BUDGET ANNEXE
« CONTRÔLE ET EXPLOITATION AÉRIENS »

La direction générale de l'aviation civile (DGAC) , administration centrale de l'État, joue un triple rôle de prestataire de service , de prescripteur de règles et de régulateur du transport aérien en France :

- elle assure les services de la circulation aérienne auprès des compagnies aériennes, au moyen de ses centres de contrôle en route et de ses tours de contrôle ;

- elle veille au maintien de la sécurité et de la sûreté du transport aérien en assurant la surveillance des industriels, des opérateurs et des personnels navigants ;

- elle est le régulateur économique et social du secteur aérien (compagnies aériennes, aéroports, industries aéronautiques) ;

- elle lutte contre les nuisances , en particulier sonores et atmosphériques , générées par le transport aérien ;

- elle élabore et défend les positions de la France dans les instances internationales qui traitent de l'aviation civile ;

- elle favorise le développement de l'aviation légère.

C'est la mission « Contrôle et exploitation aériens » qui retrace, dans le cadre du présent budget annexe, dit « BACEA », les activités de production de biens et de prestation de services de la DGAC .

Cette mission et la mission « Publications officielles et information administrative » constituent les deux seuls exemples de budgets annexes du budget de l'État .

Elle est régie par les dispositions de l'article 18 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) qui prévoit que « des budgets annexes peuvent retracer , dans les conditions prévues par une loi de finances, les seules opérations des services de l'État non dotés de la personnalité morale résultant de leur activité de production de biens ou de prestation de services donnant lieu au paiement de redevances , lorsqu'elles sont effectuées à titre principal par lesdits services. [...].

I. L'AUGMENTATION TENDANCIELLE DES RECETTES DU BUDGET ANNEXE REFLÈTE LA FORTE CROISSANCE DU TRANSPORT AÉRIEN À L'oeUVRE PARTOUT EN EUROPE

Tant les recettes que les dépenses du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » dépendent étroitement du dynamisme du transport aérien au départ et à l'arrivée des aéroports français mais également de celui du trafic qui survole notre territoire .

A. SI LE TRAFIC AÉRIEN EST EN FORTE CROISSANCE, LA COMPÉTITIVITÉ ÉCONOMIQUE DES COMPAGNIES FRANÇAISES RESTE FRAGILE, CE QUI REND NÉCESSAIRE L'ADOPTION DE MESURES DE SOUTIEN À L'ISSUE DES ASSISES DU TRANSPORT AÉRIEN

1. Le trafic aérien français connaît actuellement une dynamique soutenue qui devrait se poursuivre en 2019

Le trafic aérien français s'est élevé à 159,0 millions de passagers en 2017 , en forte croissance de +6,1 % par rapport à 2016 (149,8 millions de passagers), soit la progression la plus importante depuis 2011 .

Évolution du trafic des passagers aériens en France
entre 2006 et 2017

Source : direction générale de l'aviation civile (DGAC)

La forte hausse observée en 2017 s'explique notamment par la nette progression de l'activité économique en France , par un effet rattrapage à la suite des attentats survenus en 2015 et en 2016, qui avaient réduit le trafic à destination de notre pays et par le dynamisme des compagnies à bas coût , qui poursuivent leur développement. La hausse de + 2,9 % du prix du transport aérien au départ de la France, imputable en partie à la hausse du prix du pétrole (+ 25,0 %) , n'a pas pénalisé la croissance du trafic, dans la mesure où celui-ci est resté relativement modéré, avec un prix du baril de pétrole à 54 dollars en moyenne au cours de l'année 2017.

La croissance du trafic en 2018 s'annonce un peu moins forte qu'en 2017 mais néanmoins très dynamique puisque la progression enregistrée sur les neuf premiers mois de l'année par rapport à la même période de 2017 a été de + 4,8 % , soit 6 millions de voyageurs supplémentaires . Ces bons résultats s'expliquent par le maintien d'une conjoncture économique favorable, en dépit de nouvelles hausse du prix du carburant .

Si le trafic radial (Paris-province) diminue de 2 % à la suite de la mise en service de la ligne à grand vitesse Sud Europe Atlantique, qui a entrainé une diminution de - 20 % du trafic aérien entre Paris et Bordeaux et de - 2,4 % entre Paris et Toulouse , le trafic transversal (province-province) est en revanche en forte augmentation de + 8,7 % .

Avec 105 millions de passagers sur les neufs premiers mois de 2018, le trafic international est en hausse de + 5,4 % , tous les faisceaux se révélant en croissance ( + 4,6 % avec l'Union européenne, + 8,2 % avec le reste de l'Europe, + 7 % avec l'Asie-Pacifique, + 5,6 % avec l'Afrique et + 6 % avec l'Amérique).

La croissance du trafic français en 2018 pourrait , selon les dernières estimations de la DGAC, être comprise entre + 2,7 % et + 5 % , grâce à la poursuite de la hausse de l'activité économique en France et dans le reste du monde, malgré un prix du baril de pétrole à 73 dollars cette année.

