet d'un constat de stationnement illicite sur le territoire de la même commune ou du même EPCI au cours de l'année écoulée, le délai d'exécution de la mise en demeure préfectorale aurait été ramené à six heures - ainsi que le délai de recours, par voie de conséquence ;

- enfin, il s'agissait de préciser que la mise en demeure d'évacuer concernait l'ensemble du territoire de la commune ou, le cas échéant, de l'EPCI , à l'exception des aires et terrains dédiés 14 ( * ) .

Souscrivant aux objectifs poursuivis, votre commission s'était efforcée de parfaire le dispositif proposé pour en garantir l'efficacité et la sûreté juridique :

- approuvant la limitation à quarante-huit heures du délai de recours contre la mise en demeure d'évacuer, elle n'avait pas cru possible, en revanche, de réduire à six heures son délai d'exécution en cas de stationnement illicite répété, car cela aurait mis à mal le droit des personnes concernées à un recours effectif ;

- reprenant une disposition figurant dans la proposition de loi n° 680 (2016-2017) de notre collègue Loïc Hervé, votre commission avait porté de sept à quinze jours la durée d'applicabilité de la mise en demeure , afin d'éviter que des campements ne se reconstituent immédiatement sur le territoire de la même commune ou du même EPCI ;

- elle avait étendu au président de l'EPCI la faculté de demander au préfet d'engager la procédure ;

- s'interrogeant enfin sur la constitutionnalité des dispositions prévoyant d'ouvrir de nouveaux cas de recours à cette procédure, c'est-à-dire d'autoriser l'autorité administrative à évacuer d'office des campements en l'absence de trouble ou de menace de trouble à l'ordre public, votre commission leur avait substitué une nouvelle rédaction, mettant en balance la liberté d'aller et venir avec d'autres principes d'égale valeur constitutionnelle . La procédure d'évacuation d'office aurait ainsi pu être engagée si le stationnement illicite avait été de nature « à porter une atteinte d'une exceptionnelle gravité au droit de propriété, à la liberté d'aller et venir, à la liberté du commerce et de l'industrie ou à la continuité du service public ».

La procédure d'évacuation d'office des résidences mobiles, fortement dérogatoire du droit commun, ne saurait être généralisée. Pour obtenir l'évacuation de campements illicites dans des délais brefs, sans contourner l'intervention d'un juge, votre commission avait proposé d' assouplir les procédures juridictionnelles rapides et simplifiées que sont le référé administratif, le référé civil et la requête civile . Aurait ainsi été écartée ou présumée remplie, en cas de stationnement illicite de résidences mobiles sur le territoire de communes ou d'EPCI qui respectent leurs obligations d'accueil ou ne sont pas assujetties à de telles obligations, la condition d'urgence à laquelle est normalement subordonné l'engagement de ces procédures 15 ( * ) .

En séance publique, le Sénat avait adopté cet article sans modification.

3. Les regrets de votre commission face à la suppression de dispositions utiles

L'article 5 a été supprimé par l'Assemblée nationale dès le stade de l'examen du texte en commission, contre l'avis du rapporteur.

Sur ce sujet, l'opposition sans nuance de la majorité gouvernementale est désolante . Il s'agit ici, répétons-le, de faire évacuer des véhicules stationnés illicitement sur le territoire de communes ou d'EPCI qui respectent leurs obligations d'accueil ou ne sont pas soumis à de telles obligations. Les procédures actuelles ont montré leurs limites, au point que des heurts violents éclatent chaque année entre les habitants, les agriculteurs ou autres entrepreneurs et les occupants illicites. N'est-il pas de la responsabilité du législateur d'aménager des voies de droit pour éviter que la voie de fait ne prenne le dessus ? N'aurait-il pas été possible de parvenir à un compromis pour rendre plus efficace la procédure d'évacuation d'office, notamment, afin d'éviter que des campements illicites ne se reconstituent à proximité immédiatement après avoir été démantelés ? Porter de sept à quinze jours la durée d'applicabilité de la mise en demeure préfectorale, faire en sorte que cette dernière vise l'ensemble du territoire communal ou intercommunal, voilà qui n'aurait rien eu d'excessif et qui aurait fourni des éléments de réponse aux attentes légitimes des élus et des citoyens.

Néanmoins, votre rapporteur n'a pas proposé de rétablir cet article.

Votre commission a maintenu la suppression de l'article 5.

CHAPITRE III - RENFORCER LES SANCTIONS PÉNALES
Article 6 (non modifié) (art. 322-4-1 du code pénal) Renforcement des sanctions pénales en cas d'occupation d'un terrain en réunion et sans titre

L'article 6 de la proposition de loi vise à modifier l'article 322-4-1 du code pénal, réprimant l'occupation d'un terrain en réunion et sans titre, aux fins de renforcer les sanctions pénales.

