B. LA PROPOSITION DE LOI REPOND À L'URGENCE SOULEVÉE PAR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

1. Les collectivités font part d'une forte inquiétude sur les conséquences de la caducité ou de l'illégalité des RLP
a) La caducité généralisée des RLP de première génération emporterait une déstabilisation importante pour les communes et intercommunalités

La censure des deux articles adoptés dans la loi ELAN fait peser de graves incertitudes sur les règlements locaux de publicité en cours d'élaboration, et sur la capacité des communes à maintenir une réglementation de la publicité sur leur territoire.

En effet, au 14 juillet 2020, c'est-à-dire moins de dix mois après la publication du présent rapport, tous les RLP adoptés par des communes ou EPCI avant la publication ENE en 2010 - dits « de première génération »
- seront caducs. En 2018, il existe seulement 82 RLP intercommunaux en France, répondant aux exigences de la loi ENE, contre près de 1211 RLP « de première génération », susceptibles d'être frappés de caducité. 3 ( * ) Si 843 de ces RLP 1G sont en cours de révision, rien ne garantit que ces procédures aboutissent à temps. 4 ( * )

Cette caducité généralisée est problématique, à plusieurs titres :

- tout d'abord, la caducité des RLP emportera automatiquement application du règlement national de la publicité (RNP) , réglementation de base de la publicité définie au niveau national, qui offre dans bien des cas un moindre niveau de protection. Les intercommunalités risquent de voir fleurir des publicités et enseignes sauvages auparavant interdites, sans moyen de s'y opposer ;

- de plus, sous le régime du RNP, la compétence d'instruction des demandes de publicité, ainsi que du pouvoir de police du maire en matière de publicité, est automatiquement transférée au préfet. Cela constituerait un dessaisissement des communes ou intercommunalités , pourtant les plus aux prises avec les réalités de leur territoire ;

- enfin, nombre de publicités et enseignes publicitaires parfaitement conformes aux RLP actuellement en vigueur seraient brusquement rendues illégales par l'application du RNP. Outre les conséquences non négligeables pour les propriétaires, leur démantèlement entraînerait pour les collectivités une forte perte de ressources issues des redevances d'occupation du domaine public. Dans le seul cas de la métropole d'Aix-Marseille-Provence, cette somme serait estimée à 11 millions d'euros par an. 5 ( * )

Par ailleurs, en l'absence de validation législative des procédures d'élaboration de RLPi initiées selon les procédures applicables aux PLUi, mais non prévues par la loi, et malgré tous les efforts des intercommunalités, les nouveaux règlements locaux de publicité intercommunaux seraient extrêmement vulnérables au contentieux. Pour des raisons de forme, beaucoup plus de que de fond, les RLPi élaborés selon les règles applicables aux PLUi pourraient être annulés par le juge, exposant les collectivités à de nouvelles dépenses et à des délais additionnels.

b) Les intercommunalités sont mobilisées pour trouver une solution

Nombre de collectivités ont émis des alertes, insistant auprès du Gouvernement sur les lourdes conséquences des carences du droit en vigueur . France urbaine, qui a relayé ces inquiétudes au rapporteur de la commission des affaires économiques, a indiqué que près de 10 % de ses membres se trouvent dans une situation difficile 6 ( * ) . La DHUP a également affirmé être au fait de ces problèmes et avoir reçu une dizaine de courriers émanant de métropoles françaises 7 ( * ) . À titre d'exemple, les RLPi des métropoles Aix-Marseille-Provence et Toulon Provence Méditerranée, élaborés selon les procédures applicables aux PLUi, pourraient être annulés.

Le rapporteur de la commission des affaires économiques a rappelé que les difficultés actuelles des communes et EPCI sont le résultat direct des rapides et conséquentes évolutions législatives des dix dernières années. L'instabilité du statut des intercommunalités et des documents de planification locale ont résulté en de nombreux changements de périmètre, de nature et de compétences. Comme l'a relevé France urbaine, la présente proposition de loi est nécessaire pour « traiter les dommages collatéraux des évolutions rapides récentes, qu'on du absorber les collectivités et les intercommunalités » 8 ( * ) . En moins de quatre ans par exemple, la communauté d'agglomération de Saint-Etienne Métropole est devenue tour à tour communauté urbaine en 2016, puis métropole au 1 er janvier 2018, acquérant ainsi la compétence en matière de RLP.

Cela représente pour ces intercommunalités un effort budgétaire et un travail de fond extrêmement conséquent, nécessitant la recherche d'un consensus avec les nombreuses communes membres pour se saisir d'un outil nouveau , d'autant que l'avis conforme de toutes les communes du périmètre est nécessaire à l'adoption du règlement local de publicité intercommunal (RLPi). Il faut en moyenne deux ans pour élaborer un RLPi, trois à l'échelle d'une métropole 9 ( * ) . Même les intercommunalités ayant engagé tous les efforts possibles pour parvenir à adopter leurs RLPi dans les délais ne peuvent garantir que ceux-ci soient finalisés avant l'échéance de caducité, et demandent donc unanimement un report d'au moins deux ans de celle-ci.

Sans une stabilisation et une articulation des outils de planification à la main des intercommunalités, le législateur placerait des freins considérables à la dynamique engagée.

Il faut que la représentation nationale et le Gouvernement soient à l'écoute des collectivités et intercommunalités, et assurent le « service après-vente » des obligations législatives qu'ils mettent en place.

2. La proposition de loi sécurise les règlements locaux de publicité intercommunaux élaborés et en cours d'élaboration, et offre un délai plus raisonnable de mise en oeuvre de la loi

La proposition de loi déposée par M. BABARY et plusieurs de ses collègues au Sénat, transmis au fond à la commission des affaires économiques, reprend à l'identique les deux articles qui avaient été adoptés dans la loi ELAN en novembre 2018 puis censurés par le Conseil constitutionnel.

L'article 1 er prévoit explicitement que les aménagements apportés à l'élaboration et la révision des PLU et PLUi par la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté, sont applicables aux règlements locaux de publicité . Il opère aussi une validation législative des RLP intercommunaux déjà prescrits et déjà adoptés selon les procédures applicables aux PLU intercommunaux.

L'article 2 reporte de deux ans l'échéance de caducité des RLP adoptés avant la loi ENE, à la condition qu'ait été prescrite l'élaboration d'un RLP intercommunal. Cette échéance sera donc fixée au 14 juillet 2022.


* 3 Enquête menée par la DGALN auprès des services déconcentrés en 2019 sur la mise en oeuvre de la réglementation relative à la publicité extérieure, aux enseignes et aux préenseignes en 2017 et 2018.

* 4 Ibid.

* 5 Chiffres fournis par la Direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP) lors des auditions menées par le rapporteur.

* 6 Auditions menées par le rapporteur.

* 7 Auditions menées par le rapporteur.

* 8 Auditions menées par le rapporteur.

* 9 Chiffres fournis par la Direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP).

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page