B. UNE POLITIQUE CONTRACTUELLE DE L'ÉTAT DANS LES TERRITOIRES EN MANQUE DE LISIBILITÉ ET DE COHÉRENCE

1. Des crédits dédiés à la contractualisation entre l'État et les territoires dispersés dans plusieurs missions

Les crédits finançant les engagements contractuels de l'État auprès des collectivités territoriales ont longtemps été portés essentiellement par le programme 112, ce qui garantissait la cohérence et l'articulation des financements.

Toutefois, la loi de finances pour 2018 2 ( * ) a acté l'arrêt du financement de nouveaux engagements concernant les contrats de ruralité et des pactes État-métropoles sur le programme 112, transféré vers le programme 119 « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements » de la mission « Relations avec les collectivités territoriales (RCT) ».

La mission « Cohésion des territoires » continue cependant à assurer le financement de dispositifs contractualisés similaires aux contrats de ruralité, notamment les CPER dans le programme 112 et les contrats de ville dans le programme 147. Par ailleurs, les dans les contrats de ruralité sont pilotés par l'ANCT.

Dans un souci de lisibilité et de cohérence, l'ensemble des contrats entre l'État et les territoires gagneraient à être rassemblés dans la mission « Cohésion des territoires » , afin d'éviter une dispersion des crédits, parfois au risque de leur dilution dans des enveloppes concernant d'autres enjeux nationaux.

Ce transfert explique également une partie de la baisse des crédits du programme 112 , dans la mesure où, en ce qui concerne les contrats de ruralité, le programme 112 verra son besoin en crédits de paiement diminuer proportionnellement à la réduction de la dette relative à ces dispositifs. Le pic de consommation pour la couverture des engagements conclus en 2017 a ainsi été atteint au cours des exercices 2018 et 2019. L'enveloppe de CP nécessaire diminue progressivement et s'élève à 10 millions d'euros en 2010, soit une baisse de 62 % par rapport à l'année précédente .

Le rapporteur spécial se félicite toutefois de la reconduction du dispositif des contrats de ruralité par le Gouvernement au travers des contrats de relance et de transition écologique qui devraient être mis en oeuvre rapidement, conformément à ses recommandations énoncées dans son rapport de juillet 2019 3 ( * ) . Il souligne toutefois que le nom de contrats de ruralité et de transition écologique serait plus adapté en ce qu'il soulignerait l'attention portée aux territoires ruraux. Par ailleurs, il considère que ces contrats devraient bénéficier de crédits dédiés, sur le modèle des CPER et des contrats de ville.

Le contrat : un outil d'avenir pour relever le défi du développement rural - conclusions du rapport du 17 juillet 2019 de M. Bernard Delcros
au nom de la commission des finances

Mis en place en 2017, les contrats de ruralité s'inspirent des contrats territoriaux de développement rural proposés en 2015 par le Sénat. Ce nouvel outil contractuel entre l'État et les collectivités territoriales vise à accompagner les projets de développement des territoires ruraux, en fédérant les partenaires autour d'un programme d'actions pluriannuel et en apportant un soutien de l'État aux projets d'investissements des collectivités rurales.

Compte tenu du bilan positif des contrats de ruralité , qui ont facilité l'élaboration d'une stratégie de territoire et l'accès aux crédits nécessaires pour finaliser les plans de financement de projets, le rapporteur proposait de reconduire le dispositif des contrats de ruralité pour une deuxième génération à compter de 2020, pilotés par l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT).

Afin de garantir un suivi de la mise en oeuvre des contrats et de procéder à leur évaluation régulière, il préconisait de désigner un chef de projet dédié au suivi du contrat dans la durée et d'instaurer une clause de revoyure à mi-parcours.

Concernant plus particulièrement les modalités de financement de ces contrats, le rapporteur spécial avait constaté que la dilution du financement des contrats au sein de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) manque de cohérence et que l'absence de financement dédié aux contrats pourrait engendrer un recul de la ruralité dans le champ des priorités nationales. Le rapporteur recommandait de revenir à une enveloppe de crédits dédiée , et d'assurer la visibilité des engagements de l'État sur la durée des contrats.