Ce délit est actuellement puni d'une peine de six mois d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende et fait également encourir plusieurs peines complémentaires , telles que l'interdiction des droits civiques et de famille, l'interdiction de détenir ou de porter une arme pour une durée de cinq ans au plus, la suspension du permis de conduire pour une durée de trois ans au plus et la confiscation des véhicules automobiles utilisés pour commettre l'infraction, à l'exception des véhicules destinés à l'habitation.

En première lecture, le Sénat avait prévu le doublement des peines encourues , afin de renforcer l'effet dissuasif des sanctions. Après l'avoir supprimée en commission, l'Assemblée nationale a rétabli cette disposition en séance, avec un avis de sagesse du Gouvernement.

À l'initiative de votre rapporteur, le Sénat avait également prévu l'application de la procédure de l' amende forfaitaire délictuelle 16 ( * ) au délit d'occupation d'un terrain en réunion et sans titre. Au regard du montant moyen des amendes prononcées, le montant de l'amende forfaitaire avait été fixé à 500 euros, 400 euros lorsqu'elle est minorée, 1 000 euros lorsqu'elle est majorée. L'Assemblée nationale a également approuvé cette disposition, que notre collègue député Didier Paris a jugée « adaptée aux circonstances du travail des services de police et de gendarmerie » .

En revanche, l'Assemblée nationale a supprimé les possibilités introduites au Sénat, d'une part, de saisir les véhicules d'habitation ayant servi à commettre le délit d'occupation d'un terrain en réunion et sans titre , d'autre part, de les transférer sur une aire ou un terrain d'accueil situé dans le département .

En première lecture, tout en approuvant cette mesure, votre rapporteur avait relevé que selon la jurisprudence constitutionnelle, la saisie ou l'immobilisation pénale d'un véhicule à usage de domicile est soumise à un contrôle de proportionnalité , afin d'assurer un équilibre entre les exigences constitutionnelles de sauvegarde de l'ordre public et de prévention des infractions, d'une part, la garantie du droit de propriété ainsi que l'exercice des libertés constitutionnellement garanties telles que la liberté d'aller et venir, le respect de la vie privée et l'inviolabilité du domicile, d'autre part. Elle avait également jugé peu probable que cette peine complémentaire pût être effectivement prononcée : en effet, la sanction pénale juridictionnelle intervient généralement après le départ des occupants sans titre ; de plus, le transfert de véhicules nécessiterait l'engagement de frais de justice et la mobilisation de forces de l'ordre, tous deux soumis à une hiérarchisation des priorités.

Pour l'ensemble de ces raisons et afin que la navette parlementaire arrive à son terme, votre rapporteur n'a pas proposé de réintroduire les dispositions supprimées par l'Assemblée nationale.

Votre commission a adopté l'article 6 sans modification .

Article 7 (suppression maintenue) (art. 322-3 du code pénal) - Renforcement des sanctions pénales en cas de destruction, dégradation ou détérioration d'un bien d'autrui

Introduit en commission en première lecture au Sénat, à l'initiative de notre collègue Loïc Hervé, l'article 7 de la proposition de loi avait pour objet de renforcer les peines encourues en cas de destruction, dégradation ou détérioration d'un bien appartenant à autrui, à la suite ou au cours d'une installation illicite sur un terrain.

1. Le renforcement des sanctions pénales voté en première lecture par le Sénat

Les destructions, dégradations ou détériorations d'un bien appartenant à autrui peuvent être sanctionnées, en application de l'article 322-1 du code pénal, d'une peine de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende. Ces peines peuvent être aggravées jusqu'à sept ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende en cas de commission selon les circonstances 17 ( * ) .

Sanctions applicables aux destructions, dégradations ou détériorations d'un bien appartenant à autrui

Article

Infraction

Peine

322-1 du code pénal

Destruction, dégradation ou détérioration d'un bien appartenant à autrui (hors dommage léger)

Deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende

322-2 du code pénal

322-1 du code pénal lorsque le bien concerné est un registre, une minute ou un acte original de l'autorité publique

Trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende

322-3 du code pénal

322-1 du code pénal lorsque l'infraction est commise :

- par plusieurs personnes ;

- au préjudice d'une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public ou de ses proches, en vue d'influencer son comportement dans l'exercice de ses fonctions ou de sa mission ;

- au préjudice d'un témoin, d'une victime ou d'une partie civile, soit pour l'empêcher de dénoncer le fait, de porter plainte ou de déposer en justice, soit en raison de sa dénonciation, de sa plainte ou de sa déposition ;

- dans un local d'habitation ou dans un lieu utilisé ou destiné à l'entrepôt de fonds, valeurs, marchandises ou matériels, en pénétrant dans les lieux par ruse, effraction ou escalade ;

- à l'encontre d'un lieu classifié au titre du secret de la défense nationale ;

- par une personne dissimulant volontairement en tout ou partie son visage afin de ne pas être identifiée ;

322-1 du code pénal lorsque :

- l'infraction est facilitée par l'état d'une personne dont la particulière vulnérabilité est apparente ou connue de son auteur ;

- le bien détruit, dégradé ou détérioré est destiné à l'utilité ou à la décoration publique et appartient à une personne publique ou chargée d'une mission de service public.

Cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende

322-3 du code pénal, dernier alinéa

322-1 du code pénal lorsque l'infraction est commise dans deux des circonstances précitées.

Sept ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende

L'article 7, introduit par votre commission en première lecture et adopté par le Sénat, avait pour objet de modifier l'article 322-3 du code pénal pour ajouter une nouvelle circonstance : lorsque les faits de destruction, dégradation ou détérioration sont commis au cours d'une installation constitutive de l'infraction prévue à l'article 322-4-1 du code pénal.

Les peines encourues seraient alors de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende, ou si les faits de destruction, dégradation ou détérioration étaient commis au préjudice d'un bien destiné à l'utilité publique appartenant à une personne publique et au cours d'une installation illicite 18 ( * ) , de sept ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende. En application de l'article 132-10 du code pénal, les peines seraient doublées en cas de récidive.

2. Une aggravation des sanctions supprimée à l'Assemblée nationale

Contre l'avis de sa rapporteure, la commission des lois de l'Assemblée nationale a adopté un amendement du groupe La République en Marche visant à supprimer cette aggravation des peines, la jugeant disproportionnée .

Votre rapporteur regrette que la majorité gouvernementale ait refusé cette aggravation des sanctions pénales, qui restait proportionnée à la gravité des faits et permettait une réponse graduée.

Cependant, pour les raisons déjà exposées, votre rapporteur n'a pas proposé de rétablir cet article.

Votre commission a maintenu la suppression de l'article 7.

Article 8 (suppression maintenue) (art. 322-4-2 [nouveau] du code pénal) - Création d'un délit d'occupation habituelle d'un terrain en réunion et sans titre

Introduit en commission en première lecture au Sénat, à l'initiative de notre collègue Loïc Hervé, l'article 8 de la proposition de loi avait pour objet de créer un délit d'occupation habituelle d'un terrain en réunion et sans titre, en complément du délit actuel d'occupation d'un terrain en réunion et sans titre.

Les dispositions proposées s'inspiraient du délit de fraude habituelle dans les transports en commun. Ce nouveau délit aurait été puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende, et l'habitude aurait été caractérisée dès lors que la personne concernée se serait acquittée de quatre amendes forfaitaires au cours des vingt-quatre mois précédents.

Contre l'avis de sa rapporteure, la commission des lois de l'Assemblée nationale a adopté un amendement du groupe La République en Marche visant à supprimer cette disposition, inapplicable aux yeux des auteurs de l'amendement en raison de l'impossibilité de prononcer une amende délictuelle forfaitaire en cas de récidive.

Votre rapporteur conteste cette analyse : si le cadre retenu par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle ne permet pas d'appliquer une amende forfaitaire à une personne réitérant une infraction de conduite sans permis, le législateur n'est pas tenu par ce choix. Ainsi, le Gouvernement propose, dans le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, d'appliquer la procédure de l'amende forfaitaire délictuelle, même en cas de récidive, au délit d'usage illicite de stupéfiants.

Votre rapporteur relève que ce même projet de loi 19 ( * ) confirme l'analyse de votre commission quant à l'impossibilité de considérer l'amende forfaitaire comme le premier terme de la récidive : il semble difficilement concevable qu'une procédure transactionnelle , à l'instar de la procédure de composition pénale, puisse valoir premier terme de la récidive.

Néanmoins, pour les raisons précédemment évoquées, votre rapporteur n'a pas souhaité réintroduire cette disposition.

Votre commission a maintenu la suppression de l'article 8.

Article 9 (suppression maintenue) (art. 322-15 et 322-15-1 [abrogé] du code pénal) - Peines complémentaires applicables au délit d'occupation d'un terrain en réunion et sans titre

Introduit par le Sénat en commission à l'initiative de notre collègue Loïc Hervé 20 ( * ) , l'article 9 de la proposition de loi visait à permettre, en cas d'infraction d'occupation d'un terrain en réunion et sans titre, l'application des peines complémentaires suivantes : l' interdiction de séjour et la confiscation des véhicules automobiles destinés à l'habitation utilisés pour commettre l'infraction.