À noter que dans ces prévisions, l'impact du Brexit n'est pris en compte qu'à travers les effets déjà comptabilisés dans les prévisions de croissance du Gouvernement et dans la tendance récente observée du trafic. Une éventuelle absence d'accord entre les Britanniques et leurs partenaires européens au 29 mars 2019 pourrait avoir des effets très négatifs sur le trafic aérien en Europe .

2. Les compagnies aériennes françaises profitent toujours trop peu de la croissance du trafic aérien au départ et à destination de la France

Le trafic aérien touchant la France a connu une forte croissance annuelle de + 2,7 % entre 2006 et 2017, qui s'explique principalement par l'expansion du trafic international , mais a trop peu profité aux transporteurs français qui ont perdu d'importantes parts de marché tout au long de cette période.

La part du pavillon français est ainsi passée de 54,3 % en 2003 à 41,0 % en 2017, soit une baisse de - 0,95 % par an en nombre de passagers.

Pour la seule année 2017, cette part de marché a baissé de - 0,8 % point en raison du dynamisme commercial des compagnies étrangères et de la relative atonie des compagnies françaises .

À noter que l'érosion du pavillon français touche davantage le réseau intérieur (-2,0 %) et les liaisons internationales dans l'Espace économique européen (EEE) que les liaisons internationales hors EEE.

Part du pavillon français dans le trafic total

Source : direction générale de l'aviation civile (DGAC)

Les difficultés rencontrées par les compagnies françaises s'expliquent avant tout par la très forte concurrence qu'elles subissent de la part :

- des compagnies à bas coût ( Easy Jet , Ryanair ) sur le segment du court et du moyen-courrier en France et en Europe. Ces compagnies ont transporté en 2017 33,9 % des passagers au départ ou à l'arrivée de la France, un chiffre en hausse de 1,8 % par rapport en 2016, contre seulement 10 % des passagers en 2005 ;

- des compagnies du Golfe persique ( Ethiad , Quatar Airways, Emirates ) sur le long courrier, en particulier à destination de l'Asie. Le trafic de ces compagnies au départ de la France a connu une croissance fulgurante de 87 % entre 2010 et 2014.

Face à ces acteurs très agressifs d'un point de vue commercial, les compagnies françaises souffrent, en dépit d'efforts de productivité importants consentis ces dernières années, d'un grave déficit de compétitivité , en raison d'une structure de coûts très défavorable .

Les compagnies françaises étaient parvenues à renouer avec les bénéfices en 2015 et en 2016. En 2017, le groupe Air France-KLM a réalisé de bons résultats et la plupart des autres compagnies françaises ont également enregistré des bénéfices, malgré les difficultés de plusieurs d'entre elles 10 ( * ) , grâce au dynamisme global du trafic et à au niveau relativement bas du prix du carburant .

La situation devrait être nettement plus contrastées pour l'année 2018 , en particulier pour Air-France KLM . Malgré certains facteurs positifs - et notamment un été 2018 réussi -, les résultats du groupe seront pénalisés par la grève du premier semestre , dont le coût représente 335 millions d'euros , par la hausse du prix du carburant ( + 500 millions d'euros par rapport à 2017) et par l'impact de l'accord salarial signé récemment par la direction et les syndicats ( + 51 millions d'euros pour l'année 2018).

Parts de marché des principales compagnies
au départ de la France en 2017

Passagers (millions)

Part de marché

Passagers
x km (milliards)

Part de marché

Air France

46,8

28,5 %

143,6

38,2 %

EasyJet

22,3

13,6 %

19,6

5,2 %

Ryanair

9,2

5,6 %

9,8

2,6 %

Transavia France

5,6

3,4 %

8,8

2,3 %

Vueling Airlines

5,2

3,2 %

5,0

1,3 %

Hop !

4,4

2,7 %

2,5

0,7 %

Lufthansa

3,3

2,0 %

2,1

0,6 %

British Airways

2,7

1,7 %

20

0,5 %

Air Algérie

2,5

1,5 %

3,0

0,8 %

Autres, plus de 150 compagnies aériennes

61,9

37,7 %

179,5

47,8 %

Source : direction générale de l'aviation civile (DGAC)

Au total, il paraît clair pour tous les observateurs du secteur que la situation des compagnies françaises reste structurellement fragile , en dépit des mesures de compétitivité adoptées par l'État ces dernières années pour alléger le poids de la fiscalité qui pèse sur elles (voir l'encadré infra relatif aux évolutions récentes du régime de la taxe de l'aviation civile).

Si l'amélioration de leur santé financière viendra avant tout de la poursuite de politiques de réduction des coûts et d'évolutions de leurs modèles économiques (nouveaux partenariats, refonte des réseaux, etc.), il paraît toutefois nécessaire d e prévoir rapidement de nouveaux gestes de soutien en leur faveur , dans un contexte de hausse du prix des carburants .

C'était là l'un des sujets de discussion qui a été évoqué dans le cadre des Assises du transport aérien .