Il recommandait enfin de nouveaux critères d'attribution des crédits de l'État dédiés aux contrats par territoire , fondés sur leur fragilité, afin de garantir une meilleure efficacité des contrats et la transparence des modalités d'attribution des crédits.

Ce constat de dispersion de la politique contractuelle de l'État avec les collectivités territoriales est encore accentué par l'abondement des crédits CPER dans la mission « Plan de relance ».

2. Des crédits CPER partagés entre le programme 112 et la mission « Plan de relance »

Le programme 112 porte les crédits de trois générations de CPER , dont deux, les CPER 2007-2014 et ceux 2015-2020, sont clôturés et ne portent donc plus d'AE.

Ventilation des crédits accordés aux différentes générations de CPER
dans le programme 112

Dispositifs

2017

2018

2019

2020

2021

Prévision LFI

Réalisation

Prévision LFI

Réalisation

Prévision LFI

Réalisation

Prévision LFI

PLF

Contrats de plan État-Région 2007-2014

AE

CP

31

26,4

15

11,5

7,4

6

3,5

3,6

Contrats de plan État Région 2015-2020

AE

127

90

121

121

123

115,5

119

CP

69,7

70

87

97

103

102

103,4

89

Contrats de plan État Région 2021-2027

AE

70

CP

9,5

Total CPER

AE

127

90

121

121

123

115,5

119

70

CP

100,7

96,4

102

108,5

110,4

108

106,9

102

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire

a) Les CPER 2015-2020 ne comportent plus de nouveaux engagements

La baisse des AE constatées pour le programme 112 résulte également de l'aboutissement de la dernière génération des CPER .

La génération de CPER 2015-2020 n'appelle en effet plus de nouveaux engagements à compter de l'année 2021. Les crédits du programme ne concernent donc que les crédits de paiement permettant de couvrir les engagements contractés jusqu'en 2020.

L'exécution des CPER 2015-2020 a été fortement impactée en 2020 par deux évolutions majeures. D'une part, les CPER ultramarins ont été clôturés plus tôt que prévus et remplacés par les contrats de convergence et de transformation (CCT) 2019-2022 4 ( * ) , faisant l'objet d'un suivi distinct réalisé par le ministère des Outre-mer. D'autre part, le volet « mobilité multimodale » des CPER 2015-2020 a été prolongé jusqu'en 2022 , et les crédits CPER seront transférés au plan de relance.

L'État a contractualisé 12,6 milliards d'euros dans les CPER 2015-2020 . Le taux d'engagement des autorisations d'engagement (AE) à fin 2019 est de 61 %, soit 7,7 milliards d'euros d'AE. Le taux de paiement des crédits de paiement (CP) est de 34 %, soit 4,3 milliards d'euros versés . Le taux de couverture des AE par des CP est de 55 % à fin 2019.

Le taux prévisionnel d'engagement des AE à fin 2020 est de 75 % , soit 9,4 milliards d'euros, le rythme de consommation s'accélérant à la fin des contrats.

Exécution des CPER 2015-2020 au 31/12/2019

(en millions d'euros)

Volets du CPER

Montants contractualisés révisés

AE 2015 - 2019

Pourcentage d'exécution 2015 - début 2020

Mobilité multimodale

7,252

3,787

52 %

Transition écologique et énergétique

2,627

1,973

75 %

Enseignement supérieur, recherche

1,456

1,115

77 %

Territorial

0,894

0,578

65 %

Culture

0,247

0,184

75 %

Emploi

0,196

0,152

78 %

Total général

12,676

7,791

61 %

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Les taux d'exécution à fin 2019 des volets transition écologique et énergétique, enseignement supérieur, recherche et innovation, culture et emploi sont satisfaisants et devraient être supérieurs à 90 % fin 2020. Selon les informations fournies au rapporteur spécial, les projets qui n'auront pas pu être financés dans le cadre du CPER 2015-2020 et qui sont prêts à démarrer ont vocation à être financés dans le cadre du plan de relance .

