B. UNE AUGMENTATION DUE PRINCIPALEMENT AUX DÉPENSES CROISSANTES DE PRIME D'ACTIVITÉ ET D'AAH ET ACCESSOIREMENT À DES MESURES DE PÉRIMÈTRE

Cette hausse est principalement due à l'augmentation exponentielle des dépenses de prime d'activité et d'AAH. Ces deux mesures figurent parmi les trois principales dépenses sociales financées par la mission avec les mesures de protection juridique des majeurs. Elles représentent à elles seules 20,7 milliards d'euros, soit plus de 80 % des crédits de la mission en 2020 :

- l' allocation aux adultes handicapés (AAH) , avec une dépense estimée à 10,6 milliards d'euros.

- la prime d'activité , avec un montant de 9,5 milliards d'euros ;

- le financement des dispositifs de protection juridique des majeurs , avec un coût estimé à 668,3 millions d'euros ;

Source : commission des finances du Sénat

Évolution des dépenses de l'AAH et de la prime d'activité depuis 2012

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

1. Un « effet volume » lié au dynamisme structurel et aux revalorisations des prestations

Les dépenses d'AAH sont structurellement orientées à la hausse, en raison :

- des évolutions démographiques , avec le vieillissement de la population . Le risque de survenance d'un handicap et le taux de prévalence de l'AAH augmentent avec l'âge ;

- du recul de l'âge légal de départ à la retraite , qui conduit également à augmenter le « stock » de personnes bénéficiant de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et de l'allocation supplémentaire d'invalidité (ASI). Le coût de cette réforme est estimé à 353 millions d'euros pour 2020 ;

- de la mise en oeuvre de différentes réformes favorables aux bénéficiaires de l'AAH ;

Des mesures favorables aux bénéficiaires de l'AAH depuis 2017

L'article 49 du projet de loi de finances pour 2017 , à la suite du rapport Sirugue visant à réformer les minima sociaux, avait prévu la mise en oeuvre de plusieurs réformes de paramètres de l'AAH :

- la possibilité pour les personnes handicapées ayant un taux d'incapacité supérieur ou égal à 80 % (AAH 1), au moment de leur départ à la retraite, de conserver le bénéfice de l'AAH sans avoir à solliciter préalablement l'allocation de solidarité pour les personnes âgées (ASPA), ce qui était jusqu'à présent obligatoire. Le coût de cette mesure est estimé à 37 millions d'euros en 2019.

- l'ouverture du cumul entre l'AAH et la prime d'activité. Depuis le 1 er juillet 2016, le montant d'AAH n'est plus retranché de celui de la prime d'activité ;

- l'accroissement de la durée d'attribution de l'AAH 1 pour les personnes dont le handicap est insusceptible d'évolution favorable - par dérogation, l'allocation pourra être versée pour une durée de vingt ans ;

- la suppression de la possibilité de cumul de l'allocation de solidarité spécifique (AAS) 2 ( * ) et de l'AAH, en retenant une « primauté » au droit à l'AAH.

Source : commission des finances du Sénat

- du faible taux de sortie du dispositif pour l'AAH : seuls 7,7 % des bénéficiaires sont sortis en 2017 ;

- de l'extension du champ et de la reconnaissance du handicap , qui a joué un rôle non négligeable dans l'augmentation des dépenses d'AAH ;

- d'une certaine « porosité » entre les minima sociaux , la DGCS ayant identifié un basculement, dans certains départements, du RSA vers l'AAH.

Par ailleurs, la revalorisation du montant à taux plein de l'AAH de 50 euros à partir de décembre 2018 3 ( * ) , et de 40 euros à partir de décembre 2019 4 ( * ) qui portera l'allocation à 900 euros - conduit à une augmentation du nombre de bénéficiaires . En effet, le plafond de ressources prises en compte pour être éligibles à la prestation, augmenté le cas échéant en fonction de la situation familiale du bénéficiaire, correspond au montant à taux plein de l'allocation. Cette revalorisation aura, selon les informations communiquées à vos rapporteurs, un coût estimé à 863 millions d'euros en 2020.

