SECONDE PARTIE
LES PRINCIPALES ÉVOLUTIONS DE LA MISSION « SANTÉ  »

I. LA DIMINUTION DU NOMBRE D'OPÉRATEURS

1. Un transfert non justifié

Aux termes de la loi de finances pour 2018, le programme 204 ne devait plus financer que quatre opérateurs de l'État contre dix en 2015 : ANSM, ANSP 1 ( * ) , Institut national de lutte contre le cancer (INca) et Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Ansés). Le maintien de ce financement au sein de la mission « Santé » était justifié par le fait que ces quatre opérateurs participaient à la mise en oeuvre des politiques nationales de prévention et de sécurité sanitaire.

Le PLF 2020 limite aujourd'hui ce financement direct de l'État à deux opérateurs, sans étayer outre-mesure les motivations du transfert de l'ANSM et de l'ANSP vers l'assurance-maladie.

Votre rapporteur spécial rappelle que l'ANSP était au coeur de l'action n°11 du programme 204 « Pilotage de la politique de santé publique ». L'ANSM était, quant à elle, l'outil au service de l'action n°17 du même programme « Politique des produits de santé et de la qualité des pratiques et des soins ». Ces opérateurs concentraient, par ailleurs, plus de la moitié des crédits du programme 183 : 268,6 millions d'euros, soit 56 % de la dotation accordée en loi de finances pour 2019.

Observation n° 5 : Les transferts d'opérateurs prévus vers la sécurité sociale sont insuffisamment justifiés et ne peuvent uniquement être motivés par une clarification des compétences entre l'État et la sécurité sociale, sauf à conduire à la disparition de la mission « Santé » du budget de l'État. Les missions assignées à l'Agence nationale de la sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et de l'Agence nationale de santé publique (ANSP) ne relèvent pas, de prime abord, d'une logique contributive que suppose, pourtant, leur rattachement au budget de la sécurité sociale.

2. La poursuite de la baisse des crédits versés aux opérateurs

La subvention pour charges de service public prévue par le présent projet loi de finances à l'INCa traduit, comme l'an dernier, sa participation à l'effort de réduction des dépenses publiques. Le montant prévu s'élève à 41,3 millions d'euros, soit un montant quais-équivalent au montant des crédits consommés en 2018.

À l'inverse, l'Ansés enregistre une majoration de crédits de près de 7,4 millions d'euros. Celle-ci s'explique par la rebudgétisation du produit de la taxe relative à la notification des produits du vapotage, dont la suppression est prévue à l'article 6 du présent projet de loi de finances, en raison d'un rendement jugé insuffisant.

Subventions pour charges de service public versées aux opérateurs

(en millions d'euros)

Opérateur

Exécution 2017

Exécution 2018

LFI 2019

PLF 2020

Variation 2020/2019

Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Ansés)

13.3

14,2

14,5

21,9

+ 51 %

Institut national du cancer (INCa)

41.1

41,2

42.1

41,3

- 2,1 %

Total

54,4

53,3

56,6

53,2

- 6.1 %

La diminution de la subvention accordée à l'INCa n'affecte pas le niveau de son fond de roulement, qui croît de façon conséquente : + 42 %. L'Ansés enregistre, de son côté, une nouvelle baisse de ce niveau.

Niveaux des fonds de roulement des opérateurs du programme 204

(en millions d'euros)

Opérateurs

Au 31/12/2018

Au 31/12/2019

(dernière évaluation)

Estimation du nombre de jours de fonctionnement

Variation 2017/2016

Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Ansés)

31,6

28,7

70

- 10 %

Institut national du cancer (INCa)

14,4

20,4

82

+ 42 %

Total

46

49,1

-

+ 6,8 %

Source : réponse du ministère de la santé et des solidarités au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial

3. Une réduction du nombre d'emplois

Le présent projet de loi de finances pour 2020 maintient le plafond global pour l'INCa à 149 équivalents temps plein travaillé (ETPT). Seul le nombre d'ETPT sous plafond LFI diminue de 3 unités pour atteindre 134 postes, ce qui est quasiment conforme à la baisse de 2,5 % du plafond d'emploi appliquée aux opérateurs.

Reste que le nombre d'ETPT hors plafond est augmenté de 3 unités, recrutées en contrat à durée déterminée à objet défini (CDDOD) afin de faire face à un surcroit d'activité dans des domaines concernant la pédiatrie, le tabac ou le dossier chlordécone.

Emplois des opérateurs rémunérés par le programme 204

(en ETPT)

Opérateurs

Réalisation 2018

LFI 2019

PLF 2019

Variation 2019/2018

Institut national du cancer (INCa)

Emplois sous plafond

139

137

134

- 2,2 %

Emplois hors plafond

8

12

15

+ 25 %

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Observation n° 6: Le respect, par l'Institut national du cancer (INCa), de la trajectoire de diminution des emplois sous plafond est exactement compensé par le recrutement de contrats à durée déterminée, afin de faire face à une augmentation des projets traités. La loi du 8 mars 2019 visant à renforcer la prise en charge des cancers pédiatriques par la recherche, le soutien aux aidants familiaux, la formation des professionnels et le droit à l'oubli a, en effet, confié de nouvelles missions à l'INCa. Dans ces conditions, il convient de revoir cette contrainte pour le seul opérateur intégralement financé par la mission « Santé ».

Les emplois de l'Ansés sont, quant à eux, rémunérés par le programme 206 «Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation », ce qui n'est pas sans susciter certaines interrogations.

4. La nécessaire poursuite de la mutualisation entre opérateurs

Votre rapporteur spécial espère que les transferts de deux opérateurs vers le budget de la sécurité sociale ne remettront pas en cause la logique de mutualisation des moyens mise en place depuis plusieurs années.

La direction générale de la santé (DGS) a, en effet, développé, depuis 2008, le concept de « système d'agences ». Un comité d'animation du système d'agences (CASA) regroupe ainsi les directeurs généraux des opérateurs. Il est destiné à développer de manière coordonnée la politique de prévention et de sécurité sanitaire.

En ce qui concerne les fonctions de soutien et d'appui, le projet SIFAS vise, depuis le 1 er janvier 2016, à mettre en oeuvre une nouvelle gestion budgétaire et comptable publique commune aux agences sanitaires. L'ordonnance du 19 janvier 2017 prévoit, quant à elle, la mutualisation de tout ou partie des fonctions d'appui et de soutien des opérateurs, ciblant précisément les fonctions comptables, logistiques, informatiques, immobilières ainsi que les fonctions de paiement ou de commande, d'expertise juridique, de communication et de relations internationales. Le comité des secrétaires généraux (CSG) met en oeuvre ce rapprochement.

L'ANSP et l'INCa ont ainsi signé une convention permettant le groupement de commandes relatives à la conception, l'organisation et la réalisation de divers événements (colloques, séminaires, journées scientifiques etc.). Une convention de groupement de commandes inter-agences pour les achats informatiques a également été adoptée.

Observation n° 7: Le projet annuel de performances 2020 insiste sur le fait que l'INCa continuera à participer à l'effort de maîtrise des dépenses et que la mutualisation inter agences sera privilégiée. Face à la montée en puissance de ses missions prévue par la loi du 8 mars 2019, il apparaît indispensable que la rationalisation des moyens continue à s'opérer en ce sens et que le recrutement ne constitue pas la seule variable d'ajustement. Le rattachement de l'ANSP et de l'ANSM au budget de la Sécurité sociale ne doit pas avoir comme effet indirect un affaiblissement de la logique de mutualisation, dont l`INCa pourrait être la victime collatérale.


* 1 L'ANSP regroupe depuis 2017 trois anciens opérateurs : l'Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (Eprus), l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INpes) et l'Institut de veille sanitaire (INVS).

Page mise à jour le

Partager cette page