Le bilan est plus mitigé concernant la trajectoire du volet mobilité multimodale. Celle-ci est stable avec un taux d'exécution de 52 % à fin 2019. Les AE sont en hausse en 2020 avec 833 millions d'euros contre 752 millions d'euros en moyenne sur la période 2015 - 2019. Pour cette raison, le rapporteur spécial est favorable au report de ces crédits .

Concernant l'exécution géographique des CPER 2015-2020, ceux des régions Auvergne - Rhône - Alpes (65 %) et Île-de-France (70 %) ont des taux d'exécution supérieurs à la moyenne nationale (61 %). A l'inverse, la Normandie (52 %) et Centre-Val de Loire (51 %) ont des taux d'exécution inférieurs à la moyenne nationale, essentiellement en raison des retards liés au volet mobilité multimodale.

Si l'on met de côté celui-ci, l'ensemble des régions devraient atteindre un taux d'exécution égal ou supérieur à 90 % à fin 2020 sur les différents volets du CPER 2015 - 2020.

b) Les crédits CPER figurent en partie sur la mission « Plan de relance », mais devraient vraisemblablement être gérés par le gestionnaire du programme 112

La baisse des crédits de la section locale du FNDAT s'explique également par le fait qu'une partie des crédits 2021 pour la nouvelle génération de contrats de plan 2021-2027 sont inscrits au plan de relance et relèvent donc d'une mission budgétaire ad hoc .

Plus précisément, une enveloppe de 155,2 millions d'euros en AE sur deux ans est prévue dans la mission Plan de relance pour les CPER et CPIER 2021-2027, dont 123,2 millions pour les CPER et 32 millions pour les CPIER. Ces montants correspondent à une partie des crédits de la nouvelle génération de CPER 2021-2027. Les crédits du volet « mobilité multimodale » non consommés des CPER 2015-2020 basculeront également vers le plan de relance .

Les crédits affectés aux CPER, toutes générations confondues, représenteront en 2021 38 % en AE et 44 % en CP des crédits du programme 112. En rassemblant les montants figurant dans le programme 112 et dans le plan de relance, on constate une hausse de 120 % des crédits en AE et de 14 % en CP pour les engagements contractuels de l'État au titre des CPER et CPIER par rapport à 2020.

Évolution des crédits des CPER et CPIER en PLF 2021

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Un montant de 66,8 millions d'euros en AE est envisagé pour l'engagement des premiers projets des contrats de plan régionaux et interrégionaux et de 9 millions d'euros en CP pour couvrir les premiers mandatements des CPER en 2021.

Les crédits accordés au plan de relance comprennent d'une part des crédits transférés du programme 112 et d'autre part des crédits additionnels afin de répondre à l'élargissement du périmètre des CPER qui implique un abondement de crédits plus importants que les années précédentes.

Le choix de placer une partie des crédits CPER au sein de la mission « plan de relance » peut être discuté et nuit à la lisibilité de la politique contractuelle de l'État. Il semble répondre à un impératif de déploiement plus rapide des CPER en finançant un nombre plus importants de projets au cours des deux premières années d'exécution. Dès lors, le rapporteur spécial veillera à ce que le taux d'exécution des deux prochaines années soit effectivement supérieur au taux moyen sur les précédents CPER, justifiant ainsi le transfert vers le plan de relance.

D'après la direction générale des collectivités locales, ces crédits devraient toutefois être transférés vers le programme 112. En tout état de cause, étant donnée la différence de temporalité entre des contrats de plan s'étalant sur cinq ans et le plan de relance, l'intégralité des crédits devrait revenir au sein du programme 112 en 2023 . Le rapporteur spécial sera attentif sur ce point.