3. La nécessité d'adopter des mesures de soutien à la compétitivité des compagnies aériennes à l'issue des Assises nationales du transport aérien

La ministre des transports a lancé le 20 mars 2018 des Assises nationales du transport aérien afin de permettre à tous les acteurs de ce secteur essentiel pour la vie économique de notre pays d'établir des diagnostics et des solutions partagés, dans un contexte où le trafic aérien mondial enregistre une forte croissance mais où les compagnies françaises en bénéficient trop peu en raison d'une compétitivité insuffisante .

Ces Assises ont donné lieu à une quinzaine de colloques et à 36 réunions de 13 groupes de travail et ses travaux se sont terminés au mois d'octobre. Leur clôture se fait toutefois toujours attendre .

Les Assises nationales du transport aérien

Les Assises nationales du transport aérien associent l'ensemble des acteurs aériens à une réflexion stratégique approfondie sur l'avenir du transport aérien français.

Au-delà d'une relance de l'attractivité et de la compétitivité du pavillon français, ainsi que des préoccupations économiques des acteurs du transport aérien qui ont été à la genèse de ces Assises, de multiples enjeux existent en matière : d'environnement, de désenclavement des territoires et de continuité territoriale, de maillage aéroportuaire, de sûreté, d'emploi et de formation professionnelle, d'innovations et d'amélioration de l'expérience du passager, de dialogue social ou encore de simplification administrative et opérationnelle.

Les Assises doivent donc permettre de relever le défi de la compétitivité du transport aérien français mais elles doivent aussi s'inscrire dans une perspective de long-terme, celle d'un transport aérien durable et qui réponde de mieux en mieux aux attentes des passagers et des territoires.

Un fil conducteur structure la réflexion commune : la performance collective. Plus large que la notion de compétitivité économique, l'idée de performance collective rappelle que plusieurs leviers existent pour améliorer la compétitivité.

Les thèmes de réflexion des Assises s'articulent donc autour de cinq axes : la performance économique, la performance au service des territoires, la performance environnementale, la performance et l'innovation au service des passagers et la performance sociale.

Source : direction générale de l'aviation civile (DGAC)

Le groupe de travail consacré à la performance économique, que votre rapporteur spécial a co-présidé avec notre collègue députée Anne-Laure Cattelot a notamment cherché à analyser le poids des charges fiscales et sociales qui pèsent sur les transporteurs aériens basés en France et tend à les handicaper par rapport à leurs concurrents étrangers .

Si le Gouvernement explique que les arbitrages ministériels sont en cours et que la clôture des Assises n'interviendra qu'au premier trimestre 2019 , ce qui est bien tardif, ne nombreux acteurs du secteur souhaiteraient qu'un certain nombre de propositions de nature fiscale puissent être examinés dans le cadre du présent projet de loi de finances pour 2019 , de sorte qu'elles puissent entrer en application dès l'an prochain et non être renvoyées à 2020 ou à une date ultérieure.

Parmi les hypothèses étudiées par le groupe de travail figurent notamment :

- une baisse significative des taux de la taxe de solidarité sur les billets d'avion , de sorte que son produit soit ajusté au niveau du plafond législatif de reversement au fonds de solidarité pour le développement (FSD), c'est-à-dire 210 millions d'euros par an. Votre rapporteur spécial note d'ailleurs que le Sénat a déjà adopté cette mesure dans les cadres des projets de loi de finances pour 2017 et pour 2018, à l'initiative du rapporteur général de votre commission des finances ;

- un plafonnement des cotisations employeurs pour les travailleurs « hyper-mobiles » , actuellement étudiée par une mission conjointe du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) et de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) ;

- un retrait des taxes aéronautiques de l'assiette taxable à la TVA sur les billets d'avion infra-métropolitains ;

- une augmentation de 10 à 25 points de l'abattement (actuellement de 40 %) dont bénéficie le trafic en correspondance sur la taxe d'aéroport , qui finance les dépenses de sûreté des aéroports ;

- des modifications de l'assiette de cette même taxe d'aéroport , actuellement expertisées par une mission conjointe du CGEDD et de l'Inspection générale des finances (éventuelle taxation des activités de commerces en zone réservée des aéroports, de l'aviation d'affaires commerciale et privée, etc.).

Une première mesure issue des Assises a été adoptée par l'Assemblée nationale lors de l'examen de la seconde partie du projet de loi de finances. Cet article prévoit que lorsque les coûts annuels des missions de sûreté et de sécurité d'un des plus gros aéroports français dépassent le seuil de 9 euros par passager embarqué , le tarif de la taxe d'aéroport est fixé de manière à couvrir 94 % de ces coûts , les 6 % restant étant à la charge exclusive de l'exploitant aéroportuaire concerné . Cette mesure va dans le bon sens et votre rapporteur spécial souhaite que d'autres dispositifs analogues soient également adoptés au Sénat.


* 10 Les compagnies OpenSkies, Aigle Azur et XL Airways ont réalisé de mauvaises performances conjoncturelles en 2017.

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