TROISIÈME PARTIE
LE BUDGET DE L'ÉTAT SUBIT LES EFFETS DE LA CRISE ÉCONOMIQUE

I. LE DÉFICIT BUDGÉTAIRE CONSERVERA UN NIVEAU EXCEPTIONNEL EN 2021

Le déficit budgétaire de l'État est prévu en 2021 à un niveau de 152,8 milliards d'euros par le présent projet de loi de finances, en diminution par rapport au déficit prévisionnel révisé de 2020 présenté dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021 (195,2 milliards d'euros) et en très forte diminution par rapport au déficit désormais prévu par le quatrième projet de loi de finances rectificative pour 2020 (222,9 milliards d'euros).

Il serait toutefois en très forte augmentation de 60,1 milliards d'euros par rapport à l'exercice 2019 (92,7 milliards d'euros), dernière année de référence avant la crise.

S'agissant de l'exercice en cours 2020 , le niveau du déficit, estimé à 222,9 milliards d'euros , il serait en augmentation de 129,8 milliards d'euros par rapport au montant prévu en loi de finances initiale (93,1 milliards d'euros).

Toutes ces estimations sont toutefois soumises à la très grande incertitude qui affecte l'évolution de la crise sanitaire. En particulier, le nouveau confinement décidé le 28 octobre 2020 a été pris en compte dans les hypothèses du quatrième projet de loi de finances rectificative au titre de l'année 2020, mais, au moment où ce rapport est présenté, aucune conséquence n'en a encore été tirée sur l'évolution prévisionnelle des recettes et des dépenses en 2021 .

A. L'ANNÉE 2020 AURA VU LE DÉFICIT CHUTER À UN NIVEAU HISTORIQUE

Le déficit budgétaire de l'État connaît en 2020 un niveau exceptionnel avec la chute des recettes liée aux conséquences économiques de la crise sanitaire et la mise en oeuvre, au printemps puis à l'automne, de mesure d'urgence de grande ampleur.

1. La chute résulte de la contraction des recettes et de l'ouverture de dépenses « quoi qu'il en coûte »

Selon les estimations jointes au quatrième projet de loi de finances rectificative, la crise sanitaire aurait eu un effet particulièrement marqué en montant sur les recettes d' impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

Évolution des estimations de recettes fiscales nettes

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des réponses au questionnaire du rapporteur général et du PLFR-4)

La diminution relativement limitée de l' impôt sur le revenu net confirme que, pour l'instant, les revenus des ménages ont été partiellement préservés par les mesures de soutien, notamment le financement de l'activité partielle et la prise en charge des indemnités journalières.

La crise réduirait de 32,2 % les recettes d' impôt sur les sociétés net , à un niveau de 32,7 milliards d'euros, par rapport à la prévision de 48,2 milliards d'euros en loi de finances initiale. Les recettes de TVA nette , prévues à un niveau de 126,1 milliards d'euros, connaîtraient pour leur part une chute de 11,2 % .

Les recettes de TVA suivent en effet de près les évolutions de l'activité, alors que l'impôt sur les sociétés, assis sur les bénéfices des entreprises, est très sensible aux périodes de crise.

S'agissant de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), la trimestrialisation des remboursements de gazole aux transporteurs routiers 110 ( * ) , qui accroît le montant des remboursements et dégrèvements, s'ajoute à l'impact de la diminution de l'activité sur la consommation de carburants, particulièrement marqué pendant la période de confinement du printemps 2020.

Dans le même temps, des dépenses massives ont été ouvertes .

Au cours de trois lois de finances rectificatives (LFR) successives 111 ( * ) , un plan d'urgence faisant l'objet d'une mission nouvelle « Plan d'urgence face à la crise sanitaire » du budget général a été abondé à plusieurs reprises. Le quatrième projet de loi de finances rectificative accroît encore ses crédits de manière massive.

Ouvertures de crédits sur la mission
« Plan d'urgence face à la crise sanitaire »

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents budgétaires)

Les deux dispositifs créés dès le mois de mars, à savoir le financement du chômage partiel et le fonds de solidarité pour les entreprises , ont dû être rechargés à plusieurs reprises, au fur et à mesure que la période de confinement était prolongée et que son impact sur l'économie s'approfondissait.

Cette mission est devenue la deuxième mission du budget général (hors remboursements et dégrèvements). Les crédits consacrés aux mesures d'urgence (69,7 milliards d'euros) sont proches en 2020 de ceux consacrés à l'enseignement scolaire (74,1 milliards d'euros).

2. Alors que l'été avait apporté quelques signaux positifs, le reconfinement pourrait creuser le déficit à un niveau proche de celui prévu à la fin du printemps

Le projet de loi de finances prévoit pour l'année en cours un déficit de 195,2 milliards d'euros, soit un niveau moindre que celui de 225,1 milliards d'euros prévu lors de l'examen de la troisième loi de finances rectificative en juillet dernier. Après l'entrée en vigueur du couvre-feu puis du second confinement, le quatrième projet de loi de finances rectificative a ramené la prévision de déficit à un niveau de 222,9 milliards d'euros , proche de celui anticipé à l'été.

Évolution des estimations de déficit en 2020

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents budgétaires)

Toutefois, les recettes fiscales ont mieux résisté que prévu . La reprise de la consommation a permis aux recettes de TVA de retrouver un niveau normal au cours de l'été, et même légèrement supérieur en août au niveau atteint en 2019. Le projet de loi de finances rectificative, qui fera l'objet d'une analyse plus précise lors de l'examen de ce texte devant la commission, prévoit même que les recettes fiscales nettes seraient d'un niveau de 249,3 milliards d'euros en 2020 , supérieur à celui estimé lors de la présentation du projet de loi de finances pour 2021 au mois de septembre dernier (246,8 milliards d'euros), tout en restant très inférieure à la prévision en loi de finances initiale (293,0 milliards d'euros).

