B. UNE INTERROGATION PERSISTANTE SUR LES RÈGLES RÉGISSANT LES AVANCES

L'article 24 de la loi organique relative aux lois de finances définit les règles applicables aux avances. Ainsi, une avance doit être accordée pour une durée déterminée et doit être assortie d'un taux ne pouvant être inférieur aux obligations du Trésor à même échéance 51 ( * ) . Seul un décret en Conseil d'État peut permettre de déroger à ces obligations.

Les principaux indicateurs inscrits dans le projet annuel de performance du CCF ont trait aux deux conditions encadrant l'utilisation des avances : le respect de la neutralité budgétaire pour l'État et le respect de la durée initiale des avances . En effet, si ce dernier critère n'était pas respecté, l'avance se transformerait de facto en prêt, voire en subvention. Le rapporteur spécial relève que ces deux indicateurs ne devraient pas être strictement respectés en 2020, ni même en 2021 .

S'ils ne sont pas toutes comptabilisés dans les indicateurs de performance, le rapporteur spécial relève d'ailleurs que plusieurs ajustements ont pu être portés aux durées de remboursement des avances, comme l'illustre le tableau ci-dessous où figurent en rouge les organismes concernés.

Montant résiduel des avances sur le compte de concours financiers et date prévisionnelle de remboursement

(en millions d'euros)

Programme

Organisme bénéficiaire

Montant résiduel en capital à rembourser au 31/12/2019

Date prévisionnelle de remboursement

Intérêts dus en 2020

Total des intérêts dus

823

Fonds national pour la société numérique

850

4 septembre 2020 (discussions en cours pour redéfinir les modalités de remboursement)

0

0

823

Cité de la Musique

27,4

15 décembre 2026 (après rééchelonnement)

0,28

0,28

823

Agence pour l'enseignement français à l'étranger

32,0

23 novembre 2029

0,28

1,21

823

Chambre de commerce et d'industrie de Guyane

3,8

23 décembre 2030

0,1

0,56

823

France Agrimer

140,3

31 décembre 2021

0

1,81

823

FAFCEA et CMA France

45,0

31 décembre 2020

0,04

0,04

823

Institut Mines Télécom

34,7

31 décembre 2019 (reporté au 31 décembre 2020)

0,05

0,05

824

Budget annexe du contrôle et exploitation aériens

667,4

11 novembre 2030

10,96

42,73

Total

1 800,6

47,35

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

Le rapporteur spécial s'est enquis de ces reports :

- pour le Fonds pour la société numérique, les discussions sont encore en cours pour redéfinir les modalités de remboursement ;

- pour la Cité de la Musique, un décret a été adopté en Conseil des ministres, conformément à la procédure prévue pour appliquer un taux dérogatoire à une avance. Une décision de rééchelonnement a par ailleurs été publiée au Journal officiel, mais ne vaut que pour l'avenir ;

- pour l'Institut Mines Télécom, l'administration a indiqué que cela avait été décalé de plusieurs mois car la vente dont le produit devait assurer le remboursement de l'avance avait été reportée du mois de décembre 2019 au mois de septembre 2020. L'avance est maintenant remboursée.

Autrement que sur leur remboursement, les règles des avances sont également adaptées aux caractéristiques des organismes bénéficiaires, que ce soit en termes de fréquence ou de taux .

Le premier exemple provient des organismes qui bénéficient d'une avance quasiment chaque année , justifié par le fait que ces avances sont destinées à financer des projets différents. En dehors de l'ASP, dont le cas est particulier puisqu'il doit assurer le versement des aides de la PAC aux bénéficiaires avant le déblocage des fonds européens, deux organismes ont bénéficié d'avances plus de trois fois ces dernières années :

- l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger : sept avances lui ont été accordées entre 2012 et 2019, et une nouvelle lui a été ouverte en 2020. Il faut néanmoins bien faire la différence entre les avances octroyées pour couvrir des besoins de trésorerie (telle celle de 50 millions d'euros ouverte à l'AEFE dans la troisième loi de finances rectificative pour 2020 pour lui permettre de répondre à la crise), de celles qui visent à financer des projets de plus long terme, notamment immobiliers. En tant qu'organisme divers de l'administration centrale 52 ( * ) , l'AEFE ne peut en effet pas emprunter pour une durée supérieure à un an et elle a donc besoin de recourir aux avances pour financer de tels projets ;

- France Agrimer , avec quatre avances depuis 2016.

Un second exemple provient du programme 826. Si le rapporteur spécial n'en conteste pas le bien-fondé, il remarque simplement que ces avances sont octroyées pour une durée de dix ans . Certes, dans le respect de la lettre de l'article 24 de la LOLF, ces avances sont octroyées pour une durée déterminée, mais on s'éloigne un peu plus de l'esprit de ce dispositif, supposé ne servir que de relais de trésorerie temporaire pour les organismes bénéficiaires . Cet écart peut toutefois se justifier au regard de la sévérité de la crise qui a frappé le secteur.

Ainsi, dans les documents budgétaires, la direction générale du Trésor reconnait elle-même que cette durée est exceptionnelle et la justifie par la reprise progressive du trafic aérien. Cet étalement du remboursement devrait toutefois permettre aux gestionnaires d'aéroport de lisser dans le temps les pertes constatées au titre de la taxe d'aéroport , étant entendu qu'il n'y aura pas de « rattrapage » sur les recettes non perçues.

Enfin, certains organismes bénéficient d'une prime de risque nulle . En 2020, ce fut le cas pour l'ASP et le BACEA 53 ( * ) . Selon les réponses transmises au rapporteur spécial, deux critères peuvent conduire à l'absence de prime de risque : l'absence d'incidents de paiement pour les organismes ayant déjà bénéficié d'avances et le caractère certain des ressources permettant de rembourser les avances . Il s'agit par exemple des subventions au titre de la PAC pour l'ASP ; des frais de scolarité pour l'AEFE (prime de risque nulle en 2019) ; des redevances aéronautiques pour le BACEA ; ou encore d'un produit déjà identifié, telle une vente immobilière (Institut Mines Télécom) ou des versements de l'État.


* 51 Le contexte des taux d'intérêts négatifs a conduit l'Agence France Trésor à appliquer un taux plancher de 0 % assorti d'une prime reflétant la différence de qualité entre la signature de l'État et du bénéficiaire. Deux raisons justifient ce choix : (1) ne pas faire peser une charge budgétaire supplémentaire pour l'État ; (2) ne pas déresponsabiliser les tiers bénéficiant d'une avance.

* 52 Article 12 de la loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014.

* 53 C'est pour l'instant moins qu'en 2019, où quatre organismes avaient bénéficié d'une prime de risque nulle : l'Agence de services et de paiement, l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, l'Institut Mines Télécom et le Fonds d'assurance formation des chefs d'entreprises artisanales et CMA France.

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