B. LA RÉDUCTION AU STRICT NÉCESSAIRE DE LA DURÉE ET DU CHAMP DES HABILITATIONS A LÉGIFÉRER PAR ORDONNANCES

En sollicitant des habilitations à légiférer par ordonnances, le Gouvernement fait usage d'une prérogative constitutionnelle .

Il revient toutefois au Parlement de s'assurer de l'opportunité et de la nécessité de chaque habilitation . Ce n'est qu'à cette condition qu'il peut consentir à déléguer son pouvoir législatif.

1. Réduire les délais d'habilitation et réintroduire l'obligation de consultation

Sur proposition de son rapporteur, la commission des lois a drastiquement réduit les délais d'habilitation : ce projet de loi étant motivé par l'urgence, ses dispositions doivent entrer en vigueur le plus rapidement possible . Le délai des articles 1 er et 2 (diverses habilitations) a ainsi été réduit de 6 à 3 mois ; celui de l'article 4 ( Brexit ) est passé de 15 à 7 mois.

Dans le même esprit, le délai accordé au Gouvernement pour déposer les projets de loi de ratification a été restreint de 3 à 2 mois pour l'ensemble des habilitations. Ces textes doivent être déposés dans les meilleurs délais, afin de permettre au Parlement d'en débattre.

Sur le plan procédural, la commission a supprimé la dispense générale de consultation : pendant la rédaction de ses ordonnances, le Gouvernement devra donc saisir les instances consultatives prévues par les lois et règlements.

Ces consultations s'avèrent nécessaire pour recueillir l'avis des parties prenantes et mieux évaluer l'impact des ordonnances . Tel est par exemple le cas des avis du Conseil national d'évaluation des normes (CNEN), de l'Autorité de la concurrence ou de la Commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle (CNNCEFP). Ces instances consultatives sont d'ailleurs en mesure de se réunir rapidement pendant l'état d'urgence sanitaire, au besoin par visioconférence 23 ( * ) .

Enfin, la commission des lois a supprimé la disposition prévoyant le caractère rétroactif des ordonnances prises sur le fondement de l'article 1 er . Elle demande au Gouvernement d'établir la liste des mesures concernées, afin que le Sénat puisse se prononcer sur leur opportunité.

Cadre général des habilitations à légiférer par ordonnances
(texte de la commission des lois du Sénat)

Thèmes

Nombre d'habilitations

Durée des habilitations

Délai pour le dépôt
du PJL de ratification

Concertations obligatoires

Article 1 er

Diverses habilitations pour faire face
à l'épidémie
de covid-19

5

2 mois

(au lieu
de 6 mois)

2 mois

(au lieu
de 3 mois)

OUI

Article 2

Diverses habilitations

2

OUI

Article 3

Centralisation
des trésoreries publiques

Article supprimé

Article 4

Habilitations « post- Brexit »

3

7 mois

(au lieu
de 15 mois)

2 mois

(au lieu de 6 mois)

OUI

Source : commission des lois du Sénat

2. Supprimer ou préciser des habilitations trop générales

Conformément à la jurisprudence constitutionnelle, le Gouvernement doit indiquer avec suffisamment de précision les finalités (objectifs) de ses ordonnances ainsi que leurs secteurs d'intervention (pans du droit qu'il est proposé de modifier) 24 ( * ) .

Le Conseil constitutionnel a par exemple censuré une habilitation à légiférer par ordonnances qui visait, sans autre précision, à « redéfinir » les dispositifs d'insertion des personnes en situation de handicap 25 ( * ) .

Dans l'attente de précisions de la part du Gouvernement, la commission des lois a donc supprimé plusieurs habilitations « balai » , comme celle prolongeant le mandat des personnes élues (« hormis les mandats issus d'élections politiques ») ou celle permettant de prendre « toute (...) mesure » pour préserver la situation des Britanniques en France.

La commission a également précisé certaines habilitations , notamment en ce qui concerne le dialogue social dans les agences régionales de santé (ARS) et les missions confiées aux bénévoles de la réserve civique.

3. Inscrire plusieurs dispositifs « en clair »

Poursuivant le travail engagé par l'Assemblée nationale, la commission des lois a inscrit plusieurs dispositifs « en clair » et supprimé les habilitations correspondantes.

Dispositifs inscrits « en clair » par la commission des lois : exemples

- Réduction de la durée des mandats des conseillers prud'hommes et des membres des commissions paritaires régionales interprofessionnelles désignés lors des prochains renouvellements, à due concurrence de l'allongement des mandats en cours

- Extension de la durée d'engagement des adjoints de sécurité et des volontaires en service de la gendarmerie ;

- Adaptation des règles d'emploi de la réserve civile de la police nationale et des règles de service des militaires ;

- Introduction d'une procédure ad hoc de transaction administrative dans le code de la consommation et d'un mécanisme d'indemnisation des consommateurs sous l'égide de la DGCCRF, pour assurer la cohérence du droit national avec le droit de l'Union européenne ;

- Prolongement et adaptation de l'expérimentation sur le relèvement des seuils de revente à perte et l'encadrement des promotions pour les denrées et certains produits alimentaires ;

- Définition de « l'autorité nationale de sécurité » pour la partie française du tunnel sous la Manche , en cas d'échec des négociations entre les Britanniques et l'Union européenne.

Au total, la commission a réduit le nombre d'habilitations à légiférer par ordonnances de 24 à 10 .

De manière complémentaire, la commission a amélioré les dispositifs adoptés par l'Assemblée nationale , par exemple en étendant la possibilité pour les établissements hospitaliers d'accueillir des agents publics mis à disposition.


* 23 Ordonnance n° 2020-347 du 27 mars 2020 adaptant le droit applicable au fonctionnement des établissements publics et des instances collégiales administratives pendant l'état d'urgence sanitaire.

* 24 Conseil constitutionnel, 26 juin 1986, Loi autorisant le Gouvernement à prendre diverses mesures d'ordre économique et social , décision n° 86-207 DC.

* 25 Conseil constitutionnel, 4 septembre 2018, Loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel , décision n° 2017-751 DC.

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