S'agissant des dépenses, la totalité des crédits du plan d'urgence n'avaient pas été consommés avant les annonces de couvre-feu et de nouveau confinement.

Consommation des crédits du plan d'urgence avant le couvre-feu et le nouveau confinement

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (à partir du rapport économique, social et financier, des informations publiées par les ministères et des données Chorus), estimations antérieures à la mise en oeuvre du couvre-feu et du nouveau confinement

S'agissant du dispositif exceptionnel de chômage partiel , selon les données publiées du ministère du travail, le montant effectivement dépensé était d'environ 21,8 milliards d'euros à la fin août, soit un peu plus de 70 % de l'enveloppe budgétaire prévue , dont 56 % au cours des trois premiers mois. Les crédits déjà ouverts auraient donc permis d'accompagner le dispositif jusqu'à la fin de l'année si le nouvel épisode de confinement annoncé par le président de la République le 28 octobre dernier n'était venu accroître les besoins de manière considérable.

Le quatrième projet de loi de finances rectificative prévoit une ouverture de crédits de 2,1 milliards d'euros, pour un coût total de 22,7 milliards d'euros sur le budget de l'État, soit 34 milliards d'euros environ pour l'ensemble des administrations publiques. L'Unédic apporte en effet un financement égal à la moitié de celui de l'État.

Les crédits ouverts sur le fonds de solidarité pour les entreprises , institué par la première loi de finances rectificative du 23 mars 2020, étaient au 9 octobre 2020 de 8,9 milliards d'euros , dont 8,0 milliards d'euros de crédits budgétaires et 0,9 milliard d'euros de fonds de concours versés par les régions et les compagnies d'assurance 112 ( * ) . Les crédits consommés sont de 6,3 milliards d'euros , soit 70,3 % de l'enveloppe disponible . Les crédits disponibles étaient de 2,7 milliards d'euros.

Les crédits consommés correspondaient pour l'essentiel au premier volet du fonds , versé par la direction générale des finances publiques (DGFIP) sur simple demande des entreprises concernées. Le second volet , qui est versé après instruction des demandes par les régions, n'a conduit qu'au versement de 141 millions d'euros à la mi-octobre 113 ( * ) ; il sera nécessaire que le rapport d'évaluation du fonds de solidarité, dont la publication est prévu en mars 2021, détermine si ce résultat très faible est dû à la complexité des procédures, au caractère trop restrictif des critères d'éligibilité ou à une absence de besoin des entreprises pour lesquelles le premier volet aurait suffi à accomplir la mission du fonds.

Un élargissement important des conditions d'accès au fonds conduit le quatrième projet de loi de finances rectificative à demander l'ouverture de 10,9 milliards d'euros de crédits supplémentaires, soit un coût total de 18,9 milliards d'euros sur la mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire », hors contributions des régions et des sociétés d'assurance.

S'agissant de l'augmentation des participations financières de l'État , autorisée pour un montant de 20,0 milliards d'euros par la deuxième loi de finances rectificative du 25 avril 2020, le rapport économique, social et financier (RESF) prévoit que la dotation au compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » sera de 9 milliards d'euros en 2020 et de 11 milliards d'euros en 2021.

La consommation effective était, au début du mois d'octobre, de 4,3 milliards d'euros, dont 3 milliards d'euros devant être transférés d'ici à la fin de l'année à Air France - KLM par une avance en compte courant d'actionnaire conclue le 6 mai 2020, 150 millions d'euros étant versés au fonds de soutien en faveur de l'aéronautique et plus d'un milliard d'euros affecté à une émission obligataire d'EDF annoncée le 8 septembre 2020.

S'agissant enfin des allégements de prélèvements pour les entreprises des secteurs les plus touchés par la crise sanitaire, qui ont fait l'objet d'une ouverture de crédits de 3,9 milliards d'euros dans la troisième loi de finances rectificative du 30 juillet, il ressortait du projet de loi de finances pour 2021 que le coût du dispositif était d'ores et déjà estimé à 5,2 milliards d'euros au mois de septembre 114 ( * ) . L'ouverture de crédits dans le projet de loi de finances rectificative de fin d'année est finalement de 4,3 milliards d'euros, soit un coût total de 8,2 milliards d'euros .

En outre, le projet de loi de finances prévoit que des reports permettront d'assurer en 2021 le paiement d'engagements nés en 2020. Le quatrième projet de loi de finances rectificative confirme que cela sera le cas notamment pour une partie des crédits ouverts pour l'augmentation des participations financières de l'État. Il est donc nécessaire de maintenir la mission dans la maquette budgétaire de 2021, bien qu'aucune nouvelle ouverture de crédits ne soit demandée dans le projet de loi de finances initial.


* 110 Le Gouvernement a annoncé, le 15 mai 2020, le remboursement tous les trimestres, et non tous les semestres comme auparavant, de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) acquittée par les transporteurs routiers sur leurs consommations de gazole.

* 111 Lois de finances du 23 mars , du 25 avril et du 30 juillet 2020 rectificatives pour 2020.

* 112 Données Chorus, restitutions Parlement.

* 113 Comité de suivi de la mise en oeuvre et d'évaluation des mesures de soutien financier aux entreprises confrontées à l'épidémie de Covid 19, tableau de bord au 15 octobre 2020.

* 114 Projet annuel de performances de la mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire » et jaune budgétaire « Bilan des relations financières entre l'État et la protection sociale »

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