SECONDE PARTIE
ANALYSE PAR PROGRAMME

I. LE PROGRAMME 303 « IMMIGRATION ET ASILE » : UNE AUGMENTATION DES DÉPENSES D'ASILE DANS UN CONTEXTE DE FORTE INCERTITUDE

A. UNE AUGMENTATION DES DÉPENSES LIÉES À L'ALLOCATION POUR DEMANDEUR D'ASILE EN CONSÉQUENCE DE L'AUGMENTATION DES DÉLAIS D'EXAMEN

1. Une aide financière allouée aux demandeurs d'asile

Créée par la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile 11 ( * ) , l'allocation pour demandeur d'asile (ADA) est versée aux demandeurs d'asile pendant toute la durée de la procédure d'instruction de leur demande , y compris en cas de recours devant la Cour nationale du droit d'asile (Cnda). Cette allocation est familialisée et versée à l'ensemble des demandeurs d'asile dès lors qu'ils ont accepté l'offre de prise en charge qui leur a été présentée lors de leur admission au séjour . Les demandeurs d'asile relevant des dispositions du règlement Dublin peuvent également percevoir l'ADA jusqu'à leur transfert effectif vers l'État membre responsable de l'examen de leur demande. La gestion de l'ADA est assurée par l'Ofii.

Son montant est de 6,8 euros par jour pour une personne seule. Il augmente de 3,4 euros par membre de la famille supplémentaire. Le montant supplémentaire si aucune place d'hébergement n'a été proposée au demandeur est de 7,4 euros. Ainsi, le montant mensuel pouvant être versé à un demandeur d'asile seul, s'il ne s'est pas vu proposer de place d'hébergement, est de 426 euros mensuel. Il varie en fonction de la composition familiale, des ressources de la famille et du besoin et des modalités d'hébergement.

Montants journaliers de l'ADA, en fonction de la composition familiale
et du département d'enregistrement de la demande

Composition familiale

Métropole

Guyane/Saint-Martin

1 personne

6,80 €

3,80 €

2 personnes

10,20 €

7,20 €

3 personnes

13,60 €

10,60 €

4 personnes

17,00 €

14,00 €

5 personnes

20,40 €

17,40 €

6 personnes

23,80 €

20,80 €

7 personnes

27,20 €

23,20 €

8 personnes

30,60 €

27,60 €

9 personnes

34,00 €

30,00 €

10 personnes

37,40 €

34,40 €

Source : commission des finances, d'après l'Ofii

2. Une stabilisation du nombre de demandeurs d'asile sous l'effet de la crise sanitaire

La crise sanitaire liée à la Covid-19 a entrainé une forte diminution du flux de nouvelles demandes d'asile. Le nombre de premières demandes de majeurs atteignait 111 183 en 2018 et 116 520 en 2019. Il est en net recul pour les 7 premiers mois de 2020, avec un total de 37 203 nouvelles demandes, qui représente donc 30 % du niveau de 2019. À titre d'illustration, le nombre de demandes enregistrées en mai 2020 représentait 25 % du niveau de janvier 2020.

L'évolution du flux entrant de demandes d'asiles pour la seconde partie de 2020 est encore incertaine et très dépendante de la situation sanitaire. Il convient cependant d'anticiper un rattrapage du niveau d'avant-crise à la faveur de la levée des restrictions sanitaires.

Les mesures de confinement et de restriction sanitaire ont fortement dégradé l'activité de l'Ofpra et de la CNDA , ainsi que leur capacité de traitement des demandes d'asiles. La prévision pour le nombre de décisions rendues par l'Ofpra en 2020 s'établissait à 163 000 dans le PAP 2020. Elle a été révisée à 101 600 dans les documents annexés au PLF 2021, soit une diminution de près de 40 % de l'activité de traitement de l'Ofpra.

Les délais moyens de traitement des demandes d'asile sont considérablement allongés. À l'Ofpra ils ont presque été multipliés par deux, d'une prévision initiale de 150 jours de délais moyens dans le budget 2020 à près de 275 jours dans le PAP annexé au PLF 2021. À la CNDA, le délai moyen de jugement d'une affaire en procédure ordinaire est passé d'une prévision initiale de 5 mois, à près de 12 mois.

En conséquence le nombre de bénéficiaires de l'ADA se maintient autour de 150 000 individus sur le premier semestre 2020. Le montant mensuel moyen versé durant cette période se maintient également au niveau de 2019, soit près de 42 millions d'euros.

Situation de l'allocation pour demandeurs d'asile au 30 juin 2020

De janvier à juin 2020

Montant moyen (par mois, en euros)

41 982 559 €

Nombre moyen de ménages chaque mois

107 329

Nombre moyen d'individus chaque mois

150 580

Dépenses cumulées depuis
le 1er janvier (en euros)

251 895 356

Source : commission des finances, d'après l'Ofii (juillet 2020)

3. Des dépenses en hausse

La dotation budgétaire prévue en 2021 pour l'allocation pour demandeur d'asile (ADA) s'élève à 452,1 millions d'euros. Elle est donc en augmentation de près de 2,6 % par rapport à 2020.

La dotation inscrite au projet de loi de finances a été construite sur une hypothèse d'une reprise de la demande d'asile en 2021 et d'un niveau de demandes similaire au niveau observé en 2019. En conséquence, le nombre prévisionnel de demandes d'asile pour 2021 ayant servi à l'élaboration du PLF s'élève, mineurs inclus, à 132 800 demandes introduites à l'OFPRA.

Cette prévision de dépense s'inscrit dans un contexte de grande incertitude quant à la dynamique des flux migratoires et de la demande d'asile, compte tenu de l'incapacité à prévoir l'évolution de la situation sanitaire et des mesures de restriction sociales.

Elle repose sur des projections de demande d'asile qui tiennent compte de l'effet contrasté de la crise sanitaire. D'une part, en anticipant une diminution du flux entrant de demande d'asile. D'autre part, en tenant compte du ralentissement du traitement des demandes d'asile et de l'allongement de la durée de prise en charge.

4. Une sous-budgétisation chronique des dépenses d'asile

Les dépenses d'asile, et par extension la mission « Immigration, asile et intégration », font l'objet depuis plusieurs années d'une sous budgétisation persistante . Elle se concentre sur le Programme 303 « Immigration et asile », qui rassemble les principales interventions de guichet relatives à l'asile (logement et allocation). Son financement a entrainé un dépassement systématique en cours d'exercice des crédits initialement ouverts.

Le dépassement des crédits initiaux s'accélère tendanciellement depuis la fin des années 2000. Il est toujours supérieur à 100 millions d'euros depuis 2016. Ainsi, les ouvertures de crédits pour faire face à l'augmentation de la demande d'asile ont été de 188 millions d'euros en 2016, 367 millions d'euros en 2017, 103 millions d'euros en 2018 et 151,8 millions d'euros en 2019.

Ouvertures de crédits supplémentaires en cours de gestion
sur le programme « Immigration et asile »
afin de faire face à l'augmentation de la demande d'asile

(en millions d'euros et en nombre de demandeurs)

* Prévision.

Source : commission des finances, d'après les données transmises par le ministère de l'intérieur


* 11 Loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile.

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