III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION : LA RECEVABILITÉ DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Dans le cadre de la procédure de « droit de tirage », la compétence de votre commission des lois se limite strictement à l' examen de sa recevabilité .

L'article unique de la proposition de résolution présentée par le président Bruno Retailleau et les membres du groupe Les Républicains tend à créer une commission d'enquête de 21 membres « sur les réponses apportées par les autorités publiques au développement de la radicalisation islamiste et les moyens de la combattre ».

En premier lieu, votre commission a constaté que cette proposition de résolution ne prévoyait pas un nombre de membres supérieur à vingt et un pour la commission d'enquête qu'elle tend à créer (puisqu'elle en comprendrait, précisément, vingt et un).

En deuxième lieu, si le Sénat a consacré ces dernières années d'importants travaux à des sujets proches, notamment sur le terrorisme islamiste 15 ( * ) ou la « déradicalisation » 16 ( * ) , votre commission a constaté que le texte présenté n'avait néanmoins pas pour effet de reconstituer avec le même objet une commission d'enquête ayant achevé ses travaux depuis moins de douze mois.

En dernier lieu, votre commission a étudié le champ d'investigation retenu par la proposition de résolution pour la commission d'enquête, afin de déterminer s'il conduisait à enquêter sur des faits déterminés ou bien sur la gestion d'un service public ou d'une entreprise nationale.

Votre rapporteur note d'abord que tant l'intitulé de la proposition de résolution que le dispositif 17 ( * ) de son article unique entendent explicitement faire porter les investigations sur des politiques publiques (les « réponses apportées par les autorités publiques » et « les moyens » dont elles disposent).

Dans leur exposé des motifs, les auteurs de la proposition de résolution, après avoir rappelé le bilan meurtrier en France du terrorisme islamiste et le caractère toujours très actuel de la menace, insistent sur la nécessité d'en revenir à leurs causes, à savoir « l'Islam radical, socle sur lequel s'est développé et continue de prospérer le phénomène terroriste ».

Élargissant leur analyse au-delà du seul terrorisme, ils dénoncent la double dimension totalitaire et sécessionniste du salafisme, qui « menace donc tout à la fois notre nation dans son unité, notre démocratie dans son essence et notre République dans ses valeurs ».

Ils soulignent ensuite le défi que pose, selon eux, cette idéologie qui «  cherche désormais à étendre son influence en se propageant à des champs de plus en plus nombreux de la vie en société » , mentionnant à ce titre « la multiplication des revendications communautaires et des manifestations d'affirmation identitaire ».

L'exposé des motifs se conclut sur une critique de l'« inaction coupable » constatée jusqu'alors face à ces menaces, la création d'une commission d'enquête au Sénat étant dès lors présentée comme justifiée pour « d'une part, comprendre pourquoi et comment l'Islam radical s'est développé en France et, d'autre part, dresser un état des lieux de sa prégnance dans notre pays et déterminer les moyens les plus efficaces de combattre la progression de ce nouveau totalitarisme. »

Il apparaît à votre rapporteur que cette commission d'enquête devrait donc faire porter ses investigations sur les causes du développement de la radicalisation islamiste en France ces dernières années, sur les défis sécuritaires, politiques et sociaux qu'elle pose, et sur la responsabilité des pouvoirs publics, à tous les échelons, pour prévenir et endiguer cette montée. Il ne s'agirait donc pas d'enquêter sur des faits déterminés, mais, au sens large, sur la gestion de services publics .

Ainsi, la proposition de résolution entre-t-elle bien dans le champ défini par l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 précitée, au titre de la gestion d'un service public, sans qu'il soit nécessaire d'interroger la garde des sceaux aux fins de connaître l'existence d'éventuelles poursuites judiciaires en cours.

Dès lors, votre commission a constaté que la proposition de résolution n° 56 rect. (2019-2020) était recevable .

Par conséquent, il n'existe aucun obstacle à la création de cette commission d'enquête par la procédure du « droit de tirage » .


* 15 Rapport (n° 388 ; 2014-2015) de M. Jean-Pierre Sueur, fait au nom de la commission d'enquête sur les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes, du 1 er avril 2015 ; Filières « djihadistes » : pour une réponse globale et sans faiblesse.

* 16 Rapport d'information (n° 633 ; 2016-2017) de Mmes Esther Benbassa et Catherine Troendlé, fait au nom de la commission des lois, Les politiques de « déradicalisation » en France : changer de paradigme, avril 2017.

* 17 Tel qu'il résulte de la rectification de la proposition de résolution intervenue postérieurement à son dépôt initial.

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