N° 204

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2020-2021

Enregistré à la Présidence du Sénat le 9 décembre 2020

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1)
sur le projet de loi
, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture,
relatif à la
restitution de biens culturels à la République du Bénin
et à la République du Sénégal ,

Par Mme Catherine MORIN-DESAILLY,

Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : M. Laurent Lafon , président ; M. Max Brisson, Mmes Laure Darcos, Catherine Dumas, M. Stéphane Piednoir, Mme Sylvie Robert, MM. David Assouline, Julien Bargeton, Pierre Ouzoulias, Bernard Fialaire, Jean-Pierre Decool, Mme Monique de Marco , vice-présidents ; Mme Céline Boulay-Espéronnier, M. Michel Savin, Mmes Marie-Pierre Monier, Sonia de La Provôté , secrétaires ; MM. Maurice Antiste, Jérémy Bacchi, Mmes Annick Billon, Alexandra Borchio Fontimp, Toine Bourrat, Céline Brulin, Nathalie Delattre, M. Thomas Dossus, Mmes Sabine Drexler, Béatrice Gosselin, MM. Jacques Grosperrin, Abdallah Hassani, Jean Hingray, Jean-Raymond Hugonet, Mme Else Joseph, MM. Claude Kern, Michel Laugier, Mme Claudine Lepage, MM. Pierre-Antoine Levi, Jean-Jacques Lozach, Jacques-Bernard Magner, Jean Louis Masson, Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Philippe Nachbar, Olivier Paccaud, François Patriat, Damien Regnard, Bruno Retailleau, Mme Elsa Schalck, M. Lucien Stanzione, Mmes Sabine Van Heghe, Anne Ventalon, M. Cédric Vial .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) :

Première lecture : 3221 , 3387 et T.A. 486

Commission mixte paritaire : 3586

Nouvelle lecture : 3526 , 3631 et T.A. 526

Sénat :

Première lecture : 15, 91, 92 et T.A. 19 (2020-2021)

Commission mixte paritaire : 147 et 148 (2020-2021)

Nouvelle lecture : 196 et 205 (2020-2021)

I. DES DIVERGENCES PROFONDES ENTRE LES DEUX ASSEMBLÉES AUTOUR DE LA PROCÉDURE DE RESTITUTION

A. LA POSITION EXPRIMÉE PAR LE SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE

1. L'autorisation donnée au retour des biens culturels demandés par le Bénin et le Sénégal

Les débats en première lecture ont montré l'attention que prête le Sénat à la circulation des biens culturels et au dialogue des cultures qu'il considère comme devant être les corollaires de la vision universaliste de la culture portée par nos musées et de la reconnaissance législative des droits culturels introduite à son initiative. C'est ce qui l'a conduit à autoriser, le 4 novembre dernier, la sortie des collections nationales des vingt-sept biens culturels dont la République du Bénin et la République du Sénégal sollicitent le retour (articles 1 er et 2).

D'une part, il a reconnu que ces biens revêtaient une portée symbolique du point de vue de l'histoire et de la culture de ces pays.

D'autre part, il a estimé que ce transfert de propriété répondait à des enjeux éthiques et diplomatiques et qu'il pouvait permettre à la France de se réapproprier, avec chacun de ces deux pays, un morceau d'histoire commune, susceptible de servir de base à une coopération culturelle renouvelée. Il a d'ailleurs salué la qualité du projet culturel porté par le Bénin.

2. La nécessité d'un cadre pour les éventuelles restitutions à venir

La Chambre haute a par ailleurs réaffirmé, à l'occasion des discussions en commission comme en séance publique, son profond attachement au principe d'inaliénabilité des collections publiques qui constitue, à ses yeux, la colonne vertébrale des musées français.

Pour le préserver, elle juge essentiel que toute dérogation à ce principe demeure strictement ponctuelle et limitée .

Elle estime également que les réponses formulées par les autorités françaises aux revendications d'États étrangers concernant des biens culturels appartenant aux collections publiques doivent être mieux encadrées , afin de garantir qu'elles soient le fruit d'une décision souveraine de la représentation nationale et ne résultent pas du fait du prince. Elle a notamment regretté que le Gouvernement ait annoncé la restitution des objets revendiqués par le Bénin et le Sénégal, sans que la communauté scientifique n'ait pu faire entendre sa position sur l'opportunité et la pertinence de ces restitutions et avant même que le Parlement, seul habilité à autoriser la sortie de biens des collections, ne se soit prononcé.

Le Sénat a considéré que ce projet de loi constituait un véhicule législatif approprié pour fixer un cadre applicable aux procédures de restitution à venir , dans la mesure où il constitue la première traduction législative du discours du Président de la République, Emmanuel Macron, à Ouagadougou le 28 novembre 2017. Il a inséré un article additionnel (article 3) visant à créer une instance scientifique, dénommée « Conseil national de réflexion sur la circulation et le retour des biens culturels extra-européens », chargée de donner son avis sur les demandes de restitution présentées par des États étrangers avant toute intervention diplomatique ou décision politique.

Cette instance répond à plusieurs objectifs :

- d'une part, permettre à la France d'avoir une démarche plus scientifique sur ces questions en donnant à la communauté scientifique l'opportunité de faire connaître publiquement son avis sur les demandes de restitution reçues et d'éclairer ainsi le Gouvernement et le Parlement dans leur prise de décision ;

- d'autre part, éviter que les décisions en matière de restitution ne fluctuent au gré des alternances politiques en dotant la France d'un outil lui permettant d'engager, dès à présent, une réflexion de fond en matière de gestion éthique des collections, qui permette aux autorités françaises de reprendre la main sur le débat en matière de restitutions.

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