Concernant la prime d'activité, les modifications apportées au dispositif - à la suite du mouvement social des « gilets jaunes » - ont conduit à augmenter considérablement le nombre de personnes y ayant recours . L'augmentation du bonus individuel de 90 euros a, en effet, permis l'élargissement du barème de la prime d'activité. Ainsi, à titre d'exemple, le point de sortie pour un célibataire sans enfant rémunéré au Smic passe de 1,3 Smic (1 565 euros) à 1,5 Smic (1 806 euros). Par ailleurs, la communication qui a entouré la mise en oeuvre de cette réforme a conduit à augmenter le taux de recours de personnes déjà éligibles mais qui n'avaient pas sollicité la prime d'activité, avant la réforme de son bonus.

Points de sortie de la prime d'activité avant et après revalorisation

(en euros)

Source : rapport d'évaluation de la revalorisation exceptionnelle de la prime d'activité, juillet 2019, DGCS, DREES, CNAF, CCMSA

Le rapport - prévu par la loi du 24 décembre 2018 portant mesures d'urgence économique et sociale afin d'évaluer la revalorisation exceptionnelle de la prime d'activité six mois après la promulgation de la loi - remis, avec quatre mois de retard, au Parlement le 15 octobre dernier, indique ainsi que :

- 4 117 730 foyers bénéficient de la prime d'activité en mars 2019 dont 3 973 377 foyers allocataires du régime général (CNAF), soit 96,5 % du total des bénéficiaires, et 144 353 foyers allocataires du régime agricole (CCMSA), soit 3,5 % du total. Le nombre de foyers allocataires a ainsi augmenté de 47 % entre septembre 2018 et mars 2019.

- Le nombre de foyers allocataires supplémentaires liés à la réforme est estimé par la CNAF à 1 250 000 , dont 700 000 étaient éligibles à la prime d'activité avant la réforme mais n'y recouraient pas (« anciens éligibles nouveaux recourants ») et 550 000 sont devenus éligibles avec la réforme (« nouveaux éligibles nouveaux recourants »).

Chronologie de l'augmentation de la prime d'activité fin 2019, mesure de pouvoir d'achat en réponse aux « gilets jaunes »

Était prévue initialement, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2019, la création d'une seconde bonification individuelle de la prime d'activité versée, à partir d'août 2019, aux bénéficiaires dont les revenus professionnels étaient supérieurs à 0,5 SMIC. Ce bonus devait atteindre son montant maximal, soit 30 euros, à 1 SMIC, puis être décroissant au-delà. Cette mesure avait un coût estimé initialement, dans le projet de loi de finances, à 18 millions d'euros en 2019, et à 200 millions d'euros en année pleine. Il était prévu que le montant maximal de la bonification soit, chaque année, revalorisé par tranche de 20 euros, jusqu'à atteindre 70 euros au 1 er août 2021.

L'Assemblée nationale, en première lecture, avait néanmoins voté l'avancement de la mise en oeuvre de ce bonus au 1 er avril au lieu du 1 er août 2019 et l'augmentation - mise en oeuvre par décret - de 20 à 30 euros - conduisant à relever le coût estimé de la mesure, sur 2019 à environ 135 millions d'euros.

Finalement, le Gouvernement a décidé, en nouvelle lecture, d'abandonner l'idée d'un second bonus pour privilégier l'augmentation du montant maximal du premier bonus existant de 90 euros (70,49 euros à 160,49 euros) et d'avancer sa mise en oeuvre au 1 er janvier . Couplée à l'augmentation du SMIC au 1 er janvier 2019, cette revalorisation de la prime d'activité - mise en oeuvre par le décret n° 2018-1197 du 21 décembre 2018 - permit ainsi au Gouvernement d'afficher une augmentation de pouvoir d'achat de 100 euros mensuels pour les bénéficiaires au SMIC , en réponse au mouvement des « gilets jaunes ».