L'interdiction de séjour est une peine complémentaire prévue par l'article 131-31 du code pénal qui emporte défense de paraître dans certains lieux déterminés par la juridiction, par exemple le territoire d'une commune, pendant une durée maximale de cinq ans. Elle est actuellement encourue pour les infractions criminelles de destructions, dégradations et détériorations dangereuses pour les personnes, en application de l'article 322-15 du code pénal, ainsi que pour plusieurs délits, dont certains ne sont punis que d'une peine de six mois d'emprisonnement et 3 750 euros d'amende 21 ( * ) .

L'Assemblée nationale a supprimé l'article 9 par l'adoption en commission d'un amendement du groupe La République en Marche. Selon ses auteurs, en effet :

- l'application de la peine complémentaire d'interdiction de séjour au délit d'occupation d'un terrain en réunion et sans titre serait disproportionnée ;

- la peine de confiscation de véhicules destinés à l'habitation porterait une atteinte excessive au principe constitutionnel d'inviolabilité du domicile.

Si votre rapporteur n'approuve évidemment pas cette argumentation qui ne correspond ni à la réalité du droit positif ni à la jurisprudence constitutionnelle, elle n'a néanmoins pas souhaité rétablir cet article afin de permettre un aboutissement rapide de la navette parlementaire.

Votre commission a maintenu la suppression de l'article 9.

*

* *

Votre commission a adopté la proposition de loi sans modification.


* 4 Voir l'exposé des motifs de l'amendement n° CL27.

* 5 Sur ce point, nos collègues députés se sont contentés d'ajouter une référence légistique, en commission et à l'initiative du rapporteur.

* 6 Article 1013 du code général des impôts.

* 7 Loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement .

* 8 Article L. 5211-9-2 du code général des collectivités territoriales.

* 9 Voir la réponse du ministre de l'intérieur à la question écrite n° 01479 de notre ancien collègue Joël Billard ( J.O. Sénat du 31 octobre 2013).

* 10 Plus précisément, il s'agissait d'attribuer expressément le pouvoir de police spéciale susmentionné aux maires de communes membres de groupements compétents, lorsque celui-ci a rempli les obligations mises à sa charge par le schéma, lorsqu'il bénéficie d'un délai supplémentaire de deux ans ou dispose d'un emplacement provisoire, ou lorsque, sans y être tenu, il s'est doté d'une aire d'accueil ou a contribué au financement d'une telle aire. Le cas des communes isolées avait été réservé.

* 11 Il existe également une procédure civile spéciale, en la forme des référés, applicable au stationnement de résidences mobiles de gens du voyage et dont l'engagement est soumis à trois conditions cumulatives : que ce stationnement viole un arrêté de police pris en application du pouvoir de police spéciale du stationnement de ces résidences mobiles, qu'il concerne un terrain affecté à une activité économique et qu'il soit de nature à entraver cette activité (IV de l'article 9 de la loi n° 2000-614 précitée).

* 12 Loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance .

* 13 Pour plus de précisions, voir le rapport n° 44 (2017-2018) établi par votre rapporteur en première lecture, p. 50. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/l17-044/l17-0441.pdf .

* 14 L'article visait également à expliciter le fait que la procédure civile spéciale « en la forme des référés » prévue par la loi n° 2000-614 précitée était également ouverte en cas d'occupation d'un terrain agricole.

* 15 En conséquence, votre commission avait proposé de supprimer la procédure civile spéciale « en la forme des référés » prévue à l'article 9 de la loi n° 2000-614 précitée, qui serait devenue inutile.

* 16 Prévue par les articles 495-17 et suivants du code de procédure pénale, la procédure de l'amende forfaitaire en matière délictuelle est une procédure simplifiée permettant de sanctionner rapidement la personne en faute.

* 17 Les peines encourues sont de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende si l'infraction a été commise par plusieurs personnes ou encore au préjudice d'une personne chargée d'une mission de service public. Les peines encourues sont de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 euros d'amende lorsque deux circonstances précédemment mentionnées sont réunies.

* 18 En application du dernier alinéa de l'article 322-3 du code pénal.

* 19 Le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice prévoit notamment l'abrogation de l'article 495-23 du code de procédure pénale, qui précise que « le paiement de l'amende forfaitaire ou l'émission du titre exécutoire d'une amende forfaitaire majorée non susceptible de réclamation sont assimilés à une condamnation définitive pour l'application des règles sur la récidive ». Or le Gouvernement avait justifié, au Sénat comme à l'Assemblée nationale, son refus de soutenir la création d'un délit d'occupation habituelle d'un terrain en réunion et sans titre, en raison de cette disposition législative.

* 20 Cet amendement reprenait les dispositions de l'article 5 de la proposition de loi n° 680 (2016-2017) précitée.

* 21 L'article 312-12-1 du code pénal, créé par la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure , a été déclaré conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2003-467 DC du 13 mars 2003.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page