Se pose également la question de l'articulation des CPER et du plan de relance en termes de gouvernance . Tous les projets financés dans le cadre des CPER par les crédits du plan de relance seront sélectionnés par le comité de suivi du contrat de plan , coprésidé par le président de région et le préfet. Les comités de suivi régionaux du plan de relance , bien que rassemblant les mêmes acteurs, ne devraient jouer aucun rôle de programmation.

c) Des négociations tardives pour une prochaine génération de CPER élargie à de nouveaux domaines

Le mandat de discussion des CPER 2021-2027 a été envoyé par le Premier ministre en septembre 2019 aux préfets de région afin d'établir des éléments de diagnostics partagés avec les conseils régionaux et les collectivités territoriales et d'identifier les enjeux et axes prioritaires.

Suite à la crise sanitaire et économique, les diagnostics et les priorités ont été actualisés et le plan de relance a modifié les financements des CPER.

Un nouvel accord de partenariat État - Régions a été signé le 28 septembre 2020 sur les grandes orientations des CPER. Le Premier ministre a adressé en octobre 2020 les nouveaux mandats de négociation aux préfets de région. Celles-ci devraient être conclues en décembre, mais la signature des CPER n'aura pas lieu avant le début 2021 du fait des délais relatifs aux différentes procédures consultatives, impliquant un léger retard dans la mise en place des contrats .

Le contenu et la maquette des CPER seront différents en fonction des enjeux régionaux , ce que le rapporteur spécial considère comme de nature à permettre une meilleure adaptation aux enjeux et aux spécificités locales.

Le périmètre de contractualisation est par ailleurs élargi à de nouveaux volets , en parallèle des thématiques classiques que sont le développement économique, la transition écologique, la recherche ou l'enseignement supérieur, qui seront présentes dans l'ensemble des CPER.

Le sport, la culture et le développement économique devraient désormais être mieux identifiés dans les CPER, notamment pour articuler davantage l'action de l'État et du conseil régional dans ces domaines, en s'appuyant sur l'Agence nationale du Sport ou le PIA 4 régionalisé.

De nouveaux volets intégreront en outre les CPER : la santé, l'agriculture, la mer et le littoral, l'éducation et la jeunesse, l'égalité entre les femmes et les hommes .

Le rapporteur spécial rappelle qu'il avait insisté dans son rapport précédent sur l'impérieuse nécessité pour la nouvelle génération de CPER de comprendre un volet dédié à l'accès au soin afin de coordonner l'action des différents intervenants au niveau régional . Il se réjouit que cette recommandation trouve lieu dans la prochaine génération de CPER, mais déplore que la crise sanitaire ait dû mettre en avant les lacunes dans ce domaine pour qu'il soit intégré aux CPER.

Certaines thématiques des futurs CPER 21-27 sont désormais directement en lien avec les enjeux sanitaires :

- le renforcement de l'accès aux soins : dans le cadre du CPER, l'État et les conseils régionaux vont fortement soutenir les projets territoriaux de santé. La participation active des agences régionales de santé (ARS) aux CPER 2021-2027 et la mobilisation du fonds d'intervention régional (FIR) devraient permettre de garantir la cohérence des projets qui seront soutenus ;

- le volet enseignement supérieur prévoit de mobiliser des crédits importants pour rénover les facultés de médecine et adapter les locaux à la fin du numerus clausus ;

- enfin, une part plus importante des financements sera mobilisée pour la recherche en matière de santé . Le volet recherche du CPER permet également de soutenir des projets de recherche portés par des universités de taille intermédiaire et de proximité.

De même, le rapporteur spécial avait également recommandé que soient intégrées aux CPER les thématiques agricoles , afin d'associer plus étroitement les régions à l'accompagnement de la transition vers un nouveau modèle agricole, ce qui sera désormais le cas.

Du fait du plan de relance, le volet cohésion des territoires est fortement renforcé , notamment via la mobilisation des programmes d'intervention déployés par l'Agence nationale de la cohésion des territoires. Une partie des crédits CPER devrait concerner plus particulièrement la revitalisation des villes moyennes, des petites villes et des zones rurales , un enjeu majeur auquel les différents dispositifs existants, en particulier le programme Action coeur de ville, ne répondent pas.


* 2 Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

* 3 Rapport d'information de M. Bernard Delcros, fait au nom de la commission des finances n° 673 (2018-2019) - 17 juillet 2019.

* 4 En application de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique.

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