Cette augmentation a nécessité, en cours de lecture, une ouverture de crédits de 2,8 milliards d'euros , en sus de la budgétisation initiale de 6 milliards d'euros, portant la prévision à 8,8 milliards d'euros pour 2019.

Source : commission des finances

2. Un « effet prix » dû essentiellement aux revalorisations de l'AAH et de la prime d'activité

Cet effet « prix » - correspondant à une évolution de la dépense résultant de la variation du montant des allocations versées aux bénéficiaire s - résulte essentiellement des revalorisations du montant de l'AAH et de la prime d'activité.

L'impact des revalorisations « annuelles » est très limité sur l'évolution des crédits de la mission, puisque le Gouvernement a décidé de limiter à 0,3 % la revalorisation annuelle du 1 er avril de la prime d'activité et de l'AAH, dont le montant était indexé sur le taux d'inflation (article 67 du projet de loi de finances pour 2020).

Cet « effet prix », concernant l'AAH , est dû à sa revalorisation à 900 euros, à compter de décembre 2019.

S'agissant de la prime d'activité , la hausse du montant servi aux bénéficiaires s'explique également par :

- la revalorisation de 20 euros du montant forfaitaire de la prime d'activité , prévue par la loi de finances pour 2018, versée à compter de décembre 2018 ;

- et l'augmentation du bonus individuel de 90 euros au 1 er janvier 2019, dans le cadre des mesures prises en réponse au mouvement des « gilets jaunes » (cf. supra ).

3. Une augmentation qui s'explique, dans une moindre mesure, par des mesures positives de transfert et de périmètre

L'augmentation des crédits de la mission est également liée, dans une moindre mesure, à des mesures positives de transferts ou de périmètre telles que la recentralisation du revenu de solidarité active (RSA) pour la Réunion. En effet, le programme 304 comprend, en 2020, le financement du RSA et du RSO pour la Réunion d'une part et du RSO pour la Guyane d'autre part . Ces prestations seront prises en charge par l'État à compter de 2020 - selon les modalités de compensations financières détaillées ci-dessous - pour un montant estimé à 665,5 millions d'euros 5 ( * ) . Depuis le 1 er janvier 2019, l'État financé déjà le RSA de la collectivité territoriale de Guyane et du département de Mayotte. Pour 2020, la dépense, dans ces territoires, est estimée à 183 millions d'euros .

Répartition de la compensation de la recentralisation du RSA à La Réunion
et du RSO à La Réunion et en Guyane en 2020

(en millions d'euros)

2020

Fraction de TICPE

404,9

Ressources allouées au titre du FMDI

24,1

Ressources allouées au titre du DCP

30,5

Réfaction de la dotation forfaitaire

46,3

Réfaction de la dotation de compensation

100,7

Compensation totale

606,5

Progression prévisionnelle des dépenses de RSA en 2020 à La Réunion

59

Montant inscrit au programme 304

665,5

Source : commission des finances

Par ailleurs, il convient de noter que le programme 124 intègre une importante mesure de périmètre « sortante ». Les 1 529 emplois et la masse salariale des cadres techniques sportifs (CTS) seront désormais inscrits sur la mission « Sport, jeunesse et vie associative », soit un transfert au programme 219 « Sport » de 121 086 932 euros.


* 2 L'allocation de solidarité spécifique (ASS) est versée pour une période renouvelable de six mois aux demandeurs d'emploi ayant épuisé leurs droits aux allocations chômage et ayant travaillé au moins cinq ans au cours des dix années précédentes.

* 3 Prévue par la loi de finances pour 2018

* 4 Prévue en loi de finances pour 2019

* 5 Cette recentralisation est prévue à l'article 25 du présent projet de loi de